Cet article est le résumé d’une méta analyse portant sur les fonctions exécutives chez les personnes autistes, dont vous trouverez les références complètes en bas de page.
L’autisme se caractérise par des comportements répétitifs et restreints ainsi que des difficultés dans la communication et les interactions sociales.
Les fonctions exécutives sont étudiées depuis longtemps
étant donné leur implication dans divers domaines comme la théorie de l’esprit,
les difficultés sociales, les comportements répétitifs et toutes les incidences
que cela peut avoir sur la vie quotidienne.
Les fonctions exécutives englobent les domaines
neuropsychologiques d’ordre supérieur, comme le fait d’orienter son
comportement vers un objectif, le raisonnement abstrait, la prise de décision,
la régulation sociale ainsi que d’autres processus exécutifs préfrontaux qui
intègrent les circuits émotionnels et sociaux.
Au niveau de la structure du cerveau, des différences ont
été observées.
Pour les personnes autistes, des anomalies ont été observées
dans le volume et l’épaisseur à la fois dans les régions cérébrales frontales et
corticales. Des différences ont également été observées au niveau de la
connectivité du réseau entre les régions préfrontales, corticales et
subcorticales.
Les objectifs de cette méta-analyse sont multiples :
- Examiner les preuves d’un dysfonctionnement des
fonctions exécutives chez les personnes autistes, y compris la contribution
individuelle des sous-domaines des fonctions exécutives;
- Évaluer l’influence des variables modératrices
(âge, sexe, QI, type de diagnostic…) sur la base des caractéristiques de
l’échantillon ou de la tâche;
- Examiner la sensibilité clinique des mesures
individuelles des fonctions exécutives
En médecine, la sensibilité d’un test diagnostic est ainsi
sa capacité à détecter tous les malades (c’est-à-dire à avoir le moins de faux
négatifs), tandis que la spécificité de ce test est sa capacité à ne détecter
que les malades (avoir le moins de faux positifs). Source : Wikipédia
Méthode de traitement des données
Toutes les études incluent dans la méta analyse sont issues
de revues scientifiques ayant un comité de lecture et de langue anglaise. Les
publications ont été sélectionnées entre 1980 et juin 2016. Toutes ces études
incluaient des participants avec un diagnostic d’autisme posé selon les
critères internationaux (DSM ou CIM) et/ou réalisé avec des outils validés
(notamment ADOS et ADI).
Les études évaluent 6 sous domaines clés des fonctions
exécutives :
- la formation de concept,
- la flexibilité mentale,
- la fluidité,
- la planification,
- l’inhibition de la réponse,
- la mémoire de travail.
Ces domaines des fonctions exécutives ont été retenus car ils ont été largement étudiés dans la littérature sur l’autisme.
La plupart des études qui utilisent les questionnaire auto-administrés ont privilégié le test Behavioural Rating Inventory of Executive Function (BRIEF).
Les chercheurs étudient l’hypothèse selon laquelle l’ensemble des domaines des fonctions exécutives (FE) seraient altérées chez les personnes autistes.
Stratégie de recherche et étude des variables
Cette recherche est une méta-analyse.
Une méta-analyse est une méthode scientifique systématique combinant les résultats d’une série d’études indépendantes sur un problème donné, selon un protocole reproductible. La méta-analyse permet une analyse plus précise des données par l’augmentation du nombre de cas étudiés et de tirer une conclusion globale (source : Wikipédia).
La recherche documentaire a été effectuée sur les bases de
données informatisées de Medline, Embase et PsycINFO en utilisant des critères
de recherche basés sur les domaines des FE et des mesures d’intérêt.
Elle étudie différentes variables modératrices pour voir si
les résultats aux tests effectués pour mesurer les fonctions exécutives varient
selon les critères suivants :
Âge. Une approche stratifiée a été utilisée pour classer chaque étude dans l’une des catégories d’âges suivantes: enfants de moins de 12 ans, Jeunes de 12 à18 ans, Adultes de plus de 18 ans, Age mixte de moins de 18 ans et âge mixte.
Le sexe homme ou femme. Une comparaison entre des études incluant uniquement des participants de sexe féminin ou masculin.
Groupe de diagnostic. Les participants ont été regroupés en fonction de leur classification d’études (diagnostic de l’autisme, Asperger ou Trouble du Spectre de l’Autisme combinés (en combinant au moins deux des classifications ci-dessus).
Type de contrôle. Une comparaison entre des études utilisant des contrôles neurotypiques par rapport à des contrôles frères et soeurs.
Outil de diagnostic. Les études ont été classées en fonction des outils d’évaluation utilisés pour le diagnostic. Ceux-ci peuvent avoir inclus un ou plusieurs des éléments suivants: DSM, CIM, ADOS et ADI.
Exemple de critères de correspondance. Comparaison entre des études utilisant un ou plusieurs critères de comparaison pour la sélection d’un échantillon.
Différences de QI. Une comparaison est faite pour savoir si une différence significative de QI a été observée entre les groupes d’étude.
Format de l’outil d’évaluation. Une comparaison entre ordinateur et administration traditionnelle d’évaluations.
Mode de traitement du stimulus. Une comparaison basée sur les caractéristiques de présentation des stimuli de test, verbaux et non verbaux.
Mode de réponse. Une comparaison basée sur le mode de réponse requis des participants, verbal et moteur.
Résultats de la recherche portant sur les fonctions exécutives
235 études correspondaient aux critères de sélection de
cette méta analyse sur les fonctions exécutives avec un total de 14 081
participants (personnes autistes = 6816 et personnes contrôles = 7265).
