Les conditions médicales peuvent identifier différents sous-types d’autisme

Cet article est une traduction d’un texte d’Hannah Furfaro paru dans le magazine Spectrum News.

Selon une étude sur plus de 3 000 enfants autistes1, les
jeunes enfants autistes sont répartis en trois groupes en fonction du nombre et
du type de maladies concomitantes qu’ils rencontrent.

Certaines de ces conditions médicales, telles que les crises d’épilepsies et les retards de développement, peuvent servir de signaux d’alarme précoces pour l’autisme

L’autisme est notoirement hétérogène; certains chercheurs
pensent qu’il ne