Le harcèlement scolaire chez les personnes autistes

L’inclusion, c’est le droit à l’éducation pour tous, y compris pour les enfants en situation de handicap. Ces dernières années, les politiques publiques ont mis l’accent sur la nécessité que de plus en plus d’enfants qui jusque-là n’avaient pas accès à l’école, puissent bénéficier des mêmes enseignements, sans discrimination.

Cela modifie la nature du public accueilli et peut occasionner des inquiétudes, de l’incompréhension voir du rejet des enfants en situation de handicap.Parmi les différents handicaps, les enfants autistes peuvent être particulièrement à risque concernant les discriminations de tous types et le harcèlement.

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Ces enfants ayant de faibles compétences sociales et peu d’amis sont marginalisés et non protégés au sein du groupe social et sont vulnérables à l’abus de pouvoir par leurs pairs (Delfabbro et al. 2006).

Le harcèlement

Le harcèlement se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique. Cette violence se retrouve aussi au sein de l’école. Elle est le fait d’un ou de plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui ne peut se défendre. Lorsqu’un enfant est insulté, menacé, battu, bousculé ou reçoit des messages injurieux à répétition, on parle donc de harcèlement.


La violence

C’est un rapport de force et de domination entre un ou plusieurs élèves et une ou plusieurs victimes.


Le répétitivité

Il s’agit d’agressions qui se répètent régulièrement durant une longue période.


L’isolement

La victime est souvent isolée, plus petite, faible physiquement, et dans l’incapacité de se défendre.

Quelques exemples de harcèlement

  • Se moquer d’une personne ou plaisanter d’elle à ses dépends
  • Ignorer quelqu’un ou le laisser de côté
  • Pousser, tirer, frapper, donner des coups de pied ou tout autre acte physique
  • Colporter des rumeurs au sujet d’une personne
  • Menacer quelqu’un
  • Obliger une personne à participer à des jeux dégradants ou humiliants contre son consentement ou sans s’assurer de son consentement

Le cyber-harcèlement

Le cyber-harcèlement est défini comme « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ».
Le cyber-harcèlement se pratique via les téléphones portables, messageries instantanées, forums, chats, jeux en ligne, courriers électroniques, réseaux sociaux, site de partage de photographies etc.

Le harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Les signaux d’alerte du harcèlement

Vous pensez que votre enfant est harcelé ? Voici les signaux d’alerte à surveiller :

  • S’il revient souvent de l’école avec les vêtements abîmés, sales, s’il manque des vêtements, des livres, des objets personnels régulièrement
  • Il sèche les cours, trouve des excuses pour ne pas aller en cours ou que ses résultats scolaires chutent brutalement
  • Il est plus anxieux que d’habitude ou il n’était pas anxieux et le devient
  • Il est déprimé ou moins joyeux qu’à l’accoutumée, il semble préoccupé ou triste
  • Il a davantage de difficultés à se concentrer
  • S’il a souvent des bleus, des égratignures, des blessures plus ou moins importantes et qu’il n’explique pas comment il s’est fait ca
  • Vous observez plus d’intensité dans ses comportements répétitifs
  • Il est plus irritable, a davantage de comportements défis sans que vous en trouviez la cause

Difficulté à repérer ces signes chez les enfants autistes
Ces signes d’alerte ne sont pas toujours faciles à évaluer dans le cas des enfants autistes car beaucoup ont par exemple des troubles déficitaires de l’attention et ont déjà des difficultés de concentration, ou sont anxieux régulièrement.

Vous connaissez bien votre enfant, fiez vous aux changements que vous pourrez observer.

Les conséquences du harcèlement scolaire sur les enfants autistes

Une recherche a montré un lien de dépendance entre le degré de harcèlement et l’apparition de difficultés ou de problèmes de santé mentale comme l’anxiété, l’hyperactivité, les stéréotypies et comportements d’auto-agressivité.

Ces résultats concordent avec la littérature internationale sur cette thématique, qui indique que les enfants qui sont victimes de harcèlement sont plus susceptibles que leurs pairs de présenter divers problèmes de santé mentale, qu’ils soient internalisés ou externalisés (Delfabbro et al.2006; Grills et Ollendick 2002; Haynie et al.2001; Mitchell et al.2007; Nansel et al.2001, 2003, 2004; Ybarra et Mitchell 2004, 2007). Le harcèlement est stressant pour les enfants autistes et a un impact négatif sur le concept de soi. Ces deux éléments sont associés à des problèmes de santé mentale (Grills et Ollendick 2002; Marsh et al. 2001; Nansel et al. 2004; O’Moore et Kirkham 2001).

