Le harcèlement chez les personnes autistes : le cas des étudiants universitaires

Un grand merci à Céline Pagan qui a accepté de mettre « Squeletto » au service de l’illustration de cet article qui aborde le sujet du harcèlement chez les personnes autistes. Céline Pagan est une personne autiste, artiste, à l’univers bien marqué qui lui a valu la mention « pour le caractère et la personnalité de ses dessins » à l’école Emile-Cohl où elle a étudié. Dessinatrice, peintre et professeur de dessin, elle explore au travers de ses œuvres des thématiques comme le syndrome d’Asperger au féminin ou les animaux. Vous pouvez retrouver quelques-unes de ses créations sur son site internet

Cet article est un résumé de l’étude suivante « Brief Report: Bullying and Anxiety in High-Functioning Adolescents with ASD » Gerrit van Schalkwyk, Isaac C. Smith, Wendy K. Silverman, Fred R. Volkmar publiée en mai 2018 dans le Journal of Autism and Developmental Disorders.

Des recherches récentes soulignent une forte prévalence du harcèlement chez les personnes autistes.

 

 

État des lieux sur le harcèlement chez les personnes autistes

Une étude menée par Sterzing et al. 2012 a analysé le taux de harcèlement chez les personnes autistes dans un échantillon de 900 parents de jeunes autistes âgés de 13 à 16 ans. Un taux de 46.3 % de jeunes victimes de harcèlement a été trouvé, il est significativement supérieur à celui trouvé dans la population générale des adolescents qui s’élève à 10.6 % (Nansel et al. 2001). Une étude de Cappadocia et al. 2012 qui porte sur un échantillon de 192 parents de jeunes autistes âgés de 5 à 21 ans montre que 54 % des situations de harcèlement durent plus d’un an. Les jeunes avec des traits autistiques moyens à élevés ont plus de chance de se faire harceler que les jeunes qui ont des traits autistiques plus faibles et/ou moins visibles (Zablotsky et al. 2014).

Dans une étude de Weiss et al. Publiée en 2015 qui porte sur 101 mères d’adolescents autistes âgés de 12 à 21 ans, 36 % déclarent que leur enfant se fait harceler deux fois par semaine ou plus. Cette étude montre aussi qu’il y a une corrélation entre le harcèlement et la sévérité des symptômes de l’anxiété. Les jeunes qui ont subi du harcèlement ont plus de chance de développer un trouble anxieux à l’âge adulte (Sourander et al. 2007).

Si les données montrent que les enfants autistes sont plus susceptibles d’être victime de harcèlement que les enfants de la population générale, il n’existe à ce jour aucune donnée concernant les jeunes adultes autistes qui entrent à l’université.

Pourtant c’est une période marquée par des changements importants, comme l’apparition de cours magistraux en amphithéâtre qui réunissent un nombre plus conséquent de personnes, une augmentation des demandes sociales ou un changement de domicile avec parfois une première expérience de vie quotidienne seul en dehors de la famille.

Au vu de ces changements, beaucoup d’étudiants autistes ont besoin d’un soutien psychologique et d’une attention clinique soutenue (Adreon and Durocher 2007; Brown et al. 2012; van Schalkwyk et al. 2016; Wolf et al.2009). Dans ce cadre et afin de proposer un accompagnement psychologique mieux adapté il est important de savoir si les étudiants subissent du harcèlement, car cela peut réduire leur chance de réussite à l’université.

Les premiers travaux ont surtout exploré la perspective des parents (Weiss et al. 2015; Zablotsky et al. 2014), mais il serait intéressant à l’avenir de recueillir aussi le point de vue des enfants et adolescents eux-mêmes et de voir si celui-ci diffère des éléments rapportés par les parents.

L’objectif de cette étude est d’évaluer le taux de harcèlement chez les personnes autistes et en particulier les étudiants, le niveau d’anxiété et les caractéristiques de l’autisme sur un échantillon d’étudiants universitaires autistes et d’examiner les liens entre ces trois éléments. Dans cette étude les parents et les individus autistes eux-mêmes seront interrogés afin de s’éloigner des protocoles de recherche qui jusque-là interrogeaient uniquement les parents.

 

Méthode de l’enquête portant sur le harcèlement chez les personnes autistes

Une conférence a été donnée au Yale Child Study Center en avril 2015 sur la thématique de la préparation du passage à l’université pour les étudiants autistes. Un courrier a été envoyé par la suite aux familles concernées et un échantillon de 35 familles a ainsi pu être déterminé. Tous les étudiants concernés ont eu un diagnostic d’autisme selon les DSM-4 ou le DSM-5.

Le protocole de recherche a été établi comme suit :

  •  Un parent de chaque participant a fourni des informations démographiques sur l’étudiant concerné et a complété la version parentale du Multidimensional Anxiety Scale for Children 2 (MASC/P-2, échelle qui mesure l’anxiété) et du Social Responsiveness Scale  (SRS-2, échelle qui mesure les difficultés sociales liées à l’autisme). Ils ont également répondu à des questions pour savoir si leur enfant était concerné par le harcèlement.
  •  Les étudiants ont complété la version adolescente du MASC/C-2 et leur expérience en matière de harcèlement a été évaluée en utilisant un outil appelé My Life in School questionnaire (MLS; Sharp et al. 1994)

Les données ont été analysées en utilisant un outil statistique appelé SPSS Statistics Version 22 (IBM) qui calcule les déviations standards pour les échelles et les sous-échelles. Les corrélations sont calculées entre les données rapportées par les parents et les étudiants concernant le harcèlement et l’anxiété.

 

Dessin de Céline Pagan

Résultats de l’enquête sur le harcèlement chez les étudiants autistes

Concernant le harcèlement, 31 % des parents rapportent que leur enfant en a été victime dans le mois passé contre 51 % des étudiants eux-mêmes. Le score moyen des symptômes de l’anxiété évalué par le MASC-2 était de 54.5 pour les parents et de 56.4 pour les étudiants. Le score moyen obtenu à l’échelle de mesure des difficultés sociales est de 87.8 et aucune différence de genre n’a été identifiée concernant ce score. L’échantillon comprend 23 hommes et 11 femmes et une personne ayant une autre identification de genre.

Cette étude montre que le harcèlement reste un problème majeur pour les adolescents (51 %) lorsqu’on les interroge.

