Quel lien entre l’autisme et le microbiote ?

De nombreuses études montrent un lien entre l’autisme et le microbiote, c’est-à-dire la population des microbes contenu dans les intestins.

Un traitement à base de Lactobacillus reuteri, une espèce de bactérie intestinale contenue dans les yaourts et le lait maternelle, pourrait améliorer les interactions sociales.

En 2016 déjà, une équipe de chercheurs (Buffington S.A. et al. Cell 165, 1762–1775, 2016) avait démontré que cette même bactérie pouvait normaliser le comportement social chez les souris. Cela correspond également aux résultats d’une étude de 2018 montrant que les bactéries améliorent le comportement social des souris portant une mutation de SHANK3, un gène majeur de l’autisme. L’autisme et le microbiote semblent donc liés.

Définition du microbiote : l’ensemble des
micro-organismes (bactéries, microchampignons, protistes, virus) vivant dans un
environnement spécifique appelé microbiome chez un hôte.

Dans tous les modèles que nous avons essayé, la bactérie était efficace (…) ca n’est pas un miracle qui s’est produit dans mon laboratoire, je pense que c’est très général 

déclare l’investigateur en chef Mauro Costa-Mattioli, professeur et titulaire de la chaire de neuroscience de la Fondation Cullen au Baylor College of Medicine de Houston, au Texas.

Le travail laisse entendre que les bactéries provoquent des
changements de comportement par le biais de signaux envoyés par le nerf vagus –
qui relie l’intestin au cerveau – ce qui augmente l’hormone ocytocine dans le
cerveau. Les résultats ont été publiés aujourd’hui dans Neuron.

Ces résultats confirment le rôle crucial des bactéries dans le fonctionnement de l’autisme et le microbiote, et ouvre des possibilités pour un traitement d’une des caractéristiques principales de l’autisme : les troubles des interactions sociales.

Cependant, Les chercheurs ne recommandent pas l’utilisation
de suppléments de L. reuteri en vente libre pour traiter l’autisme, car
personne ne sait si toutes les souches sont efficaces ou quelle dose utiliser
chez l’homme

L’autisme et le microbiote influence le réseau social

Costa Mattioli et ses collègues ont procédé à des essais sur
trois types de souris :

  • Des souris avec une mutation sur le gène SHANK3
    (connu comme un marqueur de l’autisme)
  • Des souris exposées in utero à du Valproate
    (substance qui augmente significativement le risque d’autisme)
  • Des souris BTBR qui montrent des traits
    similaires à l’autisme

Dans les trois cas les souris avaient un mircrobiome
inhabituel dans leurs intestins. Les souris avec SHANK3 et BTBR ont une plus
petite proportion de L. Reuteri que les souris qui sont les sujets contrôles.

Les souris ont absorbé L. Reuteri durant quatre semaines
dans l’eau qu’elles buvaient lorsqu’elles étaient âgées de 3 semaines. Les
chercheurs ont ensuite testé leur comportement social.

Contrairement aux sujets contrôles, les souris à tendance
autistiques préfèrent les objets plutôt que le contact avec les congénères,
avant de prendre L. Reuteri.

Après l’absorption de la bactérie, le comportement social des souris autistes à tendance à se développer. L’autisme et le microbiote sont liés à l’aspect sociale des relations.

Les résultats seraient plus convaincants si les chercheurs pouvaient reproduire les effets du traitement à différents âges et chez des souris présentant des mutations dans d’autres gènes de l’autisme, déclare Yong-Hui Jiang, professeur de pédiatrie à l’université Duke de Durham, en Caroline du Nord, qui n’était pas impliqué dans l’étude.

«Les modèles VPA et BTBR sont compliqués car la cohérence de ces modèles reste discutable»

Néanmoins les résultats semblent confirmer ceux de 2018.

Il faut aussi prendre en compte le fait que les résultats pourraient être faussés par certaines caractéristiques des souris. Par exemple les souris BTBR ont un mauvais sens de l’odorat et les souris avec SHANK3 sont plus lentes. Cependant ces traits restent même après le traitement alors que le comportement social, lui, se développe.

Le traitement améliore les interactions sociales même chez
les souris dépourvues de microbiome. Ce résultat suggère que L. reuteri agit
indépendamment des autres microbes intestinaux pour influencer le comportement
social.

Une connexion entre intestin et cerveau

Les chercheurs ont fait des essais en coupant le nerf vagus
des souris mutantes tout en continuant à les alimenter avec L. Reuteri.

Définition du nerf vagus : C’est une voie très
importante de la régulation végétative (digestion, fréquence cardiaque…) mais
aussi du contrôle sensorimoteur du larynx et donc de la phonation. Le nerf
vague est le nerf crânien dont le territoire est le plus étendu (d’où son nom).
C’est un nerf mixte qui convoie des informations motrices, sensitives,
sensorielles et surtout végétatives parasympathiques.

Lorsque le nerf vagus est coupé, le traitement à base bactérie ne fonctionne pas. Suggérant que la bactérie envoie des signaux entre l’intestin et le cerveau.

Le nerf vague se connecte à une région du cerveau appelée hypothalamus, qui produit l’hormone ocytocine. Les chercheurs ont découvert que les souris SHANK3 présentaient des niveaux inhabituellement bas d’ocytocine dans l’hypothalamus. Et les neurones du circuit de récompense entraînés par l’ocytocine chez les souris mutantes ont des connexions ou synapses faibles. Ceux-ci ont été mesurés par les courants électriques dans les tranches du cerveau.

Une étude de 2013 (Poutahidis T. et al. 2013) les chercheurs ont montré que nourrir les souris avec L. Reuteri augmente le niveau d’ocytocine dans le sang.

Dans la nouvelle étude, l’équipe de Costa-Mattioli a
découvert que L. reuteri normalise les niveaux d’ocytocine dans le cerveau des
souris SHANK3. Il renforce également la force de leurs connexions neuronales.
Le traitement bactérien ne fonctionne pas si les souris sont dépourvues de
récepteurs de l’ocytocine dans les neurones de récompense ou si elles
obtiennent d’abord un médicament qui bloque les récepteurs à l’ocytocine.

Toutes ces recherches montrent que la bactérie L. Reuteri modifie le comportement social des souris qui présentent des caractéristiques autistiques par l’intermédiaire du nerf vagus. La prochaine étape consiste à identifier la composition bactérienne qui active ce nerf.

 Référence : Gut microbes may treat social difficulties in autism mice by Nicholette Zeliadt  /  16 January 201