Les recherches scientifiques sur l’autisme : 10 avancées majeures en 2018

Chaque année la revue de vulgarisation Spectrum News opère un classement des articles notables issus  des recherches scientifiques sur l’autisme durant l’année passée.

Cette année encore, ils ont demandé  à des chercheurs d’évaluer les recherches scientifiques sur l’autisme les plus importantes, celles qui ont changé leur point de vue sur l’autisme ou sur la façon de le traiter.

Voici leur classement par ordre chronologique inverse (en commençant par l’étude la plus récente) et pas par ordre d’importance.

 

1. Une analyse met en lumière les mutations dans les régions «sombres» du génome

« Genome-wide de novo risk score implicates promoter variation in autism spectrum disorder »

Les mutations spontanées dans certaines régions non codantes du génome sont liées à l’autisme. Les chercheurs ont analysé des séquences du génome entier de 1 902 familles, comprenant un enfant atteint de TSA, un témoin non affecté et leurs parents. Ils ont identifié environ 67 mutations de novo dans le génome de chaque enfant. Pour caractériser le rôle fonctionnel de ces mutations, Ils ont intégré de multiples jeux de données relatifs à la fonction des gènes, aux gènes impliqués dans les troubles du développement neurologique, à la conservation entre espèces et aux marqueurs épigénétiques, définissant ainsi de manière combinatoire 55 143 catégories.

An J. et al. Science 362, eaat6576 (2018)

 

2. deux études sont concernées :

Le contrôle de l’expression des gènes modifie l’impact des mutations de l’autisme

« Modified penetrance of coding variants by cis-regulatory variation contributes to disease risk »

Une étude relie un sous-ensemble de variants génétiques à l’autisme et à une déficience intellectuelle

« Common genetic variants contribute to risk of rare severe neurodevelopmental disorders »

Selon ces deux études, des variantes génétiques communes pourraient contribuer au risque d’autisme en modifiant les effets de mutations rares et nuisibles.

La première suggère que des variants communs modulent l’expression de gènes qui sont également affectés par des mutations rares. La seconde révèle que des variantes communes contribuent à environ 8% du risque de développement associé à des mutations rares.

Castel S.E. et al. Nat. Genet. 50, 1327-1334 (2018)

Niemi M.E.K. et al. Nature 562, 268-271 (2018)

 

3. La recherche ajoute du poids au lien entre l’autisme et l’obésité

« Prevalence of overweight and obesity among US youth with autism spectrum disorder »

Près de la moitié des adolescents américains atteints d’autisme sont en surpoids ou obèses, confirmant ainsi une tendance observée dans plusieurs autres études issues des recherches scientifiques sur l’autisme. Les enfants présentant les traits les plus graves de l’autisme ont plus de trois fois plus de risques d’être obèses que ceux ayant des traits plus légers. L’échantillon très large se compose de 875 963 jeunes autistes et  31 913 657 jeunes au développement typiques. Ils ont tous entre 10 et 17 ans. Parmi les jeunes autistes 19.4 % étaient en surpoids et 23.05 % étaient obèses contre 14.9 % en surpoids et 15.91 % obèses pour les jeunes au développement typique.

Healy S. et al. Autism Epub ahead of print (2018)

 

4. Une nouvelle approche prédit l’impact des mutations légères de l’autisme

« An interactome perturbation framework prioritizes damaging missense mutations for developmental disorders »

Pour information : En génétique, une mutation faux sens est une mutation ponctuelle dans laquelle un nucléotide d’un codon est changé, induisant le changement de l’acide aminé associé. Ceci peut rendre la protéine traduite non fonctionnelle (Wikipédia).

Identifier les mutations faux-sens associées aux maladies reste un défi dans les recherches scientifiques sur l’autisme, en particulier dans les études de séquençage à grande échelle. Les chercheurs établissent dans cet article une approche intégrée expérimentalement et informatiquement pour étudier l’impact fonctionnel des mutations faux-sens dans le contexte du réseau interactome humain. Ils testent leur approche en analysant environ 2 000 mutations faux-sens de novo découvertes chez des sujets autistes et leurs frères et sœurs non affectés.

Chen S. et al. Nat. Genet. 50, 1032-1040 (2018)

 

5. Deux études sont concernées :

L’édition de gènes via des nanoparticules pourrait traiter les syndromes de l’autisme

« Nanoparticle delivery of CRISPR into the brain rescues a mouse model of fragile X syndrome from exaggerated repetitive behaviours »

Un ajustement CRISPR corrige une faille génétique dans le syndrome de l’X fragile

« Rescue of Fragile X Syndrome Neurons by DNA Methylation Editing of the FMR1 Gene »

Selon ces recherches scientifiques sur l’autisme, l’outil génétique CRISPR pourrait permettre aux chercheurs de traiter le syndrome de X fragile à l’avenir.

Dans le premier, les chercheurs ont utilisé des nanoparticules d’or pour délivrer avec succès CRISPR dans le cerveau de souris ayant l’X fragiles et modifier leur comportement. Dans la seconde, qui porte sur les cellules souches, les scientifiques ont utilisé une version modifiée de CRISPR pour restaurer l’expression du gène muté dans le syndrome.

