Journée de l’autisme 2019 : petits rappels utiles

Je me suis demandée ce que j’allais bien pouvoir dire d’intéressant pour la journée de l’autisme et je me suis dit que j’allais revenir aux fondamentaux.

Journée mondiale de l’autisme

Je suis passionnée par l’autisme, je lis beaucoup d’information sur le sujet, principalement des articles scientifiques et j’ai pu emmagasiner des connaissances dans ce domaine. Souvent, je pense qu’elles sont partagées, ou du moins que toutes les personnes ont un socle de connaissances de base sur le sujet.

Pourtant, lorsque j’échange avec les gens, force est de constater que les idées reçues, les préjugés et les jugements hâtifs ont de belles années devant eux en ce qui concerne l’autisme.

Après réflexion à l’occasion de la journée de l’autisme, j’ai donc décidé d’écrire un article court qui rappelle quelques principes de l’autisme, en reprenant des éléments du fonctionnement des personnes autistes qui sont parfois peu connus ou mal interprétés par les personnes non autistes et qui donnent souvent lieux à des jugements de valeur sur les comportements des personnes autistes.

1. Sur le fait que l’autisme n’est pas une maladie psychologique : L’autisme n’est pas une maladie car cela supposerait qu’il y ait une altération de la santé ou des fonctions par rapport à une condition initiale de « bonne santé ». Or, les personnes autistes naissent avec un fonctionnement différent qui n’est pas dû à un changement d’état. C’est est un trouble neuro-développementale qui provient d’un développement différent du cerveau du fœtus durant la grossesse. Cela entraine un fonctionnement différent qui se traduit par des troubles de la communication et des interactions sociales ainsi que des comportements répétitifs et restreints. L’explication psychanalytique des origines de l’autisme comme étant lié à un choc psychologique provoqué par le parent (souvent la mère) est aujourd’hui révoquée grâce aux neurosciences et au développement de la recherche scientifique.

En 2012 la Haute Autorité de Santé, qui est une autorité publique indépendante (API) a désavoué les théories psychanalytiques dans sa publication des Recommandations des Bonnes Pratiques Professionnelles (RBPP) sur l’Autisme et autres troubles envahissants du développement, interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent. Dans la paragraphe « 4.2. Interventions personnalisées globales et coordonnées » dans la sous section « interventions globales non consensuelles » il est dit que : « L’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur les approches psychanalytiques ; la psychothérapie institutionnelle ».

2. Sur l’intelligence des personnes autistes : les
personnes autistes ne sont pas toutes soit déficientes intellectuelle, soit
dotées d’une intelligence supérieure. Ces deux possibilités existent, et
l’autisme peut être corrélé avec le handicap mental, tout comme certaines
personnes autistes peuvent avoir un haut potentiel. Il y a aussi des personnes
autistes avec une intelligence dites « normale », c’est-à-dire dans
la moyenne définit par les standards internationaux (entre 90 et 130). Comme il
est très difficile de mesurer l’intelligence d’une personne autiste avec les
tests standards, les recherches sur le sujet font débats, voir polémique et les
chiffres varient. Il est communément admis que 70 à 75 % des personnes autistes
ont un retard mental. Or les dernières études épidémiologiques viennent
remettre en cause ce chiffre. On peut notamment citer les recherches de Honda,
Shimizu, Misumi, Niimi (1996) qui situent à 50 % la proportion de personnes
autistes dont le QI est supérieur à 70. Dernièrement une étude de Chakrabarti
et Fombonne montrent que pour l’ensemble des TED de leur recherche (15000
enfants entre 2.5 et 6.5 ans), 94 % de cette population (autiste, Asperger et
TEDNS) avait un QI normal. Il est à préciser que les personnes TEDNS de cette
étude sont des personnes sans déficience.

Les recherches de Laurent Mottron tendent aussi à démontrer
que les particularités du profil cognitif des personnes autistes orienteraient
plus facilement à tort vers une déficience intellectuelle alors que ca n’est
pas forcément le cas. Cette étude a suscité des critiques (Sénéchal 2007). S’il
y a débat sur la proportion de personnes avec une déficience intellectuelle
parmi la population des personnes autistes, l’ensemble des études semblent
corroborer que le profil cognitif des personnes autistes se compose
majoritairement de points faibles et de points forts significatifs qui sont des
îlots de compétence.

