Le harcèlement scolaire chez les personnes autistes

L’inclusion, c’est le droit à l’éducation pour tous, y compris pour les enfants en situation de handicap. Ces dernières années, les politiques publiques ont mis l’accent sur la nécessité que de plus en plus d’enfants qui jusque-là n’avaient pas accès à l’école, puissent bénéficier des mêmes enseignements, sans discrimination.

Cela modifie la nature du public accueilli et peut occasionner des inquiétudes, de l’incompréhension voir du rejet des enfants en situation de handicap.Parmi les différents handicaps, les enfants autistes peuvent être particulièrement à risque concernant les discriminations de tous types et le harcèlement.

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Ces enfants ayant de faibles compétences sociales et peu d’amis sont marginalisés et non protégés au sein du groupe social et sont vulnérables à l’abus de pouvoir par leurs pairs (Delfabbro et al. 2006).

Le harcèlement

Le harcèlement se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique. Cette violence se retrouve aussi au sein de l’école. Elle est le fait d’un ou de plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui ne peut se défendre. Lorsqu’un enfant est insulté, menacé, battu, bousculé ou reçoit des messages injurieux à répétition, on parle donc de harcèlement.


La violence

C’est un rapport de force et de domination entre un ou plusieurs élèves et une ou plusieurs victimes.


Le répétitivité

Il s’agit d’agressions qui se répètent régulièrement durant une longue période.


L’isolement

La victime est souvent isolée, plus petite, faible physiquement, et dans l’incapacité de se défendre.

Quelques exemples de harcèlement

  • Se moquer d’une personne ou plaisanter d’elle à ses dépends
  • Ignorer quelqu’un ou le laisser de côté
  • Pousser, tirer, frapper, donner des coups de pied ou tout autre acte physique
  • Colporter des rumeurs au sujet d’une personne
  • Menacer quelqu’un
  • Obliger une personne à participer à des jeux dégradants ou humiliants contre son consentement ou sans s’assurer de son consentement

Le cyber-harcèlement

Le cyber-harcèlement est défini comme « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ».
Le cyber-harcèlement se pratique via les téléphones portables, messageries instantanées, forums, chats, jeux en ligne, courriers électroniques, réseaux sociaux, site de partage de photographies etc.

Le harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Les signaux d’alerte du harcèlement

Vous pensez que votre enfant est harcelé ? Voici les signaux d’alerte à surveiller :

  • S’il revient souvent de l’école avec les vêtements abîmés, sales, s’il manque des vêtements, des livres, des objets personnels régulièrement
  • Il sèche les cours, trouve des excuses pour ne pas aller en cours ou que ses résultats scolaires chutent brutalement
  • Il est plus anxieux que d’habitude ou il n’était pas anxieux et le devient
  • Il est déprimé ou moins joyeux qu’à l’accoutumée, il semble préoccupé ou triste
  • Il a davantage de difficultés à se concentrer
  • S’il a souvent des bleus, des égratignures, des blessures plus ou moins importantes et qu’il n’explique pas comment il s’est fait ca
  • Vous observez plus d’intensité dans ses comportements répétitifs
  • Il est plus irritable, a davantage de comportements défis sans que vous en trouviez la cause

Difficulté à repérer ces signes chez les enfants autistes
Ces signes d’alerte ne sont pas toujours faciles à évaluer dans le cas des enfants autistes car beaucoup ont par exemple des troubles déficitaires de l’attention et ont déjà des difficultés de concentration, ou sont anxieux régulièrement.

Vous connaissez bien votre enfant, fiez vous aux changements que vous pourrez observer.

Les conséquences du harcèlement scolaire sur les enfants autistes

Une recherche a montré un lien de dépendance entre le degré de harcèlement et l’apparition de difficultés ou de problèmes de santé mentale comme l’anxiété, l’hyperactivité, les stéréotypies et comportements d’auto-agressivité.

Ces résultats concordent avec la littérature internationale sur cette thématique, qui indique que les enfants qui sont victimes de harcèlement sont plus susceptibles que leurs pairs de présenter divers problèmes de santé mentale, qu’ils soient internalisés ou externalisés (Delfabbro et al.2006; Grills et Ollendick 2002; Haynie et al.2001; Mitchell et al.2007; Nansel et al.2001, 2003, 2004; Ybarra et Mitchell 2004, 2007). Le harcèlement est stressant pour les enfants autistes et a un impact négatif sur le concept de soi. Ces deux éléments sont associés à des problèmes de santé mentale (Grills et Ollendick 2002; Marsh et al. 2001; Nansel et al. 2004; O’Moore et Kirkham 2001).