Une étude de Eslea and Rees 2001 montre que chez les adolescents non autistes, le harcèlement intervient surtout au début de l’adolescence, alors que pour les adolescents autistes le harcèlement est encore valable à la fin de l’adolescence, comme le montre une étude de Sterzing et al. 2012 et cela est d’autant plus vrai pour les adolescents autistes avec le moins de compétences sociales.

Cette étude est la première à analyser le harcèlement chez les jeunes adultes autistes à haut niveau de fonctionnement et les résultats rejoignent ceux de Sterling et al.

Les chercheurs ont aussi identifié un taux plus important de harcèlement chez les étudiants qui étaient les plus anxieux socialement. L’étude a permis de déterminer un lien de corrélation entre le harcèlement et l’anxiété sociale. Cela laisse supposer qu’une forte anxiété sociale peut augmenter le risque de harcèlement chez les personnes autistes, ou même que l’intimidation peut aggraver l’anxiété sociale. Le traitement de l’anxiété sociale pourrait donc avoir des avantages en terme de réduction du harcèlement chez les personnes autistes en plus de son objectif principal de réduire les symptômes anxieux.

Une part conséquente de la littérature qui s’intéresse au traitement de l’anxiété chez les jeunes autistes a mis en avant l’efficacité des thérapies cognitivo-comportementales (Lang et al. 2010; White et al. 2010; Wood et al. 2009).

Il est intéressant de constater aussi que dans cette étude, le taux de harcèlement rapporté par les parents et celui rapporté par les étudiants ne sont pas corrélés alors qu’il y a par exemple corrélation par rapport au niveau d’anxiété rapporté par les deux groupes. Plusieurs hypothèses sont envisagées par les chercheurs :

– les étudiants ont rapporté des types de harcèlement moins connus par les parents comme le cyber-harcèlement

– les étudiants étant en train de traverser une période de transition impliquant parfois un éloignement du domicile familial, sont moins enclins à parler à leurs parents des situations de harcèlement qu’ils peuvent vivre.

Cette dernière hypothèse montre bien l’importance qu’il existe à interroger directement les jeunes concernés et non pas que les parents, car cela pourrait entrainer une estimation faussée à la baisse des cas de harcèlement chez les enfants ou les jeunes adultes.

 

Les limites de l’étude

Cette étude sur le harcèlement chez les personnes autistes, en particulier chez les étudiants,comporte plusieurs limites :

  •  la faible taille de l’échantillon (35 personnes)
  • l’influence sur les résultats du fait que l’anxiété soit une comorbidité courante de l’autisme (avec un taux de 50% selon White et al. 2009).
  •  le test de mesure de l’anxiété (MASC) n’est pas spécifique aux personnes autistes et il pourrait fonctionner différemment chez les personnes autistes par rapport à la population générale selon une étude de White et al. 2015

Néanmoins cette étude est la première à mettre en avant la persistance du risque de harcèlement chez les adolescents plus âgés et elle devrait être répliquée afin de voir si les résultats sont les mêmes. L’objectif étant d’agir sur la prévention et l’accompagnement du harcèlement chez les personnes autistes avec une attention spécifique pour les jeunes adultes.

 


Source :

« Brief Report: Bullying and Anxiety in High-Functioning Adolescents with ASD » Gerrit van Schalkwyk, Isaac C. Smith, Wendy K. Silverman, Fred R. Volkmar publiée en mai 2018 dans le Journal of Autism and Developmental Disorders.




DSM-5 et TSA : bilan d’étape des critères de l’autisme cinq ans après sa parution

Lors du travail sur le DSM-5 et après sa parution, un débat est apparu concernant la définition de l’autisme et celui-ci a toujours cours aujourd’hui. Dans le DSM-4 les Troubles  Envahissants du Développement (TED) étaient répartis en plusieurs catégories : l’autisme, le syndrome d’Asperger, les TED non spécifiés et le trouble désintégratif de l’enfance. Le DSM-5 regroupe l’ensemble de ces catégories en une seule entité nommée Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA).

Pour certains, cela représente une avancée dans la standardisation du diagnostic de l’autisme, pour d’autres cette nouvelle définition exclut certaines personnes qui ne peuvent ainsi pas bénéficier des aides dont elles auraient besoin.

Cela a déclenché de nombreuses recherches et cinq ans après, les premiers résultats commencent à émerger. Il s’avère que les deux parties avaient raison. D’une part les critères de diagnostic de l’autisme ont été précisés et les cliniciens de sites différents ont plus tendance à arriver aux mêmes conclusions diagnostiques qu’auparavant. D’un autre côté ces nouveaux critères ont tendance à exclure plusieurs profils parmi lesquels on retrouve notamment les personnes moyennement affectées, les adultes et les filles/femmes qui savent mieux masquer leurs traits autistiques.

Thomas Frazier, directeur du Cleveland Clinic Center for Autism qui a conduit les études qui ont permis de valider le DSM-5 explique que :

“We are missing some of the highest-functioning cases when we apply DSM-5 criteria (…) We are not missing a ton of them, but we are missing some, and it’s a reasonable amount. It raises the question of whether or not we could do better.”

Traduction libre : Nous manquons certains des cas avec le plus haut niveau de fonctionnement en appliquant les critères du DSM-5. Nous ne manquons pas une tonne d’entre eux, mais nous en manquons certains, et c’est une quantité raisonnable. Cela fait émerger la question de savoir si oui ou non nous pourrions faire mieux.

Les experts ne sont pas d’accord

A l’origine lorsque le DSM-5 a été rédigé, le comité en charge de la rédaction du chapitre sur l’autisme est parti d’un constat : les professionnels avaient énormément de difficulté à distinguer les cas entre autisme, syndrome d’Asperger et TED non spécifiés. Ainsi selon le lieu d’habitation, l’âge ou le niveau de connaissance de ces différentes dénominations par le praticien les termes du diagnostic variaient. Il y avait donc une iniquité de diagnostic et donc d’accès aux aides pour les personnes concernées.

A ce sujet Catherine Lord, directrice du Center for Autism and the Developing Brain à New York-Presbyterian Hospital, et membre du comité sur l’autisme du DSM-5 dit que :

“It was clear that the same child could get a PDD-NOS, Asperger or autism diagnosis from different people, depending on who diagnosed them (…) It was also clear that kids could get a different diagnosis at different points of their lives”

Traduction libre : il était clair qu’un même enfant pouvait recevoir un diagnostic de TED non spécifiés, Asperger ou autisme de différentes personnes selon les personnes qui posaient le diagnostic (…) il était aussi clair que ces enfants pouvaient recevoir un diagnostic différent à différents moments de leur vie.

