Autisme et droit à l’éducation : une analyse comparative de plusieurs pays d’UE

Toutes les années la rentrée scolaire est moment particulièrement difficile pour beaucoup de familles ayant un ou plusieurs enfants autistes. Nous allons donc nous interroger sur la thématique de l’autisme et le droit à l’éducation.

La rentrée scolaire peut se transformer en parcours du combattant pour certaines familles : manque d’Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap (AESH) ou d’Auxiliaires de Vis Scolaire (AVS), enseignants peu formés et souvent en difficulté pour accueillir les enfants autistes, manque de connaissances générales sur ce handicap et idées préconçues sur l’autisme, défaut d’articulation et de concertation entre les équipes soignantes (CAMSP, hôpital de jour…) et les professionnels de l’école…

Il semble intéressant de rappeler que l’accès à l’école ordinaire est un droit pour tous les enfants et qu’il figure dans la plupart des documents législatifs au niveau international, européen et dans les pays d’Europe.

Cet article est un résumé d’une étude scientifique citée en bas de page qui s’est intéressée aux principaux textes législatifs qui concernent le droit à l’éducation et la manière dont ils s’articulent et s’influencent entre plusieurs échelons (international, européen, et comparativement dans certains pays d’UE donc l’Angleterre, la France, La Pologne et l’Espagne).

Vous trouverez ci-dessous des lignes temporelles, si vous passez votre souris d’ordinateur ou cliquez sur l’élément mouvant « +d’infos » , vous accéderez à du contenu plus détaillé sur les éléments concernés.

Propos introductifs sur l’autisme et le droit à l’éducation

Les troubles du spectre de l’autisme se caractérisent par des difficultés de communication et d’interactions sociales et des comportements répétitifs et restreints.

L’autisme a un impact fonctionnel et financier sur les personnes touchées et leurs familles (van Heijst B, Geurts H. Quality of life in autisma cross the lifespan : A meta-analysis. Autism. 2015). Cet impact va des dépenses de santé élevées à de faibles perspectives d’emploi en passant par des problèmes de santé mentale, d’anxiété et de bien-être (Knapp M, Romeo R, Beecham J. Economic cost of autism in the UK. Autism. 2009).

Pour faire face à ces problèmes et améliorer la qualité de vie, l’autonomie et l’insertion dans la société, l’exercice du droit fondamental à l’éducation des personnes autistes dans l’Union Européenne (UE) est crucial (WHO. World Report on Disability. 2011, Autism Europe. Autism and education. 2003). L’autisme et le droit à l’éducation est donc une thématique essentielle à aborder.

Au regard de la variabilité des profils des personnes
autistes, leurs besoins en matière d’éducation diffèrent dans le temps et selon
les personnes.

Quel que soit l’impact de l’autisme sur la personne,
l’éducation inclusive des personnes autistes a été approuvée à la fois par la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH article 26) et par la
Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées (CDPH), qui a été
signée par tous les pays de l’UE.

La CDPH est le premier traité international sur les droits
de l’homme juridiquement contraignant qui vise uniquement les personnes
handicapées. Les États membres qui signent ce traité ont l’obligation de
résoudre les problèmes et de respecter les besoins des personnes handicapées, y
compris dans le champ de l’autisme, comme par exemple ce qui relève du droit à
l’éducation.

Plus précisément, le traité énonce le droit de toutes les personnes
handicapées d’être incluses dans le système éducatif général et de recevoir
l’appui nécessaire (article 24).

Bien que plusieurs domaines du droit soient harmonisés dans
l’UE, la santé publique reste de la compétence des États membres (article 168).

Dans cet article, les chercheurs émettent l’hypothèse que le
manque d’harmonisation des politiques en matière de santé publique, d’éducation
et de normes communes en matière d’élaboration de politiques dans les pays de
l’UE a entraîné des lacunes dans la mise en place des outils nécessaires au
respect des besoins spécifiques et dans la réalisation du droit à l’éducation
des personnes autistes en Europe.

L’objectif de cette étude est de montrer les principaux résultats des politiques publiques pour obtenir une visibilité du degré de réalisation des droits des personnes autistes en matière d’éducation et de santé publique dans quatre pays de l’UE  : France, Royaume-Unis, Espagne et Pologne.

Les chercheurs ont choisi d’appliquer une analyse de la politique éducative à l’aide de méthodes qualitatives sous la forme d’une analyse exploratoire afin d’explorer et d’analyser les liens entre éducation et droits de l’homme.

