Une étude comparative de l’expérience de la maternité chez les femmes autistes et non autistes

L’autisme est un trouble neurodéveloppementale, qui se caractérise par des difficultés de communication sociale accompagnées d’une forte préférence pour la répétition, des difficultés d’adaptation aux changements inattendus et un profil de sensibilités sensorielles atypiques.

La prévalence de l’autisme est estimée à 1–2% de la population. Il est plus souvent diagnostiqué chez les hommes que chez les femmes, avec un sex-ratio de 3:1 (homme:femme).

Propos introductif et état de la recherche

Peu d’attention a été accordée à la parentalité chez les adultes autistes, bien que l’autisme soit une condition qui dure toute la vie. Il n’existe actuellement aucune estimation du nombre d’adultes autistes qui sont parents. Entre 17 et 23 % des parents d’enfants autistes ont le « phénotype élargit de l’autisme » et l’autisme est en partie génétique.

Par conséquent, il est possible qu’un certain nombre de mères d’enfants autistes aient un autisme non diagnostiqué. Comme les femmes sont en moyenne diagnostiquées plus tard dans la vie que les hommes, certaines peuvent ne pas recevoir leur diagnostic avant d’être elles-mêmes déjà parents.

Bien qu’il existe de la littérature sur l’impact de la présence d’un enfant autiste sur la dynamique familiale et les parents, l’expérience des mères autistes elles-mêmes est relativement inexplorée.

A ce jour, seuls le vécu de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum chez les femmes autistes ont été étudiés. À l’aide de méthodes qualitatives, ces études ont mis en évidence des thèmes importants pour les mères autistes : expériences sensorielles accrues pendant la période périnatale, y compris l’allaitement ; l’importance d’avoir des consignes claires de la part des professionnels de santé et de la famille ; le stress qui découle de la pression d’être une mère parfaite ; et la stigmatisation des mères autistes comme « mauvais parents » par les professionnels de santé.

Cependant, des recherches supplémentaires sur la maternité des femmes autistes, au-delà de la période périnatale, sont nécessaires.

Les expériences des mères ayant une déficience intellectuelle et des troubles psychiatriques, qui sont souvent des comorbidités liées à l’autisme, peuvent éclairer notre compréhension des expériences possibles des mères autistes en présentant certains aspects communs.

Pour les femmes ayant une déficience intellectuelle et des troubles psychiatriques, la maternité est souvent une expérience souhaitable, mais la stigmatisation associée à leur condition a un impact majeur sur la façon dont elles se perçoivent en tant que mères.

La stigmatisation constitue également un obstacle majeur à l’accès aux services ou à la recherche du soutien des amis et de la famille. Pour les mères qui craignent d’être jugées sur leurs capacités parentales et qui craignent de perdre leur enfant au profit des services de protection de l’enfance, la peur de la stigmatisation peut les empêcher d’accéder aux services dont elles ont besoin.

Cela peut faire partie d’un sentiment plus large d’être stigmatisés que les adultes autistes rapportent. De telles craintes pourraient être fondées car les parents ayant une déficience intellectuelle sont souvent plus surveillés par les services sociaux et courent un risque plus élevé de voir leurs droits parentaux résiliés.

Les personnes autistes présentent un risque accru de problèmes de santé mentale par rapport aux personnes neurotypiques. On ne sait pas comment cela pourrait affecter les mères autistes.

Les sentiments d’isolement, la peur du jugement et la stigmatisation de l’autisme peuvent avoir un effet négatif sur la santé mentale, en particulier dans les premiers stades de la maternité où les femmes sont encore en train de s’adapter à leur nouvelle identité.

Des antécédents de dépression sont l’un des facteurs de risque les plus élevés de dépression post-partum. Compte tenu de la comorbidité de la dépression dans l’autisme, nous nous attendrions à ce que les mères autistes soient plus à risque de dépression post-partum que les mères neurotypiques, ce qui pourrait les isoler davantage. Cela peut signifier que les femmes autistes ont besoin d’un soutien supplémentaire sur mesure pour répondre à leurs besoins.

La connaissance des taux de dépression chez les mères autistes pourrait aider les services de soutien à anticiper leurs besoins probables, conduisant à une identification plus précoce des symptômes de dépression.

Les difficultés à traiter les expériences sensorielles, par exemple les problèmes d’allaitement, et à communiquer avec les professionnels, tels que les cliniciens, les sages-femmes et les infirmières peuvent être des éléments uniques de l’expérience de la maternité pour les femmes autistes. L’autisme est associé à une hypersensibilité sensorielle, conduisant souvent à une surcharge sensorielle.

Gardner et al. ont rapporté que pour certaines femmes autistes, cela rendait la sensation physique de l’allaitement désagréable, mais que les mères autistes étaient néanmoins capables d’allaiter avec succès car elles estimaient que c’était dans le meilleur intérêt de leur enfant

La capacité à surmonter les difficultés afin d’agir dans le meilleur intérêt de l’enfant peut jouer un rôle essentiel dans l’expérience de la maternité des femmes autistes.

L’objectif principal de cette étude était de fournir une enquête préliminaire sur la façon dont les femmes autistes vivent la période périnatale et la maternité précoce, par rapport aux mères non autistes.

L’équipe de recherche a développé une enquête en ligne accessible aux mères autistes et non autistes. Elle voulait s’assurer qu’un large éventail de problèmes était couvert et que ces problèmes reflétaient vraiment les besoins de la communauté autiste.

Au moment où cette enquête a été élaborée, il n’y avait pas de travaux publiés et évalués par des pairs sur les mères autistes. Pour cette raison, les chercheurs ont choisi de couvrir un large éventail de sujets qui pourraient éclairer les priorités futures et fournir des conseils aux décideurs politiques et, plus important encore, fournir aux mères autistes un soutien adapté lorsqu’elles défendent leurs besoins individuels.

La méthode de la recherche

L’équipe de recherche a été approchée par l’organisation Autism Women Matter pour mener une étude sur les expériences de la maternité chez les femmes autistes. Cette étude est le fruit d’une collaboration entre des mères autistes et des chercheurs universitaires. Six mères autistes au Royaume-Uni ont été recrutées pour former un comité consultatif.

L’enquête a posé une série de questions sur les expériences de la maternité. Celles-ci comprenaient la grossesse, l’accouchement et la période post-partum, l’auto-perception des forces et faiblesses parentales, la communication avec les professionnels par rapport à son enfant et les expériences sociales de la maternité, y compris la divulgation de son diagnostic d’autisme dans les contextes parentaux.

L’échantillon comprenait des mères autistes et non autistes qui étaient des parents, qu’elles soient ou non le parent biologique de l’enfant. Le recrutement était ciblé sur les mères qui avaient au moins un enfant autiste, de tout âge.

410 mères autistes et 258 mères sans diagnostic d’autisme (appelées mères non autistes) ont répondu à l’enquête. Après avoir apparié les groupes pour avoir au moins un enfant autiste diagnostiqué et/ou suspecté, cela a réduit l’échantillon de mères non autistes à 132 et l’échantillon de mères autistes à 355. Cinq pour cent des mères non autistes et 2% des mères autistes n’étaient pas la mère biologique de leur enfant.

Les résultats de l’enquête

Ci dessous une inforgraphie résumant les principales données statistiques de l’enquête :

Les mères autistes : forces et difficultés

Environ les deux tiers de l’échantillon de mères autistes ont déclaré avoir reçu un diagnostic d’autisme, tandis que le tiers restant s’est auto-identifié comme autiste mais n’a pas eu de diagnostic clinique. Les chercheurs ont inclus ces mères dans le groupe autiste car, bien que les mères diagnostiquées aient obtenu en moyenne un score plus élevé sur l’AQ-10 les mères autistes diagnostiquées et auto-identifiées ont obtenu des scores significativement plus élevés que les mères non autistes.

Plus de 60 % des mères ont reçu leur diagnostic d’autisme après le diagnostic de leur enfant.

La maternité chez les femmes autistes est un domaine négligé dans la recherche sur l’autisme. Nos résultats démontrent qu’il y a des aspects de la parentalité que les mères autistes trouvent plus difficiles que les mères non autistes.

Cela concernait surtout :

  • Des difficultés à communiquer avec les professionnels de santé,
  • Des perceptions négatives de leur rôle de mère, telles que la peur du jugement de leurs compétences parentales par d’autres,
  • Des taux élevés de dépression post-partum.

De plus, il existe des défis uniques au fait d’être un parent autiste, comme décider quand ne pas divulguer son autisme.

Les chercheurs ont également identifié des aspects positifs de la maternité pour les femmes autistes et pour une écrasante majorité de mères autistes, la parentalité était dans l’ensemble une expérience enrichissante.

Les mères autistes ont signalé plus de difficultés à interagir avec des professionnels, tels que les professionnels de santé ou les travailleurs sociaux, tout au long de leur expérience de parentalité. Plus de mères non autistes que de mères autistes pensaient qu’on leur avait expliqué le processus de la naissance d’une manière qu’elles pouvaient comprendre.

Les résultats de la recherche mettent en évidence comment les mères autistes peuvent être plus susceptibles d’avoir des difficultés à communiquer et à interagir avec les professionnels pendant leur grossesse.

Les mères autistes ont également déclaré qu’elles étaient réticentes à révéler qu’elles étaient autistes. En effet, plus de 80 % des mères craignaient que la divulgation de leur autisme n’affecte l’attitude d’un professionnel à leur égard et près de 40 % des mères avec un diagnostic ont déclaré qu’elles le révélaient rarement ou jamais.

Pour les mères qui soupçonnaient qu’elles étaient autistes mais n’avaient pas de diagnostic, ce chiffre est passé à 75 %. Des recherches antérieures ont montré comment la stigmatisation perçue du diagnostic d’un handicap ou d’un problème de santé mentale peut affecter la perception de la maternité.

Les mères autistes de notre échantillon ont déclaré avoir le sentiment que la maternité était une expérience plus isolante que les mères non autistes et avaient l’impression d’être jugées sur leurs compétences parentales, un thème également rapporté par Rogers et ses collègues.

Les mères autistes sont plus susceptibles de sentir qu’elles ne s’en sortent pas en tant que parents et de se sentir incapables de se tourner vers les autres pour obtenir du soutien.

De plus, les mères autistes peuvent craindre cette perception négative chez les professionnels, tels que les cliniciens ou les travailleurs sociaux, conduisant à une peur ou à une réticence à divulguer leur autisme.

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La peur du jugement des autres peut être liée à des
difficultés d’interaction. Plus de 40 % des mères autistes ont trouvé que
parler à des professionnels de santé ou travailleurs sociaux était si anxiogène qu’elles étaient soit incapables
de penser clairement, soit éprouvaient des difficultés de communication.

De plus, la stigmatisation perçue et la peur d’être considérée comme un « mauvais parent » pourraient dissuader les mères autistes de demander un soutien adaptés dont elles ont tant besoin.

Si les mères autistes sont moins susceptibles d’approcher d’autres parents ou professionnels pour obtenir des conseils et un soutien émotionnel, cela pourrait créer un cercle vicieux dans lequel les difficultés parentales peuvent devenir écrasantes, conduisant, par exemple, à un sentiment d’isolement.

Les résultats mettent en évidence le fardeau émotionnel que la maternité peut avoir sur les femmes autistes, qui pourrait être encore exacerbé par le manque de sensibilisation et d’acceptation, et par des services de soutien adaptés.

La recherche sur les expériences de la grossesse et de la petite enfance pour les mères autistes a mis en évidence les défis qui peuvent être associés au traitement sensoriel.

