Le projet Chatounets : la théorie de l’esprit

Le projet Chatounets : la théorie de l’esprit

La théorie de l’esprit, ou la capacité à se représenter les états mentaux d’autrui a été théorisée par S. Baron Cohen qui montre dans son ouvrage « Mindblindness, an essay on autism and theory of mind » que les personnes autistes ont des difficultés à se représenter les états mentaux d’autrui.

C’est une des explications principales de cette fameuse maladresse sociale qui caractérise beaucoup de personnes autistes. C’est de là aussi que provient la croyance erronée qui consiste à penser que les personnes autistes n’ont pas d’empathie. Les personnes autistes ont de l’empathie, c’est-à-dire qu’elles possèdent la capacité à partager les sentiments d’autrui, encore faut-il qu’elles puissent les reconnaitre et les identifier. C’est souvent la partie la plus complexe pour une personne autiste puisqu’elle n’est pas toujours capable de reconnaitre les signaux (le regard, la forme de la bouche, la gestuelle…) par lesquels autrui exprime une émotion.




Les liens entre l’autisme et l’anorexie

Merci à Aspipistrelle pour sa relecture, ses corrections et ses conseils concernant cet article ainsi que pour son témoignage, dont vous trouverez le lien en bas de la page.

En apparence l’autisme et l’anorexie sont très différents. Les personnes autistes sont selon les présupposés peu liées à leurs émotions alors que les personnes anorexiques sont souvent des jeunes femmes hypersensibles influencées par les idéaux culturels de la minceur et de l’image de la femme. Cependant, plusieurs recherches ont approfondi ce sujet et trouvé plusieurs liens entre l’autisme et l’anorexie.

 

Des points communs entre l’autisme et l’anorexie

Si l’on met à part ces préjugés sur l’autisme, ces deux conditions ne sont pas si éloignées l’une de l’autre et partagent des points communs, selon Janet Treasure, une psychiatre au King’s College de Londres, et responsable d’un service de troubles alimentaires au Maudsley Hospital à Londres :

I must admit I was skeptical at first when I read about the links, but when we were looking at various aspects of vulnerability to anorexia, such as thinking styles and emotional styles, they were actually very similar.

 

Traduction libre : Je dois admettre que j’étais sceptique au début quand j’ai lu au sujet de ces liens, mais lorsque nous regardons les différents aspects de la vulnérabilité à l’anorexie, comme le style de pensées ou le style émotionnel, ils sont en réalité très similaires.

Des recherches émergentes montrent que les personnes qui partagent ces deux conditions ont des difficultés à comprendre et interpréter les indices sociaux et ont tendance à se fixer sur les petits détails ce qui rend difficile d’avoir une vue d’ensemble. De plus, les deux groupes ont besoin de règles strictes, de routines et de rituels. Les études génétiques montrent également des chevauchements entre l’autisme et l’anorexie.

Mais l’autisme n’est pas systématiquement lié à l’anorexie. Certaines recherches montrent que les personnes autistes peuvent aussi être maigres parce qu’elles mangent peu en quantité et que c’est devenu une routine. A l’inverse, d’autres femmes autistes peuvent trouver du réconfort en mangeant.

Une étude intitulée  « Childhood onset neuropsychiatric disorders in adult eating disorder patients. A pilot study” de Wentz E, parue dans le Journal of child and adolescent psychiatry en décembre 2005 montre que 20 % des personnes ayant un trouble alimentaire sont autistes. Les femmes autistes sont souvent sous diagnostiquées, c’est pourquoi c’est souvent par l’intermédiaire d’un trouble alimentaire que l’autisme est finalement mis en lumière.

Si le premier pas est de reconnaitre qu’une personne est à la fois concernée par l’autisme et les troubles alimentaires, il n’est pas pour autant simple de l’accompagner par la suite car il y a peu de professionnels, notamment de psychologues, formés à cela. Originellement les thérapies pour les personnes anorexiques sont des thérapies de groupe et cela peut ne pas être adapté aux personnes autistes qui ne sont pas forcément à leur aise dans les situations d’interaction. La plupart de ces thérapies demandent aussi aux personnes de changer leurs habitudes alimentaires dans un temps très court, ce qui représente une double difficulté pour les personnes autistes.  Pour ces raisons il est très difficile pour une personne concernée à la fois par l’autisme et l’anorexie de sortir de la spirale de l’anorexie car certaines caractéristiques de l’autisme l’alimente.

 

Histoire de la recherche sur l’autisme et l’anorexie

Pour expliquer l’anorexie, les psychologues se tournent souvent vers la culture occidentale et sa valorisation d’une image corporelle féminine  très mince. Mais si cela était la cause principale de l’anorexie, celle-ci devrait être beaucoup plus élevée que 1 % de la population, qui est la prévalence moyenne aux États-Unis. Depuis les années 1990, différentes études menées tendent à montrer qu’il existe un facteur génétique et que l’anorexie serait en partie héritée. D’autres relient l’anorexie à des traits de personnalité comme l’anxiété, le perfectionnisme ou le fait de rester bloqué sur certaines idées.

Au début des années 2000, la psychologue Nancy Zucker a mené plusieurs études afin de mieux comprendre les difficultés sociales et cognitives de ses patients et leur proposer un meilleur traitement. Lors de ses recherches, elle est frappée par la ressemblance entre le profil cognitif des personnes autistes et celui des personnes anorexiques.

La première étude qui met en lumière le lien entre l’anorexie et l’autisme est publiée dans le Jounal of Autism and Developmental Disorder en 1980 et s’intitule « Treatment of atypical anorexia nervosa in the public school : an autistic girl » (traitement d’une anorexie atypique à l’école publique : une fille autiste). Trois années plus tard, Christophe Gillberg, psychologue suédois spécialisé dans l’autisme, publie une étude dans le British Journal of Psychiatry qui fait le lien entre l’anorexie et l’autisme. Pendant plusieurs années, ce champ ne semble plus intéresser les spécialistes. Puis vers 2007, N. Zucker et d’autres chercheurs font le lien entre plusieurs caractéristiques communes à l’anorexie et à l’autisme :

  •  la difficulté à se faire des amis
  •  la difficulté à maintenir les relations sociales : cela entraine un retrait social qui persiste chez les personnes anorexiques, même après le retour à un poids normal
  •  une rigidité de pensée et de comportement : avec un besoin de similarité et une résistance aux changements forte
  •  la difficulté à changer de tâche et une focalisation sur les détails plutôt que sur une vue d’ensemble

Une année plus tard, le groupe de recherche de Janet Treasure montre que les femmes anorexiques ont des scores significativement plus élevés au test du Quotient Autistique, qui est un questionnaire auto-administré qui permet de mesurer les traits autistiques. En 2014, une étude dans la revue Molecular Autism a montré que bien que seulement 4 % des femmes sur 150 patientes recevant un traitement ambulatoire pour l’anorexie dans une clinique de Londres avaient un TSA probable, une sur quatre avait des scores au-dessus du seuil de diagnostic de l’autisme lors d’un questionnaire de dépistage. Cette recherche suggère que les femmes anorexiques ont de forts traits autistiques même si elles n’ont pas de diagnostic clinique. Elles continuent à se débattre dans les situations sociales même après leur rémission.

Wiliam Mandy, psychologue à l’université de Londres qui a beaucoup étudié les femmes autistes dit que:

 They were also incredibly rigid and inflexible, and there’s the idea that, perhaps, that part of the autism syndrome might be a particular risk factor for developing a restrictive eating disorder

 

Traduction libre : « elles étaient aussi incroyablement rigides et inflexibles et il y a l’idée que peut-être, cette partie du syndrome autistique peut être un facteur de risque particulier pour développer un désordre alimentaire restrictif ».

En 2015, Wiliam Mandy a souhaité approfondir les données sur ce lien entre l’autisme et l’anorexie et a procédé à 10 longues interviews de femmes connues pour avoir des difficultés d’interaction sociale ou être autistes et un trouble alimentaire. Il a découvert que toutes ces femmes ont eu des difficultés d’interaction sociale et des problèmes liés à la nourriture bien avant que leur trouble alimentaire ne se déclare.

Toujours en 2015, une étude danoise (Autisms pectrum disorder in individuals with anorexia nervosa and in their first- and second-degree relatives : Danish nation wide register-based cohort-study, British Journal of Psychiatry, mai 2015) a montré que les proches familiaux d’une personne anorexique ont un niveau significativement plus élevé de diagnostic d’autisme que dans la population générale. Cela montre que ces deux conditions, l’autisme et l’anorexie partagent un patrimoine génétique commun.

 

Les troubles alimentaires chez les personnes autistes

Les régimes hautement restrictifs sont connus dans l’autisme. Ils peuvent s’expliquer par une perception sensorielle particulière, comme le fait de ne pas supporter certaines textures ou couleurs d’aliments.

Beaucoup de filles autistes arrivent à répondre aux demandes sociales lors de la scolarisation à l’école primaire, cependant au fur et à mesure qu’elles grandissent, elles ont plus de difficultés à camoufler leurs traits autistiques ce qui génère de l’anxiété.

Le fait de contrôler leur poids leur permet de mieux correspondre aux attentes de leurs pairs et d’alléger leur anxiété sociale. Le fait de s’affamer leur permet à la fois de rendre l’anxiété moins importante et à la faire disparaitre plus vite, ce qui correspond selon les psychologues aux mécanismes de régulation émotionnelle. Quand le cerveau est affamé, il est tellement en recherche de nourriture que les autres émotions passent au second plan. Physiologiquement, la privation de nourriture diminue le niveau de sérotonine dans le cerveau. Walter Kay, un spécialiste de l’anorexie à l’université de Californie pose l’hypothèse que les personnes anorexiques auraient un niveau trop élevé de sérotonine dans le cerveau qui les rendrait anxieuses.La privation de nourriture permettrait d’équilibrer le niveau de sérotonine dans le cerveau.

C’est seulement durant les 5-10 années passées que les chercheurs ont commencé à reconnaitre qu’il existait des chevauchements entre l’autisme et l’anorexie. Ces recherches étant récentes, on ne sait pas avec précision combien de personnes sont concernées.

