L’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique

Cet article traite de l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique en détaillant ses manifestations chez les personnes autistes. C’est un résumé de la recherche suivante : Behavioral Symptoms of Reported Abuse in Children and Adolescents with Autism Spectrum Disorder in Inpatient Settings, dont vous trouverez les références complètes en bas de page.

Quelques notions sur l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique

Le taux élevé de maltraitance chez les enfants handicapés, spécialement chez les personnes autistes, montre la nécessité d’identifier et de traiter les symptômes liés aux traumatismes spécifiquement pour cette population très vulnérable.

Une étude de Sullivan and Knutson (2000) réalisée dans le Nebraska montre que les enfants handicapés ont deux fois plus de chance que les enfants de la population générale d’être maltraités. Une étude similaire, menée au niveau national dans les hôpitaux, montre que les enfants handicapés ont 1.8 fois plus de chance de subir de la négligence, 1.6 fois plus de chance de subir de la violence physique, et 2.2 fois plus de chance de subir des abus sexuels (Sullivan and Cork 1996).

Parmi les enfants handicapés, les enfants autistes représentent une population avec un risque accru selon une étude de Hall-Lande et al. (2015) qui montre que les enfants autistes ont trois à quatre fois plus de risque que les enfants avec d’autres handicaps d’être victimes de maltraitances.

En dépit de ces chiffres accablants, il n’existe aujourd’hui aucun outil spécifique pour la détection et le traitement des symptômes des enfants autistes victimes de maltraitance.

Il y a beaucoup de barrières à l’identification des symptômes traumatiques chez les personnes autistes. Tout d’abord, il y a un chevauchement des symptômes de l’autisme et ceux du Syndrome de Stress Post-Traumatique (SSPT) tels que définis dans le DSM-5. Par exemple les enfants souffrant d’un SSPT peuvent s’engager dans des comportements répétitifs, avoir des hypersensibilités sensorielles et avoir des difficultés d’interactions sociales, sans être autistes. Ils peuvent aussi souffrir de troubles du sommeil, et d’un repli sur soi. Tous ces éléments peuvent également être des caractéristiques de l’autisme, rendant complexe la distinction entre les deux pour les professionnels.

A cause des points communs entre l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique, les cliniciens rencontrent des difficultés à identifier le SSPT chez les enfants autistes. Ainsi, ils peuvent observer chez certains enfants autismes les caractéristiques du SSPT mais les attribuer aux caractéristiques classiques de l’autisme.

Plusieurs théories existent dans la littérature scientifique pour caractériser les réactions des personnes autistes face à un évènement traumatique :

  1. les personnes autistes seraient plus sensibles aux expériences traumatiques. Cela est du à leur manière de traiter l’information, à leur compréhension verbale, à leur système de régulation des émotions et à l’isolement sociale. Tout cela contribue à une plus grande expression des symptômes traumatiques chez les personnes autistes (Kerns et al. 2015; Mansell et al. 1998).
  2. une autre théorie développe l’inverse : les personnes autistes seraient moins sujettes à développer des symptômes traumatiques face à un évènement potentiellement traumatique. Cela est du à la difficulté pour les personnes autistes de reconnaitre leurs propres états mentaux intérieurs et à les connecter avec la réalité sociale. De ce fait ils seraient moins capables d’identifier un évènement comme étant traumatique (Kerns et al. 2015; Mansell et al. 1998; Mehtar and Mukaddes 2011).
  3. la dernière théorie soutien que les personnes autistes réagissent de la même manière que les personnes non autistes à un évènement traumatique (Cook et al. 1993; King and Desaulnier 2011; Mansell et al. 1998). Malheureusement il y a encore trop peu d’études réalisées pour explorer cette piste de recherche.

Présentation de l’étude l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique

L’objectif principal de cette recherche est de montrer comment les manifestations comportementales des enfants autistes victimes d’abus s’expriment.