Au delà des troubles que cela entraîne au niveau de la santé mentale et physiologique, le harcèlement peut aussi conduire les enfants à refuser d’aller à l’école. Comme l’explique Tony Attwood, le refus scolaire aura un effet négatif sur le développement scolaire et social et peut conduire un élève à abandonner complètement l’école. Cela aura des conséquences sur l’emploi futur et créera un besoin de prestations et d’accompagnement spécifique. Les comportements associés au refus d’école sont également stressants pour les parents et les frères et sœurs, et préoccupent l’école et les enseignants.

Un rapport de 2011 du ministère de l’éducation nationale pointe les conséquences du harcèlement sur la santé physiologique pour tous les enfants, pas seulement ceux qui sont autistes. Ainsi cela peut se traduire par des vomissements, évanouissements, maux de tête, de ventre, problèmes de vue, insomnie et de faiblesse du système immunitaire. Certaines victimes peuvent développer des troubles du comportement, souffrir de troubles alimentaires comme l’anorexie ou la boulimie.

L’enfant peut aussi développer un trouble anxio-dépressif pouvant aller jusqu’à une conduite suicidaire car un sentiment de désespoir, chez un enfant fragilisé par une situation qu’il juge insurmontable, peut conduire à un passage à l’acte suicidaire.

J’étais un jeune enfant autiste asperger non diagnostiqué et j’ai subi le harcèlement scolaire sévère durant deux longues années. Tout d’abord en 6ème dans un collège privé du Nord-Isère, puis en 3ème dans un collège public. À chaque fois, le phénomène est monté crescendo.
Pendant les premiers mois, c’était des insultes, puis du vol de matériel souvent en plein cours et enfin des violences physiques et ce, tous les jours.

Timothé Nadim
Personne autiste

Solutions et ressources pour lutter contre le harcèlement scolaire des enfants autistes

Les adultes doivent faciliter des relations saines entre les enfants. Les parents et les enseignants, ainsi que tous les autres adultes impliqués avec les enfants, doivent travailler à la création d’environnements positifs pour promouvoir des interactions positives avec les pairs et minimiser le potentiel d’interactions négatives avec les pairs comme l’intimidation et le harcèlement (Cummings et al. 2006).

Les activités sociales chez les enfants peuvent mettre en place une dynamique de groupe positive (inclusion, bienveillance, etc.) ou une dynamique de groupe négative (exclusion, agressivité, etc.). Il est important que les adultes structurent la vie des enfants de manière à ce que les comportements agressifs et d’intimidation ne puissent pas se développer ou prospérer (Pepler et Craig 2007). Par exemple, lorsque des équipes sont choisies pour des sports, il est préférable d’affecter des enfants à des équipes plutôt que de choisir des capitaines d’équipe et de leur permettre de choisir d’autres enfants car cela contribue à ce que les enfants marginalisés soient généralement exclus.

Lorsque les pairs se rassemblent pour regarder un épisode de harcèlement, l’épisode a tendance à durer plus longtemps car le harceleur est renforcé par l’attention des autres (O’Connell et al., 1999).

Si des pairs interviennent, cependant, l’épisode d’intimidation s’arrêtera immédiatement plus de 50% du temps (Fekkes et al. 2005; Hawkins et al. 2001).

Voici quelques ressources pour sensibiliser au harcèlement scolaire. Certaines sont dédiées spécifiquement à l’autisme, d’autres non.

Une infographie sur le harcèlement scolaire chez les personnes autistes que j’ai réalisé (format A4, peut être téléchargée et imprimée facilement pour des actions de sensibilisation):

Vous pouvez télécharger l’infographie ici :


Télécharger l’infographie

Ou la retrouver sur Pinterest.

Un article que j’ai rédigé sur le harcèlement scolaire chez les étudiants autistes.