Il existe aussi une grande disparité territoriale dans les aides financières et humaines aux États-Unis. Par exemple en Californie, les personnes diagnostiquées « autistes » avaient accès à des services et les personnes avec un diagnostic d’Asperger n’y avaient pas droit. Les parents insistaient donc souvent auprès des psychiatres pour que leur enfant ait un diagnostic d’autisme même s’il était Asperger afin qu’il puisse recevoir l’aide dont il a besoin. A l’inverse, dans une ville comme New-York City des aides étaient apportées aux personnes avec un diagnostic d’autisme et de syndrome d’Asperger. Dans ce cas les parents insistaient pour que leur enfant ait un diagnostic d’Asperger car cela était moins discriminant pour accéder aux écoles, notamment prestigieuses.

Pour apporter une réponse à ces problématiques le comité en charge de la rédaction des critères de diagnostic de l’autisme pour le DSM-5 a donc essayé de redéfinir ces critères pour qu’ils soient moins subjectifs, moins liés à la sensibilité du praticien et donner des directives claires à tous les professionnels. Dans le DSM-4 les critères de diagnostic étaient définis par la triade autistique :

  •  troubles des interactions sociales
  •  troubles de la communication sociale
  •  comportements répétitifs et restreints

Comme il existait des chevauchements entre les troubles des interactions sociales et les troubles de la communication sociale, la triade a été transformée en dyade :

Comparatif des catégories et critères diagnostics dans le DSM-4 et le DSM-5

Cette nouvelle dyade autistique englobe donc tous les profils autistiques, de la personne non verbale avec déficience intellectuelle à la personne verbale avec un haut niveau de fonctionnement. Afin de distinguer le niveau de difficulté des personnes une échelle de « sévérité de l’autisme » qui comporte trois niveaux a été établie.

Une différence notable existe aussi entre le DSM-4 et le DSM-5 dans le choix des sous critères de diagnostic. Dans le DSM-4 ce choix était entièrement laissé libre au praticien qui pouvait choisir sans restriction 6 items parmi les 12. Le surnom de « menu chinois » a été donné au DSM-4 en raison de cela. Le DSM-5 est plus restrictif et précise par exemple que les personnes diagnostiquées doivent présenter au moins deux des quatre critères qui concernent les comportements répétitifs et restreints.

Si cela a le mérite de mieux cadrer les diagnostics délivrés, cette grande rigidité est aussi un facteur d’exclusion de certains profils autistiques. Ainsi le professeur Fred Volkmar montre que seules 61 % des personnes diagnostiquées autistes avec le DMS-4 le seraient également avec le DSM-5 (Sensitivity and specificity of proposed DSM-5 diagnostic criteria for autisms pectrum disorder Running Head: DSM-5 ASD in Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, April 2012). Les personnes avec le syndrome d’Asperger sont les plus touchées et leur taux baisserait à 25 %. Les critères du DSM-5 semblent discriminer les personnes avec le plus d’habiletés cognitives.

Cette étude a été très critiquée lors de sa sortie, cependant plusieurs années après, d’autres études viennent confirmer cela. La dernière en date est une méta-analyse (une méta analyse est une étude qui regroupe l’ensemble des études réalisées sur un sujet particulier) réalisée en 2016.

Volkmar considère que l’impact de ces exclusions sera pleinement visible dans 10 ou 15 ans lorsque toutes ces personnes auront grandi. Pour beaucoup si elles avaient pu bénéficier d’une aide adaptée, elles auraient eu plus de chance d’inclusion dans la société. En étant livrées à elle même elles vont nécessiter bien plus de soutien une fois adulte.

Bilan cinq ans après la parution du DSM-5

Après cinq années de mise en place du DSM-5, les études montrent que les adultes autistes non diagnostiqués jusque là, les personnes avec une intelligence élevée et les femmes sont les plus susceptibles de passer au travers des mailles du diagnostic. C’est ironique de constater qu’au moment ou les chercheurs commencent à s’apercevoir que les femmes ont été exclues des critères de diagnostic pendant des décennies, le nouveau manuel mis en place accentue cet état de fait.

W. Mandy, chercheur et conférencier aguerri au University College London explique que :

“There is a fairly solid emerging evidence base that, on average, autistic girls and women score lower on measures of repetitive and stereotyped behaviors than do autistic males. You can begin to see how the move from DSM-4 to DSM-5 may be excluding some females on the basis of their less severe stereotyped behaviors.”

Traduction libre : il y a des preuves émergentes assez solides qu’en moyenne les filles et les femmes ont des scores plus faibles dans la catégorie des comportements répétitifs et restreints que les hommes autistes. On commence seulement à voir que le passage du DSM-4 au DSM-5 peut exclure certaines femmes en se basant sur des comportements répétitifs et restreints moins sévères.

De l’autre côté du spectre, certains des défenseurs des personnes autistes dites « sévères » sont également mécontentes. Comme les personnes qu’ils défendent peuvent avoir une déficience intellectuelle importante associée, ils trouvent que les critères regroupent des personnes trop différentes qui n’ont finalement pas grand-chose en commun. D’autant que les médias sont plus promptes à mettre en avant la figure des portraits de personnes autistes présentées comme des génies plein de succès, faisant presque oublier qu’il existe une population de personnes autistes plus en difficulté et qui requiert un accompagnement adapté.

Vers une modification des critères du DSM-5 ?

Une des solutions proposées pour rééquilibrer les chances de diagnostic des personnes laissées de côté par les critères du DSM-5 est de ne retenir qu’un seul sous critère de la catégorie « comportements répétitifs et restreints » au lieu des deux qui doivent aujourd’hui être visibles pour le diagnostic. Cette idée a été proposée par Frazier un scientifique en chef pour l’association Autism  Speaks. Cela aurait permis de retrouver la même validité qu’avec le DSM-4 sans perdre les spécificités du DSM-5. Cette proposition n’a pas été retenue par peur de faire gonfler artificiellement la prévalence  de l’autisme. La plupart des membres du comité sont opposés à un assouplissement des critères.