3. Sur la perception sensorielle particulière des personnes
autistes : c’est un aspect du fonctionnement des personnes autistes qui
n’est en réalité pas très bien connu du grand public ou du moins, celui-ci ne
mesure pas toujours l’impact que la perception sensorielle peut avoir sur une
personne autiste.Il existe sept sens : la vue, l’ouïe, le toucher,
l’odorat, le gout, la proprioception (les structures situées dans les muscles,
les ligaments et le système nerveux qui permettent au corps de repérer sa
position dans un espace) et le sens vestibulaire (les structures à l’intérieur
de l’oreille interne qui détectent les mouvements et changements de position de
la tête et permettent l’équilibre). Le fait de ressentir trop fort certains
sens est appelé hypersensibilité. Le fait de ressentir trop peu certains sens est
appelé hyposensibilité. Dans les deux cas cela peut être gênant et/ou
douloureux et rendre l’environnement désagréable pour la personne autiste.

4. Sur les troubles du comportement, autrement appelés
comportements défis : Ils peuvent être spectaculaires et impressionner
l’entourage de la personne, que ca soit sa famille, des amis ou de simples
témoins de la scène. Ils prennent plusieurs formes (typologie de Mc Bien et
Felce, 1992) : les automutilations, les agressions, les destructions, les
perturbations, les stéréotypies/stimulations envahissantes, l’alimentation. Ils
ont pour origine une douleur que la personne ne peut/sait pas exprimer, une
surcharge sensorielle, une difficulté à communiquer ou à gérer ses émotions.
S’ils sont gênants pour les personnes autour, les comportements défis sont
avant tout un signal de détresse  de la
personne autiste face à une situation douloureuse ou difficile à gérer pour
elle. Le modèle est éco-comportemental et explique les comportements-défis par
la relation entre le comportement et son environnement, ou plus exactement son
contexte. C’est le modèle fonctionnel (Greenwood et al.,1994).

5. Sur les émotions : Les
difficultés en matière de théorie de l’esprit pour les personnes autistes ont
contribué à créer le préjugé selon lequel elles n’auraient pas d’empathie et/ou
pas d’émotion. Cette acception demande quelques explications supplémentaires.
L’empathie se définit comme la : «Faculté intuitive de se mettre à la place
d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent » (Dictionnaire Larousse en ligne). Or,
les personnes autistes peuvent avoir quelques difficultés à capter les signaux
qui traduisent les émotions d’autrui. Une personne autiste qui regarde peu les
yeux de son interlocuteur peut ne pas voir que celui-ci lève les yeux au ciel
pendant la conversation, ou s’il le voit, il ne sera peut-être pas capable de
l’interpréter dans ce contexte comme un signe d’ennui et continuera la
conversation. Souvent, les personnes autistes sont en difficulté avec les
signaux subtils, mais peuvent percevoir certains signaux plus basiques et plus
expressifs. Exemple : une personne autiste pourrait ne pas voir qu’une personne
exprime les prémices de la tristesse, comme le coin de la bouche qui tombe légèrement
ou les yeux qui s’humidifient. Par contre, si une personne autiste est assise à
côté d’une personne qui pleure à chaude larme, il y a peu de chance qu’elle ne
le remarque pas. Aussi, dès qu’elle percevra cet état de tristesse, elle sera
en capacité de le partager.

Les personnes autistes partagent les émotions d’autrui à
condition qu’elles en soient informées. C’est la perception des émotions qui
est déficitaire et non pas leur existence. Il est donc faux de dire que les
personnes autistes n’ont pas d’empathie ni d’émotion, mais plutôt que ces deux
états mentaux fonctionnent selon des mécanismes qui diffèrent du fonctionnement
des personnes qui ne sont pas autistes.

Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir aujourd’hui pour aller vers l’inclusion des personnes autistes, que ce soit en matière d’accès à l’enseignement, au travail ou aux activités de loisir. Le vivre-ensemble passe par une meilleure information et une plus grande connaissance du fonctionnement des personnes autistes. Aujourd’hui, pour la journée de l’autisme, c’est l’occasion d’en parler.