Quatrième plan autisme 2018-2022

Le 6 avril 2018, en parallèle du salon international de l’autisme, Edouard Philippe, le premier ministre et Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées présentaient la stratégie nationale 2018-2022 pour l’autisme, autrement dit le fameux quatrième plan autisme.

 

 

Neuf mois de concertation avec les professionnels, les associations et les personnes autistes ont permis d’aboutir à la création de ce quatrième plan autisme.

Le quatrième plan autisme rappelle quelques chiffres sur l’autisme :

  • 700 000 personnes autistes en France dont 100 000 enfants (institut Pasteur)
  • 1/3 des enfants autistes sont scolarisés 2 jours ou moins en maternelle (MEN-Depp)
  • Trois fois plus d’hospitalisations longues (de plus de 292 jours) en psychiatrie pour les personnes autistes que pour la population générale (ATIH 2015)
  • 446 jours de délais en moyenne pour obtenir un diagnostic en CRA
  • 0.5 % des personnes autistes travaillent en milieu ordinaire
  • 3000 Euros de dépenses restent à la charge des familles en moyenne annuelle (Cour des comptes, rapport d’évaluation sur la politique de l’autisme, 2018)
  • 11.6 % des personnes autistes ont accès à un logement personnel

 

Cinq engagements ont été pris par le gouvernement :

  1. Renforcer la recherche et la formation
  2. Mettre en place les interventions précoces prescrites dans les Recommandations de Bonnes Pratiques Professionnelles
  3. Garantir la scolarisation effective des enfants et des jeunes
  4. Favoriser l’inclusion des adultes
  5. Soutenir les familles

 

Pour mettre en œuvre ce quatrième plan autisme une enveloppe nouvelle de 344 millions d’Euros viendra s’ajouter au 53 millions de crédits issus du troisième plan autisme pour atteindre près de 400 millions Euros.

 

  1. Remettre la science au cœur de la politique publique de l’autisme en dotant la France d’une recherche d’excellence. L’enjeu est de mieux comprendre les causes de l’autisme pour développer des réponses adaptées.

Quatre mesures du quatrième plan autisme devraient permettre d’y arriver :

  • Créer un réseau de recherche d’excellence : en constituant un groupement de coopération scientifique « autisme et troubles neuro développementaux », en créant trois centres d’excellences nationaux sur l’autisme, en renforçant le nombre de chercheur dans ce domaine.
  • Constituer des bases de données fiables pour la recherche : en développant une cohorte de grande ampleur  et en organisant la production de données épidémiologiques selon des protocoles valables
  • Assurer une diffusion rapide des connaissances : en rénovant l’ensemble des référentiels de tous les professionnels qui travaillent auprès de personnes autistes, en diffusant les dernières avancées de la recherche dans les programmes de formation continue
  • Soutenir le développement de technologies facilitant l’apprentissage et l’autonomie des personnes et en créant deux laboratoires, l’un spécialisé dans les méthodes éducatives et l’autre dans l’innovation technologique

 

  1. Intervenir précocement auprès des enfants : l’intervention précoce est perçue comme la clé d’un parcours de vie plus autonome en évitant les sur-handicaps.

Quatre mesures du quatrième plan autisme sont mises en place pour y répondre :

  • Repérer les écarts de développement des très jeunes enfants : en formant massivement tous les professionnels de la petite enfance au repérage précoce
  • Confirmer rapidement les premiers signaux d’alerte : en donnant des outils aux médecins de première ligne comme les généralistes ou les pédiatres, notamment avec le nouveau carnet de santé
  • Intervenir immédiatement et réduire les délais de diagnostic par la mise en place d’une plateforme d’intervention et de coordination sur chaque territoire
  • Réduire fortement le reste à charge des familles : par l’intermédiaire du « forfait intervention précoce » dès 2019 qui permettra de financer le recours aux professionnels non conventionnés par l’assurance maladie.

 

  1. Rattraper le retard en matière de scolarisation et garantir la scolarisation des enfants autistes dans une école inclusive.

Quatre mesures sont mises en place dans le quatrième plan autisme pour y répondre :

  • Scolariser en maternelle tous les enfants autistes : en faisant intervenir des équipes médico-sociales en soutien aux équipes pédagogiques et en multipliant par trois le nombre d’Unités d’Enseignement Maternelle Autisme.
  • Garantir un parcours scolaire fluide et adapté du primaire au lycée : en accélérant le plan de conversion des AVS en AESH, en augmentant le nombre d’élèves en classe ULIS et en créant un partenariat plus fort entre le secteur médico-social et l’école.
  • Former et accompagner les enseignants : en mettant en place des actions de sensibilisation à l’autisme pour les enseignants et en mettant en place un enseignant par département qui serait une personne ressource spécialisée dans l’accompagnement d’élèves autistes.
  • Garantir l’accès à l’enseignement supérieur en adaptant « parcoursup » pour construire un parcours scolaire adapté et améliorer les accompagnements au sein de l’université

 

  1. Soutenir la citoyenneté des adultes. Faute de diagnostic et ce quelque soit le niveau de fonctionnement, les adultes sont invisibles dans la cité. De ce fait ils ne bénéficient pas des aides dont ils ont besoin pour accéder à l’emploi, au logement à la culture, aux loisirs.

Quatre mesures sont mises en place dans le quatrième plan autisme pour y répondre :

  • Mettre fin aux hospitalisations inadéquates : en repérant et en diagnostiquant mieux les adultes autistes  en particulier les femmes qui présentent une symptomatologie  spécifique encore peu connue.
  • Proposer un logement adapté, par la création d’un « forfait d’habitat inclusif » et en développant les places en SAMSAH.
  • Insérer les personnes autistes professionnellement : en doublant les crédits d’emplois accompagnés et en développant le dispositif « Esat hors les murs ».
  • Soutenir le pouvoir d’agir des personnes autistes en développant la pair-aidance et en mettant en place un Groupe d’Entraide Mutuel (GEM) dans chaque département.

 

  1. Soutenir les familles et reconnaitre leur expertise. Il s’agit de faciliter l’accès à l’information sur l’autisme et rompre l’isolement des parents.

Quatre mesures sont mises en place dans le quatrième plan autisme pour y répondre :

  • Développer des solutions de répit pour les familles en créant une plateforme par département.
  • Permettre aux familles d’accéder aux formations sur l’autisme.
  • Mettre en place de nouveaux dispositifs de soutien : en accompagnant les familles après l’annonce du diagnostic et en mettant en place la guidance parentale y compris dans les établissements médico-sociaux.
  • Reconnaitre l’expertise des familles dans les établissements médico-sociaux et par l’ensemble des professionnels concernés par l’autisme.

 

Répartition budgétaire de la nouvelle enveloppe allouée à la stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022
Répartition budgétaire de la nouvelle enveloppe allouée à la stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022

 

 




Le salon international de l’autisme

Les 6 et 7 avril, une partie du site de Disney Land (le centre de convention Newport Bay Club) accueillait le salon international de l’autisme. L’association RIAU, organisatrice de l’évènement en proposait la troisième édition avec pour objectif de former et informer sur le thème de l’autisme tout type de public : parents, professionnels, personnes autistes.

Ainsi le salon international de l’autisme proposait trois modes de communication autour de l’autisme :

  • Des ateliers thématiques : avec des présentations très différentes allant du spectacle aux discours de sensibilisation à l’inclusion en passant par la présentation d’outils comme des logiciels ou des moyens de communication par image.
  • Des conférences : sur des sujets variés comme l’emploi des personnes autistes, la scolarisation des enfants autistes ou l’habitat autonome.
  • Un village-ressources : composé de stands tenus par des entreprises, des associations, des personnes autistes et présentant des logiciels, des modes de communication, des actions militantes, des groupes de soutien, des projets innovants.

 

Je vais essayer de vous résumer deux conférences particulièrement intéressantes auxquelles j’ai assisté au salon international de l’autisme.

La première s’intitule « douleurs et soins somatiques » par le docteur Djea Saravane

Beaucoup de personnes autistes sont en déficit de soins et ce quelque soit leur niveau de fonctionnement. Plusieurs raisons peuvent expliquer cela :

  • le fait que certaines personnes n’ont pas accès à la parole et expriment l’inconfort ou la douleur par d’autres moyens moins immédiatement perceptibles,
  • le fait que le ressenti de la douleur peut être perturbé par le système de perception (hypo sensibilité à la douleur)

Ces déficits de soins répétés entrainent une diminution de l’espérance de vie des personnes autistes en comparaison de la moyenne d’âge des personnes non autistes.