Jennifer Wildes, qui dirige le Centre Universitaire de Pittsburgh pour  Overcoming Problem Eating pense que le nombre de personnes étant à la fois touchées par l’autisme et l’anorexie est probablement faible. De plus, elle remarque que les symptômes liés aux traits autistiques notamment les interactions sociales, s’améliorent une fois que la personne a guéri de l’anorexie. Cela montre que ces difficultés sont plus liées à l’anorexie qu’à l’autisme. Elle a vu des centaines de patients dans la clinique où elle travaille et ne pense pas que le lien entre l’autisme et l’anorexie soit si commun.

N. Zucker et W. Mandy estiment le nombre de personnes anorexiques qui ont également un diagnostic d’autisme entre 5 à 10 % des personnes anorexiques. Mais ils observent aussi que même en l’absence d’un diagnostic commun entre l’autisme et l’anorexie, les personnes anorexiques partagent un certains nombres de traits autistiques comme la difficulté à se faire des amis ou à interpréter les indices sociaux. Cela affecte suffisamment le fonctionnement de la personne pour compromettre ces chances de guérison.

 

Quelles solutions pour les personnes concernées par l’autisme et l’anorexie ?

Comme il existe peu de connaissances sur les personnes autistes et anorexiques, il est difficile de trouver des professionnels qui prennent en compte ces deux fonctionnements et amènent la personne à sortir du cercle de la privation de nourriture. Les personnes concernées par l’autisme et l’anorexie rencontrent beaucoup de psychologues et de psychiatres, sans que ceux-ci soient en capacité de mettre en place un accompagnement adapté. Selon Craig Johnson, directeur de la clinique Eating Recovery Center à Denver, la clé est de prendre en compte les traits autistiques dans l’accompagnement de ces personnes en privilégiant notamment les interventions individuelles plutôt qu’en groupe.

Il dit que :

We always had this subset of patients who didn’t do very well in group therapy, and our response was, ‘Well, let’s put them in more groups,’ It just alienated them even more; now we know better.

 

Traduction libre : “Nous avons toujours ce sous-groupe de patients qui ne se débrouille pas très bien en thérapie de groupe, et notre réponse est ‘Bien, mettons les dans plus de thérapies de groupe’, cela les aliène encore plus, maintenant nous comprenons mieux pourquoi».

Plusieurs solutions ont été trouvées pour accompagner les personnes concernées par l’autisme et l’anorexie, comme proposer un plus petit choix de nourriture ou clarifier les attentes et les règles.

Le fait de ne pas prendre en compte les traits autistiques de ces patients peut mener à des mauvais traitements. Un jeune patient concerné par l’autisme et l’anorexie explique que lorsqu’il a été hospitalisé, le personnel lui a confisqué tous les objets qui lui permettaient une stimulation sensorielle et a fermé à clé la porte de la salle de bain alors que c’était l’endroit où il pouvait se réfugier pour se rassurer. Privé de ces deux moyens de régulation qui ne lui nuisaient pas, il n’a trouvé d’autre solution que de pratiquer l’automutilation pour calmer ses pics d’anxiété.

Les chances de se remettre varient avec l’âge. Une étude intitulée « Effects of autisms pectrum disorders on outcome in teenage-onset anorexia nervosa evaluated by the Morgan-Russell outcome assessment schedule : a control led community-based study », menée par C. Gillbert et publiée dans la revue Molecular Autism en 2015 montre que les adolescents concernés par l’autisme et l’anorexie ont autant de chance de guérir de l’anorexie que les personnes uniquement anorexique. Par contre, ils ont plus de chance de développer d’autres pathologies psychiatriques.

Holly a eu un diagnostic tardif d’autisme à 41 ans et a passé une partie de sa vie à lutter avec la privation de nourriture qu’elle s’infligeait à elle même. Depuis son diagnostic d’autisme, elle a pu adapter son accompagnement avec la psychologue qui la suivait et a regagné du poids sans le reperdre plus tard. Elle a aussi été plus attentive aux attitudes et aux comportements de son fils, qui a lui aussi pu être diagnostiqué comme autiste. Cependant, il a développé les mêmes habitudes alimentaires que sa mère. Il est rassasié seulement après quelques bouchées et a perdu beaucoup de poids.

I had to use what I had learned to help him learn to eat regularly even if he didn’t feel hungry or got full. I taught him how to read labels to make sure what he was picking had enough calories. It took a year, but now he’s back to growing as he should be. No one ever did this for me.

 

Traduction libre : Je devais utiliser ce que j’avais appris pour l’aider à apprendre à manger régulièrement, même s’il n’avait pas faim ou était rassasié. Je lui ai appris à lire les étiquettes pour s’assurer que ce qu’il choisissait avait assez de calories. Il a fallu un an, mais maintenant il est de retour à la croissance qu’il devrait avoir. Personne n’a jamais fait ca pour moi .

 

Pour illustrer cet article de manière plus vivante, je vous propose de lire le témoignage d’Aspipistrelle que vous trouverez en consultant le lien suivant :

https://aspipistrelle.wordpress.com/2017/06/25/elle-est-entree-sans-frapper-lanorexie/

 

Source :

The invisible link between autism and anorexia, Spectrum News, Carrie Arnold, février 2016

Le blog d’Aspipistrelle




Le coût des stratégies de compensation pour les enfants autistes

Les enfants autistes ont souvent des difficultés pour comprendre les pensées d’autrui, cela s’appelle la théorie de l’esprit. Pour compenser cela ils mettent en place des stratégies de compensation, comme écrire mentalement des dialogues, afin de correspondre aux attentes des situations sociales auxquelles ils doivent faire face. Mais ces stratégies ont un prix. Une étude récente ( Livingston L.A. et al. J. Child Psychol. Psychiatry Epub ahead of print 2018) montre que cela entraine plus d’anxiété chez ces enfants.

Les enfants qui mettent en place ces stratégies de compensation ont plus des résultats plus élevés aux tests d’intelligence verbale et dans les fonctions exécutives.

Les stratégies de compensation sont utiles pour les personnes qui ont de faibles compétences en théorie de l’esprit. La théorie de l’esprit peut se résumer par la capacité à percevoir les désires et les intentions d’autrui.

Lucie Livingston une étudiante diplômée du laboratoire en charge de cette étude dit que :

 We think these people are quite good at compensating for their difficulties with theory of mind, (…) [But] evidence suggests there could potentially be some kind of negative consequence to compensating

Traduction libre : Nous pensons que ces personnes sont assez bon pour  compenser leurs difficultés en théorie de l’esprit (…) mais les preuves suggèrent qu’il pourrait potentiellement y avoir une sorte de conséquence négative à la  compensation »

Les recherches suggèrent que les cliniciens devraient identifier les enfants qui mettent en place ces stratégies afin de leur proposer des thérapies leur permettant d’alléger le niveau l’anxiété.

L’étude dont il est question a inclus 136 enfants autistes ou avec des traits autistiques âgés entre 10 et 15 ans qui font partie d’une plus grande étude intitulée Social Relationships Study au Royaume Unis. Les chercheurs ont évalué les traits autistiques des enfants en ce servant de l’ADOS, une échelle d’évaluation de l’autisme reconnu comme efficiente par les cliniciens.

Les enfants et les parents ont également rempli un questionnaire permettant d’évaluer leur niveau d’anxiété. Ils ont également passé des tests pour évaluer leur intelligence verbale et non verbale, le niveau de théorie de l’esprit et les compétences dans les fonctions exécutives. Environ la moitié des enfants qui ont des difficultés en théorie de l’esprit montrent pourtant de bonnes compétences sociales à l’ADOS. Si ce résultat semble contradictoire à première vue, il signifie en réalité que ces enfants ont réussis à compenser leur difficulté en théorie de l’esprit à un niveau leur permettant de mieux performer dans les compétences sociales évaluées par l’ADOS.

Il est à noter que ces enfants ont en moyenne un score de 93 au QI verbal, soit 9 points de plus que l’ensemble des enfants. Ces enfants ont également un taux d’anxiété plus élevé que les autres enfants. Les chercheurs n’ont trouvé aucune corrélation entre le genre et la mise en place de stratégie de compensation, contrairement à de nombreuses études antérieurs. Cela peut s’expliquer par le très faible nombre de filles dans l’échantillon (112 garçons pour 24 filles).

Les chercheurs ne savent pas à quel point les stratégies de compensation sont une technique répandu chez les personnes autistes, ni qui est plus à même de la mettre en oeuvre.

Ces résultats sont préliminaires et sont uniquement basés sur des observations en laboratoire. Or les stratégies de compensation développées dans la vie réelle peuvent être différentes. Les chercheurs ont donc prévus de poursuivre leur travail en situation réelle comme dans la cour de l’école ou en classe.

Un des objectifs consisterait à mesurer si les personnes autistes considèrent que les avantages sociaux obtenus par la compensation valent le coût par rapport à l’énergie dépensée et l’anxiété mesurée.


Source :

Use of certain social strategies linked to anxiety in autism, Spectrum News, Brianna Abbott, Mai 2018




Le projet chatounets : hypersensibilité sensorielle

 

 

L’objectif du projet Chatounets est donc d’expliquer dans des mini bandes-dessinées de trois vignettes un des grands principes de fonctionnement de l’autisme. J’ai choisi de le faire avec humour, non pas par manque de respect pour les difficultés réelles que ce fonctionnement peut entrainer en société mais parce que celui-ci amène aussi parfois à des situations cocasses.

Cette troisième bande-dessinée du projet Chatounets va servir à illustrer de manière ludique une différence en matière de  perception sensorielle, notamment l’hypersensibilité sensorielle.

 




DSM-5 et TSA : bilan d’étape des critères de l’autisme cinq ans après sa parution

Lors du travail sur le DSM-5 et après sa parution, un débat est apparu concernant la définition de l’autisme et celui-ci a toujours cours aujourd’hui. Dans le DSM-4 les Troubles  Envahissants du Développement (TED) étaient répartis en plusieurs catégories : l’autisme, le syndrome d’Asperger, les TED non spécifiés et le trouble désintégratif de l’enfance. Le DSM-5 regroupe l’ensemble de ces catégories en une seule entité nommée Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA).

Pour certains, cela représente une avancée dans la standardisation du diagnostic de l’autisme, pour d’autres cette nouvelle définition exclut certaines personnes qui ne peuvent ainsi pas bénéficier des aides dont elles auraient besoin.