Il n’y a pas de révision prévue pour le moment concernant le DSM-5, mais ces écueils pourraient être pris en compte dans la construction de la version à paraitre du ICD 11 (Classification Internationale des Maladies CIM 11). Le brouillon de cette future version montre qu’elle est en partie calquée sur le DSM-5, notamment en ce qui concerne la réunification des différentes appellations (autisme, syndrome d’Asperger, TED non spécifiés…) sous un même label. Par contre une marge de manœuvre plus grande est laissée aux cliniciens et une distinction plus nette entre les personnes avec et sans déficience intellectuelle est opérée.

De plus ce manuel de la ICD 11 reconnait pour les personnes sans déficience intellectuelle que le diagnostic peut intervenir de manière tardive dans la vie de l’individu et que ces personnes peuvent recevoir en première instance un diagnostic pour dépression ou anxiété. Il met aussi en lumière la notion de camouflage et la porte à l’attention des cliniciens. Cela devrait permettre à plus de femmes autistes de recevoir un diagnostic adapté.

Mais cette future version de la ICD entraine également des débats :

  •  certaines associations de parents militent pour qu’une terminologie différente soit employée pour les personnes Asperger
  •  les chercheurs qui travaillaient sur les personnes Asperger avant le DSM-5 rencontrent des difficultés pour étudier ce public qui compte maintenant sept dénominations : autistes sans handicap intellectuel, autistes sans déficience intellectuelle, autistes avec des habiletés cognitives dans la moyenne, autistes intellectuellement capables, autistes cognitivement capables, autistes à haut niveau de fonctionnement, autistes à haut niveau cognitif (note de l’auteur : ces termes sont issus d’une traduction des termes anglophones employés dans le champs de la cherche sur l’autisme, certains termes ne sont pas utilisés en français ou ont un intitulé complètement différent).

Malgré les critiques, les experts s’accordent à dire que les progrès entrainés par le DSM-5 contrebalancent les points négatifs. Cependant, comme aucune modification des critères du DSM-5 n’est envisagée, il faudrait sensibiliser davantage les professionnels qui sont amenés à poser un diagnostic d’autisme aux spécificités des profils considérés comme « limites » par les critères actuels.


Source :

Spectrum News, Why the definition of autism needs to be refined, Lina Zeldovich, mai 2018




Le salon international de l’autisme

Les 6 et 7 avril, une partie du site de Disney Land (le centre de convention Newport Bay Club) accueillait le salon international de l’autisme. L’association RIAU, organisatrice de l’évènement en proposait la troisième édition avec pour objectif de former et informer sur le thème de l’autisme tout type de public : parents, professionnels, personnes autistes.

Ainsi le salon international de l’autisme proposait trois modes de communication autour de l’autisme :

  • Des ateliers thématiques : avec des présentations très différentes allant du spectacle aux discours de sensibilisation à l’inclusion en passant par la présentation d’outils comme des logiciels ou des moyens de communication par image.
  • Des conférences : sur des sujets variés comme l’emploi des personnes autistes, la scolarisation des enfants autistes ou l’habitat autonome.
  • Un village-ressources : composé de stands tenus par des entreprises, des associations, des personnes autistes et présentant des logiciels, des modes de communication, des actions militantes, des groupes de soutien, des projets innovants.

 

Je vais essayer de vous résumer deux conférences particulièrement intéressantes auxquelles j’ai assisté au salon international de l’autisme.

La première s’intitule « douleurs et soins somatiques » par le docteur Djea Saravane

Beaucoup de personnes autistes sont en déficit de soins et ce quelque soit leur niveau de fonctionnement. Plusieurs raisons peuvent expliquer cela :

  • le fait que certaines personnes n’ont pas accès à la parole et expriment l’inconfort ou la douleur par d’autres moyens moins immédiatement perceptibles,
  • le fait que le ressenti de la douleur peut être perturbé par le système de perception (hypo sensibilité à la douleur)

Ces déficits de soins répétés entrainent une diminution de l’espérance de vie des personnes autistes en comparaison de la moyenne d’âge des personnes non autistes.

Les problèmes de santé sont aussi souvent responsables des comportements défis. Les comportements défis peuvent prendre plusieurs formes : la personne peut pousser des cris sans raison, elle peut aussi faire de l’automutilation afin de libérer des endorphines naturelles pour calmer la douleur initiale, elle peut également entrer en crise et détruire son environnement (meubles, jouets, vaisselle) voir blesser autrui.

Le docteur Saravane explique que les médecins, y compris psychiatres ne sont pas toujours bien formés aux manifestations de douleurs chez les personnes autistes ou chez les personnes ayant une déficience intellectuelle importante. Tout changement de comportement doit alerter le professionnel de santé et l’orienter vers des investigations physiologiques. Souvent ce sont les parents qui remarquent les premiers signes : l’enfant qui pousse son ventre contre un coin de table en fin de repas a peut être une problématique de santé liée au système digestif. Or, encore trop souvent, la parole des parents ou de la personne autiste elle-même n’est pas prise en compte par les soignants. Ceux-ci orientent plus facilement vers des troubles psychiques qu’ils disent liés à l’autisme lors un changement de comportement. C’est le cas souvent des troubles du comportement ou comportements défis qui sont pris en charge par les psychiatres et qui amènent souvent à la prescription de psychotropes avant toute recherche de besoins de soins somatiques.

Il existe des comorbidités attachées à l’autisme, c’est-à-dire des pathologies associées qui apparaissent plus facilement chez les personnes autistes que dans le reste de la population générale. C’est le cas notamment des troubles du sommeil, de l’épilepsie, des troubles du système digestif. Tout changement de comportement de la personne devrait déclencher en premier intention une recherche de déficit de soin liée à ces pathologies. Le docteur Saravane explique aussi que la dépression est une pathologie associée à l’autisme et que le taux de suicide est élevé chez les personnes autistes. Plus de recherches scientifiques devraient être menées afin de pouvoir endiguer cette problématique qui est de plus en plus présente.

Le docteur Saravane a proposé une intervention humaniste, engagée et pleine d’humour qui reconnait la place de la personne autiste et des parents au premier plan de toute intervention médicale.

 

La seconde conférence à laquelle j’ai pu assister au salon international de l’autisme est celle de Marie Josée Cordeau qui avait pour thème « l’autisme au féminin ».