Les problèmes de santé sont aussi souvent responsables des comportements défis. Les comportements défis peuvent prendre plusieurs formes : la personne peut pousser des cris sans raison, elle peut aussi faire de l’automutilation afin de libérer des endorphines naturelles pour calmer la douleur initiale, elle peut également entrer en crise et détruire son environnement (meubles, jouets, vaisselle) voir blesser autrui.

Le docteur Saravane explique que les médecins, y compris psychiatres ne sont pas toujours bien formés aux manifestations de douleurs chez les personnes autistes ou chez les personnes ayant une déficience intellectuelle importante. Tout changement de comportement doit alerter le professionnel de santé et l’orienter vers des investigations physiologiques. Souvent ce sont les parents qui remarquent les premiers signes : l’enfant qui pousse son ventre contre un coin de table en fin de repas a peut être une problématique de santé liée au système digestif. Or, encore trop souvent, la parole des parents ou de la personne autiste elle-même n’est pas prise en compte par les soignants. Ceux-ci orientent plus facilement vers des troubles psychiques qu’ils disent liés à l’autisme lors un changement de comportement. C’est le cas souvent des troubles du comportement ou comportements défis qui sont pris en charge par les psychiatres et qui amènent souvent à la prescription de psychotropes avant toute recherche de besoins de soins somatiques.

Il existe des comorbidités attachées à l’autisme, c’est-à-dire des pathologies associées qui apparaissent plus facilement chez les personnes autistes que dans le reste de la population générale. C’est le cas notamment des troubles du sommeil, de l’épilepsie, des troubles du système digestif. Tout changement de comportement de la personne devrait déclencher en premier intention une recherche de déficit de soin liée à ces pathologies. Le docteur Saravane explique aussi que la dépression est une pathologie associée à l’autisme et que le taux de suicide est élevé chez les personnes autistes. Plus de recherches scientifiques devraient être menées afin de pouvoir endiguer cette problématique qui est de plus en plus présente.

Le docteur Saravane a proposé une intervention humaniste, engagée et pleine d’humour qui reconnait la place de la personne autiste et des parents au premier plan de toute intervention médicale.

 

La seconde conférence à laquelle j’ai pu assister au salon international de l’autisme est celle de Marie Josée Cordeau qui avait pour thème « l’autisme au féminin ».

Elle y a abordé le sous diagnostic des femmes, souvent lié au fait que l’autisme prend une forme moins visible chez certaines femmes et qu’en plus elles arrivent généralement à bien camoufler leurs traits autistiques. Elle explique que même avec un diagnostic posé par un professionnel elle échange régulièrement avec des personnes qui remettent en doute son diagnostic en disant qu’elle n’est pas autiste. Marie Josée Cordeau raconte son parcours chaotique pour obtenir son diagnostic et les erreurs dont elle a été victime (personnalité schizoïde, trouble unipolaire…).

Avec humour elle évoque ses faux-pas sociaux, les mauvaises interprétations et les difficultés de communication avec les personnes non autistes qui entrainent des quiproquos et des tensions. Elle rappelle aussi que les femmes autistes ont une perception sensorielle particulière qui peut intervenir sur leur fonctionnement social. Ainsi le fait pour elle d’être dans un environnement agité avec des personnes qui bougent autour l’empêche de se concentrer sur la conversation qu’elle a avec la personne.

Son témoignage complet emprunt des anecdotes de sa vie personnelle éclaire parfaitement l’ensemble des dimensions de l’autisme au féminin et ses particularités d’expression.

Cette conférence a été suivie d’un atelier thématique sur la manipulation présenté par l’Association Francophone de Femmes Autistes (AFFA).

C’est Magali Vocat et Sophie Ledoux qui ont décris les mécanismes de la manipulation et la manière dont un individu peut avoir une emprise sur un autre au point de lui faire adopter un comportement qui n’est pas le sien. Les femmes autistes de part leur grande naïveté sociale et leur difficulté à interpréter les signaux non verbaux sont des victimes idéales de la manipulation. L’objectif de cet atelier était de permettre aux personnes de reconnaitre les signes de la manipulation afin de s’en protéger.

Il y avait surement beaucoup d’autres interventions intéressantes, mais je ne restitue ici que celles auxquelles j’ai pu assister.

Globalement cette année le salon international de l’autisme a fait la part belle à la thématique des adultes autistes qui sont souvent les grands oubliés des politiques publiques. Le sujet des femmes autistes a été également abordé avec d’autres interventions, notamment celle de Fabienne Cazalis sur les particularités des femmes autistes et l’intervention de Marie Rabatel et Muriel Salmona sur les violences sexuelles.




Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme

La journée mondiale de l’autisme a été proposée à l’assemblée générale de l’ONU par le Qatar et soutenue par l’ensemble des états membres. Elle a été fixée au 2 avril et a eu lieu pour la première fois en 2008. Cette année nous fêtons donc les 10 ans de la journée mondiale de l’autisme.

L’ONU célèbre plus de 140 journées internationales par an. Elles « servent à aborder des aspects essentiels de la vie humaine, des enjeux importants du monde ou de l’Histoire et à sensibiliser le public » (site internet de l’ONU). L’ONU précise que « les thèmes des journées internationales ont toujours un lien avec les principaux champs d’action de l’ONU, c’est-à-dire le maintien de la paix et de la sécurité internationales, la promotion du développement durable, la protection des droits de l’homme, la garantie du droit international ». Dans cet article je vais particulièrement m’intéresser aux deux dernières thématiques.

L’intitulé exact de la journée du 2 avril est « journée mondiale de sensibilisation à l’autisme ».

Le dictionnaire Larousse définit la sensibilisation comme étant l’action de « rendre quelqu’un, un groupe sensible, réceptif à quelque chose pour lequel il ne manifestait pas d’intérêt ».

C’est sans doute parce qu’elle « ne manifestait pas d’intérêt » pour la thématique des personnes autistes que la France a été condamnée à cinq reprises (2004, 2007, 2008, 2012, 2014) par la cour européenne pour « discrimination à l’égard des enfants autistes, défaut d’éducation, de scolarisation, et de formation professionnelle »

On peut donc en déduire que cette journée mondiale de l’autisme a pour objectif d’attirer l’attention du public mais aussi des pouvoirs publics sur ce qu’est l’autisme et quelles sont les réalités des personnes autistes. On peut également se poser la question de savoir si les droits des personnes autistes sont respectés.

 

Qu’est-ce que l’autisme ?

L’autisme est une spécificité neuro-développementale qui provient d’un développement différent du cerveau du fœtus durant la grossesse. L’autisme n’est pas une maladie car cela supposerait qu’il y ait une altération de la santé ou des fonctions par rapport à une condition initiale de « bonne santé ». Or, les personnes autistes naissent avec un fonctionnement différent qui n’est pas dû à un changement d’état.

L’autisme impacte particulièrement les interactions et la communication sociales des personnes concernées ainsi que les comportements dit « restreints et répétitifs » selon les critères de la dyade autistique du DSM 5. L’autisme peut être ou non accompagné d’une déficience intellectuelle ou d’autres comorbidités (pathologies associées) comme la dépression, les troubles du sommeil, des apprentissages ou l’épilepsie.

Une notion essentielle à retenir en cette journée mondiale de l’autisme  est que l’autisme est une particularité neuro-développementale qui n’est pas causé par un problème psychologique ou par l’éducation des parents.

Les personnes autistes partagent des points communs réunis dans les critères de diagnostic, mais chaque personne autiste a un profil particulier, avec des forces et des difficultés qui lui sont propres. Vous pourriez rencontrer deux personnes autistes complètement différentes et ne jamais deviner qu’elles partagent un diagnostic commun. De même vous pourriez rencontrer une personne autiste sans déficience intellectuelle et ne jamais soupçonner qu’elle est autiste. Peut-être aurait-elle simplement un air un peu étrange à vos yeux.

Les images médiatiques oscillent entre deux extrêmes : la figure de la personne autiste avec une déficience intellectuelle importante qui est non verbale, a une compréhension très limitée de son environnement et se balance sur elle même, et la figure du génie savant qui peut accomplir en une seconde des calculs complexes et parle six langues couramment. Entre ces extrémités du spectre, l’autisme recouvre d’autres réalités : ce voisin  discret qui est absorbé dans ses pensées et oublie souvent de vous dire bonjour, cet enfant qui pleure dès qu’il y a un changement important dans ses habitudes et que l’on dit capricieux, cette collègue que vous fréquentez tous les jours, impliquée dans son travail et qui a le sens du détail mais semble un peu mal à l’aise en public ou à la pause avec ses collègues devant la machine à café.

 

Les droits des personnes autistes sont-ils respectés ?