Cela a déclenché de nombreuses recherches et cinq ans après, les premiers résultats commencent à émerger. Il s’avère que les deux parties avaient raison. D’une part les critères de diagnostic de l’autisme ont été précisés et les cliniciens de sites différents ont plus tendance à arriver aux mêmes conclusions diagnostiques qu’auparavant. D’un autre côté ces nouveaux critères ont tendance à exclure plusieurs profils parmi lesquels on retrouve notamment les personnes moyennement affectées, les adultes et les filles/femmes qui savent mieux masquer leurs traits autistiques.

Thomas Frazier, directeur du Cleveland Clinic Center for Autism qui a conduit les études qui ont permis de valider le DSM-5 explique que :

“We are missing some of the highest-functioning cases when we apply DSM-5 criteria (…) We are not missing a ton of them, but we are missing some, and it’s a reasonable amount. It raises the question of whether or not we could do better.”

Traduction libre : Nous manquons certains des cas avec le plus haut niveau de fonctionnement en appliquant les critères du DSM-5. Nous ne manquons pas une tonne d’entre eux, mais nous en manquons certains, et c’est une quantité raisonnable. Cela fait émerger la question de savoir si oui ou non nous pourrions faire mieux.

Les experts ne sont pas d’accord

A l’origine lorsque le DSM-5 a été rédigé, le comité en charge de la rédaction du chapitre sur l’autisme est parti d’un constat : les professionnels avaient énormément de difficulté à distinguer les cas entre autisme, syndrome d’Asperger et TED non spécifiés. Ainsi selon le lieu d’habitation, l’âge ou le niveau de connaissance de ces différentes dénominations par le praticien les termes du diagnostic variaient. Il y avait donc une iniquité de diagnostic et donc d’accès aux aides pour les personnes concernées.

A ce sujet Catherine Lord, directrice du Center for Autism and the Developing Brain à New York-Presbyterian Hospital, et membre du comité sur l’autisme du DSM-5 dit que :

“It was clear that the same child could get a PDD-NOS, Asperger or autism diagnosis from different people, depending on who diagnosed them (…) It was also clear that kids could get a different diagnosis at different points of their lives”

Traduction libre : il était clair qu’un même enfant pouvait recevoir un diagnostic de TED non spécifiés, Asperger ou autisme de différentes personnes selon les personnes qui posaient le diagnostic (…) il était aussi clair que ces enfants pouvaient recevoir un diagnostic différent à différents moments de leur vie.

Il existe aussi une grande disparité territoriale dans les aides financières et humaines aux États-Unis. Par exemple en Californie, les personnes diagnostiquées « autistes » avaient accès à des services et les personnes avec un diagnostic d’Asperger n’y avaient pas droit. Les parents insistaient donc souvent auprès des psychiatres pour que leur enfant ait un diagnostic d’autisme même s’il était Asperger afin qu’il puisse recevoir l’aide dont il a besoin. A l’inverse, dans une ville comme New-York City des aides étaient apportées aux personnes avec un diagnostic d’autisme et de syndrome d’Asperger. Dans ce cas les parents insistaient pour que leur enfant ait un diagnostic d’Asperger car cela était moins discriminant pour accéder aux écoles, notamment prestigieuses.

Pour apporter une réponse à ces problématiques le comité en charge de la rédaction des critères de diagnostic de l’autisme pour le DSM-5 a donc essayé de redéfinir ces critères pour qu’ils soient moins subjectifs, moins liés à la sensibilité du praticien et donner des directives claires à tous les professionnels. Dans le DSM-4 les critères de diagnostic étaient définis par la triade autistique :

  •  troubles des interactions sociales
  •  troubles de la communication sociale
  •  comportements répétitifs et restreints

Comme il existait des chevauchements entre les troubles des interactions sociales et les troubles de la communication sociale, la triade a été transformée en dyade :

Comparatif des catégories et critères diagnostics dans le DSM-4 et le DSM-5

Cette nouvelle dyade autistique englobe donc tous les profils autistiques, de la personne non verbale avec déficience intellectuelle à la personne verbale avec un haut niveau de fonctionnement. Afin de distinguer le niveau de difficulté des personnes une échelle de « sévérité de l’autisme » qui comporte trois niveaux a été établie.

Une différence notable existe aussi entre le DSM-4 et le DSM-5 dans le choix des sous critères de diagnostic. Dans le DSM-4 ce choix était entièrement laissé libre au praticien qui pouvait choisir sans restriction 6 items parmi les 12. Le surnom de « menu chinois » a été donné au DSM-4 en raison de cela. Le DSM-5 est plus restrictif et précise par exemple que les personnes diagnostiquées doivent présenter au moins deux des quatre critères qui concernent les comportements répétitifs et restreints.

Si cela a le mérite de mieux cadrer les diagnostics délivrés, cette grande rigidité est aussi un facteur d’exclusion de certains profils autistiques. Ainsi le professeur Fred Volkmar montre que seules 61 % des personnes diagnostiquées autistes avec le DMS-4 le seraient également avec le DSM-5 (Sensitivity and specificity of proposed DSM-5 diagnostic criteria for autisms pectrum disorder Running Head: DSM-5 ASD in Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, April 2012). Les personnes avec le syndrome d’Asperger sont les plus touchées et leur taux baisserait à 25 %. Les critères du DSM-5 semblent discriminer les personnes avec le plus d’habiletés cognitives.

Cette étude a été très critiquée lors de sa sortie, cependant plusieurs années après, d’autres études viennent confirmer cela. La dernière en date est une méta-analyse (une méta analyse est une étude qui regroupe l’ensemble des études réalisées sur un sujet particulier) réalisée en 2016.

Volkmar considère que l’impact de ces exclusions sera pleinement visible dans 10 ou 15 ans lorsque toutes ces personnes auront grandi. Pour beaucoup si elles avaient pu bénéficier d’une aide adaptée, elles auraient eu plus de chance d’inclusion dans la société. En étant livrées à elle même elles vont nécessiter bien plus de soutien une fois adulte.

Bilan cinq ans après la parution du DSM-5

Après cinq années de mise en place du DSM-5, les études montrent que les adultes autistes non diagnostiqués jusque là, les personnes avec une intelligence élevée et les femmes sont les plus susceptibles de passer au travers des mailles du diagnostic. C’est ironique de constater qu’au moment ou les chercheurs commencent à s’apercevoir que les femmes ont été exclues des critères de diagnostic pendant des décennies, le nouveau manuel mis en place accentue cet état de fait.

W. Mandy, chercheur et conférencier aguerri au University College London explique que :

“There is a fairly solid emerging evidence base that, on average, autistic girls and women score lower on measures of repetitive and stereotyped behaviors than do autistic males. You can begin to see how the move from DSM-4 to DSM-5 may be excluding some females on the basis of their less severe stereotyped behaviors.”

Traduction libre : il y a des preuves émergentes assez solides qu’en moyenne les filles et les femmes ont des scores plus faibles dans la catégorie des comportements répétitifs et restreints que les hommes autistes. On commence seulement à voir que le passage du DSM-4 au DSM-5 peut exclure certaines femmes en se basant sur des comportements répétitifs et restreints moins sévères.

De l’autre côté du spectre, certains des défenseurs des personnes autistes dites « sévères » sont également mécontentes. Comme les personnes qu’ils défendent peuvent avoir une déficience intellectuelle importante associée, ils trouvent que les critères regroupent des personnes trop différentes qui n’ont finalement pas grand-chose en commun. D’autant que les médias sont plus promptes à mettre en avant la figure des portraits de personnes autistes présentées comme des génies plein de succès, faisant presque oublier qu’il existe une population de personnes autistes plus en difficulté et qui requiert un accompagnement adapté.

Vers une modification des critères du DSM-5 ?

Une des solutions proposées pour rééquilibrer les chances de diagnostic des personnes laissées de côté par les critères du DSM-5 est de ne retenir qu’un seul sous critère de la catégorie « comportements répétitifs et restreints » au lieu des deux qui doivent aujourd’hui être visibles pour le diagnostic. Cette idée a été proposée par Frazier un scientifique en chef pour l’association Autism  Speaks. Cela aurait permis de retrouver la même validité qu’avec le DSM-4 sans perdre les spécificités du DSM-5. Cette proposition n’a pas été retenue par peur de faire gonfler artificiellement la prévalence  de l’autisme. La plupart des membres du comité sont opposés à un assouplissement des critères.

Il n’y a pas de révision prévue pour le moment concernant le DSM-5, mais ces écueils pourraient être pris en compte dans la construction de la version à paraitre du ICD 11 (Classification Internationale des Maladies CIM 11). Le brouillon de cette future version montre qu’elle est en partie calquée sur le DSM-5, notamment en ce qui concerne la réunification des différentes appellations (autisme, syndrome d’Asperger, TED non spécifiés…) sous un même label. Par contre une marge de manœuvre plus grande est laissée aux cliniciens et une distinction plus nette entre les personnes avec et sans déficience intellectuelle est opérée.

De plus ce manuel de la ICD 11 reconnait pour les personnes sans déficience intellectuelle que le diagnostic peut intervenir de manière tardive dans la vie de l’individu et que ces personnes peuvent recevoir en première instance un diagnostic pour dépression ou anxiété. Il met aussi en lumière la notion de camouflage et la porte à l’attention des cliniciens. Cela devrait permettre à plus de femmes autistes de recevoir un diagnostic adapté.

Mais cette future version de la ICD entraine également des débats :

  •  certaines associations de parents militent pour qu’une terminologie différente soit employée pour les personnes Asperger
  •  les chercheurs qui travaillaient sur les personnes Asperger avant le DSM-5 rencontrent des difficultés pour étudier ce public qui compte maintenant sept dénominations : autistes sans handicap intellectuel, autistes sans déficience intellectuelle, autistes avec des habiletés cognitives dans la moyenne, autistes intellectuellement capables, autistes cognitivement capables, autistes à haut niveau de fonctionnement, autistes à haut niveau cognitif (note de l’auteur : ces termes sont issus d’une traduction des termes anglophones employés dans le champs de la cherche sur l’autisme, certains termes ne sont pas utilisés en français ou ont un intitulé complètement différent).

Malgré les critiques, les experts s’accordent à dire que les progrès entrainés par le DSM-5 contrebalancent les points négatifs. Cependant, comme aucune modification des critères du DSM-5 n’est envisagée, il faudrait sensibiliser davantage les professionnels qui sont amenés à poser un diagnostic d’autisme aux spécificités des profils considérés comme « limites » par les critères actuels.