Une vidéo qui aborde le harcèlement sexuel à l’école. Elle est plutôt destinée à un public de collégiens ou lycéens.

https://www.youtube.com/watch?v=g-dI_RFSFbc

Deux vidéos sur le harcèlement des enfants autistes (tout public).

https://www.youtube.com/watch?v=HYnijTG9pMwhttps://www.youtube.com/watch?v=TIHsbwqhzBQ


Un guide à destination des élève, réalisé par la Fédération Québécoise de l’Autisme  :


Télécharger

Références :

Cappadocia MC, Weiss JA, Pepler D. Bullying experiences among children and youth with autism spectrum disorders. J Autism Dev Disord. 2012;42(2):266-277. doi:10.1007/s10803-011-1241-x

Le site internet « non au harcèlement »

Van Schalkwyk G, Smith IC, Silverman WK, Volkmar FR. Brief Report: Bullying and Anxiety in High-Functioning Adolescents with ASDJ Autism Dev Disord. 2018;48(5):1819-1824. doi:10.1007/s10803-017-3378-8




Le suicide chez les personnes autistes

Cet article est un résumé de l’étude A 20-Year Study of Suicide Death in a State wide Autism Population, Autism Res. 2019 Jan 21.

Dans la population générale, le suicide se produit plus souvent chez les hommes que chez les femmes, avec un ratio de 3.5 pour 1 (NIMH, 2018) et les femmes ont également tendance à utiliser des méthodes de suicide moins violentes que les hommes (Ajdacic-Gross et al., 2008).

Les familles, les cliniciens et les personnes autistes mettent en avant leurs inquiétudes en même temps qu’émergent des études montrant un taux de pensées suicidaires et comportements suicidaires élevés parmi les personnes autistes (Veenstra-Vander- Weele, 2018).

Cependant il y a actuellement peu d’études sur le risque de
décès par suicide sur la population des personnes autistes.

Cette étude s’intéresse spécifiquement aux décès par suicide
chez les personnes autistes en Utah afin d’identifier les incidences et les caractéristiques
des personnes décédées.

Les pensées et comportements suicidaires chez les personnes
autistes

Les études montrent qu’il y a un taux élevé de pensées et comportements suicidaires chez les personnes autistes (e.g., Segers &Rawana, 2014; Zahid &Upthegrove, 2017). Zahid et Upthegrove ont trouvé un taux de tentatives de suicide entre 7 et 14 % et 72 % d’idées suicidaires dans plusieurs échantillons de petite taille. Dans un échantillon de 374 personnes autistes diagnostiquées (principalement Asperger), Cassidy (2014) trouve un taux de 66 % d’idées suicidaires. Cela dépasse de plus de neuf fois le taux de la population générale.

Culpin et al. (2018) a récemment identifié une relation
entre les déficits de communication sociale et les tentatives de suicide sur un
échantillon de 5000 jeunes au Royaume-Unis.

Une seule étude a examiné la mort par suicide chez les personnes autistes. Cette étude a été menée en Suède par Hirvikoski et al. (2016).

En tout, 83 personnes autistes sont mortes par suicide dans
leur échantillon. Cela correspond à un taux de 0.31%, ce taux est de 0.04% dans
la population générale.

Ils ont identifié le suicide parmi les trois principales causes de mortalité prématurée chez les personnes autistes sans déficience intellectuelle ce groupe était neuf fois plus susceptible de se suicider que ceux sans TSA.

Les chercheurs ont été particulièrement alertés par le taux de suicide chez les femmes autistes.

Étant donné que le suicide et les TSA sont moins fréquents chez les femmes, les chercheurs s’attendaient à ce que le suicide chez les femmes autistes soit assez rare. Cependant, dans l’étude de Hirvikoski et al. (2016), les femmes autistes étaient plus de 13 fois plus susceptibles que les femmes de la population générale de se suicider.

L’objectif de cette étude sur le suicide chez les personnes autistes

Dans cette étude, menée aux États-Unis dans l’état de l’Utah, les chercheurs ont utilisé les données médicales à disposition pour étudier le suicide des personnes autistes sur 20 ans (de 1998 à 2017) et en le comparant avec celui des personnes non autistes. Les personnes autistes de l’échantillon ont toutes un diagnostic d’autisme confirmé et conforme aux standards internationaux (CIM ou DSM).

Les chercheurs ont analysé les certificats de décès des personnes autistes mortes par suicide, et notamment le sexe, l’âge, la situation professionnelle, l’origine ethnique, l’état matrimonial  et la méthode de suicide.