Ce fonctionnement particulier qu’est l’autisme n’est pas toujours compatible avec les exigences de la société et de ce fait, les droits des personnes autistes ne sont pas toujours respectés dans des domaines aussi fondamentaux que l’accès à l’emploi, la scolarisation dès le plus jeune âge ou l’égalité de genre.

– 80 % des enfants autistes en France ne sont pas scolarisés.

Pour autant la Loi pour l’égalité du droit et des chances du 11 février 2005 reconnaît à tout enfant porteur de handicap le droit d’être inscrit dans l’école la plus proche de son domicile, qui devient alors son «établissement de référence». Cette loi garantit la « mise en place des moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ». La priorité doit donc bien être donnée à la scolarisation en milieu ordinaire et en second lieu seulement, à la scolarisation en milieu spécialisé (institution de type IME).

– Aujourd’hui les études sur l’épidémiologie de l’autisme montrent une prévalence de 10 pour 10 000.

Pour autant il reste difficile en France d’obtenir un diagnostic complet réalisé par une équipe pluriprofessionnelle et selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé pour plusieurs raisons :

il existe plusieurs grilles de diagnostic, et certaines sont encore utilisées alors qu’elles ne font pas consensus au niveau de la communauté scientifique internationale, comme par exemple la Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent (CFTMEA).

le diagnostic des personnes adultes est plus difficile en France car il n’existe pas toujours d’unité dédiée dans les CRA et les professionnels ont une méconnaissance du trouble autistique chez les personnes adultes.

il existe un déficit de professionnels formés à l’autisme dans l’ensemble des métiers concernés par cette thématique : médecins, psychologues, psychomotriciens, orthophonistes, éducateurs…

la prégnance de la psychanalyse en France a non seulement aboutit à une analyse erronée des causes de l’autisme, les attribuant à un déficit dans le lien avec les parents et notamment avec la mère, mais a également pu freiner la pose d’un diagnostic. L’idéologie en vigueur étant que le fait d’annoncer un diagnostic à une personne « l’enfermerait dans une case » et conditionnerait son comportement au regard des critères d’appartenance à la catégorie diagnostique en question.

– les études montrent une prévalence importante du nombre de garçon par rapport aux filles : de 4 à 5 garçons pour une fille dans le DSM 4 et 3 à 4 garçons pour une fille dans la CIM-10. Une étude de 2005 de Fombonne fait état de 4 garçons pour une fille. Ce ratio serait porté à 1 femme pour 9 homme en ce qui concerne l’autisme sans déficience intellectuelle (type syndrome d’Asperger).

Pour autant, ces chiffres entrainent un débat dans la communauté scientifique : y a-t-il véritablement moins de filles/femmes autistes où les méthodes de diagnostic sont-elles inadaptées pour saisir l’expression de cette condition chez elles ? Une étude récente tend à confirmer cette dernière hypothèse(Rutherford et al. 2016) et montre qu’à l’âge adulte le sex-ratio évolue jusqu’à deux femmes pour un homme. Cela suggère que la condition autistique est manquée chez les filles et apparait à l’âge adulte lors de diagnostics tardifs. D’ailleurs, selon une étude de Bergeer et al 2012,les femmes sont diagnostiquées 4.3 années plus tard que les hommes. L’écart est encore plus important dans le cadre des femmes autistes sans déficience intellectuelle. Il existe bien une discrimination de genre dans l’accès au diagnostic et donc dans les réponses apportées aux besoins d’accompagnement des femmes autistes.

– la thématique de l’emploi chez les personnes autistes est aujourd’hui si peu abordée en France qu’il n’existe aucun chiffre, aucune statistique qui permette de faire un état des lieux. C’est un des domaines où la France est la plus en retard à l’égard des adultes autistes. La plupart sont sans emploi ou occupent des emplois sous qualifiés fautes de pouvoir s’adapter au fonctionnement des entreprises.

 

Mais restons positif, tout espoir n’est pas perdu et si le chemin à parcourir reste long, de belles avancées ont déjà eu lieu et les politiques ainsi que l’opinion publique ont évolué sur l’ensemble des points évoqués. Si l’on passe en revue la précédente décennie, l’avancée majeure que je perçois depuis la première journée mondiale de l’autisme est l’émancipation de la parole des personnes autistes. Si auparavant les principaux acteurs en matière d’autisme étaient des associations de parents d’enfants autistes qui se sont battues en premier pour la reconnaissance des droits, leur parole est maintenant complétée par celles des personnes autistes elles-mêmes qui se mobilisent à divers niveaux et utilisent différents moyens d’expression. Ainsi on voit fleurir sur la toile de plus en plus de blogs de personnes autistes, tous plus intéressants les uns que les autres et permettant d’exprimer la diversité des profils des personnes autistes. Certaines personnes autistes animent des conférences, des groupes de travail, interviennent dans les écoles ou les Centres de Ressources Autisme pour sensibiliser les professionnels, d’autres encore se regroupent en association de personnes autistes et militent  pour la défense des droits des personnes directement auprès des pouvoirs publics.

Toutes ces actions ont abouti à des améliorations et des projets qu’il me semble intéressant de citer en cette journée mondiale de l’autisme :

– en matière de scolarisation : le projet Aramis a vu le jour en avril 2017 à l’occasion de la journée mondiale de l’autisme. Dans le cadre de ses actions en faveur de l’innovation sociale, Nexem pilote, avec le soutien d’AG2R LA MONDIALE, un projet expérimental novateur et pleinement inclusif de scolarisation à l’école primaire des enfants autistes. Lancée  par la Fegapei en janvier 2016 avec l’Adapei de la Corrèze et le rectorat de Limoges, à l’initiative du projet, l’expérimentation se poursuit. Le dispositif sera scientifiquement évalué en 2018, puis modélisé pour favoriser un essaimage au bénéfice du plus grand nombre. L’objectif est d’apporter une réponse complémentaire aux dispositifs existants, notamment pour assurer la continuité des parcours scolaires pour les enfants autistes à l’école élémentaire

– en matière de diagnostic : la mise en place des Centres de Ressources Autisme et l’amélioration de la formation des professionnels à la connaissance du fonctionnement des personnes autistes contribues à augmenter le nombre de diagnostic/an (augmentation de 6.5 % entre 2013 et 2014 et qui ne cessent d’augmenter d’année en année). Les professionnels y sont de mieux en mieux formés, notamment parce qu’ils s’enrichissent des témoignages et parcours de vie de personnes autistes.

– en matière d’égalité des genres : l’Association Francophone des Femmes Autistes  créée en 2016 milite pour la reconnaissance des spécificités féminines de l’autisme et l’expression souvent « plus discrète » de l’autisme chez les femmes. Cette association accompagne des femmes dans leur démarche de diagnostic et sensibilise le public aux problématiques des femmes autistes (violences sexuelles, sous  diagnostic, parentalité des femmes autistes…)

– en matière d’emploi : de belles expériences ont été menées ces dernières années. Le cas de l’entreprise Andros qui sous l’impulsion de son directeur général Jean-François Dufresne, a testé un nouveau dispositif lui permettant d’accueillir à temps partiel sept travailleurs autistes. Le dispositif qu’il met en place permet à des personnes considérées comme autistes « sévères », c’est à dire peu autonomes dans les actes de vie quotidienne et avec une déficience intellectuelle importante, d’occuper un CDI à mi-temps après 6 mois de période d’essai et d’intégration.

En 2014, Ethik Management, en partenariat avec la Fondation Malakoff Médéric Handicap à lancé un projet d’accès à l’emploi pour les personnes porteuses du syndrome d’asperger et autistes de haut niveau. Celui-ci a pour but de proposer des solutions d’accès et de maintien dans l’emploi aux personnes autistes. Ce projet est encore en cours et une plateforme pour l’emploi est actuellement en test.

 

La journée mondiale de l’autisme est l’occasion de rappeler qu’il reste encore beaucoup de combats à mener pour aboutir à une égalité réelle des droits, mais on peut aussi se réjouir des petites avancées qui font bouger les lignes vers plus de tolérance, de compréhension de l’autre et d’amour. Alors vous allez sans doute penser qu’en ce matin du 2 avril 2018 à l’occasion de la journée mondiale de l’autisme j’ai mangé un chat-licorne rose à paillette au petit déjeuner, et bien pourquoi pas ? Je suis de nature optimiste.




Points communs génétiques entre autisme, troubles bipolaire et schizophrène

Cet article est organisé en deux parties : un résumé et une explication de l’article paru dans la revue Spectrum News « l’autisme partage une signature cérébrale avec la schizophrénie et les troubles bipolaires » suivi de la traduction complète de l’article.