Source :

Spectrum News, Why the definition of autism needs to be refined, Lina Zeldovich, mai 2018




Les femmes autistes : caractéristiques et profils

Merci à Magali Pignard pour sa relecture, ses corrections et modifications qui ont permis d’améliorer la qualité du texte que je vous livre.

Il existe aujourd’hui un biais de genre dans l’autisme qui amène le monde de la recherche à s’intéresser aux caractéristiques féminines de l’autisme et à l’existence d’un phénotype particulier qui concernerait les femmes. C’est une problématique clé que les instances scientifiques et politiques doivent chercher à comprendre. Ces dernières années, plusieurs études ont émergé et la théorie d’un phénotype autistique propre aux particularités féminines commence à recueillir de plus en plus de preuves étayées par différentes recherches.

Cependant, les recherches portant sur l’influence du genre lors de la manifestation des comportements autistiques et les caractéristiques des femmes autistes n’en sont qu’à leur commencement. Des résultats parfois contradictoires émergent : les recherches de Hartley and Sikora 2009 ont démontré que les femmes avaient de plus grandes difficultés sociales, les recherches de McLennan et al. 1993 ont montré qu’elles en avaient moins et les recherches de Mandy et al. 2012 ont montré des difficultés de communication égales entre les hommes et les femmes.

Ce qui a été par contre démontré par la recherche en tant que spécificité féminine de l’autisme, c’est une meilleure capacité des femmes à mettre en œuvre des stratégies de camouflage dans les situations sociales afin de masquer leurs difficultés (Kenyon 2014, Baldwin and Costley2015; Cridland et al. 2014; Mandy and Tchanturia 2015; Rynkiewicz et al. 2016).

L’article se compose de trois parties :

1. Le sous diagnostic des femmes autistes
2. Le phénotype autistique féminin
3. Les femmes autistes et la notion de camouflage social

1. Le sous diagnostic des femmes autistes

 

Selon une étude de Simon Baron Cohen et son équipe en 2015, du fait de leur capacité à camoufler leurs traits autistiques, les femmes ont, de manière générale, un risque plus élevé de ne pas être diagnostiquée comme étant autiste alors même qu’elles relèveraient d’un diagnostic d’autisme. Pourtant, un accès au diagnostic permet de mettre en place des interventions appropriées, d’avoir accès à plus de services, de réduire le jugement des proches porté sur les comportements de la personne, de diminuer l’auto-critique des personnes vis-à-vis d’elles-mêmes, d’accompagner la création d’une identité positive.

Si l’on s’intéresse aux sex-ratios, les études montrent une prévalence importante du nombre de garçons par rapport aux filles : de 4 à 5 garçons pour une fille dans le DSM 4 et 3 à 4 garçons pour une fille dans la CIM-10. Une étude de 2005 de Fombonne fait état de 4 garçons pour une fille. Ce ratio serait porté à 1 femme pour 9 homme en ce qui concerne l’autisme sans déficience intellectuelle (type syndrome d’Asperger). Ces chiffres entrainent un débat dans la communauté scientifique : ces chiffres reflètent-ils la réalité, ou bien les méthodes de diagnostic sont-elles inadaptées pour saisir l’expression de cette condition chez certains profils féminins ? Une étude récente tend à confirmer cette dernière hypothèse (Rutherford et al. 2016) et montre qu’à l’âge adulte le sex-ratio évolue jusqu’à deux femmes pour un homme. Cela suggère que la condition autistique n’est pas repérée chez les filles et est décelée à l’âge adulte lors de diagnostics tardifs. D’ailleurs, selon une étude de Bergeer et al 2012, les femmes sont diagnostiquées 4.3 années plus tard que les hommes. L’écart est encore plus important dans le cadre des femmes autistes sans déficience intellectuelle.

Plusieurs raisons expliquent ce sous diagnostic des femmes autistes :

  • les pathologies secondaires sont prises pour la pathologie principale. Ex : quand la dépression, le trouble de la personnalité, les crises d’angoisse masquent l’autisme ;
  • Les hommes et les femmes autistes sont comparés sur les critères classiques de l’autisme, ceux retenus par la CIM-10 ou le DSM-5. Or ceux-ci sont basés sur l’observation des comportements d’individus largement masculins ;
  • des outils de diagnostic inadaptés aux particularités féminines. Deux études présentées lors de la journée internationale de la recherche sur l’autisme à San Francisco (2017) comparent comment filles et garçons autistes réalisent le très répandu test appelé ADOS. Durant ce test, le clinicien propose à l’enfant d’effectuer une série de tâches et évalue le comportement de l’enfant. Une de ces études révèle que l’ADOS a un résultat souvent négatif lorsqu’il est réalisé sur des filles autistes que sur des garçons.

 

Le constat du sous-diagnostic des femmes autistes a amené la communauté internationale à investiguer l’existence d’un phénotype autistique féminin, c’est-à-dire à s’interroger sur le fait que les caractéristiques de l’autisme s’exprimeraient différemment chez les femmes que chez les hommes.

La dyade autistique qui représente les deux critères de l’autisme validés par le DSM 5 est composée des  troubles de la communication et des interactions sociales ainsi que des intérêts spécifiques et comportements répétitifs. Ces deux critères sont les éléments principaux qui permettent de poser un diagnostic d’autisme. Il faut donc que ces deux éléments aient pu être évalués chez la personne pour qu’elle obtienne un diagnostic.

Chez les filles et femmes autistes les critères de l’autisme sont les mêmes que chez les hommes mais se déclinent sous des formes moins immédiatement perceptibles :

  • les troubles de la communication et des interactions sociales : deux études (Head et al. 2014; Sedgewick et al. 2015) montrent que les filles/femmes autistes expriment une plus grande motivation sociale et une capacité plus importante à nouer des relations d’amitiés en apparence traditionnelles ;
  • les intérêts restreints et les comportements répétitifs : lors de la journée internationale de la recherche sur l’autisme en 2017des chercheurs ont présenté une étude une étude basée sur les enregistrements vidéos des passations de 22 garçons et 22 filles autistes (test ADOS), tous âgés entre 9 et 15 ans. Ces enfants ont tous une intelligence dans la moyenne et des compétences verbales dans la moyenne. Ils ont trouvé que les filles autistes sont plus sujettes à l’anxiété et la dépression que les garçons et sont plus susceptibles de parler des intérêts restreints dans les relations en particulier avec les animaux. Par contraste les garçons autistes ont plus d’intérêts non sociaux, comme les puzzles ou les jeux sur ordinateur. Tony Attwood (2007) a remarqué cette différence de genre dans le choix des thématiques des intérêts spécifiques des personnes autistes. Les filles ou les femmes ont souvent un centre d’intérêt qui n’est pas inapproprié à leur âge et dont le sujet est assez commun, par exemple une fille qui aime les poupées Barbies. C’est par contre soit l’utilisation des objets ou le temps consacré au sujet d’intérêt qui vont le faire différer de la norme. Cette petite fille qui aime les poupées Barbies, peut en collectionner un nombre plus important que ses copines du même âge. De plus elle ne va pas s’en servir pour créer du lien et partager avec ses amies, elle peut les aligner, les habiller, reproduire des scènes de film, mais le jeu est rarement l’occasion d’entrer en contact avec un pair. Les filles et les femmes sont aussi plus attirées par les mondes alternatifs : heroic-fantasy, science-fiction, paranormal… Les intérêts spécifiques des femmes peuvent aussi plus facilement les amener à compenser la notion d’intuition sociale qui leur manque (dû à la théorie de l’esprit) en regardant par exemple beaucoup de séries télévisées ou lisant des livres de sociologie et de psychologie pour comprendre davantage le fonctionnement des individus.

 

La dyade autistique qui permet de poser le diagnostic d’autisme est bien présente mais elle s’exprime différemment chez certains profils féminins. Elle prend une forme et des caractéristiques qui ne sont pas celles rencontrées habituellement par les psychiatres et cela contribue au sous diagnostic des femmes autistes.

2. Le phénotype autistique féminin

 

À noter que toutes les femmes autistes ne présentent pas ce phénotype, tout comme le fait que des hommes autistes présentent ce profil. Ce phénotype est une tendance, observée particulièrement chez les femmes.

Les recherches menées sur les femmes autistes ont pu permettre de déterminer un « profil-type » qui comprend plusieurs points :

  1. la difficulté à reconnaitre l’autisme chez les femmes 

« Tu n’es pas autiste » : les troubles associés à l’autisme sont perçus comme étant la pathologie principale : anxiété, dépression, troubles alimentaires. Ils sont « la partie émergé de l’iceberg ». Par exemple un médecin généraliste ou psychiatre va diagnostiquer une dépression, sans voir qu’elle est liée aux difficultés sociales ou à l’isolement induit par l’autisme. Le diagnostic de dépression va empêcher de voir la condition autistique de la personne.

Quand les personnes évoquent la possibilité d’un syndrome d’Asperger avec leur médecin, celui-ci peut négliger ou nier cette possibilité. Ce déni provient souvent d’une mauvaise connaissance que les médecins ont des différentes formes que peut prendre l’autisme, alors que les troubles associés sont eux très bien connus. Les professionnels de santé sont parfois imprégnés par les images médiatiques d’autistes « sévères » non verbaux ou de génies savants.

Il y a également un préjugé concernant le fait que les femmes ne seraient pas touchées par l’autisme et que cela resterait une condition exclusivement masculine. Si cette croyance tend à diminuer chez les spécialistes de l’autisme, elle reste cependant prégnante chez les interlocuteurs de premier plan dans le repérage, comme les professeurs, les personnels de crèche ou les médecins traitants. S’il y a bien statistiquement plus d’hommes que de femmes concernés par le phénomène, nous avons vu précédemment qu’une partie de la population féminine était sous diagnostiquée, faussant ainsi ces chiffres.

Les filles autistes ont souvent un comportement effacé à l’école, et sont décrites comme timides, sages ou calmes par les enseignants. Les femmes/filles ont des difficultés plus internalisées (dépression, anxiété) et les hommes/garçons des difficultés plus externalisées (troubles du comportement, impulsivité, TDAH). Les comportements des filles étant moins perturbateurs à l’école, elles passent plus inaperçues auprès du corps enseignant. Mais maintenir ce comportement en public entraine souvent d’importants effondrements émotionnels lors du retour à domicile.

Les femmes interrogées dans les études regrettent de n’avoir pas connu leur diagnostic avant car cela aurait pu les prémunir de certains dangers en sachant qu’elles sont crédules.