Elle y a abordé le sous diagnostic des femmes, souvent lié au fait que l’autisme prend une forme moins visible chez certaines femmes et qu’en plus elles arrivent généralement à bien camoufler leurs traits autistiques. Elle explique que même avec un diagnostic posé par un professionnel elle échange régulièrement avec des personnes qui remettent en doute son diagnostic en disant qu’elle n’est pas autiste. Marie Josée Cordeau raconte son parcours chaotique pour obtenir son diagnostic et les erreurs dont elle a été victime (personnalité schizoïde, trouble unipolaire…).

Avec humour elle évoque ses faux-pas sociaux, les mauvaises interprétations et les difficultés de communication avec les personnes non autistes qui entrainent des quiproquos et des tensions. Elle rappelle aussi que les femmes autistes ont une perception sensorielle particulière qui peut intervenir sur leur fonctionnement social. Ainsi le fait pour elle d’être dans un environnement agité avec des personnes qui bougent autour l’empêche de se concentrer sur la conversation qu’elle a avec la personne.

Son témoignage complet emprunt des anecdotes de sa vie personnelle éclaire parfaitement l’ensemble des dimensions de l’autisme au féminin et ses particularités d’expression.

Cette conférence a été suivie d’un atelier thématique sur la manipulation présenté par l’Association Francophone de Femmes Autistes (AFFA).

C’est Magali Vocat et Sophie Ledoux qui ont décris les mécanismes de la manipulation et la manière dont un individu peut avoir une emprise sur un autre au point de lui faire adopter un comportement qui n’est pas le sien. Les femmes autistes de part leur grande naïveté sociale et leur difficulté à interpréter les signaux non verbaux sont des victimes idéales de la manipulation. L’objectif de cet atelier était de permettre aux personnes de reconnaitre les signes de la manipulation afin de s’en protéger.

Il y avait surement beaucoup d’autres interventions intéressantes, mais je ne restitue ici que celles auxquelles j’ai pu assister.

Globalement cette année le salon international de l’autisme a fait la part belle à la thématique des adultes autistes qui sont souvent les grands oubliés des politiques publiques. Le sujet des femmes autistes a été également abordé avec d’autres interventions, notamment celle de Fabienne Cazalis sur les particularités des femmes autistes et l’intervention de Marie Rabatel et Muriel Salmona sur les violences sexuelles.




Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme

La journée mondiale de l’autisme a été proposée à l’assemblée générale de l’ONU par le Qatar et soutenue par l’ensemble des états membres. Elle a été fixée au 2 avril et a eu lieu pour la première fois en 2008. Cette année nous fêtons donc les 10 ans de la journée mondiale de l’autisme.

L’ONU célèbre plus de 140 journées internationales par an. Elles « servent à aborder des aspects essentiels de la vie humaine, des enjeux importants du monde ou de l’Histoire et à sensibiliser le public » (site internet de l’ONU). L’ONU précise que « les thèmes des journées internationales ont toujours un lien avec les principaux champs d’action de l’ONU, c’est-à-dire le maintien de la paix et de la sécurité internationales, la promotion du développement durable, la protection des droits de l’homme, la garantie du droit international ». Dans cet article je vais particulièrement m’intéresser aux deux dernières thématiques.

L’intitulé exact de la journée du 2 avril est « journée mondiale de sensibilisation à l’autisme ».

Le dictionnaire Larousse définit la sensibilisation comme étant l’action de « rendre quelqu’un, un groupe sensible, réceptif à quelque chose pour lequel il ne manifestait pas d’intérêt ».

C’est sans doute parce qu’elle « ne manifestait pas d’intérêt » pour la thématique des personnes autistes que la France a été condamnée à cinq reprises (2004, 2007, 2008, 2012, 2014) par la cour européenne pour « discrimination à l’égard des enfants autistes, défaut d’éducation, de scolarisation, et de formation professionnelle »

On peut donc en déduire que cette journée mondiale de l’autisme a pour objectif d’attirer l’attention du public mais aussi des pouvoirs publics sur ce qu’est l’autisme et quelles sont les réalités des personnes autistes. On peut également se poser la question de savoir si les droits des personnes autistes sont respectés.

 

Qu’est-ce que l’autisme ?

L’autisme est une spécificité neuro-développementale qui provient d’un développement différent du cerveau du fœtus durant la grossesse. L’autisme n’est pas une maladie car cela supposerait qu’il y ait une altération de la santé ou des fonctions par rapport à une condition initiale de « bonne santé ». Or, les personnes autistes naissent avec un fonctionnement différent qui n’est pas dû à un changement d’état.

L’autisme impacte particulièrement les interactions et la communication sociales des personnes concernées ainsi que les comportements dit « restreints et répétitifs » selon les critères de la dyade autistique du DSM 5. L’autisme peut être ou non accompagné d’une déficience intellectuelle ou d’autres comorbidités (pathologies associées) comme la dépression, les troubles du sommeil, des apprentissages ou l’épilepsie.

Une notion essentielle à retenir en cette journée mondiale de l’autisme  est que l’autisme est une particularité neuro-développementale qui n’est pas causé par un problème psychologique ou par l’éducation des parents.

Les personnes autistes partagent des points communs réunis dans les critères de diagnostic, mais chaque personne autiste a un profil particulier, avec des forces et des difficultés qui lui sont propres. Vous pourriez rencontrer deux personnes autistes complètement différentes et ne jamais deviner qu’elles partagent un diagnostic commun. De même vous pourriez rencontrer une personne autiste sans déficience intellectuelle et ne jamais soupçonner qu’elle est autiste. Peut-être aurait-elle simplement un air un peu étrange à vos yeux.

Les images médiatiques oscillent entre deux extrêmes : la figure de la personne autiste avec une déficience intellectuelle importante qui est non verbale, a une compréhension très limitée de son environnement et se balance sur elle même, et la figure du génie savant qui peut accomplir en une seconde des calculs complexes et parle six langues couramment. Entre ces extrémités du spectre, l’autisme recouvre d’autres réalités : ce voisin  discret qui est absorbé dans ses pensées et oublie souvent de vous dire bonjour, cet enfant qui pleure dès qu’il y a un changement important dans ses habitudes et que l’on dit capricieux, cette collègue que vous fréquentez tous les jours, impliquée dans son travail et qui a le sens du détail mais semble un peu mal à l’aise en public ou à la pause avec ses collègues devant la machine à café.