Au delà des troubles que cela entraîne au niveau de la santé mentale et physiologique, le harcèlement peut aussi conduire les enfants à refuser d’aller à l’école. Comme l’explique Tony Attwood, le refus scolaire aura un effet négatif sur le développement scolaire et social et peut conduire un élève à abandonner complètement l’école. Cela aura des conséquences sur l’emploi futur et créera un besoin de prestations et d’accompagnement spécifique. Les comportements associés au refus d’école sont également stressants pour les parents et les frères et sœurs, et préoccupent l’école et les enseignants.

Un rapport de 2011 du ministère de l’éducation nationale pointe les conséquences du harcèlement sur la santé physiologique pour tous les enfants, pas seulement ceux qui sont autistes. Ainsi cela peut se traduire par des vomissements, évanouissements, maux de tête, de ventre, problèmes de vue, insomnie et de faiblesse du système immunitaire. Certaines victimes peuvent développer des troubles du comportement, souffrir de troubles alimentaires comme l’anorexie ou la boulimie.

L’enfant peut aussi développer un trouble anxio-dépressif pouvant aller jusqu’à une conduite suicidaire car un sentiment de désespoir, chez un enfant fragilisé par une situation qu’il juge insurmontable, peut conduire à un passage à l’acte suicidaire.

J’étais un jeune enfant autiste asperger non diagnostiqué et j’ai subi le harcèlement scolaire sévère durant deux longues années. Tout d’abord en 6ème dans un collège privé du Nord-Isère, puis en 3ème dans un collège public. À chaque fois, le phénomène est monté crescendo.
Pendant les premiers mois, c’était des insultes, puis du vol de matériel souvent en plein cours et enfin des violences physiques et ce, tous les jours.

Timothé Nadim
Personne autiste

Solutions et ressources pour lutter contre le harcèlement scolaire des enfants autistes

Les adultes doivent faciliter des relations saines entre les enfants. Les parents et les enseignants, ainsi que tous les autres adultes impliqués avec les enfants, doivent travailler à la création d’environnements positifs pour promouvoir des interactions positives avec les pairs et minimiser le potentiel d’interactions négatives avec les pairs comme l’intimidation et le harcèlement (Cummings et al. 2006).

Les activités sociales chez les enfants peuvent mettre en place une dynamique de groupe positive (inclusion, bienveillance, etc.) ou une dynamique de groupe négative (exclusion, agressivité, etc.). Il est important que les adultes structurent la vie des enfants de manière à ce que les comportements agressifs et d’intimidation ne puissent pas se développer ou prospérer (Pepler et Craig 2007). Par exemple, lorsque des équipes sont choisies pour des sports, il est préférable d’affecter des enfants à des équipes plutôt que de choisir des capitaines d’équipe et de leur permettre de choisir d’autres enfants car cela contribue à ce que les enfants marginalisés soient généralement exclus.

Lorsque les pairs se rassemblent pour regarder un épisode de harcèlement, l’épisode a tendance à durer plus longtemps car le harceleur est renforcé par l’attention des autres (O’Connell et al., 1999).

Si des pairs interviennent, cependant, l’épisode d’intimidation s’arrêtera immédiatement plus de 50% du temps (Fekkes et al. 2005; Hawkins et al. 2001).

Voici quelques ressources pour sensibiliser au harcèlement scolaire. Certaines sont dédiées spécifiquement à l’autisme, d’autres non.

Une infographie sur le harcèlement scolaire chez les personnes autistes que j’ai réalisé (format A4, peut être téléchargée et imprimée facilement pour des actions de sensibilisation):

Vous pouvez télécharger l’infographie ici :


Télécharger l’infographie

Ou la retrouver sur Pinterest.

Un article que j’ai rédigé sur le harcèlement scolaire chez les étudiants autistes.