 

  1. la capacité à ne pas montrer ses caractéristiques autistiques

« Prétendre être normale ». La plupart des femmes autistes expriment le fait que durant l’enfance, même si les enseignants ne remarquaient pas leurs difficultés, les autres enfants pouvaient le sentir/voir/percevoir. Cela entraine souvent une forte volonté des femmes autistes à correspondre à l’image qui est attendue d’elles. Elles développent donc des stratégies pour paraitre « normales » en dépit du coût énergétique important occasionné par le fait de maintenir les apparences.

Les femmes autistes disent souvent porter un masque ou incarner un personnage en société. Pour apprendre comment se comporter elles mettent au point plusieurs techniques :

  • apprendre des modèles médiatiques : apprendre comment fonctionnent les personnes et les imiter sur la base de séries télévisées, de livres ;
  • la consommation d’alcool qui agit comme un anxiolytique et permet de se sentir plus à son aise parmi les gens ;
  • l’imitation des pairs : les femmes autistes rapportent souvent « prendre » naturellement les accents, les tics de langage ou la gestuelle de leur interlocuteur.

Pour « prétendre être normale » les femmes autistes développent ce que les chercheurs appellent le coping ou camouflage social. Cette notion sera développée de manière détaillée plus bas et amène les psychiatres rompus à qualifier les femmes autistes de « caméléons ».

  1. la passivité et la crédulité des femmes autistes

« C’est de ta faute ». Beaucoup de femmes autistes rapportent avoir eu un comportement passif qui débouche dans 9 cas sur 14 à des abus sexuels (S. Bargiela, R. Steward, W. Mandy, 2016). Les femmes n’ont pas osé refuser les rapports sexuels car elles pensaient que c’est ce qui était attendu d’elles et qu’elles n’avaient pas la possibilité de refuser. Une autre raison qui met les femmes en difficulté face aux agressions est l’incapacité à déceler les intentions des autres, en particulier ne pas savoir si un homme est sexuellement attiré ou s’il cherche une relation amicale. Du fait d’un déficit en théorie de l’esprit, les femmes ne captent pas les signaux (regards, gestes, intonation…) qui leurs permettraient de déterminer la nature de la relation souhaitée par l’homme.

La plupart de ces jeunes filles ou femmes ont aussi été harcelées à l’école et même lorsque cela était connu par le corps enseignant, les professeurs ont tendance à expliquer ce harcèlement par le comportement «anormal» des filles autistes, leur demandant de faire plus d’effort pour être normale.

Parce qu’elles ont été abusées sexuellement ou parce que des personnes ont profité de leur naïveté, les femmes autistes apprennent au fur et à mesure de leur vie à dire « non », à refuser certaines situations quand elles ne leur conviennent pas. C’est un apprentissage qui n’a rien de naturel et qui se fait souvent avec un coach, que ce soit un professionnel éducatif (éducateur spécialisé, psychologue) ou un pair.

  1. La construction de l’identité de la femme autiste et les stéréotypes de genre

« Remise en cause des stéréotypes de genres ». Beaucoup de femmes autistes disent ne pas se reconnaitre dans les rôles classiques attribués aux genres. Le fait de ne pas correspondre aux rôles qui sont attendus, que ce soit volontaire ou par incompréhension, entrainent des difficultés relationnelles en amour ou en amitié. Les femmes autistes rapportent avoir eu des difficultés à se faire des amies de même sexe durant l’enfance et surtout à l’adolescence et avoir eu un contact plus aisé avec les garçons ou les jeunes hommes du fait d’une communication plus directe et moins sujette aux implicites. Durant les démarches diagnostiques ou une fois le diagnostic validé, elles créaient des amitiés virtuelles avec des pairs de même condition. Les forums ou les blogs d’autres femmes autistes sont souvent l’occasion pour ces femmes de partager leurs ressentis, leurs impressions et d’essayer de construire une identité positive.

À ce titre les relations dématérialisées sont plus simples et génèrent moins d’anxiété car les réponses peuvent être différées et réfléchies et il n’y a pas la pression de la communication non-verbale.

3. Les femmes autistes et la notion de camouflage social

 

Ces dernière années la notion de camouflage social ou de coping a été mise en lumière par les chercheurs (Attwood 2007; Gould and Ashton-Smith 2011; Kopp and Gillberg 2011; Lai et al. 2011; Wing 1981).

Le camouflage social est la différence entre la manière d’être des gens en contexte social, et leur vécu interne.

Il est mis en place pour plusieurs raisons :

  • cacher les comportements liés à l’autisme ;
  • mettre en place des techniques conscientes ou inconscientes pour apparaitre plus socialement compétente ;
  • éviter que les autres ne voient les difficultés sociales.

La notion de camouflage développée dans cette partie n’est pas l’apanage des femmes. Les hommes autistes utilisent des stratégies afin de masquer les comportements les plus embarrassants socialement qui sont liés à l’autisme. Cependant ils y arrivent généralement avec moins de succès et ce phénomène est plus répandu chez les femmes.

Tony Attwood (2006) montre que les femmes arrivent à imiter des personnes non autistes en situation sociale, donnant l’impression d’une certaine aisance, mais si celles-ci sont placées dans un environnement différent sans y avoir été préparées les échanges sociaux deviennent une réelle difficulté.

Les femmes autistes qui sont diagnostiquées tardivement ont toujours eu le sentiment d’être différentes mais ont minimisé cette différence au fil du temps (Holliday Willey 2015).

 

Les mécanismes du camouflage social. Traduction d’un schéma issu de l’article « putting on my best normal : social camouflaging in adults with ASC » (source complète en bas de page)

 

  1. les motivations qui entrainent le camouflage social : « cachée à la vue de tous »

Les personnes autistes mettent en place le camouflage social afin de répondre aux attentes sociales de la population générale et pouvoir être acceptées de celle-ci.

Le camouflage des caractéristiques de l’autisme est particulièrement nécessaire pour atteindre un niveau d’employabilité correct et accéder à un poste. C’est aussi le moyen pour les femmes autistes qui se font harceler à tous les âges de la vie de pouvoir éviter ces situations dangereuses.

Une autre motivation décrite par les femmes autistes pour expliquer leur camouflage est le souhait de créer des connexions avec les autres êtres humains, le désir de nouer des relations d’amitié ou d’amour.

La première condition pour que les personnes autistes puissent mettre en place des techniques de camouflage est qu’elles se rendent compte des différences entre leur comportement et celui attendu, soit parce qu’elles l’observent elles-mêmes, soit parce leur entourage le leur font remarquer.

 

  1. La définition du camouflage : « mettre son plus beau costume de normalité »

Le camouflage social pratiqué par les personnes autistes, en particulier les femmes autistes comprend deux mécanismes : le premier consiste à masquer les caractéristiques de l’autisme, le second consiste à compenser les compétences sociales absentes ou moins performantes que chez les personnes non autistes.

Masquer « je me cache derrière ce que les gens veulent voir » : cela englobe les aspects du camouflage qui visent à cacher les caractéristiques autistiques et à développer différents personnages qui sont utilisés en situation sociale. Ce besoin résulte du fait que les comportements qui découlent des caractéristiques autistiques ne sont pas considérés comme acceptables en société. Par exemple : les particularités sensorielles sont maintenant reconnues comme une caractéristique à part entière de l’autisme. Pour autant il n’est pas acceptable en société qu’une personne ait besoin de se balancer sur elle-même afin de stimuler son sens vestibulaire. En ce sens les personnes autistes sont souvent amenées à masquer ces comportements afin de ne pas être déconsidérées.

Quasiment tout le monde fait des petits ajustements pour se conformer au mieux aux normes sociales, mais les femmes pratiquant le camouflage peuvent aller jusqu’à jouer un rôle.

Elles miment ainsi consciemment ou non les personnes en face d’elles lors des échanges ou elles prennent exemple sur des personnages de fiction.

 Compenser, « dépasser ce que la nature m’a donné » : il s’agit mettre en place des stratégies conscientes pour combler les difficultés de communication, notamment la communication non verbale.

  • se forcer à initier et/ou maintenir le contact visuel
  • penser à mettre les bonnes expressions faciales sur son visage
  • penser à faire les bons gestes avec les mains et les bras lors d’une conversation

Cela concerne aussi les aspects verbaux de la conversation, surtout pour les conversations anodines « small talk » :

  • poser des questions à l’autre pour le faire parler. Cela permet de minimiser le temps de parole de la personne autiste donc celle-ci à moins de chance de commettre un impair (monopoliser la conversation, apporter une réponse erronée, un sujet de conversation inadapté…) ;
  • éviter de parler trop de soi ou de sa vie privée. Cela permet de ne pas montrer le décalage qui peut exister entre le style de vie des personnes non autistes et celui des personnes autistes. Par exemple, les collègues racontent leur weekend durant lequel ils ont été manger au restaurant avant d’aller au cinéma alors que la femme autiste a passé son weekend à lire des livres et rechercher des informations sur sa thématique préférée, ou à aligner des dés de différentes couleurs. Certaines activités de loisir sont considérées comme plus légitimes que d’autres ;
  • des femmes autistes ont des scripts dans la tête : elles préparent leurs conversations avant qu’elles n’aient lieu : sujets de conversation, anecdotes, blagues à insérer, questions à poser. Elles incluent les réponses potentielles des interlocuteurs et la manière dont elles pourraient rebondir dessus. Il y a un véritable travail de structuration du dialogue.

 

  1. les conséquences du camouflage social : « je tombe en morceaux »

La conséquence la plus décrite par les femmes autistes est l’épuisement qui suit les phases de camouflage. Cette technique d’adaptation est émotionnellement, physiquement, psychologiquement très couteuse en énergie car cela requière une concentration intense, un contrôle de soi et un degré d’organisation qui entrainent un malaise et un inconfort important pour la personne. Plus la durée de la phase de camouflage est longue, plus elle entraine de la fatigue, avec souvent la nécessité d’avoir des phases de récupération à la suite.

En plus de la fatigue, le processus de camouflage génère du stress et de l’anxiété. Les femmes autistes ont peur que le camouflage ne soit pas efficient et que les personnes non autistes remarquent les difficultés/comportements inadaptés.

