Cinq sujets brulants dans la recherche sur l’autisme en 2019

Cet article est une traduction du texte de la revue de vulgarisation Spectrum News, Five hot topics in autism research in 2019. Elle complète l’article que j’ai dernièrement traduit sur les 10 avancées majeures en 2019 dans la recherche sur l’autisme.

Cette année, les chercheurs ont trouvé des indices sur les
causes de l’autisme – et comment le traiter – à partir de diverses sources.

Les progrès dans de très petits modèles du cerveau humain
ont révélé de nouveaux détails sur la biologie de l’autisme et fourni des
plateformes possibles pour tester des thérapies. Les études de la fréquence
cardiaque ont mis en lumière le système nerveux autonome comme source possible
de traits autistiques. Et d’autres ont forgé un lien controversé entre le
microbiome intestinal et l’autisme.

Quelques études ont révélé des informations importantes sur
les moments clés auxquels différentes formes d’autisme peuvent être traitées.
Cette année a aussi regardé de plus près les tests utilisés pour le dépistage
et le diagnostic, révélant des lacunes et des limites dans le système
d’identification des enfants autistes.

Voici les cinq principaux sujets de l’année dans la recherche sur l’autisme.

Les fabricants de cerveau

Les organoïdes cérébraux commencent comme de simples grappes de cellules souches, qui sont ensuite regroupées pour devenir des cellules cérébrales. Cette année, la durée de vie de ces ‘cerveaux en éprouvette’ est passée à un an à près de deux ans, leur permettant de se développer et d’imiter certains aspects du cerveau humain. Dans les organoïdes à longue durée de vie, les chercheurs ont suivi les changements dans l’expression des gènes de l’autisme.

Ils ont découvert que les organoïdes dérivés des cellules de la peau des personnes autistes manquent de cellules qui suppriment l’activité cérébrale. La découverte soutient la théorie du déséquilibre de signalisation de l’autisme, qui dit que le cerveau des personnes autistes est hyper-excitable.

Cette année, les scientifiques ont également construit de
minuscules répliques de deux zones cérébrales reliées par une longue fibre qui
pourraient révéler comment les connexions à longue distance sont modifiées dans
le cerveau des personnes autistes.

Les organoïdes cérébraux issus de personnes atteintes du
syndrome de l’X fragile peuvent aider à expliquer pourquoi certains médicaments
expérimentaux de l’X fragile fonctionnent chez la souris mais pas chez l’homme
– et génèrent des pistes pour des thérapies efficaces. Les organoïdes pourraient
également fournir une plateforme pour tester les traitements, car les
chercheurs peuvent désormais produire des centaines de ces cellules cérébrales
amalgamées en parallèle et les rendre uniformes dans leur forme et leur
composition.

Des applications plus éloignées comprennent des études de la
conscience et des effets de la microgravité sur le cerveau. Dans un des
premiers signes de la formation, les organoïdes cérébraux ont montré des
schémas de mise à feu neuronaux synchronisés, dont certains aspects ressemblent
à ceux des prématurés.

Au sujet du cœur

De nouvelles preuves ont émergé liant l’autisme au fonctionnement du système nerveux autonome, qui contrôle la respiration, la fréquence cardiaque et la digestion. Les différences dans le système pourraient expliquer une gamme de traits d’autisme, y compris les difficultés sociales et la sensibilité sensorielle, ainsi que les problèmes cardiaques et les problèmes digestifs.

Beaucoup de ces différences apparaissent dans la fréquence
cardiaque. La fréquence cardiaque reste stable chez les personnes autistes qui
respirent au lieu du schéma typique de ralentissement léger à l’expiration et
d’accélération à l’inspiration. Cet écart apparaît après l’âge de 18 mois, à
peu près au même moment où les traits fondamentaux de la condition émergent.
Les enfants atteints du syndrome de Rett ont également des schémas de fréquence
cardiaque inhabituels.

Ces différences peuvent persister au-delà de l’enfance. Une
étude a montré que la fréquence cardiaque au repos des adultes autistes varie
rarement; une fréquence cardiaque régulière suggère un manque de flexibilité
pour répondre aux changements environnementaux.

Les réactions de l’intestin

Les enfants autistes sont inhabituellement sujets à des problèmes gastro-intestinaux. Cette association peut ne pas être une coïncidence: certaines mutations génétiques ou altérations du microbiome – le mélange de microbes dans les intestins – peuvent contribuer à la fois à l’autisme et aux problèmes intestinaux.

Quatre études sur des souris en 2019 ont fourni de nouvelles
preuves – dont certaines controversées – pour soutenir cette idée. Dans une
étude, les chercheurs ont remplacé les microbes intestinaux des souris par ceux
des garçons autistes. Les souris ont des comportements répétitifs, font moins
de vocalisations et passent moins de temps à socialiser que les témoins,
fournissant la première preuve que les microbes intestinaux contribuent aux traits
de l’autisme.

