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L’autisme est une vaste thématique recoupant plusieurs dimensions : médicale, éducative, politique, psychologique… et il serait réducteur de penser que cette seule page va pouvoir définir une réalité aussi complexe que l’autisme. L’ensemble du site internet « comprendre l’autisme » répond à cette question : qu’est-ce que l’autisme ?

Nous allons ici essayer de circonscrire le champ de l’autisme selon les thèmes suivants :

1. Un fonctionnement cérébral différent
2. Les causes de l’autisme : facteurs génétiques et environnementaux
3. L’épidémiologie de l’autisme

 

causes de l'autisme

 

1. Un fonctionnement cérébral différent

Les neuro-sciences cognitives ont permis beaucoup d’avancées dans la recherche sur l’autisme ces dernières années. Les neuro-sciences cognitives sont  un ensemble de disciplines qui ont pour objectif d’expliquer le fonctionnement mental par l’intermédiaire de processus et de fonctions. Elles recherchent les mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent la cognition (mémoire, motricité, langage, perception…). On peut notamment citer la neuropsychologie, l’imagerie cérébrale, la psychologie cognitive. Elles utilisent des outils tels que l’IMR, l’électro-encéphalographie ou la magnéto-encéphalographie.

Chez les personnes autistes un certain nombre de fonctions cérébrales diffèrent de celles des personnes non autistes.

Les interactions sociales sont une composante importante de la vie des individus, or chez les personnes autistes elles sont moins nombreuses. Les études ont montré qu’il y avait une moindre attention des personnes autistes envers les actions à caractère social. Les personnes autistes regardent moins les visages et notamment les yeux des personnes. Elles sont moins sensibles à l’impacte des récompenses sociales sur leur comportement (Chevalier, Kohls, Troiani, Brodkin et Schultz,2012). Certaines évitent délibérément le regard ou le toucher.

La motivation et l’attention sociale trouvent leur base dans le circuit neural fronto-striatal ventral (au niveau du strianum, du cortex préfrontal orbitofrontal et de l’amygdale) et son fonctionnement diffère chez les personnes avec TSA.

De récentes études ont également mis en avant le rôle de l’ocytocine dans les circuits de la motivation sociale. Il s’agit d’une hormone créée par l’hypothalamus  et dont le rôle initial est de faciliter la lactation et l’accouchement. Elle est aussi liée à la régulation des émotions et joue un rôle important chez tous les mammifères dans l’attachement entre la mère et l’enfant, ainsi que pour d’autres comportements sociaux. Des études récentes ont observé  le fonctionnement du cerveau lors de l’administration d’une dose unique d’ocytocine : elle produit une augmentation de l’activité de l’amygdale droite et du cortex orbitofrontal. Cela a plusieurs conséquences sur les personnes autistes :

  • une augmentation des interactions sociales
  • une réduction des comportements répétitifs
  • une meilleure compréhension des états mentaux

Les effets sont les mêmes sur des personnes non autistes avec un taux de réponses sociales plus élevé (environ 70 % pour les personnes non autistes et 50 % pour les personnes avec TSA).

Le cerveau des personnes autistes diffère de celui des personnes non autistes sur plusieurs points :

  • aires frontales plus volumineuses
  • neurones des aires limbiques plus petits et plus nombreux
  • développement différent du cervelet (au niveau du vermis)
  • taux élevé de neurotrophine dès les premiers jours de vie

Le développement récent de l’IRM  a permis de montrer que chez beaucoup d’enfants autistes, le substance blanche connait un développement plus important durant les deux premières années de la vie. Concrètement cela signifie que les enfants autistes ont  plus de connexions entre les neurones car celles qui devraient disparaitre  dans le développement normal, persistent. Il y a également des différences dans l’organisation des faisceaux des fibres de la substance blanche.

En 2013, le professeur Ben Ari a montrer que l’évolution des récepteurs synaptiques pouvait être arrêtée si le neurone n’atteint pas l’endroit qui lui est alloué dans l’organisation générale du système nerveux.

2. Les causes de l’autisme : facteurs génétiques et environnementaux

Déterminer les causes de l’autisme est un véritable casse-tête pour les chercheurs du monde entier qui essayent depuis plus de 20 ans de percer ce mystère. Cette difficulté s’explique par le fait que les Troubles du Spectre de l’Autisme sont des syndromes, c’est à dire qu’ils se composent de divers signes/symptômes, mais que leur cause n’est pas unique. Il existe aujourd’hui un consensus sur le fait que les causes de l’autisme sont dues d’une part à des facteurs environnementaux, d’autre part à des facteurs génétiques, voir à un mélange de ces deux facteurs.

Il y a une diversité de tentative d’explication des causes de l’autisme dans la littérature scientifique, certaines ont été validés, d’autres sont prometteuses et attendent confirmation.

 

Les facteurs environnementaux de l’autisme

Les facteurs environnementaux des causes de l’autisme concernent notamment les conditions d’accouchement ainsi que les maladies, les substances psychoactives (alcool, médicaments…) ou encore les produits présents dans l’environnement de la mère au moment de la grossesse.