Cependant, malgré ces problèmes sensoriels, la plupart des mères de notre échantillon ont réussi à allaiter leur enfant, avec plus de 80% des mères autistes qui ont allaité leurs deux premiers enfants. Il se peut que les mères autistes aient pu ignorer les sensations tactiles désagréables associées à l’allaitement afin de faire ce qu’elles pensaient être le mieux pour leur enfant

La recherche s’est également intéressée aux expériences parentales des mères autistes tout au long de leur vie, ce qui va au-delà des recherches antérieures axées principalement sur les premiers stades de la maternité.

Conformément aux résultats antérieurs, des difficultés au niveau des fonctions exécutives ont été repérées. Celles-ci incluent des performances plus faibles sur les mesures de planification et de flexibilité mentale que les adultes neurotypiques.

Les mères autistes ont signalé une plus grande difficulté avec le multitâche, l’organisation et les responsabilités domestiques. Les difficultés de communication sociale et de planification, d’organisation, de multitâche et un fort besoin de routine peuvent être exacerbées lorsque les personnes autistes s’occupent de leur famille.

62 % des mères autistes ont estimé qu’elles avaient besoin d’un soutien supplémentaire en raison de leur autisme.

En termes de résultats positifs, 96% des mères autistes ont pu donner la priorité aux besoins de leur enfant avant les leurs et chercher des moyens de renforcer la confiance en soi de leur enfant.

De tels résultats mettent en évidence comment, malgré les défis liés à la gestion de la vie domestique quotidienne, les mères autistes peuvent les surmonter afin de prendre soin de leur enfant.

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Cela a été confirmé par 86% des mères autistes qui ont
déclaré qu’elles trouvaient la parentalité gratifiante. Semblable aux résultats
sur l’allaitement, les mères autistes ont pu surmonter les défis propres à leur
autisme, tels que les difficultés des fonctions exécutives et les problèmes
sensoriels, pour agir dans le meilleur intérêt de leur enfant.

Les mères autistes ont légèrement plus de difficultés à permettre à leur enfant des opportunités de socialisation (ce qui pourrait être dû au fait qu’elles doivent se socialiser avec d’autres mères et/ou parents). Malgré cela, 73 % des mères autistes ont tout de même déclaré qu’elles en étaient capables.

En plus de l’autisme, plus de 70 % des mères, avec ou sans diagnostic formel d’autisme, ont déclaré souffrir d’un trouble psychiatrique supplémentaire, contre seulement 41 % de l’échantillon non autiste.

Les mères autistes ont également déclaré être plus susceptibles de souffrir de dépression prénatale et postnatale, près de 60 % déclarant avoir souffert de dépression post-partum.

Cependant, les mères autistes peuvent être plus réticentes à se confier aux services sociaux et aux professionnels de santé. En effet, elles sont plus susceptibles de voir leurs droits parentaux résiliés entraînant la perte de leur enfant et craignent que leurs capacités parentales soient globalement constamment critiquées et jugées. Elles ne vont donc pas bénéficier des soutiens dont elles auraient besoin.

Les limitations de la recherche

À notre connaissance, il s’agit de la première étude portant sur l’expérience de la maternité chez les femmes autistes au-delà de la période périnatale. Notre enquête n’a pas toujours exploré les problèmes spécifiques au contexte. Par conséquent, les données rapportées ici doivent être considérées comme exploratoires.

L’échantillon des personnes non autiste peut ne pas être représentatif de la population générale des mères. L’échantillon non autiste n’incluait que des mères ayant au moins un enfant autiste et comprenait une proportion plus élevée que d’habitude de femmes ayant subi une dépression post-partum.

De plus, les mères de la recherche provenaient de pays à prédominance occidentale, ce qui suggère que les thèmes rapportés ici peuvent ne pas s’appliquer aux femmes de pays non occidentaux.

Enfin, 6 % des mères qui ont déclaré s’identifier comme autistes n’ont pas reçu de diagnostic d’autisme d’un clinicien. Cela reflète que l’échantillon de femmes peut ne pas être représentatif à la fois de la population générale et de la population autiste des mères et peut donc réduire la généralisation des résultats.

De plus, étant donné la nature de l’étude, seules les mères alphabétisées, capables de comprendre les questions et ayant accès à un ordinateur ont pu répondre à l’enquête, soulignant encore une fois que les résultats de cette enquête peuvent ne pas être représentatifs de toutes les mères autistes.

Enfin, la moyenne d’âge des enfants et des mères lors de l’étude était assez élevée, les enfants étant des adolescents et des mères d’environ 40 ans au moment de la réalisation de l’enquête. Les réponses peuvent donc être influencées par le biais de souvenir.

Pohl AL, Crockford SK, Blakemore M, Allison C, Baron-Cohen S. A comparative study of autistic and non-autistic women’s experience of motherhood. Mol Autism. 2020 Jan 6;11(1):3. doi: 10.1186/s13229-019-0304-2. PMID: 31911826; PMCID: PMC6945630.




La structure de la matière cérébrale chez les jeunes enfants autistes peut présenter des schémas distincts

Cet article est une traduction du texte de la revue de vulgarisation Spectrum News, Structure of brain matter in young autistic children may show distinct patterns, dont vous trouverez les références complètes en bas de page. Il montre que la structure du cerveau diffère chez les personnes autistes et qu’il existe des différences de sexe chez les personnes autistes qui permettraient d’explorer des pistes sur les causes génétiques des différences entre femmes et hommes dans l’autisme.

Les plus longues fibres de neurones dans le cerveau des
jeunes enfants autistes sont structurées différemment de celles de leurs pairs
neurotypiques, selon la plus grande analyse de ce genre1.

L’étude, qui portait sur des enfants âgés de 2 à 4 ans,
confirme les résultats d’une poignée d’études plus petites chez des enfants de
cet âge. Cependant, les observations vont à l’encontre de celles largement
rapportées chez les enfants plus âgés et les adultes autistes.

Les fibres nerveuses et les cellules de soutien qui relient
ensemble différentes régions du cerveau composent la «matière blanche».
Certains chercheurs ont proposé que la connectivité entre les régions du
cerveau soit perturbée chez les personnes autistes, peut-être en raison
d’anomalies de la substance blanche.

Les chercheurs ont utilisé une technique appelée imagerie
pondérée par diffusion, qui suit le mouvement des molécules d’eau le long de la
matière blanche. En se basant sur le chemin de l’eau, les scientifiques peuvent
déduire la position de ces voies, explique la chercheuse principale Christine
Wu Nordahl, professeure agrégée de psychiatrie et de sciences du comportement à
l’Université de Californie à Davis.

Chez les enfants typiques, une mesure du mouvement de l’eau
augmente avec l’âge, mais les résultats montrent que la mesure diminue avec l’âge
chez les personnes autistes.

Des experts sans lien avec cette étude affirment qu’ils
trouvent les résultats convaincants.

Il s’agit de la première étude de ce type à être définitive

Pratik Mukherjee

Explique Pratik Mukherjee, professeur de radiologie à l’Université de Californie à San Francisco, qui n’était pas impliqué dans l’étude.

La nouvelle étude est également la première à analyser les
différences de matière blanche selon le sexe chez les jeunes enfants. L’étude a
constaté que la structure de la substance blanche chez les jeunes filles
autistes diffère de celle des filles typiques, mais aussi de celle observée
chez les garçons au développement typique et autistes.

Il s’agit d’une étude vraiment percutante […] [Elle est] à interpréter avec beaucoup de prudence et c’est un très bon ajout à la littérature.

Ralph-Axel Müller

Explique Ralph-Axel Müller, professeur de psychologie à l’Université d’État de San Diego en Californie, qui n’était pas impliqué dans l’étude.

Les routes de l’eau

 Les chercheurs
utilisent une mesure appelée anisotropie fractionnelle (AF) pour évaluer
comment les molécules d’eau se déplacent: des valeurs plus élevées signifient
que le mouvement des molécules est plus dirigé le long des voies, tandis que
des valeurs plus faibles signifient que leur mouvement est plus diffus.

Les scientifiques interprètent généralement les valeurs
supérieures comme étant meilleures que les valeurs inférieures, et certains
travaux ont décrit la substance blanche avec de faibles valeurs comme ayant une
intégrité structurale altérée.

L’interprétation des résultats de la nouvelle étude est
cependant compliquée, car l’imagerie pondérée en diffusion n’est qu’une mesure
indirecte de la structure de la matière blanche. De plus, les différences de
matière blanche peuvent provenir de différentes causes sous-jacentes chez les
jeunes enfants alors que ca n’est pas le cas chez les enfants plus âgés et les
adultes. Par exemple, les valeurs de FA peuvent refléter le nombre de neurones
dans une région particulière, ou le degré d’isolation des fibres.

Les chercheurs ont analysé les scans de 42 filles autistes
et 85 garçons autistes, ainsi que 26 filles typiques et 28 garçons typiques,
tous âgés de 2 à 4 ans. Ils ont scanné les enfants la nuit pendant qu’ils
dormaient.

Conformément à des études plus petites, le cerveau des
enfants autistes a montré une FA moyenne plus élevée que celle de leurs pairs
typiques. Cela reflète les résultats montrant que le cerveau des jeunes enfants
autistes croît anormalement vite – peut-être en partie parce qu’une
augmentation de la substance blanche peut entraîner une augmentation de l’AF.

Il semble y avoir quelque chose d’analogue que nous voyons dans la littérature d’imagerie de diffusion

dit Müller.

Cependant, des études antérieures ont montré que quelque
temps après l’âge de 4 ans, les personnes autistes ont des valeurs d’AF plus
faibles que leurs pairs typiques.

La littérature est moins documentée chez les jeunes enfants, autour de l’âge du diagnostic et plus jeune, qui est également très cohérente mais avec des résultats opposés

Derek Sayre Andrews

Explique Derek Sayre Andrews, un chercheur postdoctoral qui a travaillé sur l’étude.

On ne sait pas précisément quand le cerveau des enfants
autistes passe d’une FA anormalement élevée à une FA anormalement basse.
« Ce n’est pas clair quand il bascule et devient le contraire »,
explique Müller.

Les différences de sexe

Là où dans le cerveau ces différences sont localisées, cela peut faire allusion à la biologie sous-jacente de l’autisme. L’étude a révélé les plus fortes différences dans les voies allant et venant du cervelet, une partie du cerveau qui a été impliquée dans l’autisme mais dont l’implication a été sous-explorée. Le travail a été publié en décembre dans le Journal of Neurodevelopmental Disorders.

Les chercheurs ont également examiné trois autres mesures de
la structure de la substance blanche qui sont étroitement liées à l’AF. Pour un
en particulier, appelé diffusivité axiale, les filles autistes affichent des
valeurs plus élevées que les garçons autistes ou les enfants typiques des deux
sexes.

Cette différence est plus apparente dans le corps calleux,
un faisceau de fibres nerveuses qui relie les deux moitiés du cerveau et a
également été impliqué dans l’autisme.

Ils ont pu montrer une différence de sexe très prononcée dans la façon dont la microstructure de la substance blanche est anormale dans l’autisme. Cela peut être un indice sur les différences dans les causes génétiques de l’autisme chez les garçons par rapport aux filles.

explique Mukherjee

Les chercheurs suivent les enfants de l’étude pour suivre
l’évolution de l’AF et faire d’autres mesures avec l’âge. Ils examinent
également si l’intensité de ces changements est associée à la gravité des
traits de l’autisme.