Ils ont posé les hypothèses suivantes sur la base des
recherches précédemment existantes :

1. le taux de suicide est plus important chez les personnes
autistes que non autistes

2. le taux de suicide des femmes autistes est beaucoup plus
élevé comparativement aux femmes de la population générale

3. les méthodes de suicide violentes sont davantage utilisées par les hommes autistes que par les femmes autistes

4. les méthodes de suicide violentes sont plus utilisées
dans l’ensemble de la population autiste que dans l’ensemble de la population
générale

Quatre sources de données ont été utilisées dans cette étude : Utah Registry of Autism and Developmental Disabilities (URADD) à l’échelle de l’état, les données de surveillance du suicide à l’échelle de l’état recueillies par le bureau du médecin légiste de l’Utah, la UPDB, et le système d’information pour la santé publique basé sur des indicateurs de l’Utah (IBIS-PH).

Résultats de l’étude portant sur le suicide des personnes autistes

Résultats pour l’hypothèse 1 : Durant les 15 premières années étudiées il y a peu de différences sur les morts par suicide entre la population des personnes autistes et la population générale. Par contre entre 2013 et 2017, l’incidence cumulative des décès par suicide dans la population des personnes autistes était de 0,17%, ce qui est significativement plus élevé que la population non-autiste qui a une incidence cumulative de 0,11%. L’hypothèse selon laquelle il y a davantage de mort par suicide chez les personnes autistes que chez les personnes non autistes est donc validée.

Résultats pour l’hypothèse 2 : Entre 2013 et 2017, l’incidence cumulative des décès par suicide des femmes autistes était de 0.17 % alors qu’elle n’est que de 0.05 % dans la population générale. Le taux de suicide des femmes autistes est donc bien beaucoup plus élevé comparativement aux femmes de la population générale

Les chercheurs ont également comparé directement les groupes
de femmes et d’hommes dans l’intervalle de temps 2013-2017, en constatant que
les hommes non autistes étaient significativement plus susceptibles que les
femmes non autistes de se suicider mais le taux de suicide ne différait pas
entre les hommes et les femmes autistes.

Les résultats ont montré que pour la population des jeunes à risque, l’incidence cumulative des suicides était significativement plus importante chez les femmes autistes que chez les femmes non autistes. Par contre il n’y a pas de différence significative dans l’incidence cumulative des suicides entre les hommes autistes ou non autistes.

Si l’on regarde l’ensemble de la population des jeunes à
risque de suicide entre 2013 et 2017, l’incidence cumulative est
significativement plus élevée chez les jeunes autistes (0.16%) que chez les
jeunes à risque de la population générale (0.07%).

Caractéristiques des personnes

Les chercheurs ont étudié 49 individus autistes qui sont mort par suicide durant les 20 dernières années. Il y a 7 femmes (14%) et 42 hommes (86%).

Les personnes autistes sont en moyenne plus jeunes au moment
de leur suicide (32.4 ans) que les personnes de la population générale (41.8
ans).

Résultats de l’hypothèse 3 : La méthode de suicide ne diffère pas entre les hommes et femmes autistes dans cette étude, l’hypothèse 3 selon laquelle les hommes autistes utiliseraient des méthodes de suicide plus violente n’est donc pas validée dans cette recherche.

Résultats de l’hypothèse 4 : 73 % des personnes autistes utilisent des méthodes de suicide considérées comme violente, une proportion similaire est trouvée pour les personnes non autistes. L’hypothèse 4 selon laquelle les personnes autistes utilisent des méthodes de suicide plus violente que les personne non autistes n’est pas validée non plus dans le cadre de cette recherche.

Explications des résultats de l’étude sur les décès par suicide chez les personnes autistes

Cette étude complète les travaux épidémiologiques existants en Suède (Hirvikoski et al., 2016). Les résultats révèlent une incidence plus faible de décès par suicide chez les individus autistes que celle de l’étude de Hirvikoski et al. Cela peut être dû aux différentes méthodes permettant de déterminer le statut de TSA et / ou les différences réelles de taux de suicide. Les taux peuvent varier d’un pays à l’autre pour de nombreuses raisons liées aux taux de suicide dans la population en général, notamment des facteurs environnementaux (Holopainen, Helama, Björkenstam et Partonen, 2013), des facteurs socioculturels (Amitai&Apter, 2012) et l’accès aux services. (Hester, 2017).