Cette analyse sera basée sur un ensemble de jonctions critiques et de séquences réactives de renforcement telles que proposées par Ruth et David Collier dans leur travail (Collier RB, Collier D. Shaping the political arena : Critical junctures, the labor movement, and regime dynamics in Latin America. 2002). Cette méthodologie est adaptée à l’exploration de questions de recherche dans le domaine politique basée sur les lois précédentes qui constituent des jonctions critiques dans la politique de l’autisme telle que la DUDH (Déclaration Unique des Droits de l’Homme).

En outre, il intègre des idées et des valeurs contradictoires permettant d’explorer les interactions entre différents pays et la manière dont ils suivent les orientations supranationales, telles que celles de l’UE. L’échantillon a été choisi pour faciliter une approche comparative constante de l’analyse des données politiques et législatives, dérivées de la dépendance vis-à-vis des chemins. En l’absence d’une source de données unique et représentative au niveau national dans l’UE, les chercheurs ont adopté une approche modulaire du travail législatif et politique à travers les différents niveaux d’analyse des politiques de l’éducation (international, européen et national).

Autisme et droit à l’éducation au niveau international

La loi suprême qui mentionne le droit à l’éducation à l’époque moderne est la DUDH. Elle précise les droits fondamentaux de l’homme. L’article 26 stipule que toute personne a droit à l’éducation et que son objectif devrait être de développer pleinement le potentiel des personnes.

Peu après, en 1959, la Déclaration des Droits de l’enfant a
été adoptée par les Nations Unis. Le principe 5 des droits de l’enfant stipule
que si un enfant a des besoins spéciaux en raison de son état mental ou
physique, condition, un traitement, une éducation et des soins appropriés doivent
être fournis

La déclaration des droits de l’enfant, ainsi que la DUDH, engagent les pays signataires à garantir à tous les enfants d’avoir accès à un enseignement dispensé sans discrimination, par exemple dans le cas de handicaps ou d’un diagnostic d’autisme.

Après ces deux déclarations novatrices, la Déclaration sur
les droits des personnes déficientes intellectuelles de 1971 a été instituée.
Elle réaffirme au paragraphe 1 que tous les citoyens doivent avoir les mêmes
droits et au paragraphe 2 que le droit à l’éducation doit être respecté dans le
but de pleinement développer le potentiel des personnes handicapées.

Peu de temps après, en 1975, la déclaration des droits des personnes handicapées est signée et étend les droits à toutes les personnes handicapées. Elle définit aussi le handicap comme étant :

Toute personne incapable d’assurer de manière totale ou partielle les nécessités d’une vie individuelle et / ou sociale normale en raison d’un déficit, congénital ou non, de ses capacités.

Déclaration des Droits des Personnes Handicapées

L’article 24 de la Convention pour le Droit des Personnes Handicapées,
signé par les Nations Unies en 2006 explique et définit clairement le type
d’éducation à fournir, ainsi que les objectifs et l’aide à accorder aux
personnes handicapées.

La CDPH affirme que l’éducation doit être dispensée sans
discrimination, être inclusive et viser à développer le plein potentiel, les
talents, la personnalité et la créativité. Les personnes handicapées ne peuvent
pas être exclues des écoles ordinaires et un enseignement primaire et
secondaire gratuit et inclusif devrait être accordé.

Les personnes autistes, par conséquent, sont dans cette définition. Tous les documents décrits ci-dessus n’abordent que très peu le droit à l’éducation et n’indiquent pas le type d’éducation à fournir ni ne définissent pas les stratégies de mise en œuvre. Néanmoins, à cause de ces documents, les pays ont été obligés d’inclure et de prendre en compte les besoins des personnes handicapées, y compris dans le champ de l’autisme, lors de l’élaboration de leur législation.

Autisme et droit à l’éducation au niveau européen

Avec cette discussion internationale basée sur les droits de l’homme, en 1992, la Charte des personnes avec autisme a été créée par Autism Europe.

Sur la base de ces réflexions internationales basées sur les droits de l’homme, Autisme Europe crée La Charte des Personnes Autistes en 1992.

Autism Europe. Charter for Persons with Autism.

Au point 3 de la Charte, il est dit que les personnes autistes devraient avoir accès à une éducation appropriée et le point 6 stipule le droit à un soutien qui leur permet de vivre pleinement leur plein potentiel.

Point 3 : THE RIGHT of people with autism to accessible and appropriate education;

Point 6 : THE RIGHT of people with autism to the equipment, assistance and support services necessary to live a fully productive life with dignity and independence;

La Charte des Personnes Autistes

Traduction libre : Point 6, le droit pour les personnes autistes à l’équipement, à l’assistance et aux services d’aide nécessaires pour mener une vie pleinement productive dans la dignité et l’autonomie;

Les droits et libertés protégées dans la réglementation de
l’UE ayant été mis en place sous différentes formes, ils ont été rassemblés en
2000 dans un document juridiquement contraignant – la Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne.