Dans certains cas d’autisme, il semblerait que cela soit le système nerveux qui soit impliqué. Des recherches sont menées en ce sens dès les années 1960 et ont mis en cause la phénylcétonurie (trouble métabolique d’origine alimentaire) qui peut provoquer un trouble autistique. De nombreuses études ont établi un lien entre les mères qui avaient eu la rubéole durant leur grossesse et le fait qu’elles aient des enfants autistes.

Les femmes ayant consommé de l’alcool au delà d’une certaine limite durant leur grossesse, l’exposition avant la naissance à certains polluants (particules fines, oxyde d’azote), ou le fait pour le nourrisson  de développer une forte jaunisse, sont autant de facteurs environnementaux qui augmentent le risque d’apparition de l’autisme chez le nouveau-né.

D’autres facteurs entre en considération, comme l’élévation de l’âge de la mère, ou les complications obstétricales et périnatales. Même s’il est difficile d’établir clairement un lien entre ces complications et l’apparition de l’autisme, il semblerait que cela puisse s’expliquer par le fait que ces facteurs seraient à l’origine de lésions cérébrales. Cette hypothèse n’a pas pu être encore clairement démontrée jusqu’à présent mais des études sont en cours. Il a également été prouvé que les grands-prématurés, notamment ceux qui ont une hémorragie du cervelet ont des chances accrues de développer un TSA.

 

Les facteurs génétiques de l’autisme

Au vu des nombreuses études menées ces dernières années, le facteur génétique ne peut plus être écarté en matière d’explication des causes de l’autisme. Le risque d’avoir un enfant autiste dans une famille ou un descendant ou un un membre de la fratrie est concerné est 25 fois supérieur que dans une famille prise au hasard. L’analyse des cas de jumeaux montre qu’il y a 80 à 90 % de chance que les deux enfants soient autistes dans le cas de jumeaux monozygotes (vrais jumeaux) pour 5 à 15 % dans le cas de jumeaux dizygotes (faux jumeaux). Or on sait que les vrais jumeaux partagent un génome identique.

Il est maintenant confirmé que le chromosome X serait porteur de « gènes d’autisme » eu égard à la proportion de garçon observée en matière d’épidémiologie. D’autres études (Perche 2010) ont montré un lien entre les gènes impliqués dans l’autisme et ceux impliqués dans la déficience intellectuelle. Un gène d’abord identifié comme étant spécifique à l’autisme a été retrouvé chez des personnes présentant une déficience intellectuelle sans autisme associé. Un même gène pourrait donc muter soit pour provoquer un TSA, soit une déficience intellectuelle.

Il existe un risque accru d’autisme pour les personnes ayant une trisomie 21, un syndrome d’X fragile, une sclérose tubéreuse de Bourneville, le syndrome de Williams, de Pradder-Willy, d’Angelman. Globalement les syndromes génétiques et les anomalies métaboliques augmentent les chances d’avoir en plus une forme d’autisme.

Il n’y a donc pas un gène, mais plusieurs gènes impliqués dans la construction des TSA et de nombreuses études sont encore en cours pour les identifier.

 

Toutes ces analyses sur les causes de l’autisme provenant de différentes disciplines : neurologie, neuro-psychologie ou génétique tendent à faire disparaitre complètement l’implication de causes familiales telles que véhiculées par le courant psychanalytique. Il est aujourd’hui prouvé que les causes de l’autisme de sont pas liées à des méthodes éducatives supposées inadéquates mises en place par les parents, ni par un traumatisme psychologique. Cependant, les parents portent souvent le poids d’un diagnostic d’autisme comme si celui-ci était de leur responsabilité.

3. L’épidémiologie de l’autisme

L’épidémiologie de l’autisme a beaucoup évoluer ces dernières années avec en apparence une augmentation du nombre de personnes concernées. La question a été posée de savoir s’il y avait une épidémie d’autisme ? Nous allons reprendre les éléments issus de différentes études en nous appuyant sur les ouvrages cités dans les sources de cet article.

 

Épidémiologie de l’autisme : les taux de prévalence

Différentes études qui rendent compte de l’épidémiologie de l’autisme donnent des taux de prévalence différent :

  • Treffert, 1970 : 0.7 pour 10 000
  • Tanoue, 1988 : 13.9 pour 10 000
  • Fombonne 1995 : 5 pour 10 000

C’est généralement cette dernière étude qui est retenue pour définir l’épidémiologie de l’autisme chez l’enfant.

La variation de ces chiffres s’explique par les critères retenus pour qualifier les personnes autistes : est-ce ceux de la CIM-10, du DSM 5 ? Est-ce que ce sont des critères partiels de l’autisme (par exemple seuls deux points de la triade sont retenus) ? Elle s’explique encore par l’âge des individus intégrés à l’étude, en effet le nombre chute avec les très jeunes enfants car il y a peu d’outils diagnostics fiables avant l’âge de deux ans.

Les études récentes montrent une augmentation du nombre de cas d’autisme : sur onze études réalisées depuis 1989, un taux moyen de 7.2 pour 10 000 est trouvé.