References : Andrews D.S. et al. J. Neurodev. Disord. 11, 32 (2019) PubMed


Structure of brain matter in young autistic children may show distinct patterns, Spectrum News, Janvier 2020, Alla Katsnelson



Le projet Chatounette : le diagnostic des femmes autistes

Le projet Chatounette : le diagnostic des femmes autistes

Le sujet du sous diagnostic des femmes autistes est de plus
en plus abordé aussi bien par la communauté scientifique que par des médias
plus populaires.

Je ne vais donc pas m’attarder sur le sujet d’autant que les
deux derniers articles publiés ce mois-ci ont largement aborder cette
problématique.

Cette BD est l’occasion d’en parler de manière plus simple,
synthétique et avec humour, dans un objectif de vulgarisation.

Les principales causes du sous diagnostic des femmes autistes sont les suivantes :

  • Une analyse des comportements basées sur l’étude de profils masculins de personnes autistes ;
  • Des outils de diagnostic qui ne sont pas toujours adaptés au profil féminin ;
  • Une méconnaissance de l’expression des caractéristiques de l’autisme par les cliniciens chargés des diagnostics d’autisme ;
  • Des pathologies associées, comme la dépression ou le trouble anxieux, qui cachent le fait que la personne soit autiste ;
  • La prégnance de la psychanalyse qui considère parfois qu’il vaut mieux ne pas divulguer le diagnostic d’autisme d’une personne pour ne pas l’enfermer dans son handicap ;
  • Une capacité à masquer les traits autistiques au travers de différentes techniques connues sous le terme de camouflage social.

Si vous voulez avoir plus d’informations à ce sujet vous pouvez consulter cet article plus complet sur les caractéristiques des femmes autistes ou bien cette infographie qui résume les éléments principaux du phénotype autistique féminin.




Une infographie sur les femmes autistes : principales spécificités

Cet article a pour seul objectif d’expliciter l’ infographie sur les femmes autistes réalisée ci-dessous dans le but d’aborder de manière simple, quelques spécificités des femmes autistes.

Avant de voir ce qui diffère entre les hommes et les femmes autistes, il semble important de commencer par rappeler ce qui est commun : les caractéristiques de l’autisme. La dyade autistique définit par les troubles de la communication et des interactions sociales ainsi que les comportements répétitifs et restreints sont des éléments communs aux hommes et aux femmes autistes.

Ce qui diffère, c’est la manière dont certaines de ces caractéristiques s’expriment selon le genre. Cela ne concerne toutefois pas l’ensemble des hommes autistes ou l’ensemble des femmes autistes. Ce sont des tendances générales qui s’expriment davantage dans un genre ou un autre, mais les hommes autistes peuvent très bien se reconnaitre dans le profil féminin et inversement.

J’ajoute également que pour caractériser le profil féminin
de l’autisme, il ne faut pas uniquement faire une comparaison entre hommes et
femmes autistes, mais bien également entre femmes au développement typique et
femmes autistes. Car c’est bien la différence entre la population générale et
un fonctionnement autistique qui est en premier lieu recherchée par les
cliniciens.

Exceptionnellement, les références seront citées à la fin de chaque élément énoncé et non pas en bas de page comme c’est le cas habituellement, et ce dans le seul but de vous en faciliter la compréhension.

Cette infographie sur les femmes autistes n’a pas pour objectif d’être exhaustive de l’ensemble du phénotype autistique féminin, mais d’en présenter quelques caractéristiques principales, fondées sur des études scientifiques.

Une infographie sur les spécificités des femmes autistes

Le sexe ratio dans l’autisme

Si l’on s’intéresse au sex-ratio, les études montrent une prévalence importante du nombre de garçons par rapport aux filles : de 4 à 5 garçons pour une fille dans le DSM 4 et 3 à 4 garçons pour une fille dans la CIM-10. Une étude de 2005 de Fombonne fait état de 4 garçons pour une fille.

Le sex ratio varie peu en cas de déficience intellectuelle moyenne ou profonde, par contre il y a beaucoup plus de garçons chez les personnes autistes sans déficience (5.5 pour 1 à 6.7 pour 1). Les récents témoignages de femmes autistes sans déficience intellectuelle interrogent les chercheurs car chez elles l’expression de l’autisme est plus discrète, elles ont su masquer leurs difficultés et peuvent presque pour certaines, passer inaperçues en société.

Dans cette infographie sur les femmes autistes, j’ai choisi de retenir le sex ratio issu d’une étude de Loomes et al. (2017) et qui fait état de trois garçons pour une fille autiste, car cette étude est récente et semble être largement reprise par la communauté scientifique.

Référence : Loomes, R., Hull, L., & Mandy, W. P. L. (2017). What Is the Male-to-Female Ratio in Autism Spectrum Disorder ? A Systematic Review and Meta-Analysis. Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, 56(6), 466‑474.

Les comorbidités chez les femmes autistes

Selon une étude récente le TDAH, l’anxiété et la dépression sont les trois pathologies associées fréquemment retrouvées chez les femmes autistes : TDAH hommes autistes = 32 %, TDAH femmes autistes = 42.7 %, anxiété chez les hommes autistes = 18 %, anxiété chez les femmes autistes = 25.4 %.

On retrouve les mêmes comorbidités chez les hommes mais quelques différences existent :

  •  pour l’anorexie, beaucoup plus présente chez les femmes autistes : 6.8% dans l’étude citée contre 0% d’hommes autistes
  •  Il y a également une différence au niveau du taux de dépression : 6 % chez les hommes autistes contre 13.5 % chez les femmes autistes.
  •  5 % d’hommes autistes ont des TOC, contre 0 % chez les femmes autistes. 

Référence : Margari L., Palumbi R., Peschechera A., Craig F., De Giambattista C., Ventura P., Margari F. Sex-Gender Comparisons in Comorbidities of Children and Adolescents With High-Functioning Autism Spectrum Disorder, 2019,  Frontiers in Psychiatry,  10 , art. no. 159

La motivation sociale plus importante

La motivation sociale semble être plus importante chez les
femmes autistes par rapport aux hommes autistes, comme le montrent plusieurs
études (Head et al. 2014; Sedgewick et al. 2015).

Si la motivation sociale et l’attention à l’autre sont
présentes chez les femmes autistes en théorie, elles peinent néanmoins dans la
pratique à nouer de véritables relations avec leurs pairs. Cela concerne aussi
bien le fait d’initier la communication que la capacité à maintenir des
relations.

Référence : Sedgewick, F., Hill, V., Yates, R., Pickering, L., & Pellicano, E. (2015). Gender Differences in the Social Motivation and Friendship Experiences of Autistic and Non-autistic Adolescents. Journal of Autism and Developmental Disorders.

Les intérêts spécifiques

Lors de la journée internationale de la recherche sur
l’autisme en 2017, des chercheurs ont présenté une étude une étude basée sur
les enregistrements vidéos des passations de 22 garçons et 22 filles autistes
(test ADOS), tous âgés entre 9 et 15 ans. Ils ont trouvé que les filles
autistes sont plus susceptibles de parler des intérêts spécifiques dans les
relations en particulier avec les animaux. Par contraste les garçons autistes
ont plus d’intérêts non sociaux, comme les puzzles ou les jeux sur ordinateur.
Tony Attwood (2007) a remarqué cette différence de genre dans le choix des
thématiques des intérêts spécifiques des personnes autistes. Les filles ou les
femmes ont souvent un centre d’intérêt qui n’est pas inapproprié à leur âge et
dont le sujet est assez commun, par exemple une fille qui aime les poupées
Barbies. C’est par contre soit l’utilisation des objets ou le temps consacré au
sujet d’intérêt qui vont le faire différer de la norme.

La perception sensorielle

Les études scientifiques ne sont pas des vérités absolues et elles évoluent en fonction des protocoles. Pour la question des perceptions sensorielles, il semblerait que plusieurs études montrent que les filles/femmes autistes ont davantage un profil hypersensible plutôt qu’hyposensible.

C’est notamment le cas pour le sens du touché. Elles seraient aussi plus sensible à la luminosité et les bruits de fond seraient plus difficile à filtrer que pour les hommes autistes.

Référence : Rynkiewicz, Agnieszka & Łucka, Izabela. (2015). Autism spectrum disorder (ASD) in girls. Co-occurring psychopathology. Sex differences in clinical manifestation. Psychiatria Polska. 52. 1-11. 10.12740/PP/OnlineFirst/58837.

La notion de camouflage social

Elle se définit par le fait de masquer/cacher ses traits
autistiques. La notion de camouflage n’est pas l’apanage des femmes. Les hommes
autistes utilisent des stratégies afin de masquer les comportements les plus
embarrassants socialement qui sont liés à l’autisme. Cependant ils y arrivent
généralement avec moins de succès et ce phénomène est plus répandu chez les
femmes.

Le camouflage demande une concentration, un contrôle de soi
et une auto-régulation importante qui consume l’énergie des personnes autistes
et créer une fatigue importante. Le camouflage peut aussi conduire à une baisse
de l’estime de soi, une forte anxiété et une perte d’identité.

Référence : Putting on my best normal, Laura Hull, K. V. Petrides, Carrie Allison, Paula Smith, Simon Baron‑Cohen, Meng‑Chuan Lai3, William Mandy, 2017, Journal of autism and developmental disorders

Les violences sexuelles

Du 23 au 25 Janvier 2019, avait lieu à Paris le 17ème congrès de l’Encéphale réunissant les professionnels de la psychiatrie. A cette occasion le Docteur Gourion y a présenté les résultats d’une enquête par questionnaire montrant que 88 % des femmes autistes déclarent avoir subit une ou plusieurs violences (que ce soit des viols, tentatives de viols, attouchements, baisers non désirés…). 51 % déclarent avoir subit une pénétration sexuelle sous contrainte. 84.5 % des femmes autistes ont déclaré avoir été victimes de plusieurs agressions sexuelles. Dans 47 % des cas, l’âge de la première agression était inférieur à 14 ans.

Référence : https://femmesautistesfrancophones.com/2019/02/09/femmes-autistes-congres-encephale-2019/

Le harcèlement

Malheureusement la question du harcèlement touche aussi bien
les hommes que les femmes. Je n’ai pas connaissance d’étude montrant une
différence de genre à ce niveau. Par contre les études montrent qu’il y a une
proportion plus importante de harcèlement chez les personnes autistes que chez
les personnes non autistes.

Une étude menée par Sterzing et al. 2012 a analysé le taux
de harcèlement chez les personnes autistes dans un échantillon de 900 parents
de jeunes autistes âgés de 13 à 16 ans. Un taux de 46.3 % de jeunes victimes de
harcèlement a été trouvé, il est significativement supérieur à celui trouvé
dans la population générale des adolescents qui s’élève à 10.6 % (Nansel et al.
2001). Une étude de Cappadocia et al. 2012 qui porte sur un échantillon de 192
parents de jeunes autistes âgés de 5 à 21 ans montre que 54 % des situations de
harcèlement durent plus d’un an. Les jeunes avec des traits autistiques moyens
à élevés ont plus de chance de se faire harceler que les jeunes qui ont des
traits autistiques plus faibles et/ou moins visibles (Zablotsky et al. 2014).

Le suicide chez les femmes autistes

Une étude récente s’est intéressée au suicide chez les femmes
autistes.

Dans la population générale, le suicide se produit plus
souvent chez les hommes que chez les femmes, avec un ratio de 3.5 pour 1 (NIMH,
2018) et les femmes ont également tendance à utiliser des méthodes de suicide
moins violentes que les hommes (Ajdacic-Gross et al., 2008).