En 2010, la Commission européenne a adopté la stratégie européenne en faveur des personnes handicapées 2010 – 2020, qui soulignait que l’éducation inclusive des enfants handicapés est importante et bénéfique pour leur développement. La stratégie ne mentionne pas spécifiquement les personnes autistes et, à l’instar de la CDPH, le handicap est traité comme un concept unifié. En conséquence, la stratégie vise à répondre aux besoins et difficultés communs des personnes souffrant de toutes formes de handicaps et de conditions.

En 2015, la Déclaration Ecrite sur l’Autisme a été adoptée
par le Parlement européen et cosignée par 418 membres du Parlement européen. Le
point 3 de cette déclaration souligne l’importance d’un diagnostic précoce de
l’autisme pour pouvoir fournir un soutien et une éducation appropriés. En
outre, au point 5, la Commission et le Conseil ont été invités à créer une
stratégie européenne pour l’autisme afin de garantir que les besoins des
personnes autistes soient satisfaits et d’étendre la recherche sur l’autisme et
les études de prévalence. Pour l’instant cela n’a pas été mis en place.

Autisme et droit à l’éducation au Royaume-Uni

L’Angleterre a mis en place un nombre important de
politiques pertinentes pour les personnes autistes, mais celles-ci ne sont pas
appliquées partout de la même manière du fait des différents niveaux de
décentralisation des états.

La législation la plus importante pour les personnes autistes est le Autism Act de 2009, valable en Angleterre et Pays de Galles. L’inconvénient majeur est qu’il ne s’applique qu’aux adultes.

En 2010, le Parlement britannique (non applicable en Irlande
du Nord) a adopté la loi sur l’égalité qui stipulait que les enfants handicapés
ne devaient pas faire l’objet de discrimination (article 88 du calendrier 10).
En 2014, l’entrée en vigueur du cadre statutaire relatif à la petite enfance ne
concernait ni le handicap, ni l’autisme, mais mentionnait néanmoins les enfants
ayant des besoins spéciaux et leurs droits dans le domaine de l’éducation.

Les politiques en Angleterre sont bien alignées sur l’article 24 de la CDPH, l’égalité d’accès à une éducation inclusive ainsi que les objectifs de l’éducation visant à développer le potentiel et à mener à l’indépendance sont présents dans les documents décrits ci-dessus. L’importance de développer des compétences et une créativité unique est également incluse. Un soutien individualisé pour les personnes autistes mentionné dans la CDPH figure également dans les textes en Angleterre.

Autisme et droit à l’éducation en Pologne

La loi sur le système éducatif de 1991 est le premier
document qui garantit le droit à l’éducation pour tous les enfants. Il donne le
choix aux enfants en situation de handicap de se diriger vers un système
d’éducation classique ou vers des écoles spécialisées en fonction de leurs
besoins et de leur préférence. Cette loi garantit également la gratuité du
transport des enfants en situation de handicap pour aller à l’école.

Il n’y a à ce jour aucun texte spécifique sur
l’accompagnement des enfants autistes en Pologne. En 2013, la Charte des
Personnes Autiste a été signée par une partie du Parlement polonais, mais
rejetée par l’autre partie dans un premier temps, celle-ci invoquant le fait
que les personnes autistes tombent sous la loi des personnes handicapées et que
ce seul texte est suffisant. Par la suite les besoins spécifiques des personnes
ont été reconnus et la Charte adoptée. Cependant elle n’a aucun pouvoir
contraignant.

Les politiques en Pologne sont les plus générales de tous les pays analysés dans l’article, en l’absence de politiques spécifiques au handicap et à l’autisme dans le domaine de l’éducation. Des droits fondamentaux, tel que le droit à l’éducation, sont énoncés, mais aucune stratégie n’est en place pour garantir l’exercice de ce droit.

Autisme et droit à l’éducation en France

Avant même la
Déclaration Unique des Droits de l’Homme, la Constitution française prévoit
dans son préambule que tout individu devrait avoir accès de manière égale à une
éducation publique et une formation professionnelle gratuite, organisée par
l’Etat.

En 1975, la France
adopte pour la première fois une loi qui introduit le concept légal de personne
handicapée.

Cette loi a ensuite
été modifiée en 1996 et reconnaissait que l’autisme nécessitait un soutien
multidisciplinaire en raison des besoins divers des personnes concernées. En
vertu de cette loi, le gouvernement était tenu de soumettre un rapport
contenant des informations sur la prise en charge actuelle des personnes
autistes ainsi que sur la prévalence de l’autisme chez les enfants et les
adultes.

En 2005 la France
adopte la loi sur l’égalité des droits et des chances. Même si l’autisme n’y
est pas évoqué précisément, elle garantit le droit à la compensation pour
toutes les personnes en situation de handicap.