 

Les droits des personnes autistes sont-ils respectés ?

Ce fonctionnement particulier qu’est l’autisme n’est pas toujours compatible avec les exigences de la société et de ce fait, les droits des personnes autistes ne sont pas toujours respectés dans des domaines aussi fondamentaux que l’accès à l’emploi, la scolarisation dès le plus jeune âge ou l’égalité de genre.

– 80 % des enfants autistes en France ne sont pas scolarisés.

Pour autant la Loi pour l’égalité du droit et des chances du 11 février 2005 reconnaît à tout enfant porteur de handicap le droit d’être inscrit dans l’école la plus proche de son domicile, qui devient alors son «établissement de référence». Cette loi garantit la « mise en place des moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ». La priorité doit donc bien être donnée à la scolarisation en milieu ordinaire et en second lieu seulement, à la scolarisation en milieu spécialisé (institution de type IME).

– Aujourd’hui les études sur l’épidémiologie de l’autisme montrent une prévalence de 10 pour 10 000.

Pour autant il reste difficile en France d’obtenir un diagnostic complet réalisé par une équipe pluriprofessionnelle et selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé pour plusieurs raisons :

il existe plusieurs grilles de diagnostic, et certaines sont encore utilisées alors qu’elles ne font pas consensus au niveau de la communauté scientifique internationale, comme par exemple la Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent (CFTMEA).

le diagnostic des personnes adultes est plus difficile en France car il n’existe pas toujours d’unité dédiée dans les CRA et les professionnels ont une méconnaissance du trouble autistique chez les personnes adultes.

il existe un déficit de professionnels formés à l’autisme dans l’ensemble des métiers concernés par cette thématique : médecins, psychologues, psychomotriciens, orthophonistes, éducateurs…

la prégnance de la psychanalyse en France a non seulement aboutit à une analyse erronée des causes de l’autisme, les attribuant à un déficit dans le lien avec les parents et notamment avec la mère, mais a également pu freiner la pose d’un diagnostic. L’idéologie en vigueur étant que le fait d’annoncer un diagnostic à une personne « l’enfermerait dans une case » et conditionnerait son comportement au regard des critères d’appartenance à la catégorie diagnostique en question.

– les études montrent une prévalence importante du nombre de garçon par rapport aux filles : de 4 à 5 garçons pour une fille dans le DSM 4 et 3 à 4 garçons pour une fille dans la CIM-10. Une étude de 2005 de Fombonne fait état de 4 garçons pour une fille. Ce ratio serait porté à 1 femme pour 9 homme en ce qui concerne l’autisme sans déficience intellectuelle (type syndrome d’Asperger).

Pour autant, ces chiffres entrainent un débat dans la communauté scientifique : y a-t-il véritablement moins de filles/femmes autistes où les méthodes de diagnostic sont-elles inadaptées pour saisir l’expression de cette condition chez elles ? Une étude récente tend à confirmer cette dernière hypothèse(Rutherford et al. 2016) et montre qu’à l’âge adulte le sex-ratio évolue jusqu’à deux femmes pour un homme. Cela suggère que la condition autistique est manquée chez les filles et apparait à l’âge adulte lors de diagnostics tardifs. D’ailleurs, selon une étude de Bergeer et al 2012,les femmes sont diagnostiquées 4.3 années plus tard que les hommes. L’écart est encore plus important dans le cadre des femmes autistes sans déficience intellectuelle. Il existe bien une discrimination de genre dans l’accès au diagnostic et donc dans les réponses apportées aux besoins d’accompagnement des femmes autistes.

– la thématique de l’emploi chez les personnes autistes est aujourd’hui si peu abordée en France qu’il n’existe aucun chiffre, aucune statistique qui permette de faire un état des lieux. C’est un des domaines où la France est la plus en retard à l’égard des adultes autistes. La plupart sont sans emploi ou occupent des emplois sous qualifiés fautes de pouvoir s’adapter au fonctionnement des entreprises.

 

Mais restons positif, tout espoir n’est pas perdu et si le chemin à parcourir reste long, de belles avancées ont déjà eu lieu et les politiques ainsi que l’opinion publique ont évolué sur l’ensemble des points évoqués. Si l’on passe en revue la précédente décennie, l’avancée majeure que je perçois depuis la première journée mondiale de l’autisme est l’émancipation de la parole des personnes autistes. Si auparavant les principaux acteurs en matière d’autisme étaient des associations de parents d’enfants autistes qui se sont battues en premier pour la reconnaissance des droits, leur parole est maintenant complétée par celles des personnes autistes elles-mêmes qui se mobilisent à divers niveaux et utilisent différents moyens d’expression. Ainsi on voit fleurir sur la toile de plus en plus de blogs de personnes autistes, tous plus intéressants les uns que les autres et permettant d’exprimer la diversité des profils des personnes autistes. Certaines personnes autistes animent des conférences, des groupes de travail, interviennent dans les écoles ou les Centres de Ressources Autisme pour sensibiliser les professionnels, d’autres encore se regroupent en association de personnes autistes et militent  pour la défense des droits des personnes directement auprès des pouvoirs publics.

Toutes ces actions ont abouti à des améliorations et des projets qu’il me semble intéressant de citer en cette journée mondiale de l’autisme :

– en matière de scolarisation : le projet Aramis a vu le jour en avril 2017 à l’occasion de la journée mondiale de l’autisme. Dans le cadre de ses actions en faveur de l’innovation sociale, Nexem pilote, avec le soutien d’AG2R LA MONDIALE, un projet expérimental novateur et pleinement inclusif de scolarisation à l’école primaire des enfants autistes. Lancée  par la Fegapei en janvier 2016 avec l’Adapei de la Corrèze et le rectorat de Limoges, à l’initiative du projet, l’expérimentation se poursuit. Le dispositif sera scientifiquement évalué en 2018, puis modélisé pour favoriser un essaimage au bénéfice du plus grand nombre. L’objectif est d’apporter une réponse complémentaire aux dispositifs existants, notamment pour assurer la continuité des parcours scolaires pour les enfants autistes à l’école élémentaire

– en matière de diagnostic : la mise en place des Centres de Ressources Autisme et l’amélioration de la formation des professionnels à la connaissance du fonctionnement des personnes autistes contribues à augmenter le nombre de diagnostic/an (augmentation de 6.5 % entre 2013 et 2014 et qui ne cessent d’augmenter d’année en année). Les professionnels y sont de mieux en mieux formés, notamment parce qu’ils s’enrichissent des témoignages et parcours de vie de personnes autistes.