Lee B. et al. Nat. Biomed. Eng. 2, 497-507 (2018)

Liu X.S. et al. Cell 172, 979-992 (2018)

 

6. Une étude sur le singe renforce la thèse du rôle de l’hormone cérébrale dans l’autisme

« Arginine vasopressin in cerebrospinal fluid is a marker of sociality in nonhuman primates »

Les TSA restent mal compris dans les recherches scientifiques sur l’autisme, en raison de la difficulté d’étudier les impactes biologiques directement chez les patients et du recours à des expériences sur les souris dépourvues de capacités cognitives sociales complexes sur le plan clinique. Les chercheurs ont  utilisé des observations éthologiques chez des macaques rhésus pour identifier des singes mâles ayant une faible sociabilité naturelle. Ces singes présentaient des différences dans les voies de signalisation des neuropeptides et des kinases spécifiques par rapport aux singes mâles socialement compétents. Cette étude révèle que les garçons autistes et les membres les moins sociaux d’une troupe de macaques rhésus ont de faibles niveaux cérébraux de l’hormone vasopressine. La découverte soulève la question suivante: l’augmentation des taux de vasopressine pourrait-elle renforcer la sociabilité des personnes autistes ?

Parker K.J. et al. Sci. Transl. Med. 10, eaam9100 (2018)

 

7. Un médicament anticancéreux promet de traiter certaines formes d’autisme (gène Shank3)

« Social deficits in Shank3-deficient mouse models of autism are rescued by histone deacetylase (HDAC) inhibition »

L’haploinsuffisance du gène SHANK3 est liée de manière causale au trouble du spectre de l’autisme (TSA), et les gènes associés au TSA sont également enrichis pour les remodelateurs de la chromatine. Les chercheurs ont trouvé un bref traitement à la romidepsine, un inhibiteur extrêmement puissant de l’histone désacétylase de classe I (HDAC), qui atténuait les déficits sociaux chez les souris déficientes en Shank3, qui persistait pendant environ 3 semaines. Pris ensemble, ces résultats mettent en évidence un mécanisme épigénétique sous-jacent aux déficits sociaux liés au déficit en Shank3, qui pourrait suggérer des stratégies thérapeutiques potentielles pour les patients atteints de TSA porteurs de mutations SHANK3.

 

8. L’autisme partage la signature cérébrale avec la schizophrénie et le trouble bipolaire

« Shared molecular neuropathology across major psychiatric disorders parallels polygenic overlap »

J’avais fait un résumé de cette étude ici. Les signatures d’expression génique dans le cerveau des personnes atteintes d’autisme se chevauchent avec les modèles d’expression trouvés dans le cerveau des personnes atteintes de schizophrénie ou de trouble bipolaire, selon cette vaste étude sur le tissu cérébral postmortem.

Gandal M.J. et al. Science 359, 693-697 (2018)

 

9. La sensibilité sensorielle peut avoir des racines génétiques avec l’autisme

Les réponses atypiques aux stimuli sensoriels sont des caractéristiques communes des troubles du spectre autistique (TSA). Par conséquent, la réactivité sensorielle (RS) atypique est maintenant une caractéristique diagnostique du TSA. La recherche génétique quantitative sur les TSA a toutefois négligé ces caractéristiques. Le chevauchement génétique observé entre les traits autistiques et le RS donne un support génétique quantitatif à la notion selon laquelle les TSA et le RS sont fortement liés. De tels symptômes peuvent donc comprendre une partie du génotype TSA, ainsi que du phénotype. Les associations persistaient dans toutes les définitions de TSA, indiquant un lien génétique entre le phénotype plus large de TSA et SR.

Taylor M.J. et al. J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry 57, 96-102 (2018) PubMed

 

10. Etude du rôle du cervelet dans les régions du cerveau ayant un rôle «social»

« Altered cerebellar connectivity in autism and cerebellar-mediated rescue of autism-related behaviors in mice »

Pour information : Le modèle murin est un modèle d’expérimentation animale utilisant la souris ou le rat ou le cobaye, les rongeurs en général. La souris est le vertébré le plus utilisé en raison de sa disponibilité, de sa petite taille, de son faible coût, de sa manipulation aisée et de son taux élevé de reproduction. Elle représente le modèle de base pour étudier les maladies génétiques humaines et (notamment dans les recherches scientifiques sur l’autisme) et partage 99 % de ses gènes avec l’Homme (Wikipédia)

Une région du cervelet appelée RCrusI peut sous-tendre les problèmes sociaux rencontrés chez les personnes autistes et dans un modèle murin de la maladie. Cette étude suggère également que la stimulation de cette région avec un courant électrique peut atténuer les effets chez la souris.

Stoodley C.J. et al. Nat. Neurosci. 20, 1744-1751 (2017)

 


Références :

Notable papers in autism research in 2018, Spectrum News, décembre 2018