Les personnes
handicapées devraient également être admises dans les établissements scolaires
les plus proches de leur domicile (article 19). Les enseignants doivent
recevoir une formation sur la sensibilisation au handicap et l’éducation des
personnes handicapées (article 19).

À ce jour, la France a mis en place trois plans
stratégiques pour l’autisme. La stratégie 2005-2007 visait à accroître la
fréquentation scolaire des enfants autistes dans les milieux ordinaires.
L’accent a également été mis sur le renforcement de la formation des
enseignants et les Centres de Ressources Autisme (CRA) ont été créés pour
augmenter encore le soutien.

La stratégie 2013 – 2017 met davantage l’accent sur l’éducation que les deux stratégies précédentes. Il est intéressant de noter que l’Ecole française de santé publique EHESP a également été impliquée dans la mise en place d’une formation professionnelle afin de soutenir une nouvelle vision de l’éducation et de la formation des personnes autistes qui, dans le passé, avait été largement imprégnée  de la doctrine psychanalytique.

Autisme et droit à l’éducation en Espagne

L’article 27 de la Constitution espagnole de 1978 stipule que toute personne a droit à l’éducation (article 27.2) et que l’éducation devrait viser à réaliser pleinement son potentiel. L’article 49 mentionne que les personnes handicapées doivent être intégrées à l’éducation et leurs besoins spécifiques pris en compte. En 1982, la loi sur l’intégration sociale des handicapés a été adoptée en Espagne. L’article 23 stipulait que les personnes handicapées devaient être intégrées, fréquenter les écoles ordinaires et bénéficier d’un soutien.

L’Espagne est le
premier pays à avoir reconnu ces droits dès le début, les articles
susmentionnés étant alignés sur la CDPH mais également axés sur l’importance du
développement personnel et de l’épanouissement des personnes handicapées, ainsi
que sur la formation appropriée du personnel.

En 2015, l’Espagne a adopté sa première
stratégie pour l’autisme. La stratégie vise à améliorer la qualité de vie des
personnes autistes et à répondre à leurs besoins. L’objectif 2 de la stratégie
est axé sur l’éducation individualisée et de qualité des personnes autistes,
tandis que l’objectif 3 indique que les méthodes d’enseignement doivent être
adaptées pour pouvoir atteindre cet objectif d’inclusion et de développement
personnel des personnes autistes. L’objectif 4 mentionne que les étudiants
autistes devraient être encouragés à participer à des activités éducatives et
parascolaires

Les politiques
espagnoles en faveur des personnes handicapées ont été élaborées et améliorées
au fil des ans, conformément à l’article 24 de la CDPH sur l’éducation.
L’Espagne peut servir d’exemple dans l’élaboration de politiques tenant compte
des droits et des besoins des personnes autistes.

Néanmoins, davantage
de recherches devraient être menées pour déterminer si la mise en œuvre et
l’effet réel de leurs stratégies sont efficaces et améliorent réellement la vie
des personnes autistes.

Conclusion

Il est de plus en
plus nécessaire de garantir le respect des droits humains des personnes
autistes, notamment le droit à une éducation inclusive. Les personnes autistes
devraient avoir la possibilité de développer tout leur potentiel lorsqu’elles
ont la possibilité de s’épanouir dans un environnement scolaire ordinaire. Un
soutien individualisé dans le domaine de l’éducation est nécessaire pour leur
permettre de mener une vie aussi autonome et interdépendante que possible.

L’analyse des politiques nationales au
Royaume-Uni, en France, en Pologne et en Espagne a montré qu’elles ont été
profondément influencées par les politiques internationales et de l’UE au fil
des ans. À partir de 1948, la DUDH a défini des normes auxquelles doivent se
conformer toutes les futures politiques nationales.

Cependant, la portée et la spécificité de ces
documents diffère d’un pays à l’autre. La Pologne avait la politique la plus
générale en matière de handicap et était le seul pays sans stratégie pour
l’autisme en place, alors que le Royaume-Uni et la France disposaient de plans
spécifiques à l’autisme qui s’alignent sur l’article 24 de la CDPH.

Quoi qu’il en soit, les possibilités d’éducation
des personnes autistes restent un défi dans l’ensemble de l’UE. Bien qu’il
existe des politiques garantissant des services adéquats aux personnes
autistes, la disponibilité et l’accès à ces services sont discutables, avec de
grandes différences de qualité et d’accès dans l’UE.

Des recherches supplémentaires devraient
également être menées pour déterminer si les stratégies en place ont un impact
sur les enfants autistes, telles que l’amélioration de l’apprentissage, des
compétences et des taux de participation plus élevés à l’éducation. À notre
connaissance, aucune étude antérieure n’a examiné si l’éducation des personnes
autistes dans les pays de l’UE vise à développer leurs talents, leur créativité
et leur fournit les compétences dont elles ont besoin pour accéder à l’emploi.

