Les effets de la médiation animale chez les personnes autistes

Cet article est le résumé d’une étude publiée en juin 2020 dans le Journal of Autism and Developmental Disorders dont vous trouverez les références complètes en bas de page et qui aborde les effets de la médiation animale chez les personnes autistes sur le stress, la réponse sociale et l’estime de soi.

Les problèmes liés au stress, comme l’anxiété ou la dépression sont fréquents chez les personnes autistes et affectent 77 % de cette population (Joshi et al. 2013).

Le stress est souvent associé à la dépression et à l’anxiété (Vreeburg et al. 2010), à une mortalité prématurée et un moins bon état de santé générale (Slavich 2016) et aux difficultés de communication et d’interaction (Hirvikoski and Blomqvist 2015).

Plusieurs études, non spécifiques aux adultes autistes, ont montré que les interactions avec les animaux réduisent le niveau de stress (Beetz et al. 2012). Une étude de O’Haire en 2013 montre que pour les enfants autistes, il y a également une réduction du stress grâce aux Thérapies Assistées par les Animaux (TAA).

Des améliorations au niveau des interactions sociales et de la communication ont aussi été notées (Berry et al. 2013; Gabriels et al. 2015). Elles peuvent être particulièrement adaptées car les animaux ne communiquent pas de manière verbale, ce qui peut représenter une forme d’interaction moins stressante qu’un dialogue avec un thérapeute qui implique des aspects métacognitifs et de l’introspection (Verheggen et al. 2017).

L’hypothèse a été émise que dans les milieux thérapeutiques, les animaux agissent comme des catalyseurs sociaux, amenant les patients à devenir plus disposés à communiquer avec leur environnement social, ce qui facilite à son tour l’amélioration des interactions sociales et de la communication (Gabriels et al.2015).

Même si les études montrent des effets plutôt positifs de la TAA ou médiation animale chez les personnes autistes, il y a quand même des limites : les résultats ne peuvent pas toujours être généralisés, la taille des échantillons est parfois trop petite, les diagnostics d’autisme ne sont pas toujours vérifiés et les descriptions des interventions ne sont pas toujours précises.  Il peut aussi y avoir un manque de groupes témoins, de randomisation et de mesures de résultats validés (O’Haire 2013).

Les chercheurs ont fait une recherche sur les études parues entre 1995 et 2018 et aucune étude correspondant à leur critère n’incluait d’adulte autiste.

L’étude menée a pour objectif de contribuer à augmenter le corpus de la littérature scientifique sur le sujet des Thérapies Assistées par les Animaux ou médiation animale chez les personnes autistes, en incluant un public d’adultes autistes, jusque là peu étudié.

Les chercheurs ont utilisé une taille d’échantillon appropriée à une étude exploratoire, inclus un groupe contrôle, la randomisation et des mesures de résultats validés.

Les chercheurs ont posé l’hypothèse que les TAA ou médiation animale chez les personnes autistes peuvent réduire le stress dans cette population, améliorer la réponse sociale (conscience sociale, communication et motivation) et réduire la dépression et l’anxiété qui sont fortement liées au stress (Vreeburg et al. 2010).

Les chiens sont les animaux les plus couramment employés dans les TAA et ce sont les animaux pour lesquels il y a le plus d’études.

Les chercheurs ont donc ciblé les interventions de TAA faite avec des chiens et à destination d’un public de personnes autistes avec une intelligence normale à élevée.

Les chercheurs ont analysé trois dimensions de la médiation animale chez les personnes autistes :

  • l’impact sur le stress,
  • l’impact sur la communication et les interactions sociales,
  • l’impact sur l’estime de soi. Plusieurs études ont constaté que les personnes autistes avaient un niveau d’estime d’eux même plus faible que la population générale et une faible estime de soi est corrélée avec la dépression et l’anxiété (Cooper et al. 2017).

Méthode de la recherche

L’échantillon inclus les critères de sélection suivant : un diagnostic d’autisme, avoir entre 18 et 60 ans, avoir un QI de 80 ou au-dessus.

Puisque l’objectif était de tester les effets des animaux sur le stress, seules les personnes ayant un score élevé à l’échelle Perceived Stress Scale ainsi qu’à la Symptom Checklist-90-Revised, ont été inclus.

Les personnes ayant peur des chiens, ayant une psychose ou un risque suicidaire ont été écartées de l’étude.

Au total 68 personnes correspondaient aux critères d’inclusion de l’étude.