Les estimations d’incidence au cours de l’intervalle de temps le plus récent (2013-2017) suggèrent que le risque de suicide est plus élevé chez les personnes autistes par rapport à la population non autiste. Cependant, cette différence a été expliquée principalement par le taux élevé de femmes autistes décédées par suicide.

Durant la période de 2013 à 2017, les chercheurs ont constaté que les femmes autistes ont 5 fois plus de chance de mourir de suicide que leur leurs pairs typiques. Cela concorde avec les résultats trouvé par Hirvikoski et al. (2016). Les femmes autistes ont souvent été négligées dans les recherches (Lai et al., 2015). Les résultats de notre étude fournissent une justification supplémentaire pour renforcer l’attention portée aux femmes.

Certaines études ont montré que les femmes autistes pouvaient être confrontées à divers problèmes, dont l’abus sexuel, les difficultés sociales et des conflits d’identité de genre (Bargiela, Steward et Mandy, 2016). Les expériences traumatisantes et les conflits d’identité sont des facteurs de risque de suicide connus dans la population générale. De plus, des études ont montré que les femmes peuvent ressentir le besoin de camoufler ou de dissimuler leurs traits autistiques (Bargiela et al., 2016), et une étude récente suggère que ces comportements de camouflages sont significativement associés au suicide chez les personnes autistes (Cassidy, Bradley Shaw et Baron-Cohen, 2018).

Le faible taux d’emploi chez les personnes autistes serait aussi un facteur à prendre en compte car les études montrent que c’est un facteur aggravant (e.g., Pelton &Cassidy, 2017). Mais ce facteur n’explique que partiellement le taux de suicide car 49 % des personnes autistes décédées par suicide durant l’étude étaient en emploi ou étudiants.

La comparaison des taux
de suicide entre les personnes autistes et non autistes montre que les
personnes autistes se suicident plus jeunes. Les jeunes autistes font faces à
des difficultés telles que la construction de l’identité, les relations
sociales, ou la transition vers l’âge adulte qui peut être complexe.

Limites de l’étude et
prolongements

La force principale de cette étude est qu’elle s’appuie sur plusieurs bases de données fiables concernant l’identification des décès et sur les dossiers médicaux des personnes concernant le diagnostic d’autisme.

En revanche, une de ses
limites est que les médecins ne déclarent le suicide d’une personne que s’il y
a des preuves objectives d’intentionnalité. Le nombre de mort par suicide dans
la population générale, comme dans celle des personnes autistes pourrait donc
être sous-estimé. La volonté de se donner la mort est encore plus difficile à
évaluer chez les personnes ayant une déficience intellectuelle ou d’importantes
limitations dans la communication.

Une autre limite de l’étude est le fait que les personnes autistes, surtout les plus âgées et les femmes, peuvent être sous diagnostiquées car l’autisme était mal connu il y a encore quelques années (Lai & Baron-Cohen, 2015,Loomes, Hull, & Mandy, 2017).

 
A 20-Year Study of Suicide Death in a State wide Autism Population, Autism Res. 2019 Jan 21 : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30663277



Le risque de suicide chez les personnes autistes

Le risque de suicide chez les personnes autistes est plus important que dans la population générale.

Les chiffres concernant le risque de suicide chez les personnes autistes varient dans une proportion très importante selon les études. Cependant, toutes semblent pointer le fait que le risque de suicide est plus élevé chez les personnes autistes. Une étude suédoise de 2015 intitulée National Patient Registry montre que le risque de suicide chez les personnes autistes est 10 fois plus élevé que dans la population générale. Les femmes autistes sont particulièrement touchées par ce risque.
Une étude intitulée Suicidal ideation and suicide plans or attempts in adults with Asperger’s syndrome attending a specialist diagnostic clinic: a clinical cohort study parue en 2014 montre que deux personnes autistes sur trois ont déclaré avoir eu l’envie de se suicider dans leur vie.