Résumé de l’article

L’origine des maladies psychiatriques et la manière dont elles apparaissent et se développent chez les individus concernés n’a à ce jour pas pu être identifiée clairement. Les données issues de la recherche tendent à démontrer qu’il existe des facteurs génétiques dans la transmission d’un risque accru de présenter un trouble schizophrène ou bipolaire. Autrement dit, le fait d’avoir des parents avec un trouble schizophrène ou bipolaire augmente le risque d’être concerné par cette condition pour les enfants qui héritent du patrimoine génétique. Cependant ces facteurs génétiques n’ont pas pu être identifiés pour le moment.

De la même manière, on sait que les causes de l’autisme impliquent des facteurs génétiques. Le risque d’avoir un enfant autiste dans une famille ou un descendant ou un membre de la fratrie est concerné est 25 fois supérieur que dans une famille prise au hasard. L’analyse des cas de jumeaux montre qu’il y a 80 à 90 % de chance que les deux enfants soient autistes dans le cas de jumeaux monozygotes (vrais jumeaux) pour 5 à 15 % dans le cas de jumeaux dizygotes (faux jumeaux). Or on sait que les vrais jumeaux partagent un génome identique.

Cet article publié dans la revue Spectrum News est un résumé d’une étude réalisée sur des tissus cérébraux postmortem et diffusée dans la revue Science. Cette étude s’est intéressée aux modèles d’expression génétique à l‘intérieur des cerveaux des personnes autistes, schizophrènes et bipolaires. L’étude de l’expression génique consiste à caractériser et quantifier les produits d’expression de l’ADN de manière à identifier, dans un tissu, dans un état et à un moment donné du développement, les séquences actives et donc à révéler ainsi le niveau d’expression des gènes dont elles sont issues (les points communs génétiques entre différents troubles).

L’expression des gènes, encore appelée expression génique ou expression génétique, désigne l’ensemble des processus par lesquels l’information héréditaire stockée dans un gène est lue pour aboutir à la fabrication de molécules qui auront un rôle actif dans le fonctionnement cellulaire.

Même si toutes les cellules d’un organisme partagent le même génome, certains gènes ne sont exprimés que dans certaines cellules, à certaines périodes de la vie de l’organisme ou sous certaines conditions.

Il s’avère que la manière dont se manifestent les gènes est commune pour les personnes autistes, schizophrènes ou bipolaires. Il y a une activation des gènes dans les mêmes endroits du cerveau (les cellules en forme d’étoile appelées astrocytes) et une suppression des gènes qui fonctionnent au niveau des synapses.

Cette nouvelle étude publiée dans la revue Science reprend les données d’autres études et analyse les tissus de 50 personnes autistes, 159 personnes schizophrènes, 94 personnes avec troubles bipolaires, 87 personnes dépressives, 17 personnes alcooliques et 293 personnes sans conditions particulières. Les résultats montrent que les gènes s’expriment de la même manière chez les personnes autistes, schizophrènes et bipolaires, mais pas chez les personnes alcooliques, dépressives ou sans conditions. Cette signature commune dans l’expression des gènes se retrouve au niveau du cerveau.

Les chercheurs ont regroupés les gènes spécifiques à un type de cellule ou à une fonction (par exemple tous les gènes qui contribuent à la communication entre les neurones) en modules. Ils ont découvert que les cerveaux des personnes autistes, schizophrènes et bipolaires ont un faible niveau d’expression des gènes dans trois des modules définis par l’étude : deux en charge de la communication entre les neurones, et un en charge de fournir de l’énergie aux cellules. Ces trois conditions ont également un niveau d’expression des gènes plus élevé dans un endroit du cerveau appelé astrocyte.

Ces modules partagent des modèles qui pourraient provenir d’un ensemble d’altérations ADN commun à ces trois conditions.

Des variations communes liées à l’autisme et à la schizophrénie tendent à apparaitre dans les trois modules neuronaux. Les gènes connus pour abriter des mutations spontanées liées à ces conditions font partis aussi de l’un des modules de synapse.

Les chercheurs montrent qu’il existe des points communs importants dans les variations ADN entre l’autisme, la schizophrénie et les troubles bipolaires.

 

Traduction de l’article

« L’autisme partage une signature cérébrale avec la schizophrénie et les troubles bipolaires », NICHOLETTE ZELIADT, février 2018

Vous trouverez ci-dessous la traduction complète de l’article paru dans Spectrum News. Je précise encore que je ne suis pas traductrice professionnelle, je comprends un peu l’anglais et essaie de partager des informations que je trouve intéressantes et qui mettraient beaucoup plus longtemps à être traduites ou qui ne le seraient jamais.

Les modèles d’expression génétique des cerveaux des personnes autistes sont similaires à ceux des personnes schizophrènes ou avec des troubles bipolaires, selon une vaste étude réalisée postmortem sur les tissus cérébraux. Les recherches ont été publiées dans la revue Science.

Ces trois conditions montrent une activation des gènes dans les cellules du cerveau en forme d’étoile appelées astrocytes et une suppression des gènes qui fonctionnent au niveau des synapses, aux jonctions entre les neurones. Le cerveau autiste montre aussi une augmentation unique dans l’expression des gènes spécifiques aux cellules immunitaires appelées microglia.

“Cette étude démontre pour la première fois que l’expression des gènes peut être utilisée pour définir de manière sûre les phénotypes inter-troubles qui sont partagés et distincts », dit le responsable de recherche Daniel Geschwind, professeur en neurologie, psychiatrie et génétique humaine à l’Université de Californie, Los Angeles. « Et ces phénotypes sont reliés aux chemins moléculaires et cellulaires qui ont probablement subi une dysfonction ».

Les personnes qui ont une de ces conditions peuvent avoir des caractéristiques communes comme des problèmes de langage, une irritabilité ou des comportements agressifs. Ils partagent également des variations génétiques qui augmentent le risque d’être concerné par ces conditions.

Ce nouveau travail montre que le chevauchement entre les variantes de risque est lié au point commun dans les modèles d’expression de leurs gènes. Cela laisse entendre que les variantes augmentent le risque en partie en activant ou en désactivant certains ensembles de gènes dans le cerveau.

« Nous voyons toutes ces études sortir montrant le lien entre les variantes génétiques et les conditions psychiatriques, mais comment passer d’un risque génétique à l’explication de ces mécanismes ? » dit Emma Meaburn, maitre de conférence en psychologie à Birkbeck University de London qui n’était pas impliquée dans cette étude. « Cette étude commence à combler ces lacunes ».

Une signature similaire

En 2011, l’équipe de Geschwind a caractérisé l’expression des genes dans les tissus cérébraux postmortem de 19 individus autistes et 17 individus contrôles (note personnelle : sans conditions particulières). Ce nouveau travail qui incorpore les données de neuf autres études étend cette analyse à 50 personnes autistes, 159 personnes schizophrènes, 94 personnes avec troubles bipolaires, 87 personnes dépressives, 17 personnes alcooliques et 293 personnes contrôles. Tous les tissus venaient du cortex cérébral, la couche externe du cerveau.

Les chercheurs ont trouvé que les signatures des expressions génétiques dans les cerveaux autistes chevauchent celles des cerveaux avec troubles schizophrènes et bipolaires. Ils confirment ces résultats dans un ensemble indépendant d’échantillon de cerveau provenant de 24 personnes autistes, 315 personnes schizophrènes et 94 avec des troubles bipolaires.

Par contraste, aucun des schémas communs à l’autisme, à la schizophrénie et au trouble bipolaire ne chevauchent ceux de l’alcoolisme ou ceux vus dans les échantillons d’intestin provenant de 197 personnes avec des maladies inflammatoires de l’intestin – suggérant que les signatures ne reflètent pas un mauvais état de santé global et sont spécifiques au cerveau.

En 2016, une équipe différente a aussi trouvé que l’autisme partage une signature d’expression génétique avec la schizophrénie. Ces chercheurs n’ont par contre pas trouvé de chevauchement avec les troubles bipolaires. Cependant leur étude implique un nombre restreint de cerveau – environ 30 pour chaque condition –donc ils ont pu manquer un lien statistique significatif, dit Dan Arking, professeur associé de médecine à Johns Hopkins à l’Université de Baltimore. Arking a mené l’étude de 2016 mais n’était pas impliqué dans ce nouveau travail (note personnelle : celui publié récemment dans la revue Science et dont il est question dans cette article).

Des liens variables

Pour cibler les voies moléculaires, les chercheurs ont groupé les gènes en “modules” qui montrent une croissance et une diminution similaires au travers des cerveaux. Chacun de ces modules comprend des gènes spécifiques à un type de cellule ou à une fonction, comme la communication entre les neurones.

