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Le DSM 5 est publié en mai 2013, il a donc été réactualisé récemment par l’American Psychiatric Association (APA) ou association américaine de psychiatrie, la version 4 datait de 2000. La version 5 du DSM a fait naitre une controverse importante au sein de la communauté de scientifiques et de professionnels s’intéressant à la thématique de l’autisme car elle abandonne les anciennes sous catégories, au profit d’un unique spectre avec une qualification de l’intensité des troubles . Le syndrome d’Asperger disparait, ce qui a entrainé de vives critiques de la part de cette communauté (dont l’identité trouvait sa source dans l’ancienne catégorisation), mais aussi de la part des psychiatres et psychologues spécialisés.

Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders cinquième édition (DSM-5) ne parle plus de triade autistique mais de dyade autistique et abandonne la dénomination en vigueur dans le DSM-4 et la CIM-10, les Troubles Envahissants du Développement (TED) disparaissent au profit des Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA).

Dans le DSM-5 les TSA regroupent l’ensemble des diagnostics précédents suivants : les troubles autistiques, le syndrome d’Asperger, les troubles désintégratifs de l’enfance et les troubles envahissants du développement non spécifiés ou autre TES. Le syndrome de Rett disparait de cette catégorie.

Les niveaux de sévérité de l’autisme

Le diagnostic précise trois niveaux de sévérité de l’autisme.

Niveau 1 : nécessite un soutien

Communication sociale :

Sans soutien en place, déficits au niveau de la communication sociale provoquant des déficiences notables. Difficulté à initier des interactions sociales, exemples clairs de réponse atypique ou échec aux ouvertures sociales des autres. Semblance d’un intérêt diminué pour les interactions sociales.

Comportements répétitifs et restreints :

Inflexibilité du comportement, interférence significative avec le fonctionnement dans un ou plusieurs contextes. Difficulté de commutation entre les activités. Problèmes d’organisation et de planification entravant l’indépendance.

Niveau 2 : nécessite un soutien important

Communication sociale :

Déficits marqués au niveau des compétences de communication sociale verbales et non verbales. Atteintes sociales apparentes, même avec supports en place. Initiation limitée des interactions sociales, avec réponses réduites ou anormales aux ouvertures sociales des autres.

Comportements répétitifs et restreints :

Inflexibilité du comportement, difficultés à s’adapter au changement. D’autres comportements restreints / répétitifs assez fréquents pour être évidents à l’observateur occasionnel et interférer avec le fonctionnement dans plusieurs contextes. Mise au point ou l’action détresse et / ou des difficultés à changer.

Niveau 3 : nécessite un soutien très important

Communication sociale :

De graves déficits au niveau des compétences de communication sociale verbale et non verbale, provoquant des déficiences graves dans le fonctionnement. Initiation très limitée des interactions sociales et une réponse minimale aux avances sociales des autres.

Comportements répétitifs et restreints :

Manque de souplesse des comportements, difficulté extrême à faire face au changement ou d’autres comportements restreints / répétitifs interférant nettement avec le fonctionnement dans tous les domaines et grande détresse / difficulté à changer d’orientation ou d’action

Les critères de l’autisme

Si dans le DSM-4 et la CIM-10 il était question de triade autistique, le DSM-5 laisse place à une dyade autistique ou les déficits de communication et d’interaction sociale sont regroupés sous une même catégorie. Est également ajoutée la reconnaissance des spécificités sensorielles comme critère diagnostic.


La dyade autistique

La personne doit présenter trois symptômes sur trois dans la catégorie A et deux symptômes sur quatre dans la catégorie pour répondre aux critères de l’autisme.
Le trouble du spectre de l’autisme est classé parmi les troubles neuro-développementaux 299.00 (F84.0) :
A. Déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés :
1. Déficits de la réciprocité sociale ou émotionnelle,
2. Déficits des comportements de communication non verbaux utilisés au cours des interactions sociales,
3. Déficits du développement, du maintien et de la compréhension des relations.
B. Caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités, comme en témoignent au moins deux des éléments suivants soit au cours de la période actuelle soit dans les antécédents :
1. Caractère stéréotypé ou répétitif des mouvements, de l’utilisation des objets ou du langage,
2. Intolérance au changement, adhésion inflexible à des routines ou à des modes comportementaux verbaux ou non verbaux ritualisés,
3. Intérêts extrêmement restreints et fixes, anormaux soit dans leur intensité, soit dans leur but,
4. Hyper ou hyporéactivité aux stimulations sensorielles ou intérêt inhabituel pour les aspects sensoriels de l’environnement.
 
C. Les symptômes doivent être présents dès les étapes précoces du développement (mais ils ne sont pas nécessairement pleinement manifestes avant que les demandes sociales n’excèdent les capacités limitées de la personne, ou ils peuvent être masqués plus tard dans la vie par des stratégies apprises).
 