À ce jour, la recherche dans le domaine de l’éducation et des politiques relatives à l’autisme dans l’Union européenne et dans le monde est rare et reste une lacune importante dans la recherche sur l’autisme. L’autisme et le droit à l’éducation sont peu abordés. C’est pour cette raison que cette étude visait à examiner les informations existantes et à susciter l’intérêt de mener davantage de recherches dans ce domaine à l’avenir.

Roleska M, Roman-Urrestarazu A, Griffiths S, Ruigrok ANV, Holt R, van Kessel R, et al. (2018) Autism and the right to education in the EU: Policy mapping and scoping review of the United Kingdom, France, Poland and Spain. PLoS ONE 13(8)  



Le nouveau formulaire MDPH

Le site internet Comprendre l’autisme est presque exclusivement dédié à des articles portant sur les recherches scientifiques récentes au sujet de l’autisme. Cependant, depuis quelque temps, je suis de plus en plus sollicitée par des familles et des personnes autistes concernant des questionnements d’ordre administratif et je voulais essayer de présenter le nouveau formulaire MDPH, obligatoire depuis le 1er mai 2019. Les formulaires de demande et le certificat médical sont téléchargeables au format PDF à la fin de cet article.

C’est donc de manière tout à fait exceptionnelle et vraisemblablement non reconductible, que je propose un article qui prend la forme d’un dossier technique présentant à la fois la structure du nouveau formulaire, les mécanismes généraux des MDPH, mais aussi le manque de formation de ces institutions concernant l’autisme. Il est important que les personnes autistes puissent accéder aux aides financières et/ou humaines dont elles ont besoin dans leur vie quotidienne, scolaire, professionnelle, en fonction de leur situation individuelle et de leurs difficultés.

1. Les MDPH et le nouveau formulaire : présentation générale et fonctionnement 

Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées sont chargées de l’accueil et de l’accompagnement des personnes en situation de handicap et de leurs proches.

Leurs missions auprès des personnes et de leurs proches peuvent être catégorisées en quatre domaines :

Les missions de la MDPH
Les missions de la MDPH

Les demandes formulées par les personnes handicapées et/ou leurs proches sont ensuite étudiées en  Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH). Elles ont pour objectifs de :

  • se prononcer sur l’orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale ;
  • désigner les établissements ou services répondant aux besoins de l’enfant / adolescent ou concourant à la rééducation, à l’éducation, au reclassement et à l’accueil de l’adulte handicapé ainsi que statuer sur l’accompagnement des personnes handicapées âgées de plus de soixante ans hébergées dans les structures d’accueil spécialisées ;
  • attribuer, pour l’enfant ou l’adolescent, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et, éventuellement, de son complément ;
  • attribuer la carte d’invalidité (CIN) remplacée maintenant par la Carte Mobilité Inclusion (CMI);
  • attribuer l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ainsi que  la prestation de compensation du handicap (PCH) ;
  • reconnaître la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

Depuis le 1er mai 2019, un nouveau formulaire MDPH de demande a été mis en place, le cerfa N°15692*01 qui remplace l’ancien formulaire. Ce formulaire était déjà en circulation dans certains départements pour être testé, il est maintenant obligatoire. Même si certaines MDPH laissent un temps d’adaptation durant lequel elles prennent encore en compte l’ancien formulaire, il vaut mieux utiliser le nouveau si vous voulez être sur que votre demande soit prise en compte.

Il est indispensable de le
remplir pour accéder aux services et prestations suivantes :

  • L’allocation
    adulte handicapée (AAH)
  • L’allocation
    d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH)
  • La
    carte mobilité inclusion (CMI)
  • L’orientation
    vers un établissement ou service médico-social
  • La
    prestation de compensation du handicap (PCH)
  • Le
    renouvellement d’une allocation compensatrice (ACTP et ACFP)
  • L’affiliation
    gratuite à l’assurance vieillesse des parents au foyer
  • La
    reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH)
  • L’orientation
    professionnelle et/ou formation
  • Le
    projet personnalisé de scolarisation et les parcours et aides à la
    scolarisation.

Il se structure en plusieurs volets :

  1. l’identité du demandeur, page 2 à 4
  2. la vie quotidienne, page 5 à 8
  3. la scolarité ou la vie étudiante, page 9 à 11
  4. la situation professionnelle, page 13 à 16
  5. les demandes de droits ou de prestations, page 17 à 18
  6. la vie de votre aidant familial, page 19

Attention : Il ne faut remplir que les parties pour lesquelles vous êtes concernés. Par exemple si vous êtes en emploi ou en recherche d’emploi, il ne faut pas remplir la partie dédiée à la vie scolaire et étudiante

Le nouveau formulaire MDPH est valable pour :

  • pour
    une première demande ;
  • pour
    un réexamen si la situation a évolué ;
  • pour
    un renouvellement, de préférence 6 mois avant la date d’échéance afin d’éviter
    une rupture de droit.