Mais quelques heures après la publication de l’étude,
plusieurs experts ont critiqué sa petite taille d’échantillon et ses résultats
très variables. D’autres ont trouvé une possible erreur statistique.

Dans une étude indépendante, les chercheurs ont révélé que
des doses orales de Lactobacillus reuteri, un type de bactérie intestinale
présente dans le yogourt et le lait maternel, renforcent le comportement social
dans trois modèles de souris autistes. Et deux autres séries de résultats suggèrent
que les mutations du NLGN3, un gène de l’autisme à haute confiance, modifient
la fonction intestinale. L’un d’eux a montré qu’une mutation de ce gène
perturbe le microbiome de la souris.

Moments opportuns

Les médicaments contre l’autisme peuvent être plus efficaces lorsqu’ils sont administrés pendant une «période critique» de développement cérébral. Les chercheurs ont délimité les fenêtres pour le traitement des traits d’autisme dans des modèles de souris et de rats porteurs de la condition.

Une étude a révélé qu’au moment où les souris atteignent
l’âge adulte, elles ont perdu leur capacité à apprendre des expériences
sociales. Donner aux souris adultes une injection de
3,4-méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA), l’ingrédient actif de l’ecstasy,
rouvre la fenêtre critique de l’apprentissage.

Dans une autre étude, les chercheurs ont administré le médicament contre le cholestérol lovastatine à des modèles de syndrome du X fragile chez le rat. Les chercheurs ont découvert que si le traitement, est administré à l’âge de 4 semaines (l’équivalent de l’enfance chez le rat), il prévient les problèmes cognitifs.

La période de traitement peut être plus importante pour
certaines formes d’autisme que pour d’autres. Une étude sur des souris manquant
de UBE3A, le gène muté dans le syndrome d’Angelman, a montré que plus le gène
est restauré tôt dans la vie, plus les souris s’améliorent.

En revanche, une mutation du gène de l’autisme SCN2A a
beaucoup d’effets similaires sur les neurones lorsqu’elle est introduite chez
des souris adolescentes que lorsqu’elle est présente dès la conception. Et des
résultats non publiés montrent que la correction d’une mutation SCN2A à l’âge
adulte inverse ces problèmes.

Erreurs dans la détection

Une série d’études cette année a remis en question l’exactitude du dépistage précoce et a révélé des disparités raciales dans les diagnostics d’autisme.

Certaines études mettent en doute l’utilité d’un outil de dépistage largement utilisé, la Modified Checklist for Autism in Toddlers (un test de détection utilisé chez les tout-petits) : le test identifie moins de 40% des enfants autistes, et 85% de ceux qu’il signale ne sont pas d’autisme.

Parmi les très jeunes enfants, les indicateurs de test, la
plupart ne reçoivent pas d’évaluation de suivi. Et pour ceux qui sont revus, un
diagnostic définitif peut ne pas être possible tout de suite. Certains enfants
dont le dépistage est négatif à l’âge de 3 ans ne répondent aux critères
diagnostiques de l’autisme qu’après l’âge de 5 ans.

Tous les enfants n’ont pas un accès égal aux évaluations de
l’autisme, les enfants noirs et hispaniques étant désavantagés dans plusieurs
États américains. Dans le New Jersey, les enfants noirs sont deux fois moins
susceptibles que les enfants blancs de recevoir une évaluation de l’autisme
avant l’âge de 3 ans.

Environ 9% des enfants autistes peuvent passer un diagnostic d’autisme mais ont encore d’autres conditions qui nécessitent un accompagnement, soulignant la nécessité d’une observation continue pour s’adapter à leurs besoins en évolution.

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Autisme et recherche scientifique : 10 avancées majeures en 2017

 

Je vous présente à tous mes meilleurs vœux pour l’année 2018. Cette nouvelle année est l’occasion d’une petite rétrospective sur les avancées de la recherche dans le domaine de l’autisme. Chaque année le magasine Spectrum news demande aux chercheurs dans le champ de l’autisme qu’elles sont les principales avancées en matière d’autisme durant l’année écoulée.

Voici la liste des dix articles scientifiques qui ont marqués l’année 2017 en matière de recherche sur l’autisme en commençant par le plus récent.

A titre informatif je n’ai pas trouvé de traduction « officielle » de ces textes pour l’instant, les titres et résumés sont donc une traduction libre et approximative que je fais afin de favoriser une circulation rapide de ces informations en langue française. Vous trouverez à chaque fois à côté du numéro le nom de l’avancée scientifique, en dessous en anglais et entre guillemet l’article et les références de celui-ci et encore en dessous le résumé succinct expliquant en quoi consiste cette avancée.

