Les effets de la médiation animale chez les personnes autistes

Cet article est le résumé d’une étude publiée en juin 2020 dans le Journal of Autism and Developmental Disorders dont vous trouverez les références complètes en bas de page et qui aborde les effets de la médiation animale chez les personnes autistes sur le stress, la réponse sociale et l’estime de soi.

Les problèmes liés au stress, comme l’anxiété ou la dépression sont fréquents chez les personnes autistes et affectent 77 % de cette population (Joshi et al. 2013).

Le stress est souvent associé à la dépression et à l’anxiété (Vreeburg et al. 2010), à une mortalité prématurée et un moins bon état de santé générale (Slavich 2016) et aux difficultés de communication et d’interaction (Hirvikoski and Blomqvist 2015).

Plusieurs études, non spécifiques aux adultes autistes, ont montré que les interactions avec les animaux réduisent le niveau de stress (Beetz et al. 2012). Une étude de O’Haire en 2013 montre que pour les enfants autistes, il y a également une réduction du stress grâce aux Thérapies Assistées par les Animaux (TAA).

Des améliorations au niveau des interactions sociales et de la communication ont aussi été notées (Berry et al. 2013; Gabriels et al. 2015). Elles peuvent être particulièrement adaptées car les animaux ne communiquent pas de manière verbale, ce qui peut représenter une forme d’interaction moins stressante qu’un dialogue avec un thérapeute qui implique des aspects métacognitifs et de l’introspection (Verheggen et al. 2017).

L’hypothèse a été émise que dans les milieux thérapeutiques, les animaux agissent comme des catalyseurs sociaux, amenant les patients à devenir plus disposés à communiquer avec leur environnement social, ce qui facilite à son tour l’amélioration des interactions sociales et de la communication (Gabriels et al.2015).

Même si les études montrent des effets plutôt positifs de la TAA ou médiation animale chez les personnes autistes, il y a quand même des limites : les résultats ne peuvent pas toujours être généralisés, la taille des échantillons est parfois trop petite, les diagnostics d’autisme ne sont pas toujours vérifiés et les descriptions des interventions ne sont pas toujours précises.  Il peut aussi y avoir un manque de groupes témoins, de randomisation et de mesures de résultats validés (O’Haire 2013).

Les chercheurs ont fait une recherche sur les études parues entre 1995 et 2018 et aucune étude correspondant à leur critère n’incluait d’adulte autiste.

L’étude menée a pour objectif de contribuer à augmenter le corpus de la littérature scientifique sur le sujet des Thérapies Assistées par les Animaux ou médiation animale chez les personnes autistes, en incluant un public d’adultes autistes, jusque là peu étudié.

Les chercheurs ont utilisé une taille d’échantillon appropriée à une étude exploratoire, inclus un groupe contrôle, la randomisation et des mesures de résultats validés.

Les chercheurs ont posé l’hypothèse que les TAA ou médiation animale chez les personnes autistes peuvent réduire le stress dans cette population, améliorer la réponse sociale (conscience sociale, communication et motivation) et réduire la dépression et l’anxiété qui sont fortement liées au stress (Vreeburg et al. 2010).

Les chiens sont les animaux les plus couramment employés dans les TAA et ce sont les animaux pour lesquels il y a le plus d’études.

Les chercheurs ont donc ciblé les interventions de TAA faite avec des chiens et à destination d’un public de personnes autistes avec une intelligence normale à élevée.

Les chercheurs ont analysé trois dimensions de la médiation animale chez les personnes autistes :

  • l’impact sur le stress,
  • l’impact sur la communication et les interactions sociales,
  • l’impact sur l’estime de soi. Plusieurs études ont constaté que les personnes autistes avaient un niveau d’estime d’eux même plus faible que la population générale et une faible estime de soi est corrélée avec la dépression et l’anxiété (Cooper et al. 2017).

Méthode de la recherche

L’échantillon inclus les critères de sélection suivant : un diagnostic d’autisme, avoir entre 18 et 60 ans, avoir un QI de 80 ou au-dessus.

Puisque l’objectif était de tester les effets des animaux sur le stress, seules les personnes ayant un score élevé à l’échelle Perceived Stress Scale ainsi qu’à la Symptom Checklist-90-Revised, ont été inclus.