Une autre conséquence du camouflage est que la femme autiste change la manière dont elle se présente elle-même, elle ne correspond plus à la vision souvent stéréotypée qu’ont les personnes par rapport à l’autisme. Cela peut avoir des conséquences négatives : leur diagnostic peut être remis en cause car elles ne « paraissent » pas autistes, elles peuvent ne pas recevoir les aides appropriées car leurs difficultés ne sont pas visibles, elles sont obligées de maintenir leur niveau de camouflage pour conserver les avantages que cela leur a apporté (travail, relations sociales…).

La dernière conséquence observée qui est liée au camouflage est le rapport à leur identité que les femmes autistes développent. Elles sont souvent en représentation d’elle-même au lieu d’être elles même et ont donc le sentiment de manquer d’authenticité. Les femmes autistes peuvent avoir un diagnostic validé et se sentir appartenir à une communauté de personne autiste tout en continuant à cacher leurs comportements autistiques. Cela entraine un sentiment de trahison de la communauté à laquelle elles appartiennent. Dans certains cas elles assimilent le fait de jouer un rôle à de la tromperie et cela mène vers une forme d’isolement.

Toutes les recherches sur le phénotype féminin de l’autisme n’en sont qu’à un stade embryonnaire et doivent être approfondies afin comprendre comment ce mécanisme se construit. Il y a aujourd’hui peu d’enquêtes quantitatives qui permettent de mesurer le nombre de personnes autistes, y compris les femmes autistes concernées par le camouflage. Il n’existe pas non plus d’enquête qualitative et quantitative qui permettrait de voir si le phénotype autistique féminin s’applique aussi pour les femmes autistes ayant une déficience intellectuelle.

 

Information utile : dans les pays francophones, une association a vu le jour en 2016, l’Association Francophone de Femmes Autistes. L’AFFA a été créée par Magali Pignard (actuellement trésorière) et Marie Rabatel (actuellement présidente). La vice-présidente est Stef Bonnot-Briey.

Cette création d’association est basée sur le constat qu’il n’existait pas à l’époque une organisation qui traite de la thématique du genre dans le domaine de l’autisme. L’association a donc pour objectif de mettre en avant auprès des pouvoirs publics les caractéristiques féminines de l’autisme et les problématiques spécifiques qui en découlent. Les principales thématiques traitées par l’association sont les suivantes : les violences de tout type y compris sexuelles qui sont faites aux femmes autistes, la parentalité des femmes autistes, l’emploi des femmes autistes, les difficultés pour obtenir un diagnostic.

Les femmes de l’association forment une communauté bienveillante qui accompagne les femmes en cours ou après leur diagnostic. Elles organisent des conférences et font de l’information sur l’autisme au féminin (auprès des CRA, du grand public, dans des rassemblements dédiés comme le salon de l’autisme) et elles militent au niveau des politiques pour être visibles afin d’obtenir des avancées en matière de droit.

 


Sources :

Asperger’s syndrome : the complete guide, Tony Attwood, 2007, Jessica Kingsley Publisher

Pretending to be normal, Liane Holliday Willey, 1999

Putting on my best normal, Laura Hull, K. V. Petrides, Carrie Allison, Paula Smith, Simon Baron‑Cohen, Meng‑Chuan Lai3, William Mandy, 2017, Journal of autism and developmental disorders

The Experiences of Late-diagnosed Women with Autism Spectrum Conditions: An Investigation of the Female Autism Phenotype, Sarah Bargiela, Robyn Steward, William Mandy, 2016, Journal of autism and developmental disorders

Invisible at the end of the spectrum : shadows, residues, ‘bap’, and the female aspergers experience, Dr. A. RuthBaker

Diagnostic tests miss autism features in girls, by NicholetteZeliadt, May 2017, Spectrum News

 

 




Le projet Chatounets : initier les interactions sociales

Le projet Chatounets : les difficultés à initier les interactions avec autrui

Le projet Chatounets est né d’une phrase que j’entends souvent « l’autisme c’est compliqué ». Et c’est vrai. Les non initiés, les personnes qui ne connaissent pas encore l’autisme et souhaitent se renseigner sur le sujet sont confrontés à des termes pour le moins obscurs pour un néophyte : « dyade autistique », « intérêts répétitifs et restreints », « comorbidités », « troubles des interactions sociales » et autre « hypo/hyper sensibilités ».

L’objectif du projet Chatounets est donc d’expliquer dans des mini bandes-dessinées de trois vignettes un des grands principes de fonctionnement de l’autisme. J’ai choisi de le faire avec humour, non pas par manque de respect pour les difficultés réelles que ce fonctionnement peut entrainer en société mais parce que celui-ci amène aussi parfois à des situations cocasses.

Cette deuxième bande-dessinée du projet Chatounets va servir à illustrer de manière ludique un point de la dyade autistique qui concerne les interactions sociales, et notamment le fait d’initier les interactions sociales.

Si le fait de débuter une conversation avec autrui semble aller de soi et être naturel pour la plupart des personnes, cela peut représenter une difficulté pour les personnes autistes. Comme elles ont peu de « sens social », elles ne savent pas toujours spontanément comment aller vers les autres. Ainsi le simple choix du mot employé pour initier le contact peut être source de questionnement, comme le fait de ne pas savoir s’il faut serrer la main d’une personne ou l’embrasser sur les joues pour la saluer. Le moindre élément composant le début de l’échange avec une autre personne est source d’interrogations et si celles-ci ne trouvent pas de réponse, cela deviendra un frein à l’interaction sociale car la personne autiste ne saura pas de quelle manière il est approprié de saluer une personne.

Aussi les personnes autistes ont souvent des difficultés à transposer les savoirs appris dans un domaine particulier à des situations plus générales. Ainsi le fait de saluer un camarade de classe à l’école ou son professeur, se fait de manière très différente et il faut avoir identifier quel est le statut de la personne que l’on salue afin de rechercher dans son répertoire de quelle manière celle-ci doit être abordée.

Ces difficultés qui semblent minimes et peuvent faire sourire représentent en réalité une source de stresse pour les personnes autistes. Si ce stresse est trop important et/ou que la personne autiste ne sait pas comment saluer son interlocuteur, elle préfèrera parfois éviter l’interaction sociale et ne pas entrer en contact avec autrui.

Que ce dernier point de précision ne vous empêche pas de rigoler à cette deuxième BD du projet Chatounets, parce qu’il est vrai que nos maladresses sociales sont parfois drôles.

 

Le projet Chatounets : initier les interactions sociales
Le projet Chatounets : initier les interactions sociales




Les enfants autistes « sévères » et leur place dans la recherche scientifique

D’une extrémité à l’autre du spectre de l’autisme, il existe des profils et des situations différentes. Deux constructions médiatiques des représentations de l’autisme consistent d’un côté en la figure du génie hyper-compétent dans un domaine et l’autre est représentée par ce petit garçon déficient qui se tape la tête contre le mur. C’est à cette deuxième catégorie de personnes autistes que s’intéresse l’article d’aujourd’hui. Cette représentation a été souvent utilisée dans les médias il y a quelques années avant d’être remplacée par la figure de l’autiste savant.

Aujourd’hui il me semble que l’on aborde moins les problématiques des personnes autistes dites « sévères » ou à « bas niveau » de fonctionnement. Comme elle a été souvent médiatisée on pourrait s’attendre à ce que cette population ait été beaucoup étudiée par la communauté scientifique afin de comprendre le fonctionnement de ces personnes et pouvoir trouver des solutions à leurs problématiques.

Or ca n’est pas le cas, il y a très peu d’études qui permettent de mieux comprendre les comportements des personnes autistes « sévères » alors même que ces comportements réduisent beaucoup leur qualité de vie quotidienne. Ils se manifestent souvent par de la violence à leur encontre ou envers autrui. Cela est difficile à vivre pour leur famille et les isole peu à peu socialement car ils se font renvoyer de l’école, de l’institut médico-social, du travail…

Ce texte s’appuie sur un article paru dans la revue Spectrum News en novembre 2017 et dont vous trouverez la référence en bas de page.

 

Caractérisations des enfants autistes sévères

 

Les personnes autistes concernées par une forme « sévère » de cette condition représenteraient environ 1/3 de la population autiste générale. Mais il faut relativiser ce chiffre car aujourd’hui il n’existe pas de définition clinique exacte de ce qui peut être considéré comme une forme « sévère » d’autisme. Le Autism and Developmental Disorders Inpatient Research Collaborative est un regroupement des cinq plus grandes unités dédiées à la psychiatrie infantile et accueille plus de 1000 enfants par an. Une très grande partie de ces petits patients sont des autistes « sévères ». Des recherches collaboratives sont menées pour essayer de caractériser les agressions et les autos mutilations chez les enfants autistes sévères. Ils ont ainsi pu construire un portrait plus nuancé de ceux qu’on appelle autistes « sévères » en prenant en compte la manière dont les traumatismes, la dépression, l’anxiété et d’autres pathologies associées affectent le comportement de l’enfant, ses capacités à communiquer et à s’adapter à son environnement. Ils posent par exemple la question de savoir si un enfant autiste qui présente toutes les caractéristiques de l’autisme dans les critères de la communication et des interactions sociales ainsi que dans les comportements répétitifs et restreints avec en plus une déficience intellectuelle présente une forme d’autisme plus ou moins sévère qu’un enfant autiste avec un QI se situant dans la moyenne de la population générale mais qui se mord et mord les autres personnes.

Les personnes ayant une forme sévère d’autisme sont souvent déficiente intellectuelle, mais pas toujours. Elles ont peu ou pas de langage et ont des difficultés à réguler/comprendre/interpréter leurs émotions. L’ensemble de ces caractéristiques amènent souvent à des hospitalisations en psychiatrie, c’est le cas pour 11 % des enfants autistes. Ils sont principalement admis pour les motifs suivants : auto ou hétéro agressivité, colères extrêmement violentes. L’autisme est un spectre dans lequel les caractéristiques comportementales peuvent varier de « légèrement perturbateur » à « vraiment dangereux ».

Il existe aujourd’hui peu d’étude sur les personnes ayant une forme « sévère » d’autisme, notamment parce que ce sont des patients peu coopératifs :

  • ils peuvent être violent envers les examinateurs,
  • il est difficile de leur faire faire des tests où ils doivent rester assis à une table et répondre à des questions,
  • ils n’ont pas toujours un moyen de communication qui permettent aux chercheurs d’obtenir les informations dont ils ont besoin
  • les investigations par imagerie cérébrale sont compliquées car les personnes ont peur d’entrer dans le scanner

 

Cette exclusion du champ de la recherche scientifique a des conséquences graves comme le fait que cette population soit peu connue du corps médical et peu de traitements ou de solutions sont mis en place pour leur permettre une meilleure qualité de vie. Aux Etats-Unis il y a seulement  une douzaine d’unités psychiatriques spécialisées dans l’accompagnement des adolescents ou enfants autistes sévères. La plupart des unités psychiatriques classiques pour les enfants ont l’habitude d’accueillir des personnes avec des troubles de l’humeur ou des psychoses, c’est-à-dire des enfants verbaux qui peuvent parler de leurs émotions. Ca n’est pas le cas pour les enfants autistes sévères. Comme il existe peu d’unités adaptées, les enfants autistes sévères sont souvent accueillis en psychiatrie générale pour adulte.

En comparaison des enfants non autistes admis en psychiatrie pour d’autres troubles, les enfants  autistes sévères présentent des défis importants pour les équipes de soignants qui sont démunis face à certains comportements et proposent des solutions inadaptées. Les unités de psychiatrie générale peuvent au mieux stabiliser médicalement l’enfant, mais elles ne sont pas en capacité de proposer des outils pour accompagner l’enfant.

Certaines institutions du Autism and Developmental Disorders Inpatient Research Collaborative ont développé le « step-down program ». C’est un programme global qui associe médication et thérapie comportementale. Il se compose d’une équipe pluridisciplinaire comprenant : des psychologues, des psychiatres, des travailleurs sociaux, des orthophonistes et des enseignants. Les parents sont également associés avec pour objectif de sortir l’enfant le plus vite possible de l’unité psychiatrique et d’assurer la continuité du programme à la maison et à l’école.

Mais loin d’idéaliser ce programme le professeur Siegel qui le dirige rappelle que les progrès sont lents et les professionnels considèrent comme un succès si l’enfant autiste sévère réduit déjà de 30 % les comportements d’automutilation.

 

Les crises autistiques des enfants autistes sévères

 

Une étude comparative a été menée par le laboratoire collaboratif afin de déterminer quels étaient les facteurs qui prédisposaient à une hospitalisation. L’étude a comparé 218 enfants autistes hospitalisés et 255 enfants autistes qui n’ont jamais été hospitalisés mais qui sont passés par des soins ambulatoires dans le Rhode Island Consortium for Autism Research and Treatment. Les chercheurs montrent que le premier facteur d’hospitalisation est lié aux troubles de l’humeur (comme la dépression) et en second lieu aux troubles du sommeil. D’autres facteurs ont également été trouvés comme le fait d’avoir un faible fonctionnement adaptatif qui réduit l’autonomie dans les actes de vie quotidienne (comme faire ses lacets, s’habiller et manger seul…) ou de vivre dans un foyer monoparental.

L’analyse de ces facteurs devrait permettre aux chercheurs de prévenir les comportements défis avant qu’ils nécessitent une hospitalisation.

Deux études publiées en juin 2017 (Behavioral Symptoms of Reported Abuse in Children and Adolescents with Autism Spectrum Disorder in Inpatient Settings, Brenner J, Pan Z, Mazefsky C, Smith KA, Gabriels R, Journal of Autism and Developmental Disorders) montrent qu’il existe des facteurs additionnels : les traumatismes liés aux abus physiques, sexuels ou émotionnels peuvent amener une anxiété et une irritabilité extrême chez les enfants autistes. Les enfants autistes avec des troubles anxieux ou des troubles de l’humeur sont plus touchés par les pensées suicidaires.

Les enfants autistes sévères avec peu ou pas de langage verbal montrent plus de troubles du comportement en adoptant un comportement agressif envers eux même ou les autres. Les chercheurs ont comparé 169 enfants peu ou pas verbaux et 177 enfants verbaux : c’est la capacité à développer des mécanismes d’adaptation qui réduit le risque de comportements dangereux (qui eux-mêmes entrainent l’hospitalisation). Carla Mazefsky, psychologue au sein du programme à Spring Harbor, explique que la communication est une des manières de faire face à la détresse, mais ca n’est pas la seule.

Lorsque les enfants autistes sont admis à Spring Harbor, ils passent une évaluation complète afin de voir s’ils ne souffrent pas d’un problème physiologique (comme un problème dentaire ou métabolique) ou s’ils n’ont pas un trouble de l’humeur non diagnostiqué comme la dépression ou l’anxiété. L’équipe vérifie aussi s’il n’y a pas d’évènement familial stressant comme un divorce ou une éviction de l’école. Ils font aussi une évaluation sensorielle afin de voir si l’enfant a des hyper ou hypo sensibilités qui pourraient expliquer les comportements agressifs. En général ca n’est pas l’un ou l’autre de ces facteurs, mais une combinaison de plusieurs d’entre eux qui explique le comportement difficile de l’enfant.

L’ensemble des membres de l’équipe, toutes disciplines confondues, se rencontre régulièrement afin de faire le point sur les enfants qu’ils accompagnent. Ils analysent les comportements et évaluent les progrès par l’intermédiaire d’un graphique avec des pics correspondants aux comportements agressifs de l’enfant.

 

Les pathologies associées

 

Beaucoup d’enfants ont des pathologies associées à l’autisme incluant des désordres de l’humeur, de l’anxiété, un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité. Une étude (The Co-Occurrence of Autism and Attention Deficit Hyperactivity Disorder in Children – What Do We Know ? Yael Leitner, Frontiers in Human Neuroscience, 2014) montre que 50 % des personnes autistes ont un Trouble Déficitaire de l’Attention. Mais aujourd’hui il y a peu de connaissances sur les liens entre l’autisme « sévère »et l’ensemble des pathologies qui peuvent y être associées.

Les chercheurs ont aussi fait une analyse des prescriptions médicales pour ces enfants autistes sévères : sur 350 enfants admis au sein de leur service, 90 % avaient une prescription pour des médicaments psychotropes au moment de leur admission.

 

It’s a huge number, but it’s not surprising, given that these kids are in such distress that they’re being hospitalized,  Wink says.

 

Traduction libre : c’est un nombre énorme, mais ca n’est pas surprenant, étant donné que ces enfants étaient dans une telle détresse lorsqu’ils ont été hospitalisés. Dit Wink, une chercheuse du groupe.

Étonnamment cette proportion augmente jusqu’à 97 % des enfants autistes sévères au moment où ils sortent de l’hôpital. Ce qui signifie que plus de prescriptions médicales pour des médicaments psychotropes ont été effectuées. Wink espérait une chute de ce pourcentage avec la mise en place des approches comportementales. Mais cette augmentation s’explique par le fait que des investigations complémentaires sont menées et de nouvelles pathologies sont découvertes pour ces enfants. Celles-ci nécessitent souvent la mise en place d’un nouveau traitement.

Elle observe également que deux mois après la sortie d’hôpital le pourcentage d’enfants sous prescription baisse à 64 %. Plusieurs pistes doivent être approfondies par les chercheurs : soit les comportements défis diminuent avec le retour à domicile, soit les parents et les médecins traitants des enfants arrêtent l’usage des psychotropes, notamment à cause des effets secondaires souvent conséquents sur la qualité vie.

 

Une explication génétique

 

Le groupement collaboratif s’intéresse à l’architecture génétique de l’autisme  sévère  qui peut révéler des indices supplémentaires. Les chercheurs ont l’intention de recruter 1600 enfants autistes et leurs familles afin de procéder à une analyse séquentielle de leur ADN. Près de 700 familles ont déjà donné un échantillon de sang et de salive. Environ la moitié des enfants ont une déficience intellectuelle et 1/3 sont peu verbaux.

Beaucoup d’analyse ADN sont réalisées sur des personnes autistes avec un haut niveau de fonctionnement. Cette recherche a pour objectif de voir s’il existe un sous-type de gènes qui expliqueraient que les enfants autistes sévères partagent des traits communs au niveau physique, psychiatrique, et comportemental.  Ils espèrent pouvoir ainsi adapter les traitements et les méthodes à ces caractéristiques.

 

Un appareil permettant de prédire les accès de violence

 

L’équipe de chercheurs travaille sur la création d’un appareil, semblable à une montre connectée qui serait capable de prédire les changements de comportement des enfants autistes  sévères. Si ces colères semblent parfois venir de nulle part et n’être pas prédictibles, c’est parce qu’en fait nous ne sommes pas toujours capable d’en lire les prémisses.

L’appareil appelé E4 wristband devrait permettre de repérer l’excitation physiologique mesurée par la sueur. Il devrait permettre à l’enfant de repérer lui-même ses changements de comportement et mettre en place des stratégies pour apprendre à se calmer. Il permettra également aux parents ou aux professionnels de pouvoir intervenir en amont d’une éventuelle crise de violence.

Cependant il reste très complexe pour les chercheurs de pouvoir décoder les émotions des enfants autistes sévères par leur comportement car parfois ils vont se frapper fort au visage pour exprimer la joie ou sourire, voir rigoler alors qu’ils sont blessés. Le ton de la voix n’est pas non plus un indicateur fiable du reflet des émotions, ni les expressions faciales.

 

Les personnes autistes « sévères » sont celles qui ont le plus besoin d’accompagnement que ce soit au niveau médical ou éducatif. Le fait qu’elles aient souvent peu accès au langage verbal et qu’elles présentent des comportements violents pour elles-mêmes ou autrui diminue fortement leur qualité de vie. Des recherches plus approfondies de l’étude de leurs comportements devraient permettre de leur apporter des solutions et diminuer l’impact des comportements défis sur leur vie quotidienne.

 


Source :

Why children with ‘severe autism’ are overlooked by science, by Alisa Opar, Spectrum News, octobre 2017




Les interactions affectives entre les chats et les enfants autistes

Cet article est un résumé d’une recherche parue dans la revue Frontiers in veterinary science au mois de mars 2018 et dont vous trouverez les références en bas de page.

Les bénéfices mentaux et physiques du contact avec les chiens ont été mis en avant dans plusieurs études concernant les adultes et enfants avec des besoins spécifiques de tout ordre. Il y a par contre moins d’études concernant le lien entre les chats et les personnes autistes.

Pourtant les chats ont d’autres avantages et inconvénients que les chiens. Ils nécessitent moins d’attention et de soin car il n’y a pas la nécessité de les sortir pour procéder aux fonctions d’élimination et d’exercice physique, nécessaires à leur bien être. Certains parents d’enfants autistes rapportent que les chats sont des compagnons plus adaptés pour leur enfant, ils sont moins impressionnant que les chiens et conviennent parfois mieux à certains styles de vie de famille.
Cette étude émet l’hypothèse qu’un chat au caractère calme et relaxé peut être un compagnon thérapeutique pour un enfant autiste et apporter un réconfort et un apaisement complémentaire à celui de la famille et faciliter un comportement social chez l’enfant. Elle étudie les relations entre les chats et les personnes autistes.
Pour cela il faut pouvoir sélectionner un chat qui n’ait pas un comportement agressif. Un comparatif des différentes races de chat montre que le Ragdoll est celui qui semble être le plus affectueux et le moins sujet à des comportements agressifs. Dans l’enquête présentée dans cet article, tous types de chats ont été observés.
L’enquête s’est déroulée en deux phases, avec dans un premier temps un questionnaire en ligne complété par les familles, puis des entretiens avec les familles afin de caractériser les liens entreles chats et les personnes autistes..

L’enquête par questionnaire : comportement du chat et relation avec l’enfant
C’est une enquête sur internet destinée aux familles avec un enfant diagnostiqué autiste et ayant entre 3-12 ans et possédant un chat. L’enquête s’est déroulée auprès de 64 familles dont certaines avaient plusieurs chats. Dans ce cas l’objectif de l’enquête est de caractériser la relation entre l’enfant autiste et le chat qui interagit le plus avec lui.
La moitié des familles a d’autres enfants dans le foyer, 52 % des chats sont des shorthair.
Comportement général du chat vis-à-vis de l’enfant autiste et de l’enfant non autiste
78 % des chats qui interagissent avec les enfants autistes sont au moins « affectueux », 30 % sont « très affectueux ». Parmi tous les chats, 22 % sont très affectueux vers les adultes, 5 % vers les enfants de 10-12 ans, 9 % vers les enfants de 6-9 ans et 9 % vers les enfants de 3-5 ans. Les chats qui sont « très affectueux » le sont plus vers les enfants autistes que vers les adultes ou les autres enfants de la famille.
Les chats ayant un lien particulier avec les enfants autistes sont moins agressifs envers ceux-ci : 47 % d’entre eux n’ont jamais été agressif. Ces chats ont plus de chance de s’attacher et d’être affectueux envers l’enfant autiste de la famille et préfèrent souvent le contact de cet enfant en particulier à celui des adultes ou des autres enfants du foyer.

Le comportement du chat affecte la relation enfant-chat
55 % des enfants autistes souhaitent avoir des interactions avec le chat ; le caresser, se blottir, dormir avec. Les chats passent en moyenne entre une et deux heures par jour avec les enfants autistes et 25 % d’entre eux dorment avec les enfants. Lors des interactions, aucuneincidence du fait du sexe de l’enfant, de celui du chat, du fait qu’il soit entier ou non ou de la race du chat n’a été trouvé. Puis un arbre de régression a été mené pour voir quels facteurs influaient sur la qualité de la relation enfant-chat :
Le premier facteur est la provenance du chat : les chats provenant d’un élevage ou qui étaient à l’état sauvage ont une meilleure qualité d’interaction que les chats provenant d’un voisin ou d’un refuge pour animaux.
Le deuxième facteur est l’âge d’adoption du chat : plus un chat est adopté jeune plus il développe une forte qualité d’interaction avec l’enfant autiste
Sur 64 familles concernées par l’étude, 52 parents ont fait des commentaires libres. 40 commentaires étaient positifs, 3 étaient neutres et 9 étaient négatifs. Parmi les commentaires positifs il est mis en avant l’attachement et le lien d’affection entre l’enfant et le chat et la fonction de régulateur d’humeur du chat.

 

“He is non-verbal and doesn’t sign for much, but he does sign for his kitty numerous times each day!”

 

Traduction : Il est non verbal et il ne signe pas beaucoup, mais il signe plusieurs fois chaque jour pour son chaton (note personnelle : « signer » signifie utiliser un mode de communication par signe).

L’enquête par entretiens : les relations entre les chats et les personnes autistes
44 familles ont participé à l’enquête par entretien dont 26 avaient déjà répondu au questionnaire en ligne. Les participants se répartissent comme suit : 16 sont des familles avec des enfants dits autistes « sévères », 11 sont des familles avec des enfants autistes définis comme « moins sévères » et 17 familles ont un enfant avec un développement typique. L’objectif était de valider ou invalider les résultats de l’enquête par questionnaire sur les liens entre les chats et les personnes autistes.

Le comportement général du chat vis à vis de l’enfant autiste
Une minorité de chat se montre agressif envers les enfants : 19 % vers les enfants autistes « sévères », 27 autistes « moins sévères » et 36 % vers les enfants ayant un développement normal. Parmi ces chats 71 % des mâles et 74 % des femelles n’ont jamais été agressifs envers les enfants. L’enquête par entretiens rejoint les conclusions de l’enquête par questionnaires qui montrait que globalement le comportement des chats est pacifique et affectueux avec les enfants.

Les réactions des enfants face aux comportements des chats
Les enfants autistes ou non apprécient le contact avec le chat, notamment porter le chat de la famille. Les enfants avec un développement typique et les enfants autistes « sévères » passent généralement 30 à 59 minutes par jour avec le chat et 1 à 2 heures par jours avec les enfants autistes « moins sévères ».
Il existe plusieurs niveaux de qualité de relation entre l’ensemble des enfants de l’étude et les chats, néanmoins cette étude montre pour une grande majorité des participants que cette relation est très favorable pour l’enfant.
Cette étude n’a montré aucun effet de la stérilisation des chats ni de leur sexe sur le degré d’affection qu’ils portent aux adultes ou aux enfants.

Les limites de cette étude
Il est probable que les familles qui ont accepté de répondre à cette étude soient celles qui sont déjà intéressées par les animaux en général et les chats en particulier et qui favorise la relation entre les chats et les personnes autistes.
De plus, le comportement affectueux a pu être biaisé si certaines familles ont renoncé à conserver un chat au comportement agressif.
Plusieurs de ces familles ont plusieurs chats et même si les questions étaient orientées en direction du chat qui interagissait le plus avec l’enfant autiste il est parfois difficile de définir quel chat cibler.
L’étude n’a pas inclus d’observation directe des interactions entre les chats et les enfants autistes, ce qui pourrait permettre de spécifier plus précisément la qualité du lien entre l’enfant et le chat.

Conclusion de l’enquête sur les chats et les personnes autistes
Cette étude s’intéresse en premier lieu aux caractéristiques des interactions entre le chat de la famille et l’enfant autiste ainsi qu’aux réponses apportées par les enfants lors de ces interactions. Elle s’intéresse plus particulièrement aux comportements affectifs de ces chats et au rôle réconfortant et calmant qu’ils ont sur les enfants autistes.
Lorsque la question d’adopter un chat se pose dans une famille où il y a un enfant autiste, il faut aussi prendre en considération le bien-être du chat. Cela ne va pas de soi de savoir comment interagir avec un chat et il faudra parfois une guidance parentale au début pour initier la relation et définir quelques règles (ne pas retenir le chat contre sa volonté, ne pas tirer les poils du chat…).
Les familles sont très motivées pour trouver des expériences relationnelles qui correspondent aux besoins de leur enfant autiste. Les chats offrent ce type de relation et sont bien accueillis par les enfants autistes.

Référence : Affectionate interactions of cats with children having autism spectrum disorder, Lynette A. Hart, Abigail P. Thigpen, Neil H. Willits, Leslie A. Lyons, Irva Hertz-Picciotto and Benjamin L. Hart, Frontiers in veterinary science, march 2018




Le projet chatounets

Le projet Chatounets : compréhension littérale des expressions

Cela fait quelques mois que je travaille sur un projet que j’ai intitulé dans ma tête « projet chatounets » (il faudra sans doute que je lui trouve un vrai nom par la suite).

Ce « projet chatounets » est né d’une phrase que j’entends souvent « l’autisme c’est compliqué ». Et c’est vrai. Les non initiés, les personnes qui ne connaissent pas encore l’autisme et souhaitent se renseigner sur le sujet sont confrontés à des termes pour le moins obscurs pour un néophyte : « dyade autistique », « intérêts répétitifs et restreints », « comorbidités », « troubles des interactions sociales » et autre « hypo/hyper sensibilités ».

Tous ces termes expliquent le fonctionnement de la personne autiste et c’est l’objectif de mon site internet que d’expliciter à quoi ils correspondent. Pour autant, une définition théorique de ce qu’est la théorie de l’esprit par exemple, ne permet pas forcément d’en saisir la réalité pour la personne autiste et son impact sur les relations dans la vie de tous les jours.

Et comme le dit l’adage « une image vaut mille mots », ou pour correspondre au « projet chatounets », les 1000 à 3000 mots de mes pages sont transformés en trois vignettes imagées.

L’objectif du « projet chatounets » est donc d’expliquer dans des mini bandes-dessinées de trois vignettes un des grands principes de fonctionnement de l’autisme. J’ai choisi de le faire avec humour, non pas par manque de respect pour les difficultés réelles que ce fonctionnement peut entrainer en société mais parce que celui-ci amène aussi parfois à des situations cocasses.

« Et pourquoi des chats ? » me demanderez-vous surement. Parce que j’adore les chats depuis toujours. Ils sont mes premiers amis lorsque j’étais toute petite, et ils ont toujours coloré mon existence par leur présence plus ou moins discrète à mes côtés et leurs petites attentions plus ou moins intéressées.

Je me consacre au « projet chatounets » depuis quelques mois, et j’ai fait plusieurs « planches » de trois vignettes sans jamais rien publier. Parce que j’ai tendance à tourner mentalement un projet dans ma tête pendant longtemps, vraiment longtemps et à y apporter plein de modifications/corrections, même infimes.

Une amie qui ne voyait toujours rien apparaitre concernant ce projet m’a rappelé exactement ceci : « done is better than perfect », autrement dit « mieux vaut fait que parfait ». Je ne suis toujours pas convaincue par cette acception mais je vous soumets malgré tout ma première « bande dessinée » dans laquelle je lui fais d’ailleurs un petit clin d’œil.

  1. La dyade autistique

1.1. Troubles de la communication

La compréhension littérale des expressions ou la difficulté à saisir l’implicite, notamment dans les expressions/dictons.