Une vidéo qui aborde le harcèlement sexuel à l’école. Elle est plutôt destinée à un public de collégiens ou lycéens.

https://www.youtube.com/watch?v=g-dI_RFSFbc

Deux vidéos sur le harcèlement des enfants autistes (tout public).

https://www.youtube.com/watch?v=HYnijTG9pMwhttps://www.youtube.com/watch?v=TIHsbwqhzBQ


Un guide à destination des élève, réalisé par la Fédération Québécoise de l’Autisme  :


Télécharger

Références :

Cappadocia MC, Weiss JA, Pepler D. Bullying experiences among children and youth with autism spectrum disorders. J Autism Dev Disord. 2012;42(2):266-277. doi:10.1007/s10803-011-1241-x

Le site internet « non au harcèlement »

Van Schalkwyk G, Smith IC, Silverman WK, Volkmar FR. Brief Report: Bullying and Anxiety in High-Functioning Adolescents with ASDJ Autism Dev Disord. 2018;48(5):1819-1824. doi:10.1007/s10803-017-3378-8




Les difficultés rencontrées par les frères et sœurs d’enfants autistes

Selon une nouvelle analyse, les frères et soeurs typiques d’enfants autistes ont tendance à avoir des problèmes d’anxiété, de dépression et des difficultés sociales.

Les recherches apportent des preuves tangibles qui démontrent que les frères et soeurs typiques d’enfants autistes rencontrent aussi des difficultés, selon Carolyn Shivers, professeure assistant en développement humain au Virginia Polytechnic Institute and State University.

Ces résultats appuient la théorie d’un phénotype autistique élargit, qui explique que certains membres de la famille partagent des traits communs de l’autisme.

Cependant, cette étude ne permet pas de définir à quel point les difficultés observées chez les frères et soeurs non autistes sont liées à des facteurs génétiques ou à l’environnement familial, explique Mandy, maitre de conférence expérimenté en psychologie clinique, de l’éducation et de la santé au University College London, qui n’était pas impliqué dans l’étude.

Cette étude (Shivers C.M. et al. Clin. Child Fam. Psychol. Rev.) est une méta-analyse de 69 recherches qui comprennent 6679 enfants autistes ayant un frère ou une soeur et 21 263 sujets contrôles.

La totalité de ces études incluent des frères et sœurs qui ont au moins 5 ans, âge à partir duquel ces comportements deviennent apparents. Les enfants qui ont un frère ou une soeur autiste ont plus tendance à se replier et à avoir des compétences sociales moins développées. Ils rencontrent des difficultés aussi bien socialement qu’émotionnellement qui sont plus importantes que les enfants ayant un frère ou une soeur avec un autre handicap que l’autisme ou sans handicap.

Cependant, ils ne sont pas plus susceptibles que les contrôles d’avoir des problèmes de comportements extérieurs, tels que les agressions. Et leurs stratégies pour faire face à l’adversité ne sont pas inhabituelles non plus.

Les résultats suggèrent que les frères et soeurs typiques d’enfants autistes ont plus de risques de développer  des maladies secondaires ou des traits associés à l’autisme, mais pas aux caractéristiques fondamentales de l’autisme. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas été examinées, déclare Molly Losh, professeure agrégée en sciences de la communication et troubles de la communication à la Northwestern University d’Evanston , Illinois.

Les résultats ne variant pas selon que ce soit les parents ou les frères et soeurs eux-mêmes qui remplissent les questionnaires. Shivers trouve que cela est plutôt surprenant parce que les parents d’enfants autistes sont susceptibles d’être particulièrement sensibles aux traits de l’autisme chez leurs autres enfants.

Pour moi, cela signifie que c’est une chose réelle: il n’y a pas que les frères et sœurs qui sont trop dramatiques ou les parents qui sont trop inquiets

dit Shivers.

Les résultats suggèrent que les frères et soeurs non autistes gagneraient à bénéficier d’une intervention comportementale précoce.

Les frères et sœurs devraient faire l’objet d’un dépistage des symptômes intériorisés et d’autres symptômes psychologiques, qui peuvent être ciblés efficacement grâce à des interventions fondées sur des preuves

déclare Paige Siper, professeure assistante de psychiatrie à la Icahn School of Medicine du Mount Sinai à New York.