Les personnes ayant peur des chiens, ayant une psychose ou un risque suicidaire ont été écartées de l’étude.

Au total 68 personnes correspondaient aux critères d’inclusion de l’étude.

La Thérapie Assistée par les Animaux
La Thérapie Assistée par les Animaux (TAA) est une intervention semi-structurée orientée vers des objectifs, fournie par un professionnel certifié et un animal formé et certifié (IAHAIO 2014).
Les objectifs thérapeutiques des enfants autistes qui ont participé à des recherches antérieures sur la TAA étaient d’améliorer les interactions sociales, les compétences de communication verbale et non verbale et de réduire le stress physiologique (O’Haire 2013).

Le programme de TAA pour cet essai a été développé par des thérapeutes et des spécialistes du comportement canin de la fondation néerlandaise des chiens d’assistance Stichting Hulphond Nederland et des psychologues de l’organisation de soins de santé mentale GGZ Oost Brabant, spécialisés dans l’autisme. Le programme avait un protocole structuré et consistait en 10 séances individuelles hebdomadaires de 60 minutes par séance. Un chien de thérapie a été impliqué pendant toutes les séances de thérapie. Les thérapeutes qui dispensaient des TAA avaient un diplôme universitaire en soins de santé mentale et étaient spécialisés dans le travail avec des adultes autistes. De plus, les thérapeutes TAA avaient suivi des cours avancés sur le comportement et le bien-être des chiens.

Le stress perçu a été mesuré à l’aide de la Perceived Stress Scale (PSS; Cohen et Williamson 1988), qui contient dix items notés sur une échelle de Likert à cinq points allant de 0 «jamais» à 4 «très souvent».
Les symptômes psychologiques et physiques du stress ont été mesurés à l’aide de la liste de contrôle des symptômes révisée à 90 (SCL-90-R; Derogatis 1994).

Les déficits de la réponse sociale ont été mesurés à l’aide de l’échelle de réactivité sociale pour les adultes (SRS-A; Noens et al. 2012). La version néerlandaise du SRS-A contient 64 items et quatre sous-échelles: conscience sociale, communication sociale, motivation sociale, intérêts restreints et comportement répétitif. Chaque élément est noté sur une échelle de Likert à quatre points allant de 1 «faux» à 4 «presque toujours vrai».

L’estime de soi a été mesurée à l’aide de l’échelle d’estime de soi de Rosenberg (RSES; Rosenberg 1965), qui contient dix éléments, chacun noté sur une échelle de Likert à quatre points allant de 1 «très faux» à 4 «très vrai».

Discussion sur les résultats de la recherche sur la médiation animale chez les personnes autistes

Les résultats de cette étude exploratoire montrent que comparée au groupe témoin, la TAA avec les chiens réduit le stress et l’agoraphobie chez les adultes autistes. De plus, l’étude montre que la TAA ou médiation animale chez les personnes autistes réduit les difficultés au niveau de la réponse sociale (évaluée par les partenaires de vie des personnes, la famille proche et les amis).

Il y a aussi des indicateurs qui montrent une réduction des symptômes dépressifs. Ces effets positifs de plus ou moins grande importance durent jusqu’à 10 semaines.

Le taux de participation était élevé : 98 % ont suivi au moins 9 cessions de travail avec les chiens sur 10 cessions au total. Le taux est plus élevé que dans les autres études de même nature (Hesselmark et al. 2014; Turner-Brown et al. 2008; 62–92%). Les chercheurs déduisent que ce type d’intervention est possible pour les personnes qui sont motivées à y participer.

La diminution du stress peut être dû à une amélioration de la détection du niveau de stress interne par les personnes autistes et le fait qu’ils trouvent des solutions pour réduire ce niveau.

Cela peut être lié aussi au fait que lors de la TAA, un contexte relaxant est mis en place, comme par exemple du temps d’interaction libre avec le chien.

Plusieurs études montrent qu’il y a aussi des effets positifs au contact physique directe avec le chien qui peut aider à réduire le stress (Beetz et al. 2012).

Deux études (Tabares et al. 2012; Viau et al. 2010) ont montré une diminution du stresse physique par une baisse du niveau de cortisol.