D. Les symptômes occasionnent un retentissement cliniquement significatif en termes de fonctionnement actuel, social, scolaire (professionnels ou dans d’autres domaines importants).
 
E. Ces troubles ne sont pas mieux expliqués par un handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel) ou un retard global du développement. La déficience intellectuel le et le trouble du spectre de l’autisme sont fréquemment associés. Pour permettre un diagnostic de comorbidité entre un trouble du spectre de l’autisme et un handicap intellectuel, l’altération de la communication sociale doit être supérieure à ce qui serait attendu pour le niveau de développement général.
 
Spécifier si :
  • Avec ou sans déficit intellectuel associé ;
  • Avec ou sans altération du langage associée ;
  • Associé à une pathologie médicale ou génétique connue ou à un facteur environnemental ;
  • Associé à un autre trouble développemental, mental ou comportemental ;
  • Avec catatonie.

Les comportements observables

Je vais essayer dans la suite de cette page de préciser quelles sont les manifestations concrètes de la dyade autistique chez la personne autiste.

A. Le premier point de la dyade autistique est définie par des déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés.
 
1. La dyade autistique consiste notamment en des déficits de la réciprocité sociale ou émotionnelle : les personnes autistes ont un déficit en théorie de l’esprit, c’est à dire qu’elles ont des difficultés à lire les états mentaux, les représentations, les sentiments des personnes non autistes. Cela peut apparaitre comme un déficit de la réciprocité émotionnelle. Si en tant que personne autiste vous n’êtes pas capable de remarquer que quelqu’un est triste, vous n’allez pas agir en conséquence et réconforter la personne. Aussi, du fait de leur perception particulière, les personnes autistes peuvent être perturbées dans leurs échanges avec des personnes non autistes. Par exemple le faut de tenir une conversation dans un environnement bruyant est extrêmement couteux en énergie pour beaucoup de personnes autistes ce qui entraine une difficulté à maintenir le dialogue. La personne autiste peut ne répondre que par oui et non et être passive dans les échanges verbaux donnant l’impression d’un manque de réciprocité sociale.
 
2. La dyade autistique est aussi composée de déficits des comportements de communication non verbaux utilisés au cours des interactions sociales : cela concerne notamment l’utilisation du regard. Certaines personnes autistes ont des difficultés à regarder les personnes dans les yeux ou à maintenir le regard. D’autres personnes autistes arrivent très bien à regarder dans les yeux, mais le décalage vient du fait qu’elles n’utilisent pas le regard dans un cadre social, c’est à dire qu’elles l’utilisent mécaniquement parce qu’elles font l’effort conscient d’y penser, mais le regard n’est pas toujours bien corréler avec les éléments du discours. Les personnes non autistes utilisent facilement le regard pour appuyer une phrase ou pour interpréter les expressions des autres. Un autre comportement non verbal que les personnes autistes ont des difficultés à maitriser sont les mouvements du corps et notamment les mouvements des bras ou les hochements de tête. Comme le regard ils servent à appuyer les éléments  du discours. Un hochement de tête signifie que l’on a bien compris ou que l’on valide ce que vient de dire son interlocuteur. Les personnes autistes ont tendance à moins utiliser les mouvements du corps ou, comme le regard à ne pas les associer spontanément aux éléments de langage.
 
3. Enfin la troisième catégorie des déficits persistants de la communication et des interactions sociales de la dyade autistique s’explique par des déficits du développement, du maintien et de la compréhension des relations : les relations sociales obéissent à des règles complexes et multiples qui sont parfois difficilement compréhensibles pour les personnes autistes. Les personnes autistes sont souvent socialement maladroites, elles peuvent avoir des difficultés à initier les interactions pour des raisons qui semblent futiles à un non autiste mais qui deviennent bloquantes pour une personne autiste. Le fait de ne pas savoir s’il faut dire « bonjour » ou « salut » à quelqu’un, le fait de ne pas savoir s’il faut serrer la main plutôt que faire une bise pour saluer une personne, tout cela peut empêcher une personne autiste d’aller vers les autres pour débuter un dialogue. Une fois la relation établie avec quelqu’un (une relation d’amitié par exemple) il faut un minimum de compétences sociales pour la maintenir. Cela demande par exemple de penser à téléphoner aux amis pour prendre de leurs nouvelles, de partager des évènements sociaux avec eux comme un diner ou une sortie dans un bar. Toutes ces activités sont couteuses en énergie pour les personnes autistes car elles se retrouvent dans des environnements propices à « dérégler » leur système sensoriel particulier. La compréhension du rôle social de chacun et la manière de varier le langage en fonction du statut sont aussi des éléments que les personnes autistes doivent apprendre. Ainsi un élève qui dit « salut » à un professeur va commettre un impair car il s’est adressé trop familièrement à lui par rapport à son rôle social. Certaines personnes autistes qui vivent une histoire d’amour peuvent envoyer cents messages par jour à l’être aimé sans se rendre compte que c’est un comportement inapproprié.
 