Une autre enquête publiée le 3 octobre (Ben-Itzchak E. et al. J. Abnorm. Child Psychol.) met en lumière une autre perspective des relations de la fratrie : les chercheurs ont montré que les enfants autistes avec un frère ou une sœur plus âgé(e)s développent de meilleures compétences sociales que ceux qui n’ont aucun frères et sœurs.  Les frères et sœurs typiques peuvent servir de modèles sociaux à leur cadet autiste.


Sources:

Siblings of children with autism have social, emotional problems by Jessica Wright  /  11 October 2018, Spectrum News




Le coût des stratégies de compensation pour les enfants autistes

Les enfants autistes ont souvent des difficultés pour comprendre les pensées d’autrui, cela s’appelle la théorie de l’esprit. Pour compenser cela ils mettent en place des stratégies de compensation, comme écrire mentalement des dialogues, afin de correspondre aux attentes des situations sociales auxquelles ils doivent faire face. Mais ces stratégies ont un prix. Une étude récente ( Livingston L.A. et al. J. Child Psychol. Psychiatry Epub ahead of print 2018) montre que cela entraine plus d’anxiété chez ces enfants.

Les enfants qui mettent en place ces stratégies de compensation ont plus des résultats plus élevés aux tests d’intelligence verbale et dans les fonctions exécutives.

Les stratégies de compensation sont utiles pour les personnes qui ont de faibles compétences en théorie de l’esprit. La théorie de l’esprit peut se résumer par la capacité à percevoir les désires et les intentions d’autrui.

Lucie Livingston une étudiante diplômée du laboratoire en charge de cette étude dit que :

 We think these people are quite good at compensating for their difficulties with theory of mind, (…) [But] evidence suggests there could potentially be some kind of negative consequence to compensating

Traduction libre : Nous pensons que ces personnes sont assez bon pour  compenser leurs difficultés en théorie de l’esprit (…) mais les preuves suggèrent qu’il pourrait potentiellement y avoir une sorte de conséquence négative à la  compensation »

Les recherches suggèrent que les cliniciens devraient identifier les enfants qui mettent en place ces stratégies afin de leur proposer des thérapies leur permettant d’alléger le niveau l’anxiété.

L’étude dont il est question a inclus 136 enfants autistes ou avec des traits autistiques âgés entre 10 et 15 ans qui font partie d’une plus grande étude intitulée Social Relationships Study au Royaume Unis. Les chercheurs ont évalué les traits autistiques des enfants en ce servant de l’ADOS, une échelle d’évaluation de l’autisme reconnu comme efficiente par les cliniciens.

Les enfants et les parents ont également rempli un questionnaire permettant d’évaluer leur niveau d’anxiété. Ils ont également passé des tests pour évaluer leur intelligence verbale et non verbale, le niveau de théorie de l’esprit et les compétences dans les fonctions exécutives. Environ la moitié des enfants qui ont des difficultés en théorie de l’esprit montrent pourtant de bonnes compétences sociales à l’ADOS. Si ce résultat semble contradictoire à première vue, il signifie en réalité que ces enfants ont réussis à compenser leur difficulté en théorie de l’esprit à un niveau leur permettant de mieux performer dans les compétences sociales évaluées par l’ADOS.

Il est à noter que ces enfants ont en moyenne un score de 93 au QI verbal, soit 9 points de plus que l’ensemble des enfants. Ces enfants ont également un taux d’anxiété plus élevé que les autres enfants. Les chercheurs n’ont trouvé aucune corrélation entre le genre et la mise en place de stratégie de compensation, contrairement à de nombreuses études antérieurs. Cela peut s’expliquer par le très faible nombre de filles dans l’échantillon (112 garçons pour 24 filles).

Les chercheurs ne savent pas à quel point les stratégies de compensation sont une technique répandu chez les personnes autistes, ni qui est plus à même de la mettre en oeuvre.

Ces résultats sont préliminaires et sont uniquement basés sur des observations en laboratoire. Or les stratégies de compensation développées dans la vie réelle peuvent être différentes. Les chercheurs ont donc prévus de poursuivre leur travail en situation réelle comme dans la cour de l’école ou en classe.

Un des objectifs consisterait à mesurer si les personnes autistes considèrent que les avantages sociaux obtenus par la compensation valent le coût par rapport à l’énergie dépensée et l’anxiété mesurée.


Source :

Use of certain social strategies linked to anxiety in autism, Spectrum News, Brianna Abbott, Mai 2018