Cette analyse révèle que les cerveaux autistes, schizophrènes et bipolaires montrent des niveaux faibles d’expression des gènes dans trois modules caractéristiques de ces neurones.

Deux de ces modules sont importants dans la communication neuronale ; l’autre est impliqué dans la fonction de mitochondrie, qui génère de l’énergie pour les cellules. Ces trois conditions montrent aussi une légère hausse de l’expression des gènes dans un module « astrocyte ».

Ces modules partagent des modèles qui pourraient provenir d’un ensemble d’altérations ADN communs à ces trois conditions.

Pour explorer cette possibilité, l’équipe a rassemblé les données d’une étude nommée « genome-wide association studies (GWAS) », qui révèle des variations communes – présentes dans plus de 1 % de la population – associées à la condition.

Pour l’autisme, les chercheurs s’appuient sur une étude encore non publiée de l’analyse GWAS d’une cohorte danoise incluant 8605 personnes autistes et 19526 personnes contrôles. Pour chaque paire de condition psychiatrique, ils trouvent une forte corrélation entre le degré de chevauchement parmi les variations ADN et l’étendue du chevauchement dans les signatures d’expression génétique.

Des variations communes liées à l’autisme et à la schizophrénie tendent à apparaitre dans les trois modules neuronaux. Les gènes connus pour abriter des mutations spontanées liées à ces conditions font partis aussi de l’un des modules de synapse.

Ces résultats suggèrent que plusieurs variations liées à l’autisme et à la schizophrénie tempèrent l’expression des gènes dans la signalisation aux synapses.

“C’est un début pour localiser certains des chemins communs » dit Tomasz Nowakowski, professeur assistant d’anatomie  à l’université de California, San Francisco, qui n’était pas impliqué dans l’étude.

Les machines de la Microglia

Les chercheurs ont découvert que seuls les cerveaux autistes  montrent un pique dans l’expression des gènes associés avec la microglia.

Cette découverte est quelque part surprenante parce que la microglia a aussi été impliquée dans la schizophrénie, dit Stephan Sanders, professeur assistant de psychiatrie à l’université de Californie, San Francisco, qui n’était pas concerné par l’étude.

Caractériser le modèle d’expression des gènes de la microglia et des autres cellules cérébrales individuelles, plutôt que les modèles dans les tronçons de tissus, pourrait mener à des résultats plus précis, dit Nowakowski qui a étudié l’expression des gènes dans les cellules individuelles dans le développement du cerveau humain.

Geschwind et son équipe ont exploré la manière dont le modèle d’expression des gènes se rapporte à l’activité neuronale. Ils ont également étudié comment ces modèles peuvent être répliqués dans les neurones cultivées et dans la microglia portant les mutations  liées à chacune de ces conditions.

Référence : « Autism shares brain signature with schizophrenia, bipolar disorder », NICHOLETTE ZELIADT, février 2018, Spectrum News

 




Le syndrome d’Asperger à l’honneur dans l’émission « Je t’aime, etc »

La thématique du syndrome d’Asperger est abordée dans l’émission « Je t’aime, etc » diffusée initialement le jeudi 15 mars 2018 à 15h10 sur France 2.

L’émission présente l’histoire d’un couple, Jessica et Benjamin, ensemble depuis 12 ans. Au cours de leur relation amoureuse, Jessica a découvert qu’elle était autiste Asperger. Cette love story est le point de départ pour présenter les caractéristiques du syndrome d’Asperger et les particularités de fonctionnement des personnes autistes.

Jessica a 15 ans lorsqu’elle rencontre Benjamin qui en a 18, dans un cours de théâtre. Ils sont d’abord amis et la difficulté de compréhension des signaux non verbaux lors des échanges va différer dans le temps la transformation en relation amoureuse.

Jessica devient professeur de langue, avant de faire un burn-out, épuisée par la gestion d’une classe de 40 élèves et le stresse que cela engendre. Pour elle c’est le commencement d’un questionnement personnel sur les origines de son mal-être. C’est le visionnage d’une vidéo sur l’autisme qui va servir de déclencheur et l’orienter vers un diagnostic d’autisme auprès d’un professionnel spécialisé.

L’émission explique que pour les autistes Asperger les capacités intellectuelles étant préservées, le diagnostic est plus difficile et ca n’est qu’à 27 ans que Jessica obtient le sien. Elle raconte que plus jeune qu’elle avait à coeur de bien s’intégrer. Pour cela elle reproduit le comportement des personnes non autistes afin de faire plaisir à autrui et de ne pas s’attirer d’ennuis.

Pour autant elle présente des caractéristiques typiques de l’autisme, comme un évitement du regard, une difficulté de compréhension de l’implicite et des jeux de mots ainsi qu’un embarras et de la timidité pour aller vers les autres et entrer en relation. Elle crée par la suite un blog (le nom n’est pas cité dans l’émission et je ne l’ai pas trouvé pour le partager) sur le syndrome d’Asperger afin d’informer les gens sur cette réalité.

L’émission aborde aussi la thématique de la difficulté d’obtenir un diagnostic, du fait de l’absence de déficience intellectuelle des autistes Asperger et de leur maitrise du langage. Cela s’explique aussi par les thèses psychanalytiques qui ont longtemps dominé le champ de la psychiatrie dans les pays francophones. Ce courant de pensée attribue les causes de l’autisme à une difficulté psychologique créée par les parents (et surtout les mères) du fait de leur soit disant « distance émotionnelle ». Les praticiens issus de ce paradigme ont une posture culpabilisante vis à vis des parents. Les intervenants rappellent qu’aujourd’hui les causes de l’autisme sont attribuées à des facteurs génétiques et/ou environnementaux.

Jessica explique qu’elle préfère une vie routinière, réglée, sinon cela la met en difficulté car elle a du mal à s’adapter aux changements. Elle prend souvent les éléments de langage au premier degré et peut se vexer ou mal interpréter les propos qui lui sont adressés.

Elle évoque également la perception sensorielle chez les personnes autistes (qui fonctionnent souvent en hyper ou hypo sensibilités), notamment le fait qu’elle n’aime pas être touchée.

Globalement c’est une émission qui présente plutôt bien le syndrome d’Asperger et qui a le mérite de s’éloigner des représentations médiatiques « exceptionnelles » souvent diffusées.

Il y a simplement quelques points qui prêtent à confusion :

  • l’association systématique entre personnes autistes Asperger et personnes à Haut Potentiel Intellectuel (QI supérieur à 130). Ce sont deux deux réalités qui peuvent ne pas se recouvrir. Les personnes autistes Asperger n’ont pas de déficience intellectuelle, cela signifie que leur QI est au dessus de 70. Ils n’ont pas forcément un Haut Potentiel  associé
  • le terme de « maladie » qui est employé une fois dans l’émission pour parler de l’autisme. L’autisme n’est pas une maladie car cela supposerait qu’il y ait une altération de la santé ou des fonctions par rapport à une condition initiale de « bonne santé ». Or, les personnes autistes naissent avec un fonctionnement différent qui n’est pas dû à un changement d’état.

Et quelques lieux communs :

  • la référence au film Rain Man pour illustrer la représentation des personnes autistes
  • la fameuse Sillicon Valley, présentée comme un eldorado pour les personnes autistes Asperger.

Vous pouvez visionner la vidéo ici :

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=YIK7WaxqJt4?feature=oembed&w=1200&h=675]

 




La représentation du corps chez les personnes autistes

L’autisme est une particularité qui se définie par deux critères principaux qui constituent la dyade autistique :

  • Troubles de la communication et des interactions sociales
  • Comportements répétitifs et restreints

Ce sont ces deux aspects de l’autisme qui ont été les plus étudiés par la communauté scientifique. Il y a peu d’études s’intéressant à la représentation du corps chez les personnes autistes. Celle-ci peut se définir comme la conscience qu’une personne a de son propre corps (Paillard 1999).

Plusieurs témoignages de personnes autistes sans déficience intellectuelle comme Donna Williams, Moko Komichi ou Temple Grandin montrent un rapport au corps particulier. Ils évoquent le fait de ne pas percevoir certaines parties de leur corps si elles ne sont pas visibles ou d’être en décalage entre leur corps réel et l’image qu’ils en ont (par exemple : avoir l’impression que les jambes sont plus longues ou plus courtes qu’elles ne le sont réellement).

En plus de ces différents témoignages, des études ont montré que les personnes autistes avaient un rapport au corps différent :

  • Cook et al. 2013 : les personnes autistes ont des capacités motrices atypiques.
  • Cascio et al. 2012; Paton et al. 2012 : les personnes autistes ont une faible intégration des informations visuo-tactiles et proprioceptives de leur corps
  • Noel et al. 2017 : les personnes autistes ont des difficultés avec l’espace personnel d’autrui. Ils se tiennent soit trop prés et violent l’espace des autres personnes soit au contraire se tiennent trop éloignés des personnes. Cela pourrait s’expliquer par la difficulté de reconnaitre la taille de son corps et de celui des autres.