L’étude a été menée au Royaume-Unis et les données ont été collectées grâce à un dispositif nommé Autism Inpatient Collection (AIC). Il existe de nombreuses formes de maltraitance, l’étude se concentre sur les abus physiques, sexuels et/ou émotionnels.

Plusieurs sous-objectifs ont été déterminés :

  1. identifier la prévalence de la maltraitance déclarée par les soignants et les symptômes du participant compatibles avec un diagnostic de SSPT dans l’ensemble de l’échantillon AIC
  2. identifier le type de maltraitance (physique, sexuelle, psychologique…)
  3. identifier le type et le degré de symptômes correspondant à un SSPT en comparant l’échantillon de personnes autistes ayant eu des abus et ceux n’ayant pas eu d’abus
  4. identifier les différences entre les personnes autistes victimes d’abus et celles qui n’ont pas eu d’abus dans les domaines de fonctionnement adaptatif, la sévérité des symptômes noyaux (= comportements répétitifs et restreints et troubles des interactions sociales), et la sévérité des troubles du comportement.

Etant donné qu’il existe peu de recherches sur l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique, ces objectifs ont une visée exploratoire.

Voici quelques caractéristiques de l’échantillon étudié pour l’étude sur l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique.

L’échantillon se compose de 350 enfants et adolescents autistes âgés de 4 à 21 ans recrutés dans six hôpitaux psychiatriques spécialisés qui font partis du dispositif AIC (Siegel et al. 2015).

Il y a 79 % d’hommes et 21 % de femmes, l’âge moyen des participants est de 12.9 ans. 79 % des enfants sont caucasiens. 42 % de l’échantillon à un QI inférieur à 70, qui est le seuil de la déficience intellectuelle.

Résultats et discussion de l’étude sur l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique

Sur les 350 enfants de l’échantillon, 99 soignants rapportent que les enfants ont été victimes d’abus.

Le groupe des enfants ayant été victime d’abus présente les caractéristiques suivantes : les enfants ont entre 4 et 21 ans avec une moyenne d’âge de 12.8. Il y a 21 % de filles et 79 % de garçons. Les caractéristiques de l’échantillon sont les mêmes que celles de la totalité de l’échantillon. 22 % des enfants ayant été abusés ont un faible niveau verbal.

Voici la typologie des abus dont ont été victimes les enfants, rapportés par les soignants : 13 % ont été victimes d’abus physiques, 12 % d’abus émotionnels, 8 % ont été victimes d’abus sexuels, 1 % a été victime d’abus sexuels et émotionnels, 1 % a été victime d’abus physiques et sexuels et 16 % ont été victimes d’abus physiques et émotionnels.

Sur les 99 enfants victimes d’abus, seuls 7 ont été diagnostiqués avec un SSPT.

La comparaison des deux groupes : ceux des enfants victimes d’abus et ceux qui n’ont pas été victimes d’abus, montre que les enfants victimes d’abus ont plus de pensées intrusives et de souvenirs pénibles, plus de perte d’intérêt, ils sont plus irritables et plus léthargiques.

Quand on compare les résultats du groupe des enfants victimes d’abus et ceux du sous groupe ayant un diagnostic effectif de SSPT ; on s’aperçoit que les enfants ayant un diagnostic de SSPT ont plus de pensées intrusives, plus de souvenirs perturbants, plus de peurs persistantes et plus de comportements colériques.

La comparaison des symptômes relevant du SSPT entre le groupe des enfants ayant été victimes d’abus et ceux n’ayant pas été victimes d’abus laisse à penser que l’autisme et le Syndrome de Stress Post Traumatique sont liés et que les enfants autistes sont susceptibles de développer des symptômes traumatiques suite à des abus (Cook et al. 1993; King and Desaulnier 2011; Mansell et al. 1998). Cependant il faudrait comparer ces résultats à ceux d’enfants au développement typique pour savoir si les enfants autistes sont davantage amenés à développer des symptômes traumatiques par rapport à la population générale.