La Thérapie Assistée par les Animaux
La Thérapie Assistée par les Animaux (TAA) est une intervention semi-structurée orientée vers des objectifs, fournie par un professionnel certifié et un animal formé et certifié (IAHAIO 2014).
Les objectifs thérapeutiques des enfants autistes qui ont participé à des recherches antérieures sur la TAA étaient d’améliorer les interactions sociales, les compétences de communication verbale et non verbale et de réduire le stress physiologique (O’Haire 2013).

Le programme de TAA pour cet essai a été développé par des thérapeutes et des spécialistes du comportement canin de la fondation néerlandaise des chiens d’assistance Stichting Hulphond Nederland et des psychologues de l’organisation de soins de santé mentale GGZ Oost Brabant, spécialisés dans l’autisme. Le programme avait un protocole structuré et consistait en 10 séances individuelles hebdomadaires de 60 minutes par séance. Un chien de thérapie a été impliqué pendant toutes les séances de thérapie. Les thérapeutes qui dispensaient des TAA avaient un diplôme universitaire en soins de santé mentale et étaient spécialisés dans le travail avec des adultes autistes. De plus, les thérapeutes TAA avaient suivi des cours avancés sur le comportement et le bien-être des chiens.

Le stress perçu a été mesuré à l’aide de la Perceived Stress Scale (PSS; Cohen et Williamson 1988), qui contient dix items notés sur une échelle de Likert à cinq points allant de 0 «jamais» à 4 «très souvent».
Les symptômes psychologiques et physiques du stress ont été mesurés à l’aide de la liste de contrôle des symptômes révisée à 90 (SCL-90-R; Derogatis 1994).

Les déficits de la réponse sociale ont été mesurés à l’aide de l’échelle de réactivité sociale pour les adultes (SRS-A; Noens et al. 2012). La version néerlandaise du SRS-A contient 64 items et quatre sous-échelles: conscience sociale, communication sociale, motivation sociale, intérêts restreints et comportement répétitif. Chaque élément est noté sur une échelle de Likert à quatre points allant de 1 «faux» à 4 «presque toujours vrai».

L’estime de soi a été mesurée à l’aide de l’échelle d’estime de soi de Rosenberg (RSES; Rosenberg 1965), qui contient dix éléments, chacun noté sur une échelle de Likert à quatre points allant de 1 «très faux» à 4 «très vrai».

Discussion sur les résultats de la recherche sur la médiation animale chez les personnes autistes

Les résultats de cette étude exploratoire montrent que comparée au groupe témoin, la TAA avec les chiens réduit le stress et l’agoraphobie chez les adultes autistes. De plus, l’étude montre que la TAA ou médiation animale chez les personnes autistes réduit les difficultés au niveau de la réponse sociale (évaluée par les partenaires de vie des personnes, la famille proche et les amis).

Il y a aussi des indicateurs qui montrent une réduction des symptômes dépressifs. Ces effets positifs de plus ou moins grande importance durent jusqu’à 10 semaines.

Le taux de participation était élevé : 98 % ont suivi au moins 9 cessions de travail avec les chiens sur 10 cessions au total. Le taux est plus élevé que dans les autres études de même nature (Hesselmark et al. 2014; Turner-Brown et al. 2008; 62–92%). Les chercheurs déduisent que ce type d’intervention est possible pour les personnes qui sont motivées à y participer.

La diminution du stress peut être dû à une amélioration de la détection du niveau de stress interne par les personnes autistes et le fait qu’ils trouvent des solutions pour réduire ce niveau.

Cela peut être lié aussi au fait que lors de la TAA, un contexte relaxant est mis en place, comme par exemple du temps d’interaction libre avec le chien.

Plusieurs études montrent qu’il y a aussi des effets positifs au contact physique directe avec le chien qui peut aider à réduire le stress (Beetz et al. 2012).

Deux études (Tabares et al. 2012; Viau et al. 2010) ont montré une diminution du stresse physique par une baisse du niveau de cortisol.

Bien que l’intervention ait montré une réduction des problèmes psychologiques et physiques, cet effet n’a pas atteint le niveau de signification statistique pour un score d’échelle combinée, et la taille d’effet n’a dépassé que légèrement le seuil de signification clinique.