Entre 2013 et 2017, l’incidence cumulative des décès par
suicide des femmes autistes était de 0.17 % alors qu’elle n’est que de 0.05 %
dans la population générale. Le taux de suicide des femmes autistes est donc
bien beaucoup plus élevé comparativement aux femmes de la population générale.

La méthode de suicide ne diffère pas entre les hommes et
femmes autistes dans cette étude, l’hypothèse 3 selon laquelle les hommes
autistes utiliseraient des méthodes de suicide plus violente n’est donc pas
validée dans cette recherche.

Référence : A 20-Year Study of Suicide Death in a State wide Autism Population, Autism Res. 2019 Jan 21.

Pour conclure j’espère que cette infographie sur les femmes autistes permettra aux professionnels, aux personnes autistes et à leur famille d’avoir un support simple et imagé permettant d’aborder ce sujet et de le vulgariser auprès d’un public non averti.

Vous pouvez retrouver cette infographie sur Pinterest : https://www.pinterest.fr/PhantomAutisme/infographies-sur-lautisme/




Le cerveau des filles autistes présente des caractéristiques anatomiques distinctes

Cet article est une traduction du texte d’Hannah Furfaro publié dans le magazine de vulgarisation Spectrum News dont vous trouverez les références complètes en bas de page et qui aborde la thématique des différences de sexe dans la structure du cerveau des personnes autistes.

Les réseaux de fibres nerveuses dans le cerveau des filles autistes sont plus fragmentés que ceux des filles typiques. En revanche, une nouvelle étude suggère que la structure du cerveau des garçons autistes ne peut être distinguée de celle des garçons typiques 1.

Les résultats viennent d’une des plus grandes études sur les
différences entre les sexes dans la structure du cerveau chez les personnes
autistes. Les chercheurs ont eu du mal à trouver un ensemble cohérent de
différences dans la structure du cerveau entre garçons et filles.

Nous pensions bien voir quelque chose chez les filles, mais nous ne nous attendions pas à ce résultat spectaculaire. Nous ne voyions rien chez les garçons, puis nous avons vu toutes ces différences chez les filles

Roger Jou

déclare le chercheur principal Roger Jou, instructeur au Yale Child Study Centre.

L’étude est remarquable pour son attention portée aux filles autistes, qui sont peu étudiées – en partie parce que peu d’entre elles sont diagnostiquées : environ quatre garçons pour chaque fille ont un diagnostic d’autisme.

Il est «super, super inhabituel» pour les études d’imagerie cérébrale d’inclure un échantillon significatif de filles autistes, déclare KajsaIgelström, professeure assistante de neuroscience à l’université de Linköping en Suède, qui n’a pas participé à la recherche.

[La nouvelle étude comprend] suffisamment de femmes pour au moins savoir qu’ils ont des résultats solides

KajsaIgelström

Contrôle de qualité

Les chercheurs ont recruté 25 filles et 56 garçons autistes,
et 15 filles et 23 garçons au développement typique. Cela a pris cinq ans pour
constituer ce groupe, ce qui reflète la difficulté de recruter des filles
autistes dans les études, explique Jou.

L’équipe a examiné le cerveau des participants à l’aide d’un
système d’imagerie par tenseur de diffusion, qui suit le flux d’eau le long des
voies nerveuses cérébrales pour révéler leur emplacement et leur intégrité.
L’intégrité est une mesure de la manière dont les réseaux sont ordonnés.

Deux chercheurs ont examiné les images pour détecter les
distorsions dues aux mouvements de la tête dans le scanner et ont exclu les
numérisations floues ou irrégulières.

C’était assurément une force de l’étude, le soin avec lequel ils ont abordé la façon de gérer le mouvement dans leur ensemble de données

Christine Nordahl

déclare Christine Nordahl, professeure agrégée de psychiatrie et de sciences du comportement à l’Université de Californie, non impliquée  dans la recherche.

Par rapport aux sujets témoins, les filles et les femmes
autistes ont une intégrité moindre dans plusieurs réseaux de nerfs, ont
découvert les chercheurs, notamment dans une zone reliant le lobe occipital
situé à l’arrière de la tête au lobe temporal latéral. Les différences sont
plus grandes du côté gauche du cerveau que du côté droit. Cela explique
peut-être les difficultés linguistiques des filles, car les principales régions
linguistiques du cerveau se situent dans l’hémisphère gauche, explique Jou.

Effet protecteur

Il n’y a pas de différences apparentes dans la structure du cerveau entre les garçons autistes et les garçons au développement typique. Les résultats ont été publiés en juillet dans Autism Research.

Les filles autistes ont des traits autistiques similaires à
ceux des garçons: les deux sexes ont obtenu des résultats similaires lors d’un
test de sévérité de l’autisme. Ce résultat correspond à une théorie appelée
l’effet protecteur féminin, disent les chercheurs. Cette théorie postule que
les facteurs biologiques – tels que le manque d’intégrité des voies cérébrales
– doivent être plus extrêmes chez les filles que chez les garçons pour aboutir
à l’autisme.

Cependant, la preuve est indirecte.

C’est cohérent avec l’effet protecteur féminin, mais je ne pense pas que ce soit une preuve de [la théorie] .

Christine Nordahl

Le groupe d’âge étendu des participants est une limite de
l’étude, dit Nordahl. Les différences structurelles chez les garçons et les
hommes autistes ne pourraient apparaître qu’à certains âges, et le regroupement
de personnes d’âges différents pourrait masquer cette variation.

Pour rendre compte de cette faille, l’équipe prévoit de
recruter plus de participants et d’analyser les résultats par âge, explique Jou.

1. Lei J. et al. Autism Res. Epub ahead of print (2019) PubMed


Références :
<a rel="noreferrer noopener" aria-label="Autistic girls’ brains show distinct anatomical features, by Hannah
Furfaro  /  16 September 2019, Spectrum News (opens in a new tab)" href="https://www.spectrumnews.org/news/autistic-girls-brains-show-distinct-anatomical-features/" target="_blank">Autistic girls’ brains show distinct anatomical features, by Hannh Furfaro  /  16 September 2019, Spectrum News



La délétion de l’ADN augmente les chances de l’autisme, en particulier chez les filles

Cet article est une traduction libre du texte  d’Emily Anthes publié dans la revue de
vulgarisation Spectrum news. Vous trouverez les références complètes en bas de
page.

La nouvelle étude1 suggère que la perte de 21 gènes sur le chromosome 3 augmente considérablement le risque d’autisme.

La fameuse délétion sur 3q29 augmente le risque de
schizophrénie jusqu’à 40 fois, mais semble également augmenter le risque
d’autisme de 16 fois chez les hommes et de 34 fois chez les femmes.

Note : la délétion est une mutation
génétique caractérisée par la perte de matériel génétique sur un chromosome.

La délétion est associée à certains problèmes sociaux – mais
pas à une motivation sociale réduite -, ainsi qu’à des comportements répétitifs
et à des intérêts limités, même parmi les personnes non autistes. La recherche
est basée sur les données de 93 personnes atteintes de la variante, le plus
grand groupe de ce type étudié jusqu’à présent.

Selon notre étude, la délétion de 3q29 s’accompagne d’un handicap social – un spectre de handicap social parfois suffisamment grave pour être qualifié d’autisme (…) Mais c’est un profil vraiment unique d’autisme ou de handicap social.

Jennifer Mulle

Déclare la chercheuse principale Jennifer Mulle, professeure associée de génétique humaine à l’Université Emory de Atlanta.

Plusieurs rapports de cas et études génétiques ont lié la
délétion à l’autisme2. Mais comme la délétion est rare et concerne seulement
environ 1 personne sur 30 000, il est difficile de définir son lien avec la
condition.

L’association avec  l’autisme n’avait pas assez de poids pour vraiment savoir s’il existait un risque accru

Julian Martinez-Agosto

Explique Julian Martinez-Agosto, professeur associé de génétique humaine à l’Université de Californie à Los Angeles, qui n’a pas participé à l’étude. « Et c’est ce que montre ce document et la raison pour laquelle je pense que c’est essentiel. »

Les différences de sexe

Mulle et ses collègues ont étudié 93 personnes inscrites
dans un registre identifiant une délétion sur 3q29 créé par Mulle en 2013. Ils
ont analysé des questionnaires médicaux que les porteurs (note : sous
entendu les porteurs de la délétion 3q29) ou leurs parents avaient remplis lors
de leur inscription au registre.

Dans l’ensemble, 29% des porteurs ont un diagnostic
d’autisme: 37% des hommes et 18% des femmes, soit un ratio de 2: 1. À titre de
comparaison, l’autisme est diagnostiqué chez 2,3% d’hommes et 0,5% de femmes
dans la population générale, soit un ratio d’environ 4: 1.

Cette différence dans le rapport suggère que la délétion
réduit le biais sexuel généralement observé dans l’autisme. Une explication du
biais lié au sexe est que les filles sont en quelque sorte protégées de
l’autisme et ont donc besoin d’un impact génétique beaucoup plus important que
les garçons pour être concernée par la condition.

 Ce que nos données impliquent, c’est que l’effet de la délétion de 3q29 sur le handicap social, quel que soit l’effet biologique, est si important qu’il surmonte partiellement l’effet protecteur qui existe chez les femmes

Jennifer Mulle

Les résultats sont apparus en juillet dans Molecular Autism.

En avril, Mulle et ses collègues ont signalé d’autres
différences entre les sexes dans un modèle murin (note : un modèle
d’expérimentation animal utilisant les rongeurs) de la délétion3. Les souris
femelles atteintes sont hypersensibles au son, alors que les hommes présentent
des problèmes d’interaction sociale et de mémoire spatiale, par exemple. Les
souris des deux sexes ont tendance à être petites.

Dans la nouvelle étude, l’équipe de Mulle a également remis
des questionnaires standard de dépistage de l’autisme à des sous-ensembles de
participants, y compris de nombreuses personnes non-diagnostiqués, ou à leurs
parents.

Les questionnaires suggèrent que les porteurs de délétion
ont plus de traits autistiques que les participants neurotypiques. Leurs
intérêts limités et leurs comportements répétitifs sont particulièrement
sévères; leur cognition sociale, leur communication et leurs interactions sont
modérément altérées.

Cependant, leur motivation sociale n’est que légèrement affectée.

C’est quelque chose que nous voyons lorsque nous interagissons directement avec les enfants (…) Ils veulent vraiment vous parler, ils veulent avoir des relations avec leurs pairs, ils veulent se connecter avec vous.

Jennifer Mulle

Cela diffère de ce que l’on voit chez la plupart des enfants
autistes sans suppression: leur niveau de motivation sociale a tendance à
correspondre à d’autres aspects de leur fonctionnement social.

Néanmoins, comme les résultats sont basés sur les rapports
des parents et les auto-évaluations, il convient de les interpréter avec
prudence, déclare Merlin Butler, professeur de psychiatrie et de pédiatrie à
l’Université du Kansas, qui n’a pas participé à la recherche. Et décrire les traits
associés à la délétion n’est qu’un début, dit-il, «La question suivante est de
savoir pourquoi.»

Mulle et ses collègues tentent de répondre à cette question
en identifiant les gènes du segment supprimé sous-tendant les différences de
comportement. Ils mènent également des évaluations détaillées, qu’ils conduisent
eux-mêmes avec des enfants atteints de la délétion pour en savoir plus sur le
syndrome.

Pendant ce temps, Mulle suggère que les cliniciens
contrôlent systématiquement tous les enfants atteints d’une délétion sur 3q29
pour l’autisme.