Bien que l’intervention ait montré une réduction des problèmes psychologiques et physiques, cet effet n’a pas atteint le niveau de signification statistique pour un score d’échelle combinée, et la taille d’effet n’a dépassé que légèrement le seuil de signification clinique.

De manière étonnante, l’exploration des sous échelles montre des effets sur l’agoraphobie. Cette variable n’a jamais été investiguée avec les enfants autistes dans la recherche scientifique. Une explication possible de l’effet sur l’agoraphobie peut être qu’au cours des trois dernières séances de l’intervention, les participants, accompagnés du thérapeute et du chien, ont travaillé sur les peurs sociales et le contrôle des stimuli environnementaux en quittant l’établissement de santé mentale et en pratiquant dans le monde extérieur.

Une autre explication possible est que la diminution du niveau de stress ait une influence sur l’agoraphobie car les deux sont liés (Vreeburg et al. 2010).

En plus des résultats pour l’agoraphobie l’analyse montre une réduction significative des scores liés à la dépression dans les conditions d’intervention. Cependant lorsque les résultats sont corrigés avec les covariables cet effet n’atteint pas un niveau statistique significatif. Des recherches plus approfondies seraient nécessaires pour investiguer cette piste de travail.

Il est possible que la réduction du stress perçu réduise aussi la dépression car il existe un lien entre les deux (Vreeburg et al. 2010).

Il est aussi possible que l’activité physique et les contacts sociaux durant les cessions aient une influence sur le sentiment dépressif.

Dans cette étude les résultats en matière d’amélioration de la réponse sociale correspondent à ceux observés dans les études avec les enfants autistes.

Cependant, ces dernières études montrent principalement des améliorations à un niveau plus basique de la communication sociale (par exemple, regarder les yeux, faire des sons ou parler avec des mots), qui ont été évaluées à l’aide d’observations et d’enregistrements vidéo (O’Haire 2013).

Gabriels et coll. (2015) ont utilisé le même instrument que celui utilisé dans notre étude, mais pour mesurer la réactivité sociale dans un programme d’équitation thérapeutique pour les enfants autistes. Ils ont trouvé des résultats similaires dans les rapports indirects et ont émis l’hypothèse que l’amélioration des compétences de communication sociale pourrait être attribuée à la capacité unique des animaux à servir de soutien social ou à agir comme catalyseur social dans un cadre thérapeutique.

Les résultats n’ont montré aucun effet d’intervention significatif sur l’estime de soi. La littérature montre que les interventions axées directement sur l’amélioration de l’estime de soi sont plus efficaces que les interventions axées sur d’autres cibles (Haney et Durlak 1998), comme c’était le cas dans cette étude. Contrairement au stress élevé et aux symptômes psychologiques, une faible estime de soi n’était pas un critère d’inclusion pour les participants. Dans les recherches futures, il est important de considérer comment l’estime de soi devrait être ciblée dans les TSA, en particulier lorsque les participants montrent des niveaux moyens, comme ils l’ont fait dans notre étude.

Médiation animale chez les personnes autistes : un dessin humoristique

Limites de l’étude et perspectives

Une des limites de la recherche est la taille relativement petite de l’échantillon. Il est possible que certains des effets soient significatifs dans un échantillon plus large. Cette étude ayant un caractère exploratoire, un échantillon de 30 à 40 participants a été considéré comme suffisant (Hertzog 2008).

Une autre limite est qu’une généralisation des résultats pourrait être limitée en raison du manque de diversité ethnique de l’échantillon et de l’exclusion des personnes institutionnalisées, des personnes ayant une déficience intellectuelle et des personnes ayant peur des chiens.

D’après les chercheurs, il s’agit du premier essai contrôlé randomisé qui a démontré les avantages d’une intervention impliquant des chiens chez des adultes autistes. En raison de ses effets cliniquement pertinents et du respect strict des protocoles de recherche mis en place, la TAA ou médiation animale chez les personnes autistes peut être considérée comme une thérapie à étudier dans le cadre d’une réduction du stress pour les personnes autistes. Des recherches supplémentaires sont nécessaires sur les effets de l’AAT chez les personnes autistes et avec des échantillons de plus grande taille.


Référence : Wijker C, Leontjevas R, Spek A, Enders-Slegers MJ. Effects of Dog Assisted Therapy for Adults with Autism Spectrum Disorder: An Exploratory Randomized Controlled Trial. J Autism Dev Disord. 2020;50(6):2153-2163.