B. Le deuxième point de la dyade autistique est définit par le caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités, comme en témoignent au moins deux des éléments suivants soit au cours de la période actuelle soit dans les antécédents
 
Je vous propose ci-dessous une version résumé du deuxième point de la dyade autistique. Si vous souhaitez davantage l’approfondir j’ai rédigé une page entièrement consacré à cela : les intérêts spécifiques.
 
1. Caractère stéréotypé ou répétitif des mouvements, de l’utilisation des objets ou du langage : l’enfant ou l’adulte oriente son intérêt vers un seul objet (une peluche) ou un type d’objet (les petites voitures de couleur rouge).  Le plus souvent, les objets qui retiennent l’intérêt de la personne sont utilisés dans des activités répétitives, comme faire tourner la roue d’une voiture, ouvrir et fermer les portes de la voiture. Les activités de transvasement de liquide ou de texture ou le fait d’agiter des objets devant les yeux comme des ficelles font aussi partie des activités répétitives pratiquées par les personnes autistes. Le caractère stéréotypé concerne également les mouvements du corps : balancement, posture anormale (enrouler ses pieds dans ou autour d’un meuble d’une manière jugée inconfortable ou mettre son corps dans des endroits exigus afin qu’il soit comprimé…), agitation des bras et/ou des mains que l’on appelle « hand flapping ».
 
2. Intolérance au changement, adhésion inflexible à des routines ou à des modes comportementaux verbaux ou non verbaux ritualisés : la personne autistes enfant ou adulte peut insister pour utiliser systématiquement le même itinéraire pour se rendre à l’école, au travail, faire ses courses.  La personne a besoin de faire certaine chose toujours de la même manière : rituel spécifique au couché ou au levé, à la prise des repas. Des comportements d’alignement d’objets et de rangement spécifique sont aussi observés.
 
3. Intérêts extrêmement restreints et fixes, anormaux soit dans leur intensité, soit dans leur but : les centres d’intérêts anormaux dans leur définition font référence à des passions jugées peu communes ou peu utiles, comme par exemple connaitre et collectionner tous les types de piles qui existent ou connaitre tous les horaires des bus d’une ville. Les centres d’intérêts anormaux dans leur intensité font plus référence au temps important consacré à cet intérêt, sans que celui-ci paraisse anormal dans sa définition, par exemple un enfant autiste qui se passionne pour les chats. Les chats sont des sujets d’intérêts classiques pour les enfants, par contre c’est le temps qui y sera consacré qui sera considéré comme hors de la norme.
 

4. Hyper ou hyporéactivité aux stimulations sensorielles ou intérêt inhabituel pour les aspects sensoriels de l’environnement : j’ai rédigé une page complète au sujet des perceptions sensorielles.Les personnes autistes sont soumises à des hypo et/ou hypersensibilités, lorsque les canaux de perceptions ne sont pas assez ou trop acérés. Carl Delacato (1974) établit la classification suivante :

  • hyper : les canaux sensoriels sont trop ouvert, et trop de stimulation/d’information sensorielle parviennent au cerveau qui ne peut tout gérer
  • hypo : les canaux sensoriels ne sont pas assez ouvert et trop peu de stimulation arrivent au cerveau qui se retrouve privé d’information
  • white noise (le bruit blanc) : le canal crée sont propre stimulus à cause de son fonctionnement défectueux et le message du monde extérieur est recouvert par le bruit dans le système

Un individu peut expérimenter des hyper et des hyposensibilités : par exemple être hyposensible aux sons et hypersensible au toucher. Mais une personne autiste peut aussi expérimenter des hyper et hyposensibilités pour un même sens : une personne peut ne pas supporter certains bruits, ou les bruits qui ont une fréquence particulière (donc fonctionner en hyper) et en même temps ne pas entendre suffisamment les voix des personnes qui l’entourent (donc fonctionner en hypo).

Les hypersensibilités entrainent de fortes intolérances sensorielles pour les personnes autistes : les enfants peuvent casser les téléphones de peur qu’ils ne sonnent, se déshabiller car le contact de leur vêtement leur fait mal. Les hypersensibilités sont souvent l’origine, le déclencheur de comportements considérés comme déviants les challenging behavior.

 


Sources :

Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders cinquième édition (DSM-5)

Comprendre les personnes autistes de haut niveau, Peter Vermeulen, 2013, Dunod

Autisme comprendre et agir, Bernadette Rogé, 2008, Dunod

Sensory perceptual issues in autism and Asperger syndrome, Olga Bogdashina, 2016, Jessica Kingsley Publisher