2. La structuration du nouveau formulaire MDPH

Dans le détail, chacun des volets est structuré en sous catégories.

La partie A se décompose comme
suit :

A1 : ce sont des informations générales sur votre identité comme votre adresse, nationalité, lieu de naissance, prestations familiales, organisme d’assurance maladie (CPAM, MSA, RSI)

A2 : il concerne l’autorité
parentale et est réservé aux mineurs

A3 : vous avez la
possibilité de dire si vous êtes aidé dans vos démarches auprès de la MDPH par
un tiers ou une association

A4 : cette partie est à
compléter si vous bénéficiez d’une mesure de protection (tutelle, curatelle…).

La partie A5 permet d’exprimer une situation d’urgence : vous risquez de perdre votre logement, d’être déscolarisé, de perdre votre emploi, vous débutez une formation de manière imminente… Les différents cas de figure sont précisés dans l’encadré.

Attention : c’est à la fin
de la partie A, page 4 qu’il est indiqué les documents à joindre au dossier et
c’est aussi à cet endroit qu’il faut dater et signer, et non plus à la fin du
formulaire, comme c’était précédemment le cas.

La partie B se décompose comme
suit :

B1 : ce sont des éléments généraux sur votre vie quotidienne, par exemple où vous vivez et avec qui. Il y a également une partie dédiée aux ressources et aides financières dont vous bénéficiez. A la fin de cette partie, page 6, il y a un tableau concernant les frais liés au handicap et qui reste à votre charge en tant que personne ou proche. Il est important de bien remplir ce tableau si vous êtes concerné. Cela concerne par exemple les aides techniques, appareillages, frais de garde, frais de transport, frais médicaux et paramédicaux non remboursés ou remboursés partiellement par l’assurance maladie.

B2 : cette sous partie
comprend les besoins pour la vie quotidienne, les besoins pour se déplacer et
les besoins pour la vie sociale.

Les besoins pour la vie quotidienne recoupent les actes du quotidien et concernent notamment les courses, la toilette, l’habillement, la préparation des repas, l’entretien du logement…

Les besoins pour se déplacer concernent aussi bien les déplacements à l’intérieur du logement qu’à l’extérieur. Pour les personnes autistes, les transports peuvent être une réelle difficulté qui n’est pas toujours bien comprise par les MDPH. Il ne faut pas hésiter à préciser par exemple si les transports en commun occasionnent une très grande fatigue et/ou si cela met à mal votre système sensoriel.

Les besoins pour la vie
sociale : il y a plusieurs items concernés, notamment les difficultés pour
s’exprimer, pour avoir des loisirs, des relations avec les autres. Cette partie
est à ne surtout pas négliger pour les personnes autistes qui ont souvent des
limitations dans ce domaine, quel que soit l’impact de l’autisme dans la vie
quotidienne. Si vous avez besoin de tisser du lien social et que vous êtes isolé,
que vous n’avez pas ou peu d’amis, il faut cocher les cases correspondantes
dans cette partie.

B3 : cela concerne vos attentes pour compenser le handicap. Il y a dans cette partie, une liste d’aides financières et/ou techniques que vous pouvez cocher selon vos besoins.

C’est aussi dans cette sous partie qu’il y a la possibilité de préciser le fameux projet de vie, en page 8. Si la place allouée est insuffisante, vous pouvez remplir cette partie sur papier libre et la joindre au dossier. C’est aussi à cet endroit que l’on vous demande un certain nombre de justificatif concernant les frais évoqués précédemment.

Le projet de vie est en général difficile à remplir car on ne sait pas par où commencer ni ce qu’il doit contenir. L’objectif du projet de vie est de permettre aux personnes qui instruisent votre dossier et qui ne vous connaissent pas, de saisir les retentissements de votre handicap dans les différentes dimensions de votre vie (travail, vie quotidienne, école si c’est un enfant…). Il faut donc qu’il soit détaillé pour expliquer le mieux possible votre situation et vos objectifs (formations, aménagements professionnels, scolaires…).

L’association Toupi a rédigé un modèle de projet de vie pour un enfant.

La partie C se compose comme
suit :

C1 : concerne des éléments
généraux sur la situation scolaire de l’enfant ou de l’adolescent, notamment le
lieu de scolarisation. Pour les étudiants il est demandé le type d’étude, le
parcours étudiant, les adaptations actuelles, l’emploi du temps.