DSM-5 et TSA : bilan d’étape des critères de l’autisme cinq ans après sa parution

Lors du travail sur le DSM-5 et après sa parution, un débat est apparu concernant la définition de l’autisme et celui-ci a toujours cours aujourd’hui. Dans le DSM-4 les Troubles  Envahissants du Développement (TED) étaient répartis en plusieurs catégories : l’autisme, le syndrome d’Asperger, les TED non spécifiés et le trouble désintégratif de l’enfance. Le DSM-5 regroupe l’ensemble de ces catégories en une seule entité nommée Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA).

Pour certains, cela représente une avancée dans la standardisation du diagnostic de l’autisme, pour d’autres cette nouvelle définition exclut certaines personnes qui ne peuvent ainsi pas bénéficier des aides dont elles auraient besoin.

Cela a déclenché de nombreuses recherches et cinq ans après, les premiers résultats commencent à émerger. Il s’avère que les deux parties avaient raison. D’une part les critères de diagnostic de l’autisme ont été précisés et les cliniciens de sites différents ont plus tendance à arriver aux mêmes conclusions diagnostiques qu’auparavant. D’un autre côté ces nouveaux critères ont tendance à exclure plusieurs profils parmi lesquels on retrouve notamment les personnes moyennement affectées, les adultes et les filles/femmes qui savent mieux masquer leurs traits autistiques.

Thomas Frazier, directeur du Cleveland Clinic Center for Autism qui a conduit les études qui ont permis de valider le DSM-5 explique que :

“We are missing some of the highest-functioning cases when we apply DSM-5 criteria (…) We are not missing a ton of them, but we are missing some, and it’s a reasonable amount. It raises the question of whether or not we could do better.”

Traduction libre : Nous manquons certains des cas avec le plus haut niveau de fonctionnement en appliquant les critères du DSM-5. Nous ne manquons pas une tonne d’entre eux, mais nous en manquons certains, et c’est une quantité raisonnable. Cela fait émerger la question de savoir si oui ou non nous pourrions faire mieux.

Les experts ne sont pas d’accord

A l’origine lorsque le DSM-5 a été rédigé, le comité en charge de la rédaction du chapitre sur l’autisme est parti d’un constat : les professionnels avaient énormément de difficulté à distinguer les cas entre autisme, syndrome d’Asperger et TED non spécifiés. Ainsi selon le lieu d’habitation, l’âge ou le niveau de connaissance de ces différentes dénominations par le praticien les termes du diagnostic variaient. Il y avait donc une iniquité de diagnostic et donc d’accès aux aides pour les personnes concernées.

A ce sujet Catherine Lord, directrice du Center for Autism and the Developing Brain à New York-Presbyterian Hospital, et membre du comité sur l’autisme du DSM-5 dit que :

“It was clear that the same child could get a PDD-NOS, Asperger or autism diagnosis from different people, depending on who diagnosed them (…) It was also clear that kids could get a different diagnosis at different points of their lives”

Traduction libre : il était clair qu’un même enfant pouvait recevoir un diagnostic de TED non spécifiés, Asperger ou autisme de différentes personnes selon les personnes qui posaient le diagnostic (…) il était aussi clair que ces enfants pouvaient recevoir un diagnostic différent à différents moments de leur vie.

Il existe aussi une grande disparité territoriale dans les aides financières et humaines aux États-Unis. Par exemple en Californie, les personnes diagnostiquées « autistes » avaient accès à des services et les personnes avec un diagnostic d’Asperger n’y avaient pas droit. Les parents insistaient donc souvent auprès des psychiatres pour que leur enfant ait un diagnostic d’autisme même s’il était Asperger afin qu’il puisse recevoir l’aide dont il a besoin. A l’inverse, dans une ville comme New-York City des aides étaient apportées aux personnes avec un diagnostic d’autisme et de syndrome d’Asperger. Dans ce cas les parents insistaient pour que leur enfant ait un diagnostic d’Asperger car cela était moins discriminant pour accéder aux écoles, notamment prestigieuses.