Une étude comparative (Kosuke Asada, Yoshikuni Tojo, Koichiro Hakarino, Atsuko Saito, Toshikazu Hasegawa, ShinichiroKumagaya, 2017) a été menée sur 17 personnes autistes et 17 personnes non autistes (âge moyen 17 ans, tous des hommes) sans déficience intellectuelle. Celle-ci révèle que les représentation du corps chez les personnes autistes sont en décalage avec la réalité de ce corps.

Ils ont demandé aux deux groupes d’estimer la taille de leur corps, notamment en mesurant la largeur de leurs épaules. Les résultats montrent que le groupe de personnes non autistes estime de manière plus précise la largeur de leurs épaules que le groupe de personnes autistes. De plus, ils ont pu démontrer que plus les traits autistiques étaient marqués chez les individus (score plus élevé au test ADOS) moins précise était la mesure de la largeur des épaules. Dans la première expérience cette mesure était surévaluée, dans la seconde expérience elle était sous évaluée. Les individus avec des traits autistiques moins marqués ont mesuré un peu plus précisément la largeur de leurs épaules.

Cette étude tend à confirmer le fait que les personnes autistes n’ont pas une image de leur corps en adéquation avec la réalité de celui-ci.  Ce manque de conscience du corps peut empêcher les personnes autistes de bien mesurer la largeur de leurs épaules et mésestimer la taille de leur corps.

D’autres études complémentaires devraient être menées sur des échantillons plus larges et en incluant la mesure d’autres parties du corps (le torse, les bras, les jambes…) afin de confirmer ou non les résultats trouvés dans cette étude.

L’étude de la représentation du corps chez les personnes autistes devrait aussi être croisée avec les études sur les perceptions sensorielles. Ces recherches ont montré que les personnes autistes avaient une perception sensorielle différente des personnes non autistes et il serait intéressant de voir comment les hyper/hypo sensibilités ressenties par les enfants autistes dans la petite enfance au moment de la construction de la représentation du corps influence la représentation qu’ils ont de leur corps.

Certaines études (Råstam 2008; Schreck et al. 2004) montrent que des désordres alimentaires sont souvent retrouvés chez les personnes autistes et Simon Baron-Cohen a démontré qu’il existait des similarités entre les troubles anorexiques et la condition autistique. Il semble y avoir un lien partiel entre ces deux troubles mais les mécanismes étiologiques partagés par ces deux conditions demeurent flous.

Cette étude a montré que même les hommes autistes ont une image faussée de leur corps. L’étude de l’image corporelle chez les individus avec TSA peut fournir de nouvelles perspectives sur la relation entre les différences de genre et la perturbation de l’image corporelle étant donné que les TSA surviennent plus fréquemment chez les hommes alors que l’anorexie mentale se produit plus fréquemment chez les femmes (avec un ratio homme/femme de 1: 3-1: 12, Raevuori et al. 2014).

Cette étude ne comporte que des hommes, il faudrait inclure aussi des femmes et voir s’il existe des différences de genre dans la représentation du corps chez les personnes autistes.

Vous trouverez l’étude complète sous la référence suivante : Brief Report : Body Image in Autism : Evidence from Body Size Estimation, Kosuke Asada, Yoshikuni Tojo, Koichiro Hakarino, Atsuko Saito, Toshikazu Hasegawa, Shinichiro Kumagaya, Journal of Autism and Developmental Disorders, Volume 48, Issue 2, February 2018




RBPP : TED parcours de vie adulte

Ca y est ! Elle est enfin arrivée ! Après plusieurs mois d’attente la Recommandation de Bonnes Pratiques Professionnelles intitulée « Troubles Envahissant du Développement : interventions et  parcours de vie adulte » ou RBPP TED parcours de vie adulte est parue.

Plusieurs groupes de travail s’étaient réunis pour travailler dessus et une consultation nationale des associations avait été effectuée en juillet 2017. Les RBPP ou Recommandation des Bonnes Pratiques Professionnelles sont éditées par la Haute Autorité de Santé (HAS) ou par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm). Les RBPP ont pour objectif de promouvoir la bientraitance des personnes lors des accompagnements proposés par les dispositifs sociaux et/ou médico-sociaux, que cela soit en institution ou à domicile.

Deux premières RBPP concernent plus particulièrement les Troubles du Spectre de l’Autisme :

  •     La première est parue en 2009 et s’intitule : Pour un accompagnement de qualité des personnes avec autisme ou autres troubles envahissants du développement
  •     La seconde est parue en 2012 et s’intitule : Autisme et autres troubles envahissants du développement, interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent

Cette troisième RBPP TED parcours de vie adulte parue hier (19 février 2018) est davantage centrée sur les problématiques des personnes autistes adultes, qui sont souvent passées au second plan par rapport aux problématiques d’accompagnement des enfants. C’était d’ailleurs un des objectifs du troisième plan autisme de prendre davantage en considération les difficultés rencontrées par les personnes autistes adultes.

La RBPP TED parcours de vie adulte se compose comme suit :

  •     le passage de l’adolescence à l’âge adulte ;
  •     la participation de l’adulte autiste ;
  •     des rappels sur le diagnostic et les évaluations du fonctionnement chez l’adulte ;
  •     les interventions sur l’environnement de la personne (famille, professionnels, cadre de vie) ;
  •     l’accompagnement de l’adulte autiste et l’évaluation des effets attendus ;
  •     le parcours de santé ;
  •     la prévention et la gestion des comportements-problèmes ;
  •     le vieillissement.

 

La RBPP TED parcours de vie adulte donne des clés d’accompagnement permettant de favoriser la prise de décision de la personne elle-même afin de la remettre au cœur de son projet de vie et qu’elle subisse le moins possible les décisions d’autrui (professionnels d’accompagnement médico-social, famille, MDPH…). Pour cela l’accent est mis sur le respect des droits des personnes autistes. Les interventions proposées à l’adulte autiste doivent permettre la mise en œuvre au quotidien de ses droits, comme pour tout citoyen, notamment : le droit à la non-discrimination en raison du handicap, le droit à la dignité et à l’intimité, le droit à une vie personnelle, privée et familiale, la liberté d’aller et venir, la liberté de faire ses propres  choix, le droit d’accès aux soins, le droit à l’exercice de ses droits civiques (notamment le droit de vote), le droit à un logement… A l’heure actuelle ces droits fondamentaux ne sont pas toujours respectés et cela concerne indistinctement les personnes autistes avec ou sans déficience intellectuelle.

L’inclusion en milieu ordinaire doit être privilégiée dès lors que cela ne met pas péril la sécurité de la personne. Les formes d’habitats en milieu ordinaire, existantes ou à développer doivent être recherchées et peuvent être couplées avec des services à domicile. En tout état de cause, cette RBPP TED parcours de vie adulte rappelle que l’hôpital, notamment l’hôpital spécialisé (anciennement dénommé hôpital psychiatrique), n’est pas un lieu de vie.

Les interventions et les apprentissages porteront surtout sur les points suivants :

  • favoriser  la communication orale, écrite ou par d’autres supports de communication (pictogramme, images…),
  • aider aux interactions sociales pour favoriser l’autonomie et la socialisation, selon les capacités des personnes et la fatigue que cela engendre
  • aider à l’expression et la régulation de ses propres émotions et l’identification de celles des autres,
  • valoriser les centres d’intérêt restreints ou spécifiques en tant que compétences possibles et canaliser les comportements répétitifs envahissants,
  • aider la personne à appréhender  ses particularités sensorielles, en utilisant des outils comme le profil sensoriel
  • développer et maintenir les liens amicaux et familiaux, lorsque c’est le souhait de la personne
  • favoriser l’accès et l’éducation à une vie affective et sexuelle,
  • faciliter l’accès aux études, la formation et l’emploi pour contribuer à une inclusion professionnelle et sociale,
  • assurer l’accès aux activités culturelles, sportives ou de loisirs pour développer de nouvelles compétences et plus globalement la socialisation et l’estime de soi

Je tâcherais de rédiger prochainement un résumé de cette recommandation. Si vous êtes curieux, vous pouvez consulter les précédentes RBPP ici

Les RBPP se veulent être des guides d’action pour les professionnels du secteur médico-social et permettent d’informer sur ce qu’est l’autisme et ses particularités. Certes cela ne suffira pas à changer les mentalités et à ce que dès demain l’ensemble des personnes autistes trouvent leur place dans la société, mais c’est un point de départ.