Aussi, certains symptômes incluant la peur, la colère, l’irritabilité, les problèmes d’attention, les troubles du sommeil ne diffèrent pas de manière significative entre le groupe des enfants autistes victimes d’abus et ceux n’ayant pas été victimes d’abus car ils sont des symptômes communs de l’autisme (American Psychiatric Association 2013).

Les enfants autistes ayant un SSPT diagnostiqué sont plus irritables et léthargiques que les enfants autistes victimes d’abus mais n’ayant pas un diagnostic de SSPT. Cela montre qu’il y a bien une altération négative de l’humeur et de la cognition du fait du lien entre l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique. On pourrait alors penser que le SSPT exacerbe les symptômes autistiques, pourtant il n’y a pas de différence dans le noyau des symptômes autistiques entre l’échantillon des enfants autistes victimes d’abus et ceux n’ayant subi aucun abus.

Cette similarité des deux groupes quant à la gravité des symptômes TSA et à certains symptômes du SSPT pourrait avoir joué un rôle dans le faible taux de diagnostics de SSPT chez les personnes ayant des antécédents de violence rapportés.Sur les 99 enfants victimes de maltraitance déclarée par les soignants, seuls sept ont été diagnostiqués comme souffrant de stress post-traumatique par des équipes cliniques expertes. Les facteurs concurrents de la résilience et de la vulnérabilité ne sont pas bien compris chez les personnes atteintes de TSA en ce qui concerne la formation potentielle de symptômes de SSPT. Il se peut qu’une grande partie des enfants autistes victimes d’abus soient résilients face à leurs expériences traumatiques.

Il est aussi possible qu’un certain nombre d’enfants autistes victimes d’abus n’ait pas été diagnostiqué comme ayant un SSPT à cause des symptômes communs entre l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique.

Cela a pu pousser les cliniciens à s’appuyer sur des seuils de sévérité plus importants des symptômes de SSPT pour le groupe d’enfants victimes d’abus.

Une autre explication pourrait être que tous ces enfants autistes victimes d’abus ne rencontrent pas l’ensemble des critères de diagnostic pour un SSPT.

Il est aussi intéressant de regarder les résultats entre le groupe d’enfants abusés ayant un SSPT et ceux ayant été abusés et n’ayant pas de SSPT. Ceux avec un SSPT ont plus de comportements craintifs et de crises de colère. Cela pourrait signifier que ces signes en particulier sont des signaux d’alarme forts que les cliniciens devraient rechercher en priorité lors des diagnostics de SSPT chez les personnes autistes.

Les limites à cette étude sur l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique

Cette étude concernant les liens entre l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique a plusieurs limites :

  • Les mesures n’ont pas été conçues pour collecter des informations spécifiques aux traumatismes, et les rapports d’abus et de symptomatologie signalés par le fournisseur de soins ne pouvaient être approfondis et clarifiés.
  • A cause des difficultés de communication des personnes autistes, il est probable que certaines personnes identifiées comme n’ayant pas subit d’abus appartiennent en fait à la catégorie des enfants autistes ayant subit un abus mais que ca n’ait pas été détecté par les soignants
  • Le fait de se baser sur les dires rapportés par les soignants peut générer un biais
  • Il aurait été intéressant de voir si certains symptômes de SSPT sont plus liés à certains types de traumatismes, mais l’échantillon était trop réduit pour procéder à ce type de comparaison (Par exemple est-ce que les abus physiques sont plus caractérisés par l’apparition de crises de violence que les autres types de traumatismes).

Pour aller plus loin dans cette étude, il serait intéressant de comparer un échantillon de personnes autistes avec un passif de maltraitance et un échantillon de personnes au développement typique ayant un passé de maltraitance afin d’analyser les ressemblances et les différences entre les deux populations.


Source : Brenner, J., Pan, Z., Mazefsky, C. et al. J Autism Dev Disord (2018) 48: 3727. https://doi.org/10.1007/s10803-017-3183-4