Références:

 Pollak R. et al. Mol.
Autism 10, 30 (2019)

 Sanders S. et al. Neuron
87, 1215-1233 (2015)

 Rutkowski T. et al. Mol. Psychiatry Epub ahead of print (2019)

DNA deletion boosts odds of autism, especially in girls by
Emily Anthes  /  2 September 2019



La communication dans le cerveau montre la différence de sexe dans l’autisme

Ce texte est une traduction d’un article paru dans le magazine Spectrum News le 3 juin 2019 et écrit par Jessica Wright.

Selon une nouvelle étude1, les femmes autistes présentent des liens exceptionnellement forts, et les hommes autistes particulièrement faibles, entre deux régions du cerveau spécifiques.

Les connexions s’étendent de deux régions du cervelet, qui régissent le
mouvement, les émotions et le langage, à des parties du cortex cérébral. Ce
dernier régule la perception sensorielle et la mémoire, entre autres fonctions.

Cette
différence de sexe dans le câblage cérébral pourrait refléter une cause
d’autisme ou une réponse à celle-ci; dans les deux cas, cela peut donner un
aperçu de la biologie de la condition.

C’est une mesure de la physiologie et de la fonction cérébrale qui, nous l’espérons, nous donnera une fenêtre sur ce qui se passe

Stephen Gotts

a déclaré le co-chercheur principal Stephen Gotts, chercheur principal à l’Institut national de la santé mentale

Les
résultats soulignent également l’importance du cervelet dans l’autisme, disent
les experts.

La communication entre le cervelet et le cortex cérébral peut être
particulièrement pertinente de la condition [autistique], explique Samuel Wang,
professeur de biologie moléculaire à l’Université de Princeton, qui n’a pas
participé à l’étude.

La projection [neurale] du néocortex au cervelet et au dos est l’une des caractéristiques dominantes de l’organisation du cerveau. Il serait donc logique de rechercher des indices sur l’organisation du cerveau dans l’autisme

a déclaré Wang

Incohérence de genre

Gotts et ses
collègues ont examiné le cerveau de 23 filles et femmes autistes et de 24
femmes témoins au repos. Ils ont également examiné 56 garçons et hommes autistes
et 65 témoins masculins. Les participants avaient entre
10 et 62 ans.

Les
chercheurs ont mesuré la «connectivité fonctionnelle», la mesure dans laquelle
deux zones du cerveau sont actives en même temps, ce qui suggère que les
régions communiquent entre elles.

Les femmes et les hommes autistes présentent des modèles de connectivité différents de ceux de leurs homologues habituels: les filles et les femmes montrent des liens plus forts entre le cervelet et le cortex que les témoins, tandis que les garçons et les hommes montrent des liens plus faibles. Les chercheurs ont rapporté ces résultats en avril dans Frontiers of Human Neuroscience.

La cause de cette différence de sexe n’est pas encore claire.

Il est vraiment difficile de dire si l’effet de différenciation des sexes observé est enraciné dans la biologie ou s’il s’agit d’une réponse adaptative de certaines femmes adultes autistes. Cette causalité ne peut être dissociée, et en particulier dans cet échantillon, car il s’agit d’une tranche d’âge très large

Meng-Chuan Lai

déclare Meng-Chuan Lai, professeur adjoint de psychiatrie à l’Université de Toronto. au Canada.

Les cerveaux des hommes autistes semblent plus similaires à ceux des femmes
typiques qu’à ceux des hommes typiques; de même, le cerveau des femmes autistes
ressemble à celui des hommes typiques. Ces résultats sont cohérents avec la
théorie de «l’incohérence de genre» selon laquelle les hommes autistes
présentent des traits féminins et inversement.

Je n’aurais pas parié sur cette théorie, mais il est intéressant de noter que les données nous disent qu’il y a quelque chose de sérieux à ce sujet

Adriana Dimartino

a déclaré Adriana DiMartino, directrice de la recherche au Autism Center du Child Mind Institute à New York, qui impliqué dans l’étude.

Les
résultats sont contraires à la théorie du cerveau masculin extrême, qui postule
que tous les individus autistes ont des cerveaux comme ceux des hommes
typiques, dit Gotts. Son équipe envisage de vérifier si les résultats sont
valables même lorsque les participants sont engagés dans une tâche.

  1. Smith R.E.W. et al. Front.
    Hum. Neurosci.
    13, 104 (2019) PubMed

Référence : Communication in brain shows sex difference in autism, by Jessica Wright  /  3 June 2019




Le camouflage social chez les personnes autistes

Le camouflage social chez les personnes autistes est un terme utilisé pour décrire les comportements qui consistent à cacher ou masquer des aspects de soi même (notamment ses caractéristiques autistiques) vis-à-vis d’autrui pour « traverser » les interactions sociales quotidiennes (Hull et al. 2017). Le camouflage est une expérience communément rencontrée par les personnes autistes lorsqu’elles naviguent dans le monde des personnes non autistes (Bargiela et al. 2016; Hull et al. 2017).

Propos introductifs sur le camouflage social chez les personnes autistes

L’autisme est une condition neurodéveloppementale, avec des difficultés dans les relations sociales et la communication sociale, ainsi qu’une attention accrue aux expériences sensorielles et aux détails (APA 2013). Il y a une prévalence élevée de problèmes de santé mentale chez les personnes autistes, tels que la dépression (Stewart et al. 2006), l’anxiété (Gillott et Standen 2007), l’anxiété sociale (Maddox et White 2015) et les comportements et idées suicidaires (Cassidy et al. 2014; Hirvikoski et al. 2016).

Les premières recherches sur le camouflage social chez les personnes autistes semblent montrer que celui-ci a un impact négatif sur la santé mentale (Bargiela et al. 2016; Cage et al. 2018a). Mais il existe encore peu de recherches dédiées à ce sujet pour mieux comprendre l’expérience du camouflage chez les adultes autistes, notamment dans quels contextes celui-ci intervient ainsi que le coût et les raisons pour lesquelles il est utilisé par les personnes autistes.

Une étude qualitative de Hull et al. (2017) montre que le camouflage social chez les personnes autistes peut être physiquement et mentalement fatiguant. Les participants rapportent qu’ils sont anxieux et stressés après avoir pratiqué le camouflage et ils se sentent dépossédés de leur identité.

Dans une autre étude qualitative, Bargiela et al. (2016) ont
interrogé des femmes autistes diagnostiquées tardivement et ont également noté
ce sentiment d’épuisement après le camouflage et l’impact négatif sur
l’identité. Dans une étude quantitative, Cage et al. (2018a) ont constaté que
les participants qui déclaraient spontanément se camoufler présentaient des
symptômes de dépression plus importants et se sentaient moins bien acceptés par
les autres. Le camouflage s’est également révélé être un marqueur de risque de
suicide chez les adultes autistes (Cassidy et al. 2018).

Ces études suggèrent l’effort fait pour se camoufler est
coûteux pour le bien-être et peut avoir des conséquences négatives sur des
constructions psychologiques telles que l’identité.

La camouflage social chez les personnes autistes

Selon le contexte dans lequel elles se trouvent les
personnes autistes vont plus ou moins utiliser le camouflage. On appelle cela
la théorie de la déconnexion. Cette théorie repose essentiellement sur l’idée
que les individus utilisent des informations spécifiques à un contexte pour
informer de la manière dont ils vont agir dans ce contexte, plutôt que de
s’engager dans tous les contextes de la même manière (Ragins 2008). En
conséquence, il y a une «déconnexion» de la présentation de soi et de
l’engagement entre différents contextes: par exemple, une personne peut décider
de discuter ouvertement de son identité autiste avec des amis mais pas avec des
collègues. Ragins (2008) suggère que plus les personnes font appelle à cette
déconnexion, plus cela nuit à la santé mentale. Cela peut aboutir à une fragmentation
de l’identité, de l’anxiété, du stresse et même aller jusqu’à la dépression
(Bowen and Blackmon 2003; Ragins 2008).

Il semblerait que la théorie de la déconnexion (Ragins 2008)
n’a pas été appliquée au camouflage. Il se peut que les personnes autistes
subissent une «déconnexion de camouflage» en se dissimulant dans certains
contextes, mais pas tous. Selon la théorie de la déconnexion (Ragins 2008), une
déconnexion plus importante du camouflage pourrait être liée à une réduction du
bien-être psychologique.

Si le camouflage social chez les personnes autistes est préjudiciable à la santé mentale, il est important de comprendre pourquoi de nombreuses personnes autistes y ont recours. Par conséquent, cette étude visait également à examiner les raisons possibles du camouflage. Il est toutefois concevable que les raisons du camouflage diffèrent selon le sexe de l’individu. Il existe des résultats mitigés concernant les différences de camouflage entre les sexes: une des hypothèses est que le camouflage contribue au diagnostic tardif ou erroné de l’autisme chez les femmes (Lai et al. 2015). Par exemple, Lai et al. (2017) ont constaté que les femmes autistes avaient des scores plus faibles que les hommes à l’ ADOS (Lord et al., 2000), ce qui reflétait leur «présentation externe», mais elles avaient des scores comparables pour les mesures de « présentation interne » des traits autistiques. Lai et al. (2017) fait valoir que le camouflage est plus fréquent chez les femmes en raison d’une plus grande différence entre les comportements «internes» et «externes» des manifestations de l’autisme, celles liées aux différences de diagnostic pour les femmes autistes.

Une autre hypothèse est que les hommes et les femmes
pratiquent tous deux le camouflage mais pas pour les mêmes raisons en partie
liées aux attentes sociales.

Certaines études (Cage et al. 2018a; Hull et al. 2017) ont montré qu’il y a peu de différence de genre dans le camouflage. Le camouflage social chez les personnes autistes apparait souvent en réponse à la stigmatisation. Les femmes autistes auraient une double contrainte : celle d’être autiste et celle d’être femme. C’est ce qu’on appelle l’intersectionnalité.

Définition de l’intersectionalité: L’intersectionnalité (de l’anglais intersectionality) est une notion employée en sociologie et en réflexion politique, qui désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société. Le terme a été proposé par l’universitaire afro-féministe américaine Kimberlé Crenshaw en 19891 pour parler spécifiquement de l’intersection entre le sexisme et le racisme subi par les femmes afro-américaines, les conséquences en matière de pouvoir, et expliquer pourquoi ces femmes n’étaient pas prises en compte dans les discours féministes de l’époque2. Le sens du terme a depuis été élargi dans les années 2010 avec la montée du cybermilitantisme et englobe désormais toutes les formes de discriminations qui peuvent s’entrecroiser (source Wikipédia).

Saxe (2017) soutient que les expériences des femmes autistes
peuvent être considérées dans un cadre intersectionnel – dans lequel les femmes
autistes sont marginalisées en raison de la focalisation masculine qui a dominé
le discours sur l’autisme.

Pour les hommes autistes les raisons du camouflage seraient
liées à la stigmatisation par rapport à l’autisme, sans que s’ajoutent les
préjugés liés à la féminité.

Plusieurs hypothèses vont être testées dans cette
étude :

1. Le camouflage déconnecté (le fait de se camoufler dans
certains contextes et pas dans tous) a un impact négatif sur le bien être
psychologique

2. Il existe des différences de genre dans les raisons qui
amènent les personnes au camouflage

3. L’âge du diagnostic peut influencer le camouflage, étant
donné que le camouflage peut être lié à un diagnostic erroné ou tardif.