C2 : elle comprend les
besoins de l’enfant/étudiant dans sa vie scolaire en lien avec les
apprentissages, la communication, l’entretien personnel, les déplacements.

C3 : il s’agit d’exprimer
les besoins de votre enfant pour compenser le handicap à l’école ou demander
une orientation en établissement médico social. C’est ici que vous avez la
possibilité d’exprimer le projet scolaire de votre enfant.

Attention : il faut bien
penser à joindre le formulaire GEVAsco.

La partie D se compose comme
suit :

D1 : des informations
générales sur votre situation si vous êtes en emploi, comme le type de contrat,
le nom de votre employeur, le temps de travail… si vous êtes en arrêt maladie
ou sans emploi, il y a un encadré dédié.

D2 : cette partie concerne
votre parcours professionnel, notamment vos différentes expériences
professionnelles, votre niveau de qualification, et vos diplômes.

D3 : C’est dans cette partie
que vous pouvez rédiger votre projet professionnel, expliquer qu’elles sont vos
attentes vis-à-vis de l’emploi. Si vous souhaitez conserver votre emploi
expliquer vos difficultés et pourquoi vous souhaitez rester en emploi. Si vous
souhaitez vous réorienter et/ou engager une formation professionnelle, il faut
expliquer vos choix au regard de votre handicap et de vos capacités.

La partie E se compose comme suit
:

E1 : ce sont les demandes
relatives à la vie quotidienne. Elles regroupent les droits et prestations que
vous pouvez demander dans ce cadre et qui dépendent de l’âge de la personne
(plus ou moins de 20 ans).

E2 : un cadre est prévu pour une expression libre où il faut expliquer les demandes qui concernent la vie scolaire ou étudiante.

E3 : cette partie concerne
les demandes liées à l’emploi ou la formation professionnelle, tel que la RQTH,
les demandes de formations spécialisées ou encore l’orientation en milieu ordinaire
ou protégé.

La partie F se compose comme
suit :

Cette partie est facultative et
ne vous concerne que si vous avez un aidant familial, c’est-à-dire une personne
ressource qui vous aide dans les activités du quotidien.

F1 : cette partie présente l’identité
générale de l’aidant familial (nom, prénom, adresse…), la nature de l’aide qu’il
procure (repas, soin hygiène…), s’il bénéficie d’aide pour vous accompagner et
s’il est susceptible de ne plus pouvoir vous aider dans le futur (changement de
situation, problème de santé…).

F2 : il s’agit de cocher entre plusieurs items pour définir quels sont les besoins de votre aidant : répits, formation, soutien psychologique, reprise d’une activité professionnelle…

3. Les changements entre l’ancien et le nouveau formulaire

Ce nouveau formulaire MDPH
engendre des changements aussi bien au niveau du fond que de la forme :

  • l’ancien formulaire faisait 8 pages, celui-ci en fait 20. Selon les MDPH, il ne faut envoyer que les parties qui sont complétées. Par exemple, ne pas envoyer la partie vierge qui concerne la scolarisation pour un adulte qui demande la RQTH.
  • un formulaire hybride avec 2 possibilités : 1. Demandes de droits et prestations; 2. Expression des besoins et attentes.
  • une approche par grand type de projet de vie selon la structuration du formulaire (la scolarité ou la vie étudiante, la situation professionnelle, les demandes de droits ou de prestations…).
  • le portail en ligne : il y a maintenant la possibilité de faire sa demande en ligne avec des identifiants personnels et de suivre l’avancement de son dossier. Pour cela il faut se rendre sur le site internet de la MDPH de laquelle vous dépendez. Les pièces à joindre peuvent être téléchargées directement sur leur site internet et l’ensemble de la démarche est dématérialisée.
  • l’ajout de la partie F du formulaire, dédiée aux aidants familiaux, qui prend en compte à la fois leur situation présente, future et leurs besoins

4. Les pièces à joindre au dossier

Pour que votre dossier soit étudié plus rapidement par la MDPH, il faut qu’il soit complet. Si ca n’est pas le cas, vous recevrez quelques semaines/mois après l’envoi de votre dossier initial, un courrier précisant qu’il manque des pièces au dossier ou le dossier lui-même qui doit être complété aux endroits où il y a des informations manquantes. Il faudra donc produire ces informations ou les demander (médecin pour le certificat, devis…), les renvoyer, et votre dossier sera étudié.