Aujourd’hui les études sur l’épidémiologie de l’autisme montrent plutôt une prévalence de 10 pour 10 000.

Plusieurs explications sont avancées pour expliquer cette augmentation du nombre de personnes autistes, sans qu’aucune n’est pu être clairement déterminée :

  • Les outils de diagnostic sont plus appropriés et permettent une analyse plus fine des comportements
  • Les critères de diagnostics ont évolué et englobent désormais des personnes qui auraient auparavant reçu un diagnostic psychiatrique différent. Dans les années 1960 et 1970 l’autisme était considéré comme une forme extrême de désordre du langage (Patricia Howlin 2008). Même encore aujourd’hui, les personnes autistes sans déficience intellectuelle peuvent être diagnostiquées à tort comme présentant des troubles bipolaires ou schizophrènes.
  • Les facteurs environnementaux (génétiques, immunologiques…) peuvent aussi être à l’origine de l’augmentation du nombre de personnes autistes

Voici quelques données sur l’épidémiologie de l’autisme et plus particulièrement sur certaines formes d’autismes  inclus dans les Troubles Envahissants du Développement :

  • Le syndrome de Rett est rare avec une prévalence allant de 1 pour 15 000 (Hagberg 1985) à 1 pour 12 000/13 000 ( (Kerr et Stephenson 1986) pour les études européennes. Plus récemment aux Etats-Unis, une étude de Kozinetz réalisée en 1993 tend à montrer que le syndrome a été surévalué puisque ces résultats aboutissent à un taux de 1 pour 22 800. Le syndrome de Rett touche principalement les filles.
  • Le trouble désintégratif de l’enfance est peu étudié et il existe un manque de données concernant ce trouble. On peut néanmoins citer une étude Burd réalisée en 1989 qui évoque une prévalence de 1 pour 100 000. Les garçons sont plus souvent atteint que les filles.
  • La prévalence du syndrome d’Asperger varie selon les critères de diagnostics retenus. Si se réfère aux critères de la CIM-10, le taux varie de 0.3 à 8.4 pour 10 000, si l’on se réfère aux critères de Gillberg et Gillberg (1989) l’épidémiologie de l’autisme serait comprise entre 36 et 48 pour 10 000.

 

Caractérisation de la population des personnes autistes

Si l’on s’intéresse au sex-ratio, les études montrent une prévalence importante du nombre de garçon par rapport aux filles : de 4 à 5 garçons pour une fille dans le DSM 4 et 3 à 4 garçons pour une fille dans la CIM-10. Une étude de 2005 de Fombonne fait état de 4 garçons pour une fille.

Le sex ration varie peu en cas de déficience intellectuelle moyenne ou profonde, par contre il y a beaucoup plus de garçon chez les personnes autistes sans déficience (5.5 pour 1 à 6.7 pour 1). Les récents témoignages de femmes autistes sans déficience intellectuelle interrogent les chercheurs car chez elles l’expression de l’autisme est plus discrète, elles ont su masquer leurs difficultés et peuvent passer presque inaperçue en société.

C’est le cas Liane Hollyday Willey (Pretending to be normal 1999, Safety skills for Asperger women 2011) ou Rudy Simon (Aspergirls empowering women with asperger symdrome 2010) aux Etats-Unis. En France des témoignages commencent a être publiés comme ceux de Julie Dachez (La différence invisible 2017), de Alexandra Reynaud (Asperger et fier de l’être) ou le blog d’Aspipistrelle. La question peut se poser de savoir s’il y a vraiment une différence aussi importante entre homme et femme ou si les femmes ont été jusque là sous diagnostiquées.

Classiquement la déficience intellectuelle est fortement associée à l’autisme avec seulement 25 % des personnes autistes ayant un QI égal ou supérieur à 70. Une étude de Fombonne (2005) détermine que la proportion de personnes autistes avec déficience intellectuelle est de 70 %. Cette proportion baisse si l’on inclue les personnes issues du spectre élargi (syndrome d’Asperger et TED Non Spécifiés). Le profil cognitif des personnes autistes est abordé plus en détail à le fin de cette page.

 

Au travers de ces trois dimensions que sont : le fonctionnement cérébral, les causes et l’épidémiologie de l’autisme, nous avons essayé de rendre compte de cette réalité qu’est l’autisme en prenant en compte les éléments récents en matière de recherche scientifique dans ce domaine.

Cependant au delà de tous ces chiffres et des statistiques, les autistes sont avant tout des personnes à part entière dont la réalité est de vivre dans un monde complexe dont ils n’ont pas toujours le mode d’emploi ni les codes.

Comme le disait Hans Asperger en 1938 :

 

Not everything that steps out of line, and thus ‘abnormal’, must necessarily be inferior

 

Traduction libre : Tout ce qui sort de la ligne, et donc « anormal », ne doit pas nécessairement être considéré comme « inférieur »

 


Sources :

A la découverte de l’autisme, ouvrage collectif sous la direction de Dominique Yvon, Dunod, 2014

Autisme comprendre et agir, Bernadette Rogé, 2008, Dunod

The complete guide to Asperger syndrome , Tony Atwood, 2007, Jessica Kingsley Publishers