Pour consulter cette nouvelle RBPP c’est ici :

RBPP TED parcours de vie adulte




Autisme et emploi : Andros montre l’exemple dans son entreprise d’Eure-et-Loir

L’émission 7 à 8 diffusée la 5 février sur la chaine TF1 présentait une expérience réussie d’intégration de personnes autistes en entreprise.

 

 

 

Sous l’impulsion de son directeur général Jean-François Dufresne, l’entreprise Andros a testé un nouveau dispositif lui permettant d’accueillir à temps partiel sept travailleurs autistes. Jean-François Dufresne est lui même concerné par la thématique de l’autisme puisque son fils Luc est une personne autiste. Il crée en 2001 l’association Apprendre Autrement qui accompagne un petit groupe d’enfants et adolescents autistes. Il  rejoint le groupe Andros en 2006 et crée en 2015 l’association Vivre et Travailler Autrement dont il est président.

Le dispositif qu’il met en place permet à des personnes considérées comme autistes « sévères » , c’est à dire peu autonomes dans les actes de vie quotidienne et avec une déficience intellectuelle importante, d’occuper un CDI à mi-temps après 6 mois de période d’essai et d’intégration. En France sur la totalité de la population autiste, seul 2 % ont un emploi et les entreprises peinent à reconnaitre les compétences professionnelles des personnes autistes en entreprise.

 

 

 

Au sein de la société Novandie, filiale du groupe Andros, les travailleurs occupent des emplois précédemment attribués à des personnes non autistes. Ils sont accompagnés par une éducatrice qui reste avec eux tout au long de la journée de travail et les aide à se repérer et à séquencer les tâches qu’ils doivent accomplir. Des aides visuelles sous forme imagées ou de code couleur sont également mises en place  pour les salariés autistes. Les aménagements de travail pour l’ensemble de ces salariés ont seulement couté 7000 Euros et ont permis à ces personnes reconnues invalides à 100 % d’accéder à un emploi ainsi qu’à la reconnaissance de leurs compétences.

Pour accompagner ces adultes en dehors du travail le corps de ferme du château d’Auneau a été entièrement rénové par la fondation d’Andros pour devenir « La maison du Parc », un lieu de vie qui permet un pas de plus vers l’autonomie au travers de l’apprentissage des gestes de tous les jours.

Si les médias mettent souvent en avant les histoires de vie des personnes autistes sans déficience intellectuelle et leurs prouesses parfois extraordinaires (comme les calculateurs de génie ou les personnes qui maitrisent plusieurs langues), la société peine à reconnaitre les qualifications des personnes autistes lorsque l’autisme est plus visible et est appelé « autisme sévère » ou avec « retard mental profond »

Dans une société qui a tendance a écarter les talents différents et à éloigner de l’emploi les personnes en situation de handicap, l’exemple de l’entreprise Andros montre que d’autres alternatives sont possibles. Il est important de noter qu’économiquement l’accompagnement de ces personnes autistes avec le dispositif proposé est beaucoup moins couteux que leur éloignement total du marché de l’emploi initialement prononcé par les pouvoirs publics.

Vous trouverez ce reportage disponible ici




Autisme et recherche scientifique : 10 avancées majeures en 2017

 

Je vous présente à tous mes meilleurs vœux pour l’année 2018. Cette nouvelle année est l’occasion d’une petite rétrospective sur les avancées de la recherche dans le domaine de l’autisme. Chaque année le magasine Spectrum news demande aux chercheurs dans le champ de l’autisme qu’elles sont les principales avancées en matière d’autisme durant l’année écoulée.

Voici la liste des dix articles scientifiques qui ont marqués l’année 2017 en matière de recherche sur l’autisme en commençant par le plus récent.

A titre informatif je n’ai pas trouvé de traduction « officielle » de ces textes pour l’instant, les titres et résumés sont donc une traduction libre et approximative que je fais afin de favoriser une circulation rapide de ces informations en langue française. Vous trouverez à chaque fois à côté du numéro le nom de l’avancée scientifique, en dessous en anglais et entre guillemet l’article et les références de celui-ci et encore en dessous le résumé succinct expliquant en quoi consiste cette avancée.

 

  1. Une partie importante du risque d’autisme relié aux mutations mosaïques : une grande étude met en lumière les mutations «mosaïque» dans l’autisme

« Rates, distribution and implications of postzygotic mosaic mutations in autism spectrum disorder » (Lim E.T. et al. Nat. Neurosci. 20, 1217-1224, 2017)

« Exonic Mosaic Mutations Contribute Risk for Autism Spectrum Disorder » (Krupp D.R. et al. Am. J. Hum. Genet. 101, 369-390, 2017)

Une étude sur environ 20 000 personnes autistes montre que 8 % des mutations de nuovo (qui correspondent à des mutations génétiques qui interviennent chez l’individu sans qu’elles soient héritées du patrimoine génétique des parents) apparaissent seulement dans certaines cellules du corps. Ce type de mutations joue un rôle plus important dans l’apparition de l’autisme que ce que pensaient les chercheurs jusqu’à présent. Les mutations mosaïques contribuent au développement de l’autisme. Ces mutations interviennent après la conception et plus elles apparaissent tard moins le nombre de cellules concernées est important. Certains de ces gènes qui ont mutés chez les personnes autistes se retrouvent dans l’amygdale, une partie du cerveau particulièrement impliquée dans les émotions et les interactions sociales. Cette étude pourrait aussi expliquer le degré de « sévérité » et les différences de manifestation de l’autisme selon les personnes qui serait lié au nombre de cellules mutantes présentes.

 

  1. L’utilisation du regard durant les interactions sociales est fortement influencé par des facteurs génétiques

« Infant viewing of social scenes is under genetic control and is atypical in autism » (ConstantinoJ.N. et al. Nature 547, 340-344, 2017)

Bien avant que les nouveaux nés puissent ramper ou marcher, ils explorent le monde avec leurs yeux. Le regard leur permet d’apprendre et d’engager une interaction, de discriminer les stimuli sociaux en donnant une préférence au visage humain par exemple et à ceux des parents en particulier. Cette capacité qui lie regard et engagement social et joue un rôle important dans le développement, semble faire défaut aux enfants autistes. Cette étude montre cette variation lors de visionnage de scènes sociales qui incluent le niveau d’attention préférentielle et le timing du regard, la direction et la cible des mouvements oculaires. L’étude portant sur l’étude génétique d’un échantillon de 338 enfants a démontré que l’utilisation du regard dans les interactions sociales trouve ses causes dans les facteurs génétiques.

 

  1. Le spray d’Ocytocin augmente les capacités sociales chez les enfants autistes

« Intranasal oxytocin treatment for social deficits and biomarkers of response in children with autism » (Parker K.J. et al. Proc. Natl. Acad. Sci. USA 114, 8119-8124, 2017)

Les Troubles du Spectre de l’Autisme sont caractérisés par un noyau de déficits sociaux. Un certain nombre d’études montrent que le neuropeptide ocytocin pourrait être un biomarker du fonctionnement social et un possible traitement du déficit d’interactions sociales chez les personnes autistes. Cette étude menée sur 32 enfants autistes âgés de 6 à 12 ans ayant reçus des injections nasales durant 4 semaines montrent une amélioration des comportements sociaux. Les enfants ayant le taux le plus faible d’ocytocin avant le traitement ont montré une réponse plus importante aux stimulis sociaux.

 

  1. Les scanners du cerveau peuvent prévoir un diagnostic d’autisme chez les enfants à risque

« Functional neuroimaging of high-risk 6-month-old infants predicts a diagnosis of autism at 24 months of age » (Emerson R.W. etal.Sci. Transl. Med. 9, eaag2882, 2017)

Pour mettre en place de manière efficiente des interventions précoces pour les enfants autistes et améliorer les résultats à long terme il faut être capable de diagnostiquer le plus tôt possible ces enfants. Cette étude a porté sur 59 bébés âgés de six mois avec un risque familial élevé d’autisme. Les IRM réalisés sur ces enfants ont permis d’identifier quels enfants allaient par la suite recevoir un diagnostic d’autisme quand ils ont atteint l’âge de 24 mois. Des connexions cérébrales fonctionnelles ont été définies chez des nourrissons de 6 mois et corrélées avec les scores à 24 mois sur des mesures de comportement social, de langage, de développement moteur et de comportement répétitif, qui sont toutes des caractéristiques communes au diagnostic de TSA.