Pour apporter une réponse à ces problématiques le comité en charge de la rédaction des critères de diagnostic de l’autisme pour le DSM-5 a donc essayé de redéfinir ces critères pour qu’ils soient moins subjectifs, moins liés à la sensibilité du praticien et donner des directives claires à tous les professionnels. Dans le DSM-4 les critères de diagnostic étaient définis par la triade autistique :

  •  troubles des interactions sociales
  •  troubles de la communication sociale
  •  comportements répétitifs et restreints

Comme il existait des chevauchements entre les troubles des interactions sociales et les troubles de la communication sociale, la triade a été transformée en dyade :

Comparatif des catégories et critères diagnostics dans le DSM-4 et le DSM-5

Cette nouvelle dyade autistique englobe donc tous les profils autistiques, de la personne non verbale avec déficience intellectuelle à la personne verbale avec un haut niveau de fonctionnement. Afin de distinguer le niveau de difficulté des personnes une échelle de « sévérité de l’autisme » qui comporte trois niveaux a été établie.

Une différence notable existe aussi entre le DSM-4 et le DSM-5 dans le choix des sous critères de diagnostic. Dans le DSM-4 ce choix était entièrement laissé libre au praticien qui pouvait choisir sans restriction 6 items parmi les 12. Le surnom de « menu chinois » a été donné au DSM-4 en raison de cela. Le DSM-5 est plus restrictif et précise par exemple que les personnes diagnostiquées doivent présenter au moins deux des quatre critères qui concernent les comportements répétitifs et restreints.

Si cela a le mérite de mieux cadrer les diagnostics délivrés, cette grande rigidité est aussi un facteur d’exclusion de certains profils autistiques. Ainsi le professeur Fred Volkmar montre que seules 61 % des personnes diagnostiquées autistes avec le DMS-4 le seraient également avec le DSM-5 (Sensitivity and specificity of proposed DSM-5 diagnostic criteria for autisms pectrum disorder Running Head: DSM-5 ASD in Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, April 2012). Les personnes avec le syndrome d’Asperger sont les plus touchées et leur taux baisserait à 25 %. Les critères du DSM-5 semblent discriminer les personnes avec le plus d’habiletés cognitives.

Cette étude a été très critiquée lors de sa sortie, cependant plusieurs années après, d’autres études viennent confirmer cela. La dernière en date est une méta-analyse (une méta analyse est une étude qui regroupe l’ensemble des études réalisées sur un sujet particulier) réalisée en 2016.

Volkmar considère que l’impact de ces exclusions sera pleinement visible dans 10 ou 15 ans lorsque toutes ces personnes auront grandi. Pour beaucoup si elles avaient pu bénéficier d’une aide adaptée, elles auraient eu plus de chance d’inclusion dans la société. En étant livrées à elle même elles vont nécessiter bien plus de soutien une fois adulte.

Bilan cinq ans après la parution du DSM-5

Après cinq années de mise en place du DSM-5, les études montrent que les adultes autistes non diagnostiqués jusque là, les personnes avec une intelligence élevée et les femmes sont les plus susceptibles de passer au travers des mailles du diagnostic. C’est ironique de constater qu’au moment ou les chercheurs commencent à s’apercevoir que les femmes ont été exclues des critères de diagnostic pendant des décennies, le nouveau manuel mis en place accentue cet état de fait.

W. Mandy, chercheur et conférencier aguerri au University College London explique que :

“There is a fairly solid emerging evidence base that, on average, autistic girls and women score lower on measures of repetitive and stereotyped behaviors than do autistic males. You can begin to see how the move from DSM-4 to DSM-5 may be excluding some females on the basis of their less severe stereotyped behaviors.”

Traduction libre : il y a des preuves émergentes assez solides qu’en moyenne les filles et les femmes ont des scores plus faibles dans la catégorie des comportements répétitifs et restreints que les hommes autistes. On commence seulement à voir que le passage du DSM-4 au DSM-5 peut exclure certaines femmes en se basant sur des comportements répétitifs et restreints moins sévères.

De l’autre côté du spectre, certains des défenseurs des personnes autistes dites « sévères » sont également mécontentes. Comme les personnes qu’ils défendent peuvent avoir une déficience intellectuelle importante associée, ils trouvent que les critères regroupent des personnes trop différentes qui n’ont finalement pas grand-chose en commun. D’autant que les médias sont plus promptes à mettre en avant la figure des portraits de personnes autistes présentées comme des génies plein de succès, faisant presque oublier qu’il existe une population de personnes autistes plus en difficulté et qui requiert un accompagnement adapté.

