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Quelles sont les démarches à effectuer pour accéder à un diagnostic d’autisme ? Même s’il reste compliqué en France d’obtenir un diagnostic d’autisme, un certain nombre de démarches peuvent être mis en place pour avoir des réponses de la part de professionnels compétents dans ce domaine.

Le diagnostic d’autisme : le dépistage

Aujourd’hui en France, seul un médecin peut poser un diagnostic d’autisme mais de nombreux professionnels peuvent orienter vers les démarches diagnostiques. Théoriquement, n’importe quel médecin, y compris un généraliste (le médecin traitant de la famille par exemple), peut positionner une personne sur le spectre de l’autisme.

En réalité, ce fonctionnement étant peu connu, c’est en général une spécialité qui relève du champ de la psychiatrie. Le médecin traitant peut par contre être un relai, s’il est en capacité de déceler les signes d’un fonctionnement autistique, et orienter la personne ou les parents vers les démarches du diagnostic. Les personnes et/ou les familles peuvent aussi faire appel à un psychiatre spécialisé ou un centre de ressource dédié. La psychiatrie étant un champ de compétence vaste impliquant de nombreuses pathologies, tous les psychiatres ne sont pas à même dans les faits de porter ce diagnostic.

Les professionnels de la petite-enfance peuvent également être les premiers interlocuteurs dans le cadre d’un dépistage précoce et accompagner les parents vers les démarches nécessaires. Ces professionnels peuvent être pédiatre, professionnels de la Protection Maternelle et Infantile (PMI), professionnel d’une structure d’accueil de la petite enfance (crèche, multi-accueil, halte-garderie, périscolaire, enseignants en classe de maternelle…). Les tests les plus couramment utilisés pour le dépistage de l’autisme dans la petite enfance sont le CHecklist for Autism in Toddlers (CHAT, Baron Cohen et all, 1996) et le Modified CHecklist for Autism in Toddlers (M-CHAT, Robins, Fein, Barton and Green, 2001), la Children Autism Rating Scale (CARS, Eric Schopler, 1971).

Pour les adultes sans déficience intellectuelle, c’est souvent la personne elle-même qui est à l’origine des premières interrogations et qui va effectuer seule ou avec une aide les démarches nécessaires pour obtenir un diagnostic d’autisme. Elle va essayer de rechercher d’où vient ce sentiment de décalage, cette inadaptation plus ou moins forte à la vie  en société, qu’est-ce qui pourrait expliquer ses échecs, sa relation à autrui si particulière, son intolérance au bruit ou au toucher ?

Pour les personnes autistes adultes ou pour les parents d’enfants autistes qui se posent des questions sur un comportement particulier qu’ils identifient comme différent de la norme, il existe maintenant grâce à internet plusieurs sources d’informations qui vont orienter les recherches vers la piste de l’autisme et renseigner sur les démarches à effectuer. Il y a aussi de plus en plus d’émissions télévisées, de reportages, documentaires, témoignages de parents ou de personnes autistes qui évoquent ce sujet.

L’objectif des démarches de diagnostic est d’identifier une pathologie, un trouble, chez une personne afin de définir les interventions les mieux adaptées à son profil.

Trois étapes sont nécessaires pour assurer le diagnostic d’autisme :

  1. un diagnostic nosologique : c’est à dire qu’il prend en compte les critères qui définissent l’autisme et qui sont développés dans la CIM 10 et le DSM 5
  2. une évaluation fonctionnelle qui vise à apprécier les différents domaines de compétence de la personne et leur utilisation effective selon les contextes
  3. la recherche de pathologies associées : il y a souvent des pathologies associées dans le cas de l’autisme, les spécialistes les appelle « comorbidités ».

Les démarches diagnostiques :  les enjeux et les acteurs

Que vous soyez vous-même une personne autiste, que vous soyez membre d’une famille où vit une personne autiste, parents, frères, sœurs, grands-parents ou que vous soyez professionnel au sein d’une institution qui accueille des personnes autistes, éducateur(trice), AMP, chef de service, infirmier(ère), psychologue, la réalisation d’un bilan à visée diagnostique vous dotera d’un éclairage qui vous permettra une meilleure compréhension de vous-même si vous êtes directement à l’origine de la demande ou de la personne autiste que vous accompagnez et ce quel que soit votre rôle dans l’accompagnement (aidant familial ou professionnel).

Le diagnostic d’autisme va permettre à la personne, à sa famille, à l’institution dans laquelle elle est accueillie de mettre en place les moyens matériels et humains nécessaires à l’amélioration de sa qualité de vie, voir à son adaptation à la vie autonome en société. C’est sur la base des différents tests menés lors des démarches diagnostiques que vont être repérées les compétences et les déficiences de la personne dans les différents domaines qui composent sa vie. Ainsi, certains aménagements peuvent être mis en place, comme des supports visuels pour figurer un emploi du temps ou accompagner la découverte du schéma corporel au moment de la douche. Pour les enfants, une auxiliaire de vie scolaire peut accompagner les moments plus délicats de la journée, comme la récréation ou d’autres moments informels. Pour les adultes en situation de travail, des aménagements peuvent être proposés par le médecin du travail, comme un bureau seul dans un endroit plus calme du bâtiment lorsque cela est possible, le télétravail partiel ou total selon l’activité ou la dispense d’assister aux évènements sociaux classiques (repas de fin d’année, barbecue estival, vœux du Directeur…) qui peuvent être fatigants pour les personnes autistes.