Pour éviter ces échanges de documents qui retardent l’étude de votre dossier par la MDPH, vérifiez bien une dernière fois avant d’envoyer l’enveloppe que le nouveau formulaire MDPH est complet et que vous avez les documents suivants et faites-vous une check liste :

  • un certificat médical de moins de 6 moins, cerfa N°15695*01. Le certificat médical est la pièce maitresse du dossier MDPH. Faites là remplir par un médecin qui connait bien vos spécificités et demandez éventuellement à être présent lorsqu’il le rempli. Idéalement, cela peut être le médecin qui vous a diagnostiqué et qui connait la manière dont vous êtes impacté par l’autisme. Si vous avez des comorbidités reconnues il faut qu’elles apparaissent dans le certificat médical. Il faut bien faire attention à rester dans le délai de validité de 6 mois du certificat médical.
  • une photocopie recto-verso d’une pièce d’identité
  • une photocopie d’un justificatif de domicile 
  • une photocopie du jugement de la mesure de protection, uniquement si vous en bénéficiez
  • votre projet de vie ou projet scolaire de votre enfant si vous l’avez rédigé sur un document à part
  • les justificatifs des frais engagés liés au handicap s’il y en a et/ou les devis des accompagnements futurs. Par exemple si vous ne pouvez pas mettre en place les séances d’ergothérapie faute de moyen, demandez un devis dans un cabinet pour évaluer le montant total à l’année (une séance à raison de 1 fois par mois, ou tous les quinze jours) et joignez-le au dossier.
  • le GEVAsco si le dossier concerne un enfant scolarisé

Une fois que vous avez fait tout ca, voici le parcours que va suivre votre dossier à la MDPH :

CDAPH : Commission des Droits et d l’Autonomie des Personnes Handicapées

Il est souvent difficile pour les personnes autistes ou leurs proches de remplir et collecter tous ces documents et de suivre le parcours de son dossier. Vous pouvez vous faire aider par des associations locales, spécialisées dans l’autisme. Celles-ci ont souvent une ou plusieurs personnes ressources qui peuvent vous accompagner dans ces démarches administratives lourdes. Les Centres de Ressources Autisme disposent également parfois d’une Assistante de Service Social qui vous aidera à compléter le dossier. Vous pouvez également vous adresser au Centre Communal d’Action Sociale CCAS ou Centre Intercommunal d’Action Sociale CIAS de votre secteur. Pour cela vous pouvez trouver des informations sur le site internet de votre ville ou de votre intercommunalité. Ils disposent également d’Assistant de Service Social susceptibles de vous accompagner.

5. MDPH et autisme

Il s’avère qu’en matière de Trouble du Spectre de l’Autisme les MDPH ne sont pas toujours bien (inf)formées, comme en atteste le dossier réalisé par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie qui précise que ce guide est un outil destiné aux équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Dans le préambule, qui pose les éléments de contexte de la
réalisation de ce guide technique, il est rappelé que les MDPH sont
mobilisées sur trois axes privilégiés dans le troisième plan autisme :

  1. faciliter les démarches des familles,
  2. améliorer l’évaluation des besoins des personnes
  3. apporter des réponses adaptées aux personnes et à leur entourage

Or, la réalisation de ces missions est complexifiée par le fait que
les professionnels des MDPH sont démunis face aux situations impliquant
les TSA :

Au regard des échanges avec les équipes des MDPH, des
résultats d’enquêtes ayant recueilli et analysé leur expression sur
leurs expériences et pratiques, des échanges avec les associations du
secteur, il apparaît que les situations relatives aux TSA comptent parmi
les plus problématiques à appréhender pour les MDPH.

Le déficit de données scientifiques et les débats que cela a généré jusque récemment sur l’origine et le fonctionnement de l’autisme, a créé un questionnement des professionnels des MDPH sur ce que recouvre exactement ce trouble et sur ses conséquences en matière de limitation d’activité.

Le déficit de compréhension des MDPH en matière de TSA porte sur l’évaluation des situations des personnes, l’élaboration du plan de compensation, l’attribution de prestations et d’orientations adaptées en fonction des besoins des personnes avec TSA.

Malgré le nouveau formulaire MDPH, celles-ci se basent souvent sur des outils originellement conçus pour les handicaps moteurs et sensoriels. Il y a une méconnaissance des difficultés liées à l’autisme, qui ont tendance à être soit surévaluées et mener à une orientation en milieu spécialisé alors qu’un accompagnement en milieu ordinaire est possible, soit à l’inverse à laisser sans solution des profils de personnes autistes en milieu ordinaire qui sont obligées de compenser le handicap par leurs propres moyens alors qu’elles n’ont pas les ressources pour cela.


Sources :

Notice explicative de la MDPH de Gironde

Formulaire MDPH territoire de Meurthe et Moselle

Vidéo explicative du nouveau formulaire de demande à la MDPH CNSA

Dossier technique de la CNSA : Troubles du Spectre de l’Autisme de Mai 2016

Le site internet de l’association Toupi