 

Déceler les signes de suicide chez les personnes autistes

Le problème est que même quand les signes sont apparents, les cliniciens peuvent les rejeter. Ils restent souvent fixés sur des préjugés concernant le rapport que les personnes autistes ont avec leurs émotions et pensent à tort qu’elles n’ont pas de sentiments complexes ou qu’elles ne sont pas connectées à leurs émotions. Elles ont simplement souvent une manière différente de les exprimer ou n’arrivent pas à les exprimer.
Les cliniciens se trompent aussi sur l’interprétation de l’automutilation qui est un signe d’alerte de risque de suicide reconnu dans la population générale. Pour les personnes autistes, cela est considéré comme un comportement lié à l’autisme.
D’autres signes avant-coureurs peuvent être manqués, car ce sont des éléments de fonctionnement qui diffèrent déjà chez les personnes autistes, comme les troubles du sommeil, la perte d’appétit, ou l’isolement social. Cela rend donc les signes de suicide plus difficiles à interpréter chez les personnes autistes.

 

Les facteurs aggravants les risques de suicide chez les personnes autistes

Les adolescents qui ont des troubles de la communication sociale ont deux fois plus de chance que leurs pairs de se faire du mal avec des intentions suicidaires.
Le travail récent de Culpin I. et al. (J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry 57, 313-320, 2018) est l’un des premiers à étudier les relations entre les traits autistiques et les comportements suicidaires chez les personnes autistes.
Les résultats suggèrent également que les problèmes de communication sociale accélèrent la dépression qui mène elle-même à des pensées ou des comportements suicidaires.

Il est bien connu que la dépression est associée au suicide. La surprise pour moi était que cela n’explique qu’une partie de l’association, alors il y a certainement d’autres médiateurs potentiels en dehors

 

dit Dheeraj Rai, chercheur principal et maitre de conférence confirmé en psychiatrie à l’université de Bristol, en Angleterre.
Par exemple le harcèlement et un faible contrôle des émotions peuvent aussi contribuer à un risque élevé de comportements suicidaires chez les adolescents avec des difficultés sociales.
Cette étude n’a pas trouvé de lien direct entre les comportements suicidaires et l’autisme. L’échantillon incluait seulement 42 adolescents autistes. C’est trop peu pour en extraire des conclusions significatives.
Néanmoins, cela montre que le suicide et l’automutilation sont communs chez les personnes autistes. Elles ont en effet moins de réseaux sociaux et luttent pour se connecter aux autres. Cela exacerbe le risque de comportements suicidaires chez les personnes autistes.
Le message fort qui est passé par cette étude est la nécessité de détecter les signes de dépression et de risque de comportements suicidaires chez les personnes autistes. Il semblerait que ces difficultés soient plus fréquentes chez les adolescents autistes.

 

Des résultats inquiétants

 

Rai et ses collègues ont analysé les questionnaires remplis par les parents pour 5031 enfants autistes dans le cadre de l’étude Avon Longitudinal Study of Parents and Children. L’étude a suivi des milliers de femmes et leurs enfants en Angleterre pour enquêter sur les influences génétiques et environnementales sur le développement.
Les parents ont aussi complété un questionnaire permettant d’évaluer les traits autistiques (communication sociale, compétences sociales et comportements répétitifs et restreints) à différents âges des enfants.
Les chercheurs ont considéré que les 10 % d’enfants qui avaient les scores les plus élevés aux trois caractéristiques étaient considérés comme à “haut risque” pour un diagnostic d’autisme et les autres 90 % des enfants comme étant à « faible risque » pour un diagnostic d’autisme.
Quand les enfants ont eu 12 ans, ils ont complété une enquête sur la dépression. À l’âge de 16 ans, ils ont répondu à des questions concernant le suicide, par exemple de savoir s’ils se sont déjà blessés dans le but de se tuer.
L’analyse de cette enquête montre qu’il y a une part égale des deux groupes (ceux classés à « haut risque » pour un diagnostic d’autisme et ceux classés à « faible risque »), environ 11 %, qui font de l’automutilation sans intention de se suicider. Par contre, 12.5 % du groupe classé à « haut risque » ont déclaré s’être blessés avec l’intention de se suicider, contre seulement 6 % du groupe à « faible risque ».

Ce sont des résultats tout à fait inquiétants, vraiment (…) il n’y a pas d’étape intermédiaire. C’est plus une tentative active de mourir

 

dit Emily Taylor, conférencière en psychologie Clinique à l’université d’Edinburgh en Écosse, qui n’était pas impliquée dans la recherche.
La recherché n’a trouvé aucun lien entre les autres traits autistiques et les pensées suicidaires.

 


Sources :
Social problems common in autism raise risk of suicidal behavior, Hannah Furfaro, Spectrum News, juillet 2018