– en matière d’égalité des genres : l’Association Francophone des Femmes Autistes  créée en 2016 milite pour la reconnaissance des spécificités féminines de l’autisme et l’expression souvent « plus discrète » de l’autisme chez les femmes. Cette association accompagne des femmes dans leur démarche de diagnostic et sensibilise le public aux problématiques des femmes autistes (violences sexuelles, sous  diagnostic, parentalité des femmes autistes…)

– en matière d’emploi : de belles expériences ont été menées ces dernières années. Le cas de l’entreprise Andros qui sous l’impulsion de son directeur général Jean-François Dufresne, a testé un nouveau dispositif lui permettant d’accueillir à temps partiel sept travailleurs autistes. Le dispositif qu’il met en place permet à des personnes considérées comme autistes « sévères », c’est à dire peu autonomes dans les actes de vie quotidienne et avec une déficience intellectuelle importante, d’occuper un CDI à mi-temps après 6 mois de période d’essai et d’intégration.

En 2014, Ethik Management, en partenariat avec la Fondation Malakoff Médéric Handicap à lancé un projet d’accès à l’emploi pour les personnes porteuses du syndrome d’asperger et autistes de haut niveau. Celui-ci a pour but de proposer des solutions d’accès et de maintien dans l’emploi aux personnes autistes. Ce projet est encore en cours et une plateforme pour l’emploi est actuellement en test.

 

La journée mondiale de l’autisme est l’occasion de rappeler qu’il reste encore beaucoup de combats à mener pour aboutir à une égalité réelle des droits, mais on peut aussi se réjouir des petites avancées qui font bouger les lignes vers plus de tolérance, de compréhension de l’autre et d’amour. Alors vous allez sans doute penser qu’en ce matin du 2 avril 2018 à l’occasion de la journée mondiale de l’autisme j’ai mangé un chat-licorne rose à paillette au petit déjeuner, et bien pourquoi pas ? Je suis de nature optimiste.




Le syndrome d’Asperger à l’honneur dans l’émission « Je t’aime, etc »

La thématique du syndrome d’Asperger est abordée dans l’émission « Je t’aime, etc » diffusée initialement le jeudi 15 mars 2018 à 15h10 sur France 2.

L’émission présente l’histoire d’un couple, Jessica et Benjamin, ensemble depuis 12 ans. Au cours de leur relation amoureuse, Jessica a découvert qu’elle était autiste Asperger. Cette love story est le point de départ pour présenter les caractéristiques du syndrome d’Asperger et les particularités de fonctionnement des personnes autistes.

Jessica a 15 ans lorsqu’elle rencontre Benjamin qui en a 18, dans un cours de théâtre. Ils sont d’abord amis et la difficulté de compréhension des signaux non verbaux lors des échanges va différer dans le temps la transformation en relation amoureuse.

Jessica devient professeur de langue, avant de faire un burn-out, épuisée par la gestion d’une classe de 40 élèves et le stresse que cela engendre. Pour elle c’est le commencement d’un questionnement personnel sur les origines de son mal-être. C’est le visionnage d’une vidéo sur l’autisme qui va servir de déclencheur et l’orienter vers un diagnostic d’autisme auprès d’un professionnel spécialisé.

L’émission explique que pour les autistes Asperger les capacités intellectuelles étant préservées, le diagnostic est plus difficile et ca n’est qu’à 27 ans que Jessica obtient le sien. Elle raconte que plus jeune qu’elle avait à coeur de bien s’intégrer. Pour cela elle reproduit le comportement des personnes non autistes afin de faire plaisir à autrui et de ne pas s’attirer d’ennuis.

Pour autant elle présente des caractéristiques typiques de l’autisme, comme un évitement du regard, une difficulté de compréhension de l’implicite et des jeux de mots ainsi qu’un embarras et de la timidité pour aller vers les autres et entrer en relation. Elle crée par la suite un blog (le nom n’est pas cité dans l’émission et je ne l’ai pas trouvé pour le partager) sur le syndrome d’Asperger afin d’informer les gens sur cette réalité.

L’émission aborde aussi la thématique de la difficulté d’obtenir un diagnostic, du fait de l’absence de déficience intellectuelle des autistes Asperger et de leur maitrise du langage. Cela s’explique aussi par les thèses psychanalytiques qui ont longtemps dominé le champ de la psychiatrie dans les pays francophones. Ce courant de pensée attribue les causes de l’autisme à une difficulté psychologique créée par les parents (et surtout les mères) du fait de leur soit disant « distance émotionnelle ». Les praticiens issus de ce paradigme ont une posture culpabilisante vis à vis des parents. Les intervenants rappellent qu’aujourd’hui les causes de l’autisme sont attribuées à des facteurs génétiques et/ou environnementaux.

Jessica explique qu’elle préfère une vie routinière, réglée, sinon cela la met en difficulté car elle a du mal à s’adapter aux changements. Elle prend souvent les éléments de langage au premier degré et peut se vexer ou mal interpréter les propos qui lui sont adressés.

Elle évoque également la perception sensorielle chez les personnes autistes (qui fonctionnent souvent en hyper ou hypo sensibilités), notamment le fait qu’elle n’aime pas être touchée.

Globalement c’est une émission qui présente plutôt bien le syndrome d’Asperger et qui a le mérite de s’éloigner des représentations médiatiques « exceptionnelles » souvent diffusées.

Il y a simplement quelques points qui prêtent à confusion :

  • l’association systématique entre personnes autistes Asperger et personnes à Haut Potentiel Intellectuel (QI supérieur à 130). Ce sont deux deux réalités qui peuvent ne pas se recouvrir. Les personnes autistes Asperger n’ont pas de déficience intellectuelle, cela signifie que leur QI est au dessus de 70. Ils n’ont pas forcément un Haut Potentiel  associé
  • le terme de « maladie » qui est employé une fois dans l’émission pour parler de l’autisme. L’autisme n’est pas une maladie car cela supposerait qu’il y ait une altération de la santé ou des fonctions par rapport à une condition initiale de « bonne santé ». Or, les personnes autistes naissent avec un fonctionnement différent qui n’est pas dû à un changement d’état.