Méthodes de l’enquête

L’échantillon se compose de 262 personnes autistes adultes âgées de plus de 18 ans, avec un âge moyen de 33.62. Les diagnostics ont ensuite été validés avec le Ritvo Autism and Asperger Diagnostic Scale (Eriksson et al. 2013). Les participants ont également rapporté d’autres diagnostics qui correspondent aux comorbidités habituellement retrouvées dans l’autisme (anxiété 51.9%, dépression 50.8%, ADHD 14%).

135 personnes sont des femmes, 111 sont des hommes, 12
participants sont non binaires ou a-genres, 4 personnes n’ont pas souhaité
dévoiler leur genre.

Au commencement de la recherche, les personnes ont été consultées concernant la pertinence de ce sujet pour la communauté des personnes autistes et l’enquête a été revue avec deux personnes autistes. Le questionnaire a été mis en ligne sur la plateforme Qualtrics et le temps de réponse était d’environ 20 minutes.

Trois profils-types de « camoufleurs » sont
identifiés dans cette étude :

  • Les personnes à haut niveau de camouflage : ce sont des personnes autistes qui pratiquent le camouflage social tout le temps, indépendamment du contexte
  • Les switchers : ce sont des personnes autistes qui vont modifier leur utilisation du camouflage selon les contextes dans lesquels ils interagissent (voir la théorie de la déconnexion évoquée précédemment)
  • Les personnes à faible niveau de camouflage : ce sont des personnes qui utilisent peu le camouflage social quelque soit le contexte

Résultats de l’enquête sur le camouflage social chez les personnes autistes

Hypothèse 1 : Le camouflage déconnecté (le fait de se camoufler dans certains contextes et pas dans tous) a un impact négatif sur le bien être psychologique

En utilisant la théorie de la déconnexion, deux contextes de camouflage ont été identifiés, formel et interpersonnel :

  • Contexte formel : comme le milieu de travail ou le milieu médical lors des RDV avec les professionnels médicaux
  • Contexte interpersonnel : où les interactions sont plus personnelles, comme les amis ou la famille

Les participants qui se camouflent dans l’un ou l’autre de ces contextes (switchers) montrent autant de symptômes d’anxiété et de stresse que ceux qui utilisent un camouflage élevé dans les deux contextes. Ceux qui utilisent peu le camouflage montrent des signes de stresse moins élevés que les personnes qui se camouflent selon le contexte ou qui ont un haut niveau de camouflage et une anxiété plus faible que ceux qui ont un haut niveau de camouflage.

Le camouflage apparait bien comme étant couteux en stresse
et en anxiété et le camouflage partiel (selon les contextes) pourrait être
aussi couteux que le camouflage continuel.

Deux explications au camouflage ont été trouvées :

  • Les raisons conventionnelles : faire
    illusion dans des contextes formels comme le travail ou l’éducation
  • Les raisons relationnelles : faire illusion
    dans les relations avec autrui

Les femmes sont plus enclines à adopter le camouflage pour
des raisons conventionnelles que les hommes.

L’analyse qualitative des réponses libres montrent également que le camouflage est adopté pour « passer » dans le monde des personnes non autistes, pour éviter d’être harcelé ou encore pour essayer de mieux gérer les impressions d’autrui.

Quelques citations extraites de l’analyse qualitative sur les raisons de l’utilisation du camouflage (traduction libre) :

Because society expects you to behave like neurotypical people

Parce que la société attend que vous vous comportiez comme les gens neurotypiques

To get through situations as painlessly and as quickly as possible

Pour traverser les situations le moins douloureusement et le plus rapidement possible

To stop bullying and mocking as I’ve experienced this when not masking

Pour éviter le harcèlement et les moqueries que j’ai vécu quand je ne me cachais pas

Because it makes my wife less embarrassed to be seen with me

Parce que ma femme est moins gênée d’être vue avec moi

Dans le contexte du camouflage social chez les personnes autistes, la théorie de la déconnexion n’est que partiellement validée. Selon cette théorie, les personnes qui se camouflent d’un contexte à un autre (switchers) devraient avoir un niveau plus élevé de stresse. Or les switchers et les personnes qui ont un haut niveau de camouflage ont un niveau de stresse comparable.  Cette découverte suggère que la déconnexion pourrait engendrer autant de tensions psychologiques sous forme de stresse qu’un taux de camouflage toujours élevé.

Ces niveaux de stresse équivalents pourraient être le résultat de la dissimulation de l’identité dans différents contextes (Ragins et al. 2007).

Les résultats obtenus pour les personnes qui ont un haut
niveau de camouflage correspondent aux études précédentes établissant une
corrélation entre les symptômes de santé mentale et le camouflage (Cage et al.
2018a; Hull et al. 2017). Alors que ceux qui changent ont moins d’impact en
cachant constamment leur identité, ils doivent néanmoins dépenser de l’énergie
pour évaluer le risque perçu de révéler leur identité autistique dans chaque
contexte. Cette autorégulation constante peut donc les amener au même niveau de
stress que ceux qui se camouflent constamment.

Pour ce qui est de l’anxiété, les personnes ayant un haut
niveau de camouflage  ont cependant
montré des symptômes d’anxiété significativement plus élevés que les personnes
avec un faible niveau de camouflage.

Une des explications pourrait être que les personnes qui qui
se camouflent tout le temps ont moins d’occasion de « retirer le masque »,
il y a donc une tension constante sur l’identité. Cela correspond aux
recherches précédentes qui traitent de l’anxiété et du camouflage social chez
les personnes autistes (Hull et al. 2017).

Cette anxiété peut aussi être liée au manque d’un espace
libre dans lequel pourrait s’exprimer l’identité réelle de la personne, comme
le montre d’autres recherches sur le sujet (Bargiela et al. 2016; Hull et al.
2017).

Une autre explication pourrait être que les personnes
autistes adoptent le camouflage en réponse à un fort niveau d’anxiété sociale.

Les chercheurs n’ont pas trouvé de différences entre les
trois profils types concernant la dépression. Il convient de noter que les niveaux
de dépression étaient élevés, en particulier par rapport aux scores de la
population non autiste (score moyen de 19,68 contre 5,66 dans Henry et
Crawford, 2005)

Cette constatation est en contradiction avec la découverte
de Cage et al. (2018a) qui montre des symptômes dépressifs plus élevés, mais
pas d’anxiété ni de stress, chez ceux qui se sont camouflés par rapport à ceux
qui ne l’ont pas fait.

Hypothèse 2 : Il existe des différences de genre qui expliquent les raisons du camouflage

La présente étude a trouvé des différences de genre,
notamment dans les raisons qui expliquent le camouflage. Les femmes adoptent
davantage le camouflage social pour des raisons conventionnelles que les
hommes. Cela ce produit dans le milieu du travail ou à l’école.

Il n’y a pas de différence de genre dans l’utilisation du
camouflage pour des raisons relationnelles, comme se camoufler pour se faire
des amis ou s’intégrer.

Les hommes et les femmes utilisent tous deux davantage le
camouflage pour des raisons conventionnelles que pour des raisons personnelles
mais les femmes le font dans des proportions plus importantes.

 Il convient de noter
que les hommes et les femmes consentent davantage aux raisons conventionnelles
qu’aux raisons relationnelles, mais les femmes font davantage appel aux raisons
conventionnelles que les hommes.

Ces résultats pourraient être expliqués par une approche
intersectionnelle du camouflage. L’intersectionnalité permet d’expliquer que
les femmes autistes se heurtent à des barrières spécifiques imposées par un
discours dominé par les hommes autour du sujet l’autisme (Saxe 2017).

En effet, dans l’étude Bargiela et al. (2016), des femmes
diagnostiquées tardivement ont expliqué qu’elles avaient du mal à s’adapter aux
attentes de la société concernant les rôles genrés (comme être une mère ou une
petite amie). Comme les femmes constituent souvent une minorité marginalisée
avec statut social minimisé, les femmes autistes ont plusieurs statuts
minoritaires, ce qui peut avoir contribué aux résultats de cette étude.

Pour comprendre la notion de camouflage sociale chez les
personnes autistes il semble important de prendre en compte le poids de la
société et des représentations stéréotypées qu’elle peut imposer aussi bien
vis-à-vis des femmes que de l’autisme.

Hypothèse 3 : L’âge du diagnostic peut influencer le recours au camouflage étant donné que le camouflage peut être lié à un diagnostic erroné ou tardif.

Les adultes diagnostiqués tardivement ont davantage recours
au camouflage pour des raisons conventionnelles alors que les enfants autistes
ont un taux égal de camouflage pour des raisons conventionnelles ou
relationnelles.

Les personnes autistes diagnostiquées tardivement ont passé
plus de temps à « naviguer » dans différentes situations sociales
sans avoir de soutien. Un accompagnement mis en place plus tôt dans la vie aurait
pu leur être bénéfique, notamment à l’école (Jones et al. 2014). Même pour les
adultes autistes il y a un manque d’accompagnement après le diagnostic qui est
préoccupant (Crane et al. 2018).

Des données qualitatives complémentaires ont permis de mieux
comprendre les raisons du camouflage :

1. En premier cela est dû à l’importance pour les personnes
autistes d’essayer de s’intégrer et de correspondre aux attentes sociales de la
société (Hull et al. 2017)

2. En second le camouflage est mis en place pour essayer d’éviter le harcèlement et les représailles. Les personnes autistes sont fréquemment des cibles pour les agresseurs (Schroeder et al. 2014) et elles ont quatre fois plus de chance d’être victime de harcèlement que leurs paires non autistes (Sterzing et al. 2012).

En effet, des études antérieures ont montré que les
individus autistes font souvent état d’expériences de stigmatisation
(Shtayermman 2009), de malentendus et de sous-estimation de leurs capacités
(Heasman et Gillespie 2017) Les personnes non autistes ont aussi tendance à
avoir une mauvaise première impression des personnes autistes (Sasson et al.
2017) et à les déshumaniser (Cage et al. 2018b).

Ces résultats suggèrent que les personnes autistes
rencontrent un «problème de double empathie» (Milton 2012) : les personnes
autistes ont des difficultés à comprendre le monde social des personnes non
autistes et les personnes non autistes ont du mal à comprendre le
fonctionnement social des personnes autistes.

Avec les taux élevés de camouflage rapportés chez les personnes autistes, comme montré dans cette étude et dans d’autres (par exemple, Hull et al. 2017), il apparaît que les autistes investissent beaucoup de temps et d’énergie dans la compréhension et la tentative d’intégration au monde des personnes non autistes (souvent au détriment de leur santé mentale) et à l’inverse les personnes non autistes semblent peu essayer de comprendre le fonctionnement des personnes autistes. Étant donné l’impact potentiel de la non-acceptation sur la santé mentale des personnes autistes (Cage et al. 2018a), il est essentiel de mener davantage de recherches sur l’amélioration de l’attitude des personnes non autistes à l’égard de l’autisme.

Je vous propose un schéma qui récapitule les points principaux mis en lumière par cette étude :

Le camouflage social dans l’autisme

Limites de l’étude et perspectives

L’échantillon est relativement homogène en matière
d’ethnicité et d’éducation, avec une majorité de personnes caucasiennes avec un
niveau d’étude plutôt élevé. De plus l’échantillon ne concernait que des personnes
autistes verbales avec un haut niveau de fonctionnement.

Cette étude peut avoir plusieurs implications
cliniques : en matière de diagnostic d’autisme, les cliniciens devraient
être informés de ce qu’est le camouflage et comment il fonctionne pour les
personnes autistes. Ils devraient avoir à l’esprit que les attentes social
vis-à-vis du genre et de l’autisme entrainent des comportements de camouflage
qui peuvent rendre plus difficile la pose du diagnostic.