 

  1. Les interactions parents-enfants peuvent atténuer les caractéristiques de l’autisme

« Randomised trial of a parent-mediated intervention for infants at high risk for autism: longitudinal outcomes to age 3 years » (Green J. et al. J. Child Psychol. Psychiatry 58, 1330-1340, 2017)

Apprendre aux parents à réagir aux premiers indices d’autisme chez les enfants à risque permet d’atténuer la sévérité des symptômes de l’autisme à l’âge de trois ans. Cette étude montre qu’une intervention ciblée sur les parents permet d’obtenir des résultats durables sur les enfants.

 

  1. Le séquençage de milliers de génomes complet a permis la découverte de nouveaux gênes impliqués dans l’autisme

« Whole genome sequencing resource identifies 18 new candidate genes for autism spectrum disorder »(Yuen R.K. et al. Nat. Neurosci. 20, 602-611, 2017)

Un séquençage du génome complet a été mené dans des familles dont les membres ont un Trouble du Spectre du l’Autisme afin de construire une base de donnée qui permet de sous catégoriser le phénotype de l’autisme et mettre en lumière les facteurs génétiques impliqués. L’étude a permis de réunir un échantillon de 5205 personnes et de découvrir 18 nouveaux gènes impliqués dans l’autisme.

 

  1. Parental origin may alter gene copies’ expression in brain

« Diverse Non-genetic, Allele-Specific Expression Effects Shape Genetic Architecture at the Cellular Level in the Mammalian Brain » (Huang W.C. et al. Neuron 93, 1094-1109, 2017)

La plupart du temps les cellules du cerveau expriment la copie des gènes des deux parents équitablement. Mais cette étude réalisée sur le cerveau de souris et de singes montre que certains neurones expriment préférentiellement la copie d’un gène hérité d’un parent par rapport à l’autre. Dans le domaine de l’autisme, cela pourrait expliquer pourquoi certaines mutations liées à l’autisme affectent certaines personnes plus que d’autres. La plupart des mutations observées chez les personnes autistes n’affectent qu’une seule copie du gène. Donc une même mutation peut avoir différents effets en fonction de la copie du parent qui porte la mutation.

 

  1. L’augmentation rapide de la taille du cerveau dans l’enfance pourrait être un signe de trouble du spectre de l’autisme

« Early brain development in infants at high risk for autism spectrum disorder » (Hazlett H.C. et al. Nature 542, 348-351, 2017)

L’évolution de la taille du cerveau a été observée chez les enfants autistes, mais le moment où intervient ce phénomène et les liens entre les TSA et l’apparition des symptômes comportementaux restent inconnus. Une étude longitudinale sur le volume du cerveau a montré la preuve que l’augmentation du volume du cerveau intervient de manière précoce dans le développement de l’enfant. Les symptomes liés à l’autisme et notamment les déficits dans les interactions sociales se développent également tôt, dans la seconde partie de la première année et durant la deuxième année de vie de l’enfant. L’imagerie médicale permettrait donc d’observer la taille du cerveau dès les premiers de la vie de l’enfant et d’aider à la pose d’un diagnostic rapide permettant un accompagnement adapté.

 

  1. L’autisme pourrait être reconnu par une signature commune au niveau génétique

« Genome-wide changes in lncRNA, splicing, and regional gene expression patterns in autism » (Parikshak N.N. et al. Nature 540, 423-427, 2016)

Les causes génétiques sont régulièrement évoquées pour expliquer le développement des TSA sans que l’on sache exactement quels gènes sont impliqués. Une étude post mortem réalisée sur un large échantillon de personne a permis de montrer qu’il existe une signature moléculaire distincte chez les personnes autistes. Les divers fondements moléculaires de l’autisme convergent vers un même modèle biologique. Malgré des facteurs de risques génériques et environnementaux différents, il y aune manière de fonctionner commune dans l’expression des gènes. Cette recherche a permis d’identifier 584 gènes qui sont exprimés à un haut niveau  dans le tissu cortical et 558 qui sont exprimés à des niveaux inférieurs. Ce schéma apparait dans les deux tiers de l’échantillon.

 

  1. Les scanners du cerveau pourraient rendre compte de l’efficience des traitements dans l’autisme

« Brain scans may forecast effectiveness of autism treatment » (Yang D. et al. Transl. Psychiatry 6, e948, 2016)

Les modèles d’activité dans la partie sociale du cerveau pourraient prédire le degree d’amélioration des fonctionnalités d’un enfant autiste à la suite d’une thérapie comportementale. L’objectif est de pouvoir orienter le plus tôt possible un enfant autiste vers une méthode qui fonctionne et lui permettre des progress. Les chercheurs ont fait passer des evaluations avant et après la thérapie comportementale en utilisant un outil appelé “Social Responsiveness Scale”. Une étude statistique a analysé quatre regions du cerveau qui respondent positivement après la thérapie. Ces quatre regions sont impliquées dans le comportement social et correspondent au gyrus fusiforme et au sulcus temporal supérieur (aires de la perception sociale), l’hyppocampe (aire de la mémoire et la motivation sociale) et l’amygdale (gestion des emotions).

 




Lien entre autisme et système digestif : 6 ème prix Dassault

Le sixième prix Dassault à consacré les travaux de Joel Doré qui démontrent des liens entre l’inflammation et les troubles gastro-intestinaux chez les personnes avec troubles du spectre de l’autisme.

 

 

Depuis les années 1975 et les premières études en matière d’épidémiologie de l’autisme , le nombre de personnes concernées n’a cessé d’augmenter pour atteindre environ 1 % de la population. Outre les facteurs génétiques mis en avant dans les causes de l’autisme, un nombre important de recherche porte également sur les causes environnementale. Le professeur Joel Doré étudie les altérations entre les personnes autistes et leur flore intestinale ou microbiote. Les troubles gastro-intestinaux chez les personnes autistes représentent la moitié de la population, contre 15 % de la population générale.

L’étude portera sur 150 patients autistes Asperger souffrant de troubles gastro-intestinaux et un groupe de 50 personnes témoins en bonne santé. Le but étant d’étudier l’hyperperméabilité intestinale, les inflammations, le stress oxydant et la dysbiose du microbiote. Ce projet intitulé « MicrobiAutisme » a pour premier objectif d’identifier les biomarqueurs pertinents et de dégager des pistes de réflexions qui permettraient une prise en charge clinique des troubles gastro-intestinaux chez les personnes autistes afin d’améliorer leur qualité de vie. Pour Joel Doré  :

 

Ce projet nous permettra de disposer d’une base solide pour la planification d’essais cliniques basés sur la restauration de la symbiose hôte-microbiote avec l’espoir d’impacter les symptômes comportementaux dans les troubles du spectre de l’autisme. Nous espérons ainsi à terme réduire les symptômes comportementaux qui affectent le bien-être et la santé des malades.

 

 

Une inflammation chronique du microbiote entrainerait un cercle vicieux : lorsque le microbiote intestinal est déstabilisé cela entraine une perméabilité de la paroi intestinale qui laisse filtrer des résidus, des toxines, des virus, des bactéries… Ce phénomène active le système immunitaire qui entraine une inflammation chronique qui elle même cause une altération du microbiote.

 

Cercle vicieux de l’inflammation intestinale chez les personnes autistes

 

Dans un second temps un deuxième objectif sera de voir s’il existe un effet de causalité entre les troubles gastro-intestinaux et les troubles du spectre de l’autisme : autrement dit l’autisme peut-il être causé par la perturbation du microbiote.

Pour cela il est prévu de transplanter les microbiotes de souris ayant des troubles gastro-intestinaux plus ou moins sévère dans des sujets sains afin évaluer le transfert des symptômes gastro-intestinaux chez les personnes autistes ainsi que les paramètres associés de comportement, de cognition, d’anxiété et de socialisation. Le professeur Joel Doré explique que :

 

On ne va pas découvrir le moyen de guérir l’autismeNous voulons simplement comprendre quel rôle joue le microbiote intestinal dans les troubles intestinaux dont souffrent les personnes autistes et, éventuellement, trouver un moyen de les soulager

 

Joël Doré est directeur de recherche et directeur d’unité adjoint de l’Unité Microbiologie de l’alimentation au service de la santé humaine. Il est également directeur scientifique de l’unité de service MetaGenoPolis. Avec son équipe, il explore les fonctions des micro-organismes intestinaux qui auraient des implications majeures en nutrition et en santé humaine. Formé à l’écologie microbienne, il a développé la métagénomique intestinale, à la fois vers des applications diagnostiques et comme outil d’étude des interactions aliment-microbiote-hôte. Ses travaux ont été récompensés à de nombreuses reprises et il a également reçu les Lauriers de l’Inra 2017 pour sa carrière.

Le prix Dassault de décembre 2017 se monte à 300 000 Euros pour financer le programme de recherche cité.