Et quelques lieux communs :

  • la référence au film Rain Man pour illustrer la représentation des personnes autistes
  • la fameuse Sillicon Valley, présentée comme un eldorado pour les personnes autistes Asperger.

Vous pouvez visionner la vidéo ici :

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=YIK7WaxqJt4?feature=oembed&w=1200&h=675]

 




Lien entre autisme et système digestif : 6 ème prix Dassault

Le sixième prix Dassault à consacré les travaux de Joel Doré qui démontrent des liens entre l’inflammation et les troubles gastro-intestinaux chez les personnes avec troubles du spectre de l’autisme.

 

 

Depuis les années 1975 et les premières études en matière d’épidémiologie de l’autisme , le nombre de personnes concernées n’a cessé d’augmenter pour atteindre environ 1 % de la population. Outre les facteurs génétiques mis en avant dans les causes de l’autisme, un nombre important de recherche porte également sur les causes environnementale. Le professeur Joel Doré étudie les altérations entre les personnes autistes et leur flore intestinale ou microbiote. Les troubles gastro-intestinaux chez les personnes autistes représentent la moitié de la population, contre 15 % de la population générale.

L’étude portera sur 150 patients autistes Asperger souffrant de troubles gastro-intestinaux et un groupe de 50 personnes témoins en bonne santé. Le but étant d’étudier l’hyperperméabilité intestinale, les inflammations, le stress oxydant et la dysbiose du microbiote. Ce projet intitulé « MicrobiAutisme » a pour premier objectif d’identifier les biomarqueurs pertinents et de dégager des pistes de réflexions qui permettraient une prise en charge clinique des troubles gastro-intestinaux chez les personnes autistes afin d’améliorer leur qualité de vie. Pour Joel Doré  :

 

Ce projet nous permettra de disposer d’une base solide pour la planification d’essais cliniques basés sur la restauration de la symbiose hôte-microbiote avec l’espoir d’impacter les symptômes comportementaux dans les troubles du spectre de l’autisme. Nous espérons ainsi à terme réduire les symptômes comportementaux qui affectent le bien-être et la santé des malades.

 

 

Une inflammation chronique du microbiote entrainerait un cercle vicieux : lorsque le microbiote intestinal est déstabilisé cela entraine une perméabilité de la paroi intestinale qui laisse filtrer des résidus, des toxines, des virus, des bactéries… Ce phénomène active le système immunitaire qui entraine une inflammation chronique qui elle même cause une altération du microbiote.

 

Cercle vicieux de l’inflammation intestinale chez les personnes autistes

 

Dans un second temps un deuxième objectif sera de voir s’il existe un effet de causalité entre les troubles gastro-intestinaux et les troubles du spectre de l’autisme : autrement dit l’autisme peut-il être causé par la perturbation du microbiote.

Pour cela il est prévu de transplanter les microbiotes de souris ayant des troubles gastro-intestinaux plus ou moins sévère dans des sujets sains afin évaluer le transfert des symptômes gastro-intestinaux chez les personnes autistes ainsi que les paramètres associés de comportement, de cognition, d’anxiété et de socialisation. Le professeur Joel Doré explique que :

 

On ne va pas découvrir le moyen de guérir l’autismeNous voulons simplement comprendre quel rôle joue le microbiote intestinal dans les troubles intestinaux dont souffrent les personnes autistes et, éventuellement, trouver un moyen de les soulager

 

Joël Doré est directeur de recherche et directeur d’unité adjoint de l’Unité Microbiologie de l’alimentation au service de la santé humaine. Il est également directeur scientifique de l’unité de service MetaGenoPolis. Avec son équipe, il explore les fonctions des micro-organismes intestinaux qui auraient des implications majeures en nutrition et en santé humaine. Formé à l’écologie microbienne, il a développé la métagénomique intestinale, à la fois vers des applications diagnostiques et comme outil d’étude des interactions aliment-microbiote-hôte. Ses travaux ont été récompensés à de nombreuses reprises et il a également reçu les Lauriers de l’Inra 2017 pour sa carrière.

Le prix Dassault de décembre 2017 se monte à 300 000 Euros pour financer le programme de recherche cité.




4 ème plan autisme

Le 6 juillet 2017, le Président de la République Emmanuel Macron a lancé la concertation autour du 4ème plan autisme. Plusieurs associations ont été reçues à l’Elysée, toutes dénoncent un important retard en matière d’accompagnement des personnes autiste malgré 3 plan autisme successifs.

Quatre objectifs principaux ont été discutés :

  • la co-construction avec les associations d’usagers et leurs familles, afin de prendre en compte toute leur expertise ;
  • la mobilisation des capacités de proposition des territoires ;
  • la prise en compte des parcours et le renforcement de l’inclusion des personnes ;
  • l’identification de leviers d’action priorisés et concrets.

Cinq axes de travail sont prévus :

  1. l’inclusion scolaire des enfants et jeunes avec autisme, au travers de l’accès aux apprentissages, de la maternelle à l’enseignement supérieur, ainsi qu’à la formation professionnelle ;
  2. l’inclusion sociale et le plein exercice de la citoyenneté des adultes avec autisme (incluant l’accès à l’emploi et au logement) ;
  3. l’appui aux familles, la réponse à ses besoins, ainsi que la prise en compte de son expertise dans l’ensemble des parcours et l’accès aux soins ;
  4. la recherche, l’innovation et l’enseignement universitaire ;
  5. la qualité des interventions, la formation des professionnels et l’accompagnement au changement.



RBPP Parcours de vie adulte

 

Consultation publique sur la Recommandation des Bonnes Pratiques Professionnelles concernant le parcours de vie adulte des personnes autistes. Du 19/06 au 15/08 la HAS et l’Anesm mettent en ligne une version préliminaire d’une RBPP intitulée Trouble du Spectre de l’Autisme : interventions et parcours de vie de l’adulte.

Tous les acteurs impliqués dans l’accompagnement et le suivi des adultes autistes sont invités à donner leur avis : associations accompagnant des adultes autistes, associations de professionnels, établissements de santé, établissements et services médico-sociaux, structures de professionnels libéraux, sociétés savantes, institutions publiques, agences sanitaires, syndicats, industriels…

Un seul avis par organisme, association ou institution est attendu et sera pris en compte. Les particuliers ne peuvent pas répondre à titre individuel et sont donc invités à se rapprocher de leurs organisations associatives ou professionnelles.