La méta-analyse a extrait toutes les données concernant les fonctions exécutives depuis l’introduction de l’autisme en tant que diagnostic psychiatrique et a mis en évidence de manière cohérente la présence d’un effet globalement modéré de la dysfonction exécutive chez les personnes autistes. Les personnes ayant eu un diagnostic d’autisme ont présenté une performance moyenne plus mauvaise aux fonctions exécutives par rapport aux témoins neurotypiques.
Réponse à l’hypothèse
1: Examiner les preuves d’un dysfonctionnement des fonctions exécutives
chez les personnes autistes, y compris la contribution individuelle des
sous-domaines des fonctions exécutives.
Pour rappel, les 6 sous domaines des FE étudiés sont les suivants : la formation de concept, la flexibilité mentale, la fluidité, la planification, l’inhibition de la réponse, la mémoire de travail.
Aucune différence significative dans la taille d’effet n’a été observée entre ceux-ci. Des tailles d’effet modérées ont été observées pour tous les sous-domaines étudiés autrement dit il y a peu de différences entre les sous domaines des fonctions exécutives. Ces résultats suggèrent qu’il existe une relative équivalence des altérations des fonctions exécutives chez les personnes autistes parmi les constructions qui ont été examinées. Ceci a été conforté dans la présente étude par l’impact largement homogène de la plupart des modérateurs sur les résultats des fonctions exécutives.
Une déficience globale due à une sous-connectivité ou à une
sur-connectivité entre les réseaux cérébraux contribuant largement aux
fonctions exécutives, par opposition à des déficits anatomiques discrets,
pourrait expliquer l’absence de différences entre les sous-domaines des
fonctions exécutives.
Réponse à l’hypothèse 2 : Évaluer l’influence des variables modératrices (âge, sexe, QI, type de diagnostic…) sur la base des caractéristiques de l’échantillon ou de la tâche.
La majorité des comparaisons de modérateurs n’étaient pas significatives. La différence la plus importante a été trouvé au niveau de l’âge.
Les tailles d’effet généralement plus faibles observées chez
les adultes autistes au niveau des fonctions exécutives soutiennent d’autres
recherches selon lesquelles, en raison de la maturité développementale et / ou
de l’utilisation accrue de stratégies compensatoires, les adultes autistes obtiennent
de meilleurs résultats dans les FE que les groupes d’âge plus jeunes, alors qu’un
dysfonctionnement exécutif résiduel est toujours présent.
Une moindre différence entre les résultats aux tests qui
mesurent les fonctions exécutives a été observée entre les personnes contrôles
et les personnes autistes lorsqu’un seul outil de diagnostic est utilisé (ADOS
ou ADI). Étant donné la variabilité au sein du spectre et les recommandations
pour une évaluation multifactorielle, l’utilisation d’un seul outil de
diagnostic peut conduire à une cohorte moins sévère répondant à des critères
beaucoup plus larges du diagnostic d’autisme.
Les chercheurs ont émis l’hypothèse que les différentes
classifications diagnostiques des Troubles du Spectre de l’Autisme pourraient faire
varier les résultats des études sur les fonctions exécutives.
Cependant, les résultats n’ont pas permis de mettre en
évidence des différences de taille d’effet entre différents groupes de
diagnostic.
La taille d’effet la plus importante a été observée pour la
correspondance en fonction de l’âge chronologique. Les différences dans les
fonctions exécutives sont plus prononcées entre les groupes expérimentaux et
les groupes de comparaison appartenant au même groupe d’âge, si aucun autre modérateur
tel que le QI ou l’âge mental n’est pris en compte.
Réponse à l’hypothèse 3 : Examiner la sensibilité clinique des mesures individuelles des fonctions exécutives
L’étude montre qu’il y a un intérêt à évaluer les fonctions
exécutives en situation. Les mesures informatives telles que le BRIEF peuvent
offrir une plus grande utilité clinique, mais des investigations
supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si les résultats représentent
une validité supérieure ou s’ils peuvent être influencés par la demande ou les
caractéristiques du déclarant.
En conclusion cette étude confirme l’existence d’un vaste dysfonctionnement exécutif chez les personnes autistes, relativement stable tout au long du développement.
L’ensemble de ces résultats suggèrent que les mesures de diagnostic et d’intervention doivent s’orienter vers un cadre plus valide sur le plan écologique et clinique tout en tenant compte des différences individuelles probables au sein du spectre.
La mise au point de mesures réalisables axées sur la sensibilité clinique pour les études de diagnostic et de traitement devrait être une priorité.
Les limites de cette étude sur les fonctions exécutives
Un certain nombre de limitations peuvent avoir influencé les
résultats de cette étude.
Les questionnaires
auto-déclarés ou déclarés par les informateurs ont été exclus de la majorité
des analyses en raison des différences significatives entre les tailles d’effet
par rapport aux tests psychométriques et aux tâches expérimentales.
De plus, nous n’avons pas exploré l’impact de la variabilité
des différences intra-individuelles des personnes autistes sur les résultats
observés.
Certains facteurs d’influence des fonctions exécutives n’ont pas été étudiés comme la complexité des tâches effectuées, la sévérité des symptômes ou l’état émotionnel des participants, ainsi que les comorbidités (comme le TDA/H). L’anxiété notamment a été souvent associée à de moins bons résultats aux tests des fonctions exécutives chez les personnes autistes.
Référence : Demetriou, E., Lampit, A., Quintana, D. et al. Autism spectrum disorders: a meta-analysis of executive function. Mol Psychiatry 23, 1198–1204 (2018)