Vers une modification des critères du DSM-5 ?

Une des solutions proposées pour rééquilibrer les chances de diagnostic des personnes laissées de côté par les critères du DSM-5 est de ne retenir qu’un seul sous critère de la catégorie « comportements répétitifs et restreints » au lieu des deux qui doivent aujourd’hui être visibles pour le diagnostic. Cette idée a été proposée par Frazier un scientifique en chef pour l’association Autism  Speaks. Cela aurait permis de retrouver la même validité qu’avec le DSM-4 sans perdre les spécificités du DSM-5. Cette proposition n’a pas été retenue par peur de faire gonfler artificiellement la prévalence  de l’autisme. La plupart des membres du comité sont opposés à un assouplissement des critères.

Il n’y a pas de révision prévue pour le moment concernant le DSM-5, mais ces écueils pourraient être pris en compte dans la construction de la version à paraitre du ICD 11 (Classification Internationale des Maladies CIM 11). Le brouillon de cette future version montre qu’elle est en partie calquée sur le DSM-5, notamment en ce qui concerne la réunification des différentes appellations (autisme, syndrome d’Asperger, TED non spécifiés…) sous un même label. Par contre une marge de manœuvre plus grande est laissée aux cliniciens et une distinction plus nette entre les personnes avec et sans déficience intellectuelle est opérée.

De plus ce manuel de la ICD 11 reconnait pour les personnes sans déficience intellectuelle que le diagnostic peut intervenir de manière tardive dans la vie de l’individu et que ces personnes peuvent recevoir en première instance un diagnostic pour dépression ou anxiété. Il met aussi en lumière la notion de camouflage et la porte à l’attention des cliniciens. Cela devrait permettre à plus de femmes autistes de recevoir un diagnostic adapté.

Mais cette future version de la ICD entraine également des débats :

  •  certaines associations de parents militent pour qu’une terminologie différente soit employée pour les personnes Asperger
  •  les chercheurs qui travaillaient sur les personnes Asperger avant le DSM-5 rencontrent des difficultés pour étudier ce public qui compte maintenant sept dénominations : autistes sans handicap intellectuel, autistes sans déficience intellectuelle, autistes avec des habiletés cognitives dans la moyenne, autistes intellectuellement capables, autistes cognitivement capables, autistes à haut niveau de fonctionnement, autistes à haut niveau cognitif (note de l’auteur : ces termes sont issus d’une traduction des termes anglophones employés dans le champs de la cherche sur l’autisme, certains termes ne sont pas utilisés en français ou ont un intitulé complètement différent).

Malgré les critiques, les experts s’accordent à dire que les progrès entrainés par le DSM-5 contrebalancent les points négatifs. Cependant, comme aucune modification des critères du DSM-5 n’est envisagée, il faudrait sensibiliser davantage les professionnels qui sont amenés à poser un diagnostic d’autisme aux spécificités des profils considérés comme « limites » par les critères actuels.


Source :

Spectrum News, Why the definition of autism needs to be refined, Lina Zeldovich, mai 2018




RBPP : TED parcours de vie adulte

Ca y est ! Elle est enfin arrivée ! Après plusieurs mois d’attente la Recommandation de Bonnes Pratiques Professionnelles intitulée « Troubles Envahissant du Développement : interventions et  parcours de vie adulte » ou RBPP TED parcours de vie adulte est parue.

Plusieurs groupes de travail s’étaient réunis pour travailler dessus et une consultation nationale des associations avait été effectuée en juillet 2017. Les RBPP ou Recommandation des Bonnes Pratiques Professionnelles sont éditées par la Haute Autorité de Santé (HAS) ou par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm). Les RBPP ont pour objectif de promouvoir la bientraitance des personnes lors des accompagnements proposés par les dispositifs sociaux et/ou médico-sociaux, que cela soit en institution ou à domicile.