De plus, les cliniciens doivent comprendre en quoi le camouflage social chez les personnes autistes peut être une stratégie mal adaptée, étant donné les coûts importants identifiés pour le bien-être psychologique.

On pourrait faire valoir que le camouflage présente un avantage adaptatif, par exemple pour aider à naviguer dans de nouveaux environnements ou, comme mentionné dans les réponses qualitatives de la recherche actuelle, pour simplement «traverser des situations aussi facilement et aussi rapidement que possible».

Autistes et non-autistes peuvent utiliser des stratégies de
présentation de soi pour donner une impression positive à autrui et pour
naviguer dans des situations sociales (Cage et al.2013; Scheeren et al. 2016).
Cependant, pour les personnes autistes, les aspects potentiellement adaptatifs
du camouflage reflètent en fin de compte le manque de compréhension produit par
la société et les efforts immenses que doivent faire ceux qui ne rentrent pas
dans ce monde pour «passer», éviter de se faire intimider, ou faire reconnaître
leur travail.


Understanding the Reasons, Contexts and Costs of Camouflaging for Autistic Adults, Eilidh Cage, Zoe Troxell‑Whitman, Journal of Autism and Developmental Disorders (2019)



L’identification de genre chez les femmes autistes

Cet article traite de l’identité de genre dans dans l’autisme, notamment l’identification de genre chez les femmes autistes et les différences par rapport au genre entre les personnes autistes (hommes et femmes) et non autistes.

Introduction

Comme mentionné dans le DSM-5 (5th ed.; DSM–5; American Psychiatric Association 2013), les Troubles du Spectre de l’Autisme se caractérisent par des difficultés de communication et d’interactions sociales et des comportements répétitifs et restreints. L’autisme touche environ 1 % de la population générale, avec un nombre plus important d’hommes que de femmes (Baird et al. 2006). Des recherches récentes ont mis en lumière des différences de sexe dans le phénotype autistique (e.g. Mandy et al. 2012; Lai et al. 2011; Hiller et al. 2014) mais les chercheurs ne sont pas toujours d’accord sur la nature de ces différences.

La théorie du cerveau masculin extrême de S. Baron Cohen (2002) pose l’hypothèse que le profil cognitif des personnes autistes est caractérisé de « masculin» c’est-à-dire « défini psychométriquement comme des individus chez qui la systématisation est nettement meilleure que l’empathie » (Baron-Cohen 2002, p. 248). Ce fonctionnement a été caractérisé de masculin du fait des preuves mettant en avant des différences de sexe dans la population générale, pour ces deux compétences (systématisation et empathie). Les hommes surperforment par rapport aux femmes dans la catégorie de systématisation et les femmes surperforment par rapport aux hommes dans la catégorie de l’empathie. Ces différences sont bien sur modulées par la motivation des individus et les normes culturelles.

Cette théorie s’enracine aussi dans les différences physiologiques au niveau de l’anatomie du cerveau. Les filles nouveau-nées dont l’anatomie du cerveau est proche de celle des garçons nouveau-nés ont trois fois plus de chance d’être autistes (Ecker et al. 2017).

Des études récentes prouvent que les filles/femmes autistes ne s’identifient pas ou peu aux normes conventionnelles de leur groupe de genre. Ces études qualitatives montrent que les filles/femmes autistes ont plus de facilité à se socialiser avec des garçons/hommes plutôt qu’avec d’autres filles/femmes (Bargiela et al. 2016; Cridland et al. 2014). Elles ont aussi des difficultés à s’identifier au concept de féminité (Kanfiszer et al. 2017). Cet article aborde donc la thématique de l’identification de genre chez les femmes autistes.

La variance de genre peut se définir comme une identité de genre qui ne serait pas conforme à la norme classique qui définit les rôles sociaux des hommes et des femmes. Les études ont montré que 22% (Dewinter et al. 2017) et 33% (Bejerot and Erikson 2014; George and Stokes 2017) des femmes autistes déclarent avoir une variance de genre, comparé à 8% (Dewinter et al. 2017) et 22% (George and Stokes 2017) d’hommes autistes. Des taux élevés de variance de genre ont été reportés à la fois chez les femmes et les hommes autistes, et même si les femmes sont plus touchées, cela suggère que le groupe des personnes autistes de manière générale est plus affecté que les personnes non autistes.

La dysphorie de genre, qui correspond au fait de ne pas se reconnaitre dans son sexe biologique de naissance est aussi plus élevé chez les personnes autistes que dans la population générale et des traits autistiques plus importants ou des personnes avec un diagnostic d’autisme sont plus fortement représentés dans les cliniques qui opèrent un changement de sexe (de Vries et al. 2010; Jones et al. 2012; Pasterski et al. 2014; Skagerberg et al. 2015; Kaltiala-Heino et al. 2015; Vander- Laan et al. 2015; Shumer et al. 2016).

La dysphorie de genre et la variance de genre peuvent tous deux être conceptualisés comme faisant part du spectre de l’identité de genre. L’identification de genre est un concept distinct de celui d’identité de genre et peut se définir comme la manière d’adhérer en tant que membre à l’identité sociale d’un groupe de genre. C’est le fait d’avoir un lien psychologique avec un groupe de genre. Par exemple, une personne avec l’identité de genre « femme » s’identifie fortement aux autres femmes, parce qu’elles partagent le même groupe de genre. L’identification de genre chez les femmes autistes est une thématique peu aborder en ces termes par la recherche scientifique.

Définitions des concepts autour de la thématique du genre
Définitions des concepts autour de la thématique du genre

Les groupes de genre les plus dominants sont « hommes » et « femmes », mais le genre est de plus en plus conceptualisé comme un spectre avec des variations plutôt que comme une construction binaire. Certaines personnes ne se reconnaissent dans aucun genre, on dit qu’elles sont « libre de genre » ou « sans genre » (gender free).

Les sentiments positifs au sujet d’un groupe de genre, ou l’estime de soi de genre peuvent être mesurés par une échelle auto-administrée (e.g. Luhtanen and Crocker 1992). Par exemple, l’estime de soi de genre d’un individu qui s’identifie comme non-binaire serait liée à la façon dont il perçoit positivement le groupe «personnes non-binaires».

Chez les personnes au développement typique, l’affiliation sociale à un groupe de genre a montré une association positive avec le bien-être psychologique (Good and Sanchez 2010). Une étude auprès de femmes transgenres au développement typique a montré que les sentiments positifs concernant l’identité de genre étaient corrélés à une amélioration du bien-être psychologique (Sanchez et Vilain, 2009).

Chez les personnes autistes, un sentiment d’appartenance sociale avec d’autres personnes autistes a été associé à une amélioration du bien-être psychologique (Cooper et al. 2017).

Par conséquent, l’appartenance sociale à un groupe de genre se présente comme un construit important à mesurer chez les personnes autistes, un groupe riche en diversité de genre, connu pour être vulnérable aux problèmes de santé mentale (Hofvander et al. 2009).

En matière de différences de sexe dans l’identification de genre dans la population générale, les femmes et les hommes ont tendance à avoir des résultats similaires (e.g. Schmader 2002).

Objectifs et hypothèses : l’identification de genre chez les femmes autistes

Compte tenu des preuves suggérant des taux élevés de variance de genre et de dysphorie chez les personnes autistes, le but de cette recherche était de déterminer si le fait d’être autiste avait une incidence sur l’identification des hommes et des femmes  à un groupe de genre et à quel point ils perçoivent cela comme étant positif. Les chercheurs ont notamment démontré que les femmes autistes avaient une plus grande variance de genre que les hommes autistes (=identité de genre différente du sexe biologique et évaluation de la masculinité et de la féminité différente de celle du sexe biologique), la manière dont cela affecte l’attachement à leur groupe de genre (identification de genre) et dans quelle mesure ils ont un sentiment positif à l’égard de leur groupe de genre (estime de soi du genre). Cette étude s’intéresse à l’identification de genre chez les femmes autistes.

Dans cette étude, les chercheurs ont testé plusieurs hypothèses :

Hypothèse 1 : l’ensemble des participants autistes hommes ou femmes ont une plus faible identification de genre et d’estime de soi du genre que les personnes non autistes.

Hypothèse 2 : les participants qui ne sont pas conforment à leur genre auraient une identification de genre et une estime de soi plus faibles que ceux qui sont conformes.

Hypothèse 3 : les femmes autistes se considéreraient nettement plus masculines et moins féminines que les femmes au développement typique.

Hypothèse 4 : l’identification de genre chez les femmes autistes est plus faible ainsi que l’estime de soi de genre que chez les hommes autistes

La méthode

Cette étude compare plusieurs catégories de population entre elles :

  • Le sexe : les hommes et les femmes
  • Le diagnostic d’autisme : les personnes autistes et les personnes non autistes
  • Le genre : conformité de genre et non-conformité de genre

L’échantillon total atteint 486 participants et se décompose comme suit : 101 femmes autistes, 118 hommes autistes, 153 femmes non autistes, 114 hommes non autistes. Les participants sont âgés entre 16 et 80 ans et aucun n’a de déficience intellectuelle. Ils ont été recrutés en ligne sur des forums ou des sites internet adressés aux personnes autistes. Les diagnostics n’ont pas été enregistrés ou validés, mais seules les personnes déclarants un diagnostic d’autisme complet ont été inscrites dans la catégorie des personnes autistes. Bien qu’une évaluation indépendante du diagnostic de l’autisme est important dans la recherche pour confirmer l’appartenance à un groupe de diagnostic, cette méthode d’échantillonnage en ligne a permis aux chercheurs d’atteindre un échantillon plus large de personnes autistes. Des méthodes similaires ont été utilisées avec succès pour d’autres grandes études en ligne (par exemple, Kenny et al. 2015).

Les catégories de sexe, de genre et de diagnostic d’autisme ont été divisées en sous variables et comparées entre elles. Une analyse de Chi-Deux a été réalisée afin de déterminer les liens de dépendance entre les variables.

Le premier test de Chi-Deux a été réalisé pour tester les associations entre les deux catégories liées au genre : mesure de l’identité de genre et la transition de genre. Le calcul de Chi-Deux réalisé après cela analyse les associations entre le genre et a) autistes et développement typique et b) les hommes et les femmes du groupe autisme.

Les résultats

Le but de cette étude était d’enquêter sur les différences entre les sexes chez les participants autistes et non autistes par rapport à l’attachement à un groupe de genre (identification de genre) et les sentiments positifs attachés au groupe de genre (estime de soi du genre) et notamment l’identification de genre chez les femmes autistes.

Résultat de l’hypothèse 1 : Les résultats confirment l’hypothèse selon laquelle les personnes autistes ont une plus faible identification de genre et un sentiment plus négatif vis-à-vis de leur groupe de genre que les personnes non autistes.

Résultat de l’hypothèse 2 : Les résultats montrent aussi que les participants non conforment à leur genre ont une moindre identification de genre et une image de soi de leur groupe de genre plus faible que les participants conforment à leur genre.

Résultat de l’hypothèse 3 : Les résultats montrent aussi que les femmes autistes auraient une masculinité supérieure et une féminité inférieure à celle des femmes non autistes.

Résultats de l’hypothèse 4 : Pour les participants autistes, l’identification de genre chez les femmes autistes est significativement plus faible que chez les hommes autistes

Cette étude étend les conclusions précédentes concernant les différences entre les sexes en matière d’identité de genre dans l’autisme, démontrant que la composante sociale de l’identité de genre est également affectée chez les personnes autistes. Cela suggère que la plus grande variance d’identité de genre observée chez les personnes autistes est associée à un sentiment d’appartenance plus faible et à des sentiments plus négatifs à l’égard des groupes de genre par rapport aux personnes non autistes.