De manière étonnante, l’exploration des sous échelles montre des effets sur l’agoraphobie. Cette variable n’a jamais été investiguée avec les enfants autistes dans la recherche scientifique. Une explication possible de l’effet sur l’agoraphobie peut être qu’au cours des trois dernières séances de l’intervention, les participants, accompagnés du thérapeute et du chien, ont travaillé sur les peurs sociales et le contrôle des stimuli environnementaux en quittant l’établissement de santé mentale et en pratiquant dans le monde extérieur.

Une autre explication possible est que la diminution du niveau de stress ait une influence sur l’agoraphobie car les deux sont liés (Vreeburg et al. 2010).

En plus des résultats pour l’agoraphobie l’analyse montre une réduction significative des scores liés à la dépression dans les conditions d’intervention. Cependant lorsque les résultats sont corrigés avec les covariables cet effet n’atteint pas un niveau statistique significatif. Des recherches plus approfondies seraient nécessaires pour investiguer cette piste de travail.

Il est possible que la réduction du stress perçu réduise aussi la dépression car il existe un lien entre les deux (Vreeburg et al. 2010).

Il est aussi possible que l’activité physique et les contacts sociaux durant les cessions aient une influence sur le sentiment dépressif.

Dans cette étude les résultats en matière d’amélioration de la réponse sociale correspondent à ceux observés dans les études avec les enfants autistes.

Cependant, ces dernières études montrent principalement des améliorations à un niveau plus basique de la communication sociale (par exemple, regarder les yeux, faire des sons ou parler avec des mots), qui ont été évaluées à l’aide d’observations et d’enregistrements vidéo (O’Haire 2013).

Gabriels et coll. (2015) ont utilisé le même instrument que celui utilisé dans notre étude, mais pour mesurer la réactivité sociale dans un programme d’équitation thérapeutique pour les enfants autistes. Ils ont trouvé des résultats similaires dans les rapports indirects et ont émis l’hypothèse que l’amélioration des compétences de communication sociale pourrait être attribuée à la capacité unique des animaux à servir de soutien social ou à agir comme catalyseur social dans un cadre thérapeutique.

Les résultats n’ont montré aucun effet d’intervention significatif sur l’estime de soi. La littérature montre que les interventions axées directement sur l’amélioration de l’estime de soi sont plus efficaces que les interventions axées sur d’autres cibles (Haney et Durlak 1998), comme c’était le cas dans cette étude. Contrairement au stress élevé et aux symptômes psychologiques, une faible estime de soi n’était pas un critère d’inclusion pour les participants. Dans les recherches futures, il est important de considérer comment l’estime de soi devrait être ciblée dans les TSA, en particulier lorsque les participants montrent des niveaux moyens, comme ils l’ont fait dans notre étude.

Médiation animale chez les personnes autistes : un dessin humoristique

Limites de l’étude et perspectives

Une des limites de la recherche est la taille relativement petite de l’échantillon. Il est possible que certains des effets soient significatifs dans un échantillon plus large. Cette étude ayant un caractère exploratoire, un échantillon de 30 à 40 participants a été considéré comme suffisant (Hertzog 2008).

Une autre limite est qu’une généralisation des résultats pourrait être limitée en raison du manque de diversité ethnique de l’échantillon et de l’exclusion des personnes institutionnalisées, des personnes ayant une déficience intellectuelle et des personnes ayant peur des chiens.

D’après les chercheurs, il s’agit du premier essai contrôlé randomisé qui a démontré les avantages d’une intervention impliquant des chiens chez des adultes autistes. En raison de ses effets cliniquement pertinents et du respect strict des protocoles de recherche mis en place, la TAA ou médiation animale chez les personnes autistes peut être considérée comme une thérapie à étudier dans le cadre d’une réduction du stress pour les personnes autistes. Des recherches supplémentaires sont nécessaires sur les effets de l’AAT chez les personnes autistes et avec des échantillons de plus grande taille.


Référence : Wijker C, Leontjevas R, Spek A, Enders-Slegers MJ. Effects of Dog Assisted Therapy for Adults with Autism Spectrum Disorder: An Exploratory Randomized Controlled Trial. J Autism Dev Disord. 2020;50(6):2153-2163.




Une étude révèle que l’anxiété est plus élevée chez les adultes autistes

Ce texte est une traduction d’un article de Spectrum News, One in five autistic adults may have an anxiety disorder dont vous trouverez les références complètes en bas de page et qui aborde l’anxiété chez les adultes autistes.