Deux premières RBPP concernent plus particulièrement les Troubles du Spectre de l’Autisme :

  •     La première est parue en 2009 et s’intitule : Pour un accompagnement de qualité des personnes avec autisme ou autres troubles envahissants du développement
  •     La seconde est parue en 2012 et s’intitule : Autisme et autres troubles envahissants du développement, interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent

Cette troisième RBPP TED parcours de vie adulte parue hier (19 février 2018) est davantage centrée sur les problématiques des personnes autistes adultes, qui sont souvent passées au second plan par rapport aux problématiques d’accompagnement des enfants. C’était d’ailleurs un des objectifs du troisième plan autisme de prendre davantage en considération les difficultés rencontrées par les personnes autistes adultes.

La RBPP TED parcours de vie adulte se compose comme suit :

  •     le passage de l’adolescence à l’âge adulte ;
  •     la participation de l’adulte autiste ;
  •     des rappels sur le diagnostic et les évaluations du fonctionnement chez l’adulte ;
  •     les interventions sur l’environnement de la personne (famille, professionnels, cadre de vie) ;
  •     l’accompagnement de l’adulte autiste et l’évaluation des effets attendus ;
  •     le parcours de santé ;
  •     la prévention et la gestion des comportements-problèmes ;
  •     le vieillissement.

 

La RBPP TED parcours de vie adulte donne des clés d’accompagnement permettant de favoriser la prise de décision de la personne elle-même afin de la remettre au cœur de son projet de vie et qu’elle subisse le moins possible les décisions d’autrui (professionnels d’accompagnement médico-social, famille, MDPH…). Pour cela l’accent est mis sur le respect des droits des personnes autistes. Les interventions proposées à l’adulte autiste doivent permettre la mise en œuvre au quotidien de ses droits, comme pour tout citoyen, notamment : le droit à la non-discrimination en raison du handicap, le droit à la dignité et à l’intimité, le droit à une vie personnelle, privée et familiale, la liberté d’aller et venir, la liberté de faire ses propres  choix, le droit d’accès aux soins, le droit à l’exercice de ses droits civiques (notamment le droit de vote), le droit à un logement… A l’heure actuelle ces droits fondamentaux ne sont pas toujours respectés et cela concerne indistinctement les personnes autistes avec ou sans déficience intellectuelle.

L’inclusion en milieu ordinaire doit être privilégiée dès lors que cela ne met pas péril la sécurité de la personne. Les formes d’habitats en milieu ordinaire, existantes ou à développer doivent être recherchées et peuvent être couplées avec des services à domicile. En tout état de cause, cette RBPP TED parcours de vie adulte rappelle que l’hôpital, notamment l’hôpital spécialisé (anciennement dénommé hôpital psychiatrique), n’est pas un lieu de vie.

Les interventions et les apprentissages porteront surtout sur les points suivants :

  • favoriser  la communication orale, écrite ou par d’autres supports de communication (pictogramme, images…),
  • aider aux interactions sociales pour favoriser l’autonomie et la socialisation, selon les capacités des personnes et la fatigue que cela engendre
  • aider à l’expression et la régulation de ses propres émotions et l’identification de celles des autres,
  • valoriser les centres d’intérêt restreints ou spécifiques en tant que compétences possibles et canaliser les comportements répétitifs envahissants,
  • aider la personne à appréhender  ses particularités sensorielles, en utilisant des outils comme le profil sensoriel
  • développer et maintenir les liens amicaux et familiaux, lorsque c’est le souhait de la personne
  • favoriser l’accès et l’éducation à une vie affective et sexuelle,
  • faciliter l’accès aux études, la formation et l’emploi pour contribuer à une inclusion professionnelle et sociale,
  • assurer l’accès aux activités culturelles, sportives ou de loisirs pour développer de nouvelles compétences et plus globalement la socialisation et l’estime de soi

Je tâcherais de rédiger prochainement un résumé de cette recommandation. Si vous êtes curieux, vous pouvez consulter les précédentes RBPP ici

Les RBPP se veulent être des guides d’action pour les professionnels du secteur médico-social et permettent d’informer sur ce qu’est l’autisme et ses particularités. Certes cela ne suffira pas à changer les mentalités et à ce que dès demain l’ensemble des personnes autistes trouvent leur place dans la société, mais c’est un point de départ.

Pour consulter cette nouvelle RBPP c’est ici :

RBPP TED parcours de vie adulte