De plus en plus de preuves démontrent que l’autisme est un fonctionnement caractérisé par une forte variance de genre (Bejerot et Eriksson 2014) et que l’identité de genre est différente chez les hommes et les femmes autistes (Bejerot et al. 2012; George et Stokes 2017). La présente étude reproduit ces résultats, montrant des taux élevés de transition et de de non-conformité de genre entre les sexes chez les participants autistes par rapport aux participants non autistes.

Fait intéressant, les hommes autistes se considéraient nettement moins masculins que les hommes non autistes, conformément aux constatations antérieures (Stauder et al. 2011; Bejerot et Eriksson 2014). Cela n’apparait pas dans la théorie du cerveau masculin extrême. Cependant, la masculinité fait référence aux normes sociales associées à l’expression de genre des hommes, et il se pourrait que les hommes autistes se considèrent eux-mêmes comme étant moins masculins en raison de leur conscience d’être différents des hommes non autistes.

L’expression de la masculinité peut être considérée comme un marqueur de comportement social «typique», de sorte que les hommes autistes peuvent signaler des niveaux de masculinité inférieurs en raison de la prise de conscience de leurs différences de communication sociale par rapport aux autres hommes. Par conséquent, selon ces résultats, les femmes autistes et, de manière significative, les hommes, semblaient présenter une variance de genre.

L’identification de genre chez les femmes autistes est plus faible que chez les femmes non autistes et que chez les hommes autistes.

Deux hypothèses sont posées face à ce constat :

La première s’appuie sur des recherches montrant que la dysphorie de genre est associée avec des difficultés de santé mentale chez les personnes autistes (George and Stokes 2018). Une étude de Cooper et al. 2017 montre qu’il est pertinent de prendre en compte les processus d’identification de genre dans le bien être psychologique des personnes autistes. C’est pourquoi les résultats montrant une faible identification de genre et un faible estime de soi de genre pourraient impacter négativement la qualité de vie des personnes autistes.

La seconde hypothèse, à l’inverse, part du postulat que les personnes autistes sont moins contraintes par les normes de genre que la population générale, et les niveaux élevés de la diversité des sexes/genres chez les personnes autistes sont en fait associés avec une meilleure santé mentale.

L’une des forces de cette étude est qu’elle met l’accent sur les processus sociaux liés à l’identité de genre mais qui sont des concepts distincts comme l’estime de soi de genre et l’identification de genre, qui à la connaissance des auteurs, n’ont pas encore fait l’objet d’une enquête quantitative chez les personnes autistes. En outre, de nombreux participants autistes ont choisi de décrire leur sexe en utilisant l’option «autre», révélant que les personnes autistes étaient souvent identifiées en dehors d’un mode binaire de genre, option que les enquêtes précédentes n’avaient pas signalé.

En résumé, cette étude a exploré les aspects sociaux de l’identité de genre chez les personnes autistes, en se concentrant sur l’identification de genre et l’estime de soi. Les résultats corroborent ceux d’études précédentes qui avaient révélé des taux élevés de variance selon le sexe chez les autistes, les identités de genre des femmes étant particulièrement différentes. L’identification chez les femmes autistes étant moins élevée. Cette recherche étend ces résultats, suggérant qu’il existe des différences entre les sexes dans la population autiste, différentes de celles trouvées dans la population en développement typique, et que les personnes autistes s’identifient moins bien avec les groupes de genre et ressentent moins positivement leurs groupes de genre que les groupes de population au développement typique.


Source : Cooper K, Smith LGE, Russell AJ. Gender Identity in Autism: Sex Differences in Social Affiliation with Gender Groups. J Autism Dev Disord. 2018;48(12):3995-4006




Le biais de genre dans l’autisme peut provenir des cellules immunitaires du cerveau

Cet article est une traduction libre de l’article de Spectrum News,  Nicholette Zeliadt, September 2018

Deux des facteurs de risque d’autisme les plus reconnus sont le fait d’être un homme et l’exposition à une inflammation dans l’utérus. Ces deux facteurs ne semblent à priori pas être reliés, mais récemment plusieurs études montrent un lien avec la microglie, les cellules immunitaires situées dans le cerveau.

La microglie agit en réponse aux inflammations, en nettoyant le cerveau des agents pathogènes et des débris de cellules. Elles sculptent aussi le cerveau en coupant les connexions entre les cellules.

La microglie fonctionne différemment chez les rongeurs mâles que chez les femelles. Elles sont plus actives chez les mâles et répondent plus vigoureusement aux inflammations, comme le suggère une nouvelle étude. Cela peut rendre les cerveaux des sujets mâles plus susceptibles d’avoir des dommages suite à une inflammation.

Je pense que les gens commencent à apprécier que la microglie mâle se comporte différemment de la microglie femelle

dit Kathryn Lenz, professeure assistant de psychologie à l’université d’Etat de l’Ohio à Columbus

et cela pourrait signifier que les mâles sont plus perturbés par les facteurs de risques pour les troubles qui ont un biais masculin, comme l’autisme

Si les résultats se maintiennent dans la population, cela permettrait d’expliquer la prévalence de l’autisme qui est 4 fois plus élevée chez les garçons que chez les filles. Cela éclaire aussi le lien entre autisme et infection ou la condition immunitaire de la mère.

Des caractéristiques fiables

Une des nouvelles études révèle que la microglie des souris adultes mâles exprime des niveaux plus hauts de gènes impliqués dans les inflammations que ceux des femelles 1. Cette recherche recoupe celle de 2016 montrant que les cerveaux humains post mortem mâles expriment des gènes liés à la microglie à des niveaux plus élevés que les cerveaux féminins 2. La même étude a également montré que ces gènes ont tendance à être fortement exprimés dans le cerveau des personnes autistes.

Le travail sur les souris suggère que les différences observées semblent être au niveau des cellules individuelles plutôt que dans le nombre de cellules chez les mâles et les femelles.

“Si vous comparez une microglie mâle avec une microglie femelle, la microglie mâle est plus susceptible d’avoir une expression de ces chemins inflammatoires plus élevée », dit Donna Werling, une postdoctorante à Stephan Sanders’ et Matthew State’slabs à l’Université de Californie, San Francisco.

La plupart des cellules chez les rongeurs mâles sont rondes et comme des gouttes, avec peu de côtés saillants qui caractérisent la microglie au repos. Il s’avère que la microglie féminine conserve son profil d’expression génique spécifique au sexe même après que les ovaires des souris aient été retirés ou après qu’elles aient été transplantées dans le cerveau d’une souris mâle adulte.

Les résultats suggèrent que les caractéristiques spécifiques au sexe de la microglie sont stables et indépendantes des hormones ovariennes.

Cependant, les différences disparaissent quand les souris nouveau-nées femelles sont exposées à un influx d’hormones qui est prévu pour masculiniser les rongeurs. Ces résultats suggèrent que les différences de sexe sont mises en place tôt dans la vie.

Protéger le cerveau

Les chercheurs ont aussi activé la microglie de la souris en bloquant une artère alimentant le cerveau en sang. Cette attaque endommage une plus grande zone chez les souris mâles que chez les souris femelles. Une transplantation d’une microglie femelle atténue certains dommages chez les mâles.

“Pour moi, c’est juste un très fort élément de preuve qu’il y a quelque chose de fondamentalement différent dans le système neuro-immunitaire masculin »

dit Margaret Mc Carthy, professeure et chaire de pharmacologie à l’université du Maryland à Baltimore, qui n’était pas impliquée dans l’étude.

L’équipe de Mc Carthy a des preuves non publiées que la microglie dans l’amygdale, un centre de l’émotion dans le cerveau, est plus active chez les rats nouveau-nés mâles plutôt que chez les femelles. Cela peut entraîner moins de cellules en forme d’étoile, appelées astrocytes et atténue le comportement de jeu social chez les rats mâles plus tard dans la vie.

Les souris mâles montrent des signes d’activité accrue de la microglie lorsqu’ils naissent de mères élevées en conditions stériles, selon une étude publiée en janvier 4. Mais paradoxalement, la microglie chez les chiots mâles montre une expression diminuée des gènes du système immunitaire relativement à la microglie des femelles chiots.

La divergence peut être due aux conditions environnementales dans lesquelles les souris ont été élevées – qui peut altérer l’expression des gènes, dit Florent Ginhoux, un chercheur principal  au Singapore Immunology Network qui a co-dirigé l’étude.

Deux études l’année dernière ont découvert des différences de sexe dans la microglie de l’hippocampe, une région du cerveau impliquée dans la mémoire. Une de ces études suggère que la microglie des mâles répond plus la microglie femelle à un produit chimique qui imite une infection 5.

C’est une histoire très cohérente

dit le responsable de recherche StaciBilbo, directeur de recherche au Lurie Center for Autism au Mass General Hospital for Children à Boston.

 Les microglies mâles sont plus réactives à un grand nombre de différents défis inflammatoires qui activent le système immunitaire

Cependant, une autre  étude suggère que les microglies mâles sont moins actives que les microglies dans l’hippocampe des rats nouveau-nés.

Les microglies de différentes régions du cerveau, et à différents moments, font des choses différentes

dit Lenz, qui a mené l’étude.

 Donc nous avons vraiment besoin d’observer ces cellules au travers de multiples régions du cerveau, à plusieurs moments, avant de pouvoir tirer de grandes conclusions .

Questions ouvertes

Une question ouverte est comment et pourquoi les différences de sexe dans la microglie existent. Une étude sur les rats, publiée en août propose une réponse possible 7. L’étude a révélé que les mâles nouveau-nés ont plus de cellules immunitaires appelées mastocytes que les femelles nouveaux nées dans la zone préoptique, une région du cerveau qui contrôle le comportement sexuel masculin. Les mastocytes mâles sont aussi plus actives que celles des femelles.

Traiter les femelles nouveau-nées avec des hormones masculines incite leurs mastocytes à libérer  de l’histamine, qui active la microglie à proximité. Cela amène aussi l’animal à présenter des comportements sexuels masculins. Inversement, traiter des fétus mâles avec un bloqueur d’histamine prévient la masculinisation de leur microglie et diminue leur comportement sexuel.

Les résultats suggèrent que les signaux immunitaires  des mastocytes aident à établir les différences de sexe dans la microglie tôt dans la vie, au moins dans la zone préoptique.

Les différences entre les sexes découvertes dans la microglie jusqu’à présent sont susceptibles de ne représenter que la pointe de l’iceberg, dit Lenz. Son équipe explore si les rats exposés in utero à l’inflammation par des réactions allergiques montrent des différences de sexe dans le comportement social. Si tel est le cas, les résultats impliqueraient davantage les différences de sexe dans la fonction de la microglie dans l’autisme.


REFERENCES:

  1. Villa A. et al. Cell Rep. 23, 3501-3511 (2018) PubMed
  2. Werling D.M. et al. Nat. Commun. 7, 10717 (2016) PubMed
  3. Wu M.V. et al. Cell, 139, 61-72 (2009) PubMed
  4. Thion M.S. et al. Cell 172, 500-516 (2018) PubMed
  5. Hanamsagar R. et al. Glia 65, 1504-1520 (2017) PubMed
  6. Nelson L.H. et al. Brain Behav. Immun. 64, 11-22 (2017) PubMed
  7. Lenz K.M. et al. J. Neurosci. Epub ahead of print (2018) PubMed