Une nouvelle étude suggère que les adultes autistes sont plus de deux fois plus susceptibles que les personnes neurotypiques d’être diagnostiqués avec un trouble anxieux. Leurs frères et soeurs non autistes sont également plus susceptibles que la population en général de recevoir un diagnostic d’anxiété.

L’étude est parmi les plus importantes pour sonder la prévalence de l’anxiété chez les adultes autistes. Et contrairement à de nombreuses études antérieures, elle se penche sur des troubles anxieux spécifiques, comme le trouble de stress post-traumatique et le trouble panique 2,3.

On en sait peu sur la prévalence de ces affections chez les adultes autistes, déclare Dheeraj Rai, maître de conférences consultant en psychiatrie à l’Université de Bristol au Royaume-Uni.

Nous sommes toujours très en retard en termes de mesure de [l’anxiété] chez les adultes autistes.

Dheeraj Rai

La nouvelle étude souligne également la nécessité pour les cliniciens et les soignants de surveiller l’anxiété chez les adultes autistes.

Toute personne travaillant avec des personnes autistes devrait s’intéresser de près à l’anxiété

Mikle South

Déclare Mikle South, professeur de psychologie et de neuroscience à l’université Brigham Young de Provo, dans l’Utah, qui n’était pas impliqué dans ce travail.

Merci à Jean Vinçot pour la traduction du schéma ci dessous :

Troubles anxieux diagnostiqués chez les adultes autistes et les adultes typiques

Un niveau élevé d’anxiété

Rai et ses collègues ont étudié les dossiers médicaux des adultes âgés de 18 à 27 ans dans la Stockholm Youth Cohort. Sur les 221 694 personnes échantillonnées, 4 049 ont reçu un diagnostic d’autisme. L’équipe a croisé les dossiers de santé avec les registres des personnes ayant un diagnostic psychiatrique afin d’identifier les adultes souffrant de troubles anxieux.

Ils ont constaté que 20% des adultes autistes avaient un trouble anxieux, contre moins de 9% des adultes typiques. Près de 3,5% des adultes autistes ont un trouble obsessionnel-compulsif et environ 3% ont une phobie sociale, contre environ 0,5% des témoins pour chaque condition. Les résultats ont été publiés en octobre dans le Journal of Autism and Developmental Disorders.

Les différences peuvent en fait être encore plus grandes car l’anxiété est souvent méconnue des personnes autistes, selon les experts.

La plupart des outils permettant de mesurer et de diagnostiquer l’anxiété ont été développés sur des populations neurotypiques, ce qui laisse le reste d’entre nous interrogés sur leur fiabilité et leur validité chez les personnes autistes

John Herrington

Déclare John Herrington, professeur adjoint de pédopsychiatrie à l’Université de Pennsylvanie , qui n’a pas participé à la recherche.

Les facteurs familiaux

Le fait que les frères et sœurs non autistes d’adultes autistes présentent également un risque d’anxiété supérieur à celui de la population en général suggère que des gènes ou des facteurs environnementaux communs peuvent contribuer au chevauchement des deux conditions, ont indiqué les chercheurs.

Les diagnostics d’anxiété sont plus fréquents chez les adultes autistes d’intelligence moyenne ou supérieure. Cela peut être dû au fait que l’anxiété peut être particulièrement difficile à diagnostiquer chez les adultes ayant une déficience intellectuelle, qui peuvent avoir une expression verbale minime.

Pour pouvoir diagnostiquer l’anxiété, il faut que quelqu’un vous en parle. Si le niveau de langue est faible, il y aura beaucoup moins de capacité à signaler l’anxiété.

Mikle South

Les nouveaux résultats sont similaires à ceux d’une étude précédente de la cohorte suédoise, dans laquelle la même équipe avait découvert des probabilités de dépression plus élevées chez les adultes autistes d’intelligence moyenne ou plus élevés que chez ceux ayant une intelligence plus faible que la moyenne.

Selon les chercheurs, l’étape suivante consiste à comprendre pourquoi l’anxiété est si répandue chez les autistes et à trouver de meilleurs moyens de l’évaluer et de la traiter.

  1. Nimmo-Smith V. et al. J. Autism Dev. Disord. Epub ahead of print (2019) PubMed
  2. Mazefsky C.A. et al. Autism Res. 1, 193-197 (2008) PubMed
  3. Russell A.J. et al. Autism 20, 623-627 (2016) PubMed

One in five autistic adults may have an anxiety disorder , Jaklyn Jeffrey-Wilensky, Novembre 2019, Spectrum news