 

  1. Une partie importante du risque d’autisme relié aux mutations mosaïques : une grande étude met en lumière les mutations «mosaïque» dans l’autisme

« Rates, distribution and implications of postzygotic mosaic mutations in autism spectrum disorder » (Lim E.T. et al. Nat. Neurosci. 20, 1217-1224, 2017)

« Exonic Mosaic Mutations Contribute Risk for Autism Spectrum Disorder » (Krupp D.R. et al. Am. J. Hum. Genet. 101, 369-390, 2017)

Une étude sur environ 20 000 personnes autistes montre que 8 % des mutations de nuovo (qui correspondent à des mutations génétiques qui interviennent chez l’individu sans qu’elles soient héritées du patrimoine génétique des parents) apparaissent seulement dans certaines cellules du corps. Ce type de mutations joue un rôle plus important dans l’apparition de l’autisme que ce que pensaient les chercheurs jusqu’à présent. Les mutations mosaïques contribuent au développement de l’autisme. Ces mutations interviennent après la conception et plus elles apparaissent tard moins le nombre de cellules concernées est important. Certains de ces gènes qui ont mutés chez les personnes autistes se retrouvent dans l’amygdale, une partie du cerveau particulièrement impliquée dans les émotions et les interactions sociales. Cette étude pourrait aussi expliquer le degré de « sévérité » et les différences de manifestation de l’autisme selon les personnes qui serait lié au nombre de cellules mutantes présentes.

 

  1. L’utilisation du regard durant les interactions sociales est fortement influencé par des facteurs génétiques

« Infant viewing of social scenes is under genetic control and is atypical in autism » (ConstantinoJ.N. et al. Nature 547, 340-344, 2017)

Bien avant que les nouveaux nés puissent ramper ou marcher, ils explorent le monde avec leurs yeux. Le regard leur permet d’apprendre et d’engager une interaction, de discriminer les stimuli sociaux en donnant une préférence au visage humain par exemple et à ceux des parents en particulier. Cette capacité qui lie regard et engagement social et joue un rôle important dans le développement, semble faire défaut aux enfants autistes. Cette étude montre cette variation lors de visionnage de scènes sociales qui incluent le niveau d’attention préférentielle et le timing du regard, la direction et la cible des mouvements oculaires. L’étude portant sur l’étude génétique d’un échantillon de 338 enfants a démontré que l’utilisation du regard dans les interactions sociales trouve ses causes dans les facteurs génétiques.

 

  1. Le spray d’Ocytocin augmente les capacités sociales chez les enfants autistes

« Intranasal oxytocin treatment for social deficits and biomarkers of response in children with autism » (Parker K.J. et al. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 114, 8119-8124, 2017)

Les Troubles du Spectre de l’Autisme sont caractérisés par un noyau de déficits sociaux. Un certain nombre d’études montrent que le neuropeptide ocytocin pourrait être un biomarker du fonctionnement social et un possible traitement du déficit d’interactions sociales chez les personnes autistes. Cette étude menée sur 32 enfants autistes âgés de 6 à 12 ans ayant reçus des injections nasales durant 4 semaines montrent une amélioration des comportements sociaux. Les enfants ayant le taux le plus faible d’ocytocin avant le traitement ont montré une réponse plus importante aux stimulis sociaux.

 

  1. Les scanners du cerveau peuvent prévoir un diagnostic d’autisme chez les enfants à risque

« Functional neuroimaging of high-risk 6-month-old infants predicts a diagnosis of autism at 24 months of age » (Emerson R.W. etal.Sci. Transl. Med. 9, eaag2882, 2017)

Pour mettre en place de manière efficiente des interventions précoces pour les enfants autistes et améliorer les résultats à long terme il faut être capable de diagnostiquer le plus tôt possible ces enfants. Cette étude a porté sur 59 bébés âgés de six mois avec un risque familial élevé d’autisme. Les IRM réalisés sur ces enfants ont permis d’identifier quels enfants allaient par la suite recevoir un diagnostic d’autisme quand ils ont atteint l’âge de 24 mois. Des connexions cérébrales fonctionnelles ont été définies chez des nourrissons de 6 mois et corrélées avec les scores à 24 mois sur des mesures de comportement social, de langage, de développement moteur et de comportement répétitif, qui sont toutes des caractéristiques communes au diagnostic de TSA.

 

  1. Les interactions parents-enfants peuvent atténuer les caractéristiques de l’autisme

« Randomised trial of a parent-mediated intervention for infants at high risk for autism: longitudinal outcomes to age 3 years » (Green J. et al. J. Child Psychol. Psychiatry 58, 1330-1340, 2017)

Apprendre aux parents à réagir aux premiers indices d’autisme chez les enfants à risque permet d’atténuer la sévérité des symptômes de l’autisme à l’âge de trois ans. Cette étude montre qu’une intervention ciblée sur les parents permet d’obtenir des résultats durables sur les enfants.