Le diagnostic est aussi l’outil principal de communication avec la MDPH de votre territoire, il vous donne accès à certains droits et aides financières et/ou humaines.

La Haute Autorité de Santé (HAS) précise que :

Le diagnostic est assuré auprès de toute équipe pluridisciplinaire 1) disposant de professionnels formés, compétents et suffisamment entraînés pour examiner le développement (cognitions, communication, sensorimotricité) et les aspects psychopathologiques ; 2) ayant une bonne connaissance de ce qui peut être proposé aux parents en termes de soins, d’éducation, de pédagogie et d’accompagnement de leur enfant ; 3) articulée avec les professionnels susceptibles d’assurer les consultations génétique et neurologique.

Il existe plusieurs démarches possibles pour avoir confirmation/infirmation d’un diagnostic d’autisme.

Consulter les équipes de psychiatrie de proximité

Elles sont représentées par les Centre Médico-Psychologique ou (CMP), les Centres Médico-Psycho Pédagogique (CMPP), les Centres d’Action Médico-Sociaux de Précoces (CAMSP). Ce type de diagnostic est réservé à des cas peu complexes, c’est à dire lorsque les caractéristiques de l’autisme sont les plus saillantes au regard des critères de diagnostic.

L’avantage de cette méthode est la rapidité avec laquelle peut être effectué le diagnostic et la possibilité que la personne puisse être suivie par les professionnels qui ont procédé à son évaluation.

Un inconvénient majeur de cette méthode est que dans les fait, dans beaucoup de ces institutions les professionnels (y compris les psychiatres) sont peu formés à l’autisme ou utilisent encore d’anciennes classifications qui ne sont pas recommandées par la Haute Autorité de Santé.

Consulter un professionnel en libéral

Consulter un médecin en libéral : en général un psychiatre et au mieux un professionnel spécialisé dans l’autisme (certains sont même spécialisés dans un type d’autisme particulier qui n’implique pas de déficience intellectuelle). Les neurologues ou neuropsychologues spécialisés dans le domaine de l’autisme ont également des compétences  pour poser ce diagnostic d’autisme.

Pour trouver ce type de professionnel, vous pouvez vous rapprocher des associations de votre région qui ont pour champ d’action l’autisme en général ou le syndrome d’Asperger en particulier selon vos besoins. Ils connaissent souvent un ou plusieurs professionnels et vous conseilleront. Si vous ne savez pas concrètement comment faire, vous pouvez procéder à une recherche internet : il suffit de taper quelques mots clés dans votre navigateur web « association autisme PACA » ou « association asperger Ile de France », selon le secteur géographique où vous habitez. Les associations possèdent souvent un site internet avec un contact mail qui peut être plus abordable pour les personnes autistes qui craignent les communications téléphoniques. Le professionnel conseillé pourra soit poser directement un diagnostic après avoir échangé avec la personne et sa famille et avoir procédé à des tests, soit vous orientez vers un Centre Ressource Autisme (CRA) selon votre situation.

Les avantages de cette méthode sont les suivants :

  • le RDV avec le professionnel est plus rapide que les démarches en Centre Ressource Autisme
  • le médecin qui pose le diagnostic peut assurer un suivi en libéral

Les inconvénients de cette méthode sont les suivants :

  • il faut s’assurer de la compétence du professionnel à poser un diagnostic d’autisme fiable
  • le coût peut être important selon le type de professionnel mobilisé, et certaines personnes peu scrupuleuses profitent de l’augmentation de la demande de diagnostic et de l’inquiétude des familles/des personnes pour faire payer des tarifs exorbitants contre un bilan d’évaluation
  • parfois toutes les dimensions d’évaluation de la personne ne sont pas explorées : pas de bilan psychomoteur, de profil sensoriel, de profil cognitif…

Consulter un Centre de Ressource Autisme

Dans le cas d’un diagnostic d’autisme complexe, vous pouvez vous adressez à un Centre de Ressource Autisme (CRA) : c’est un centre public de diagnostic qui mobilise une équipe pluridisciplinaire généralement composée des spécialités suivantes : psychiatre, psychologue, infirmière, orthophoniste, psychomotricien, éducateur spécialisée, assistantes sociales.

Parmi l’ensemble des spécialités évoquées, seule une partie peut être mobilisée selon les profils de demande de diagnostic. Ils disposent également d’un centre de documentation, une bibliothèque qui contient des ouvrages, des vidéos sur la thématique de l’autisme. Il y a un Centre de Ressource Autisme par région qui dispose de plusieurs antennes réparties sur le territoire.

Les différentes étapes du diagnostic au sein d’un CRA sont les suivantes :

  1. Le premier contact est généralement établit par la personne autiste, sa famille (ou plus rarement les professionnels qui accompagnent éventuellement la personne) avec le secrétariat ou le coordonnateur du CRA par téléphone ou par mail selon les régions. Une fiche de renseignement est établie. Il est souvent demandé une lettre d’appuis d’un médecin (généraliste ou psychiatre) qui motive la demande de diagnostic d’autisme de la personne, de sa famille ou de l’institution qui l’accompagne.
  2. Un premier RDV avec un médecin psychiatre qui va se charger de l’anamnèse (l’histoire de vie de la personne qui permet d’expliquer sa demande de diagnostic). Le RDV peut avoir lieu avec les parents mais ca n’est pas obligatoire et la personne autiste peut y aller seule si elle en est capable.  Le psychiatre peut être accompagné d’un psychologue qui procèdera à une observation clinique durant l’entretien.
  3. Suite à ce premier entretien, le psychiatre juge s’il y a suffisamment de premiers éléments qui vont dans le sens d’un trouble du spectre de l’autisme. Si ca n’est pas le cas, les démarches auprès du CRA s’arrêtent là et éventuellement d’autres pistes sont proposées (trouble bipolaire, trouble déficitaire de l’attention…). Si les premiers éléments indiquent potentiellement un Trouble du Spectre de l’Autisme un bilan complet est programmé.
  4. Des tests standardisés sont programmés : Ados, Wais/Wisc, AQ, Faux-pas, Vineland, CARS… Le protocole de test dépend des CRA et des profils des personnes (âges, présence ou non d’une déficience intellectuelle associée…).
  5. Après ces tests, l’équipe pluridisciplinaire se réunit afin de procéder à l’analyse de ceux-ci et le psychiatre procède à la pose du diagnostic.
  6. Enfin la dernière phase de la démarche consiste à rendre compte des résultats du bilan à la personne elle-même et/ou à sa famille lors d’un entretien de restitution. Un rapport complet sur les résultats des différents tests, les compétences et les difficultés est remis à la personne, soit au moment de l’entretien, soit envoyé par courrier à l’issue.

Une aide peut être proposée selon les besoins de la personne : suivi psychologique, auxiliaire de vie scolaire, contact avec une association, suivi orthophonique, psychomoteur…

Les avantages de cette seconde méthode sont les suivants :

  • l’ensemble de ces démarches est peu couteuse : le bilan est gratuit car entièrement pris en charge par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (la sécurité sociale)
  • une évaluation complète est proposée sur différents domaines (orthophoniste, test de QI, …)
  • les professionnels sont spécialisés dans l’autisme et bénéficient généralement de formation pour mettre à jour leurs connaissances
  • une assistante sociale peut accompagner la personne ou sa famille  à l’issue du bilan pour s’orienter dans la jungle administrative de la MDPH

Les inconvénients de cette  méthode sont les suivants :

  • le délai est long, il peut se dérouler entre un an et trois ans (selon les régions) entre le premier contact et la restitution du diagnostic
  • il n’y a pas de suivi proposé directement au CRA, ils donnent des contacts d’autres professionnels en libéral ou en institution

Le troisième plan autisme positionne les CRA en dernier recours diagnostic, lorsque les professionnels libéraux ou de proximités comme les Centres  Médico-Psychologiques (CMP) ne peuvent affirmer le diagnostic. Ils sont normalement réservés aux « cas complexes » comme les personnes ayant une errance diagnostique (c’est à dire que a été diagnostiquée pour d’autres maladies psychiatriques comme la schizophrénie sans que cela explique véritablement l’ensemble de leurs troubles), les adultes ayant un profil cognitif particulier (déficience intellectuelle importante ou au contraire absence de déficience intellectuelle) ou les personnes adultes et enfants avec des comorbidités (pathologies associées : TDAH, polyhandicap…).

Dans les faits, il y a si peu de professionnels libéraux et de proximités réellement formés à l’autisme que les CRA se trouvent débordés par le nombre de demande de bilan.

Les démarches permettant d’aboutir à un diagnostic d’autisme sont souvent longues et demande beaucoup de patience avoir d’obtenir un résultat. Afin d’éviter l’incompréhension de professionnels peu formés à la thématique de l’autisme il vaut mieux dès le début de ses démarches s’orienter vers des spécialistes de ce sujet.


Sources :

Différents témoignages de personnes autistes, notamment les blogs suivants :

Aspipistrelle, Femme asperger anonyme

Les tribulations d’une Aspergirl, Alexandra Reynaud

Émoi, émoi et moi, Julie Dachez

Mon expérience personnelle lorsque j’ai été diagnostiquée

Dossier technique Troubles du Spectre de l’Autisme, Mai 2016, CNSA

Rapport IGAS sur l’Évaluation des Centres Ressource Autisme, Mars 2016