 

  1. Le séquençage de milliers de génomes complet a permis la découverte de nouveaux gênes impliqués dans l’autisme

« Whole genome sequencing resource identifies 18 new candidate genes for autism spectrum disorder »(Yuen R.K. et al. Nat. Neurosci. 20, 602-611, 2017)

Un séquençage du génome complet a été mené dans des familles dont les membres ont un Trouble du Spectre du l’Autisme afin de construire une base de donnée qui permet de sous catégoriser le phénotype de l’autisme et mettre en lumière les facteurs génétiques impliqués. L’étude a permis de réunir un échantillon de 5205 personnes et de découvrir 18 nouveaux gènes impliqués dans l’autisme.

 

  1. Parental origin may alter gene copies’ expression in brain

« Diverse Non-genetic, Allele-Specific Expression Effects Shape Genetic Architecture at the Cellular Level in the Mammalian Brain » (Huang W.C. et al. Neuron 93, 1094-1109, 2017)

La plupart du temps les cellules du cerveau expriment la copie des gènes des deux parents équitablement. Mais cette étude réalisée sur le cerveau de souris et de singes montre que certains neurones expriment préférentiellement la copie d’un gène hérité d’un parent par rapport à l’autre. Dans le domaine de l’autisme, cela pourrait expliquer pourquoi certaines mutations liées à l’autisme affectent certaines personnes plus que d’autres. La plupart des mutations observées chez les personnes autistes n’affectent qu’une seule copie du gène. Donc une même mutation peut avoir différents effets en fonction de la copie du parent qui porte la mutation.

 

  1. L’augmentation rapide de la taille du cerveau dans l’enfance pourrait être un signe de trouble du spectre de l’autisme

« Early brain development in infants at high risk for autism spectrum disorder » (Hazlett H.C. et al. Nature 542, 348-351, 2017)

L’évolution de la taille du cerveau a été observée chez les enfants autistes, mais le moment où intervient ce phénomène et les liens entre les TSA et l’apparition des symptômes comportementaux restent inconnus. Une étude longitudinale sur le volume du cerveau a montré la preuve que l’augmentation du volume du cerveau intervient de manière précoce dans le développement de l’enfant. Les symptomes liés à l’autisme et notamment les déficits dans les interactions sociales se développent également tôt, dans la seconde partie de la première année et durant la deuxième année de vie de l’enfant. L’imagerie médicale permettrait donc d’observer la taille du cerveau dès les premiers de la vie de l’enfant et d’aider à la pose d’un diagnostic rapide permettant un accompagnement adapté.

 

  1. L’autisme pourrait être reconnu par une signature commune au niveau génétique

« Genome-wide changes in lncRNA, splicing, and regional gene expression patterns in autism » (Parikshak N.N. et al. Nature 540, 423-427, 2016)

Les causes génétiques sont régulièrement évoquées pour expliquer le développement des TSA sans que l’on sache exactement quels gènes sont impliqués. Une étude post mortem réalisée sur un large échantillon de personne a permis de montrer qu’il existe une signature moléculaire distincte chez les personnes autistes. Les divers fondements moléculaires de l’autisme convergent vers un même modèle biologique. Malgré des facteurs de risques génériques et environnementaux différents, il y aune manière de fonctionner commune dans l’expression des gènes. Cette recherche a permis d’identifier 584 gènes qui sont exprimés à un haut niveau  dans le tissu cortical et 558 qui sont exprimés à des niveaux inférieurs. Ce schéma apparait dans les deux tiers de l’échantillon.

 

  1. Les scanners du cerveau pourraient rendre compte de l’efficience des traitements dans l’autisme

« Brain scans may forecast effectiveness of autism treatment » (Yang D. et al. Transl. Psychiatry 6, e948, 2016)

Les modèles d’activité dans la partie sociale du cerveau pourraient prédire le degree d’amélioration des fonctionnalités d’un enfant autiste à la suite d’une thérapie comportementale. L’objectif est de pouvoir orienter le plus tôt possible un enfant autiste vers une méthode qui fonctionne et lui permettre des progress. Les chercheurs ont fait passer des evaluations avant et après la thérapie comportementale en utilisant un outil appelé “Social Responsiveness Scale”. Une étude statistique a analysé quatre regions du cerveau qui respondent positivement après la thérapie. Ces quatre regions sont impliquées dans le comportement social et correspondent au gyrus fusiforme et au sulcus temporal supérieur (aires de la perception sociale), l’hyppocampe (aire de la mémoire et la motivation sociale) et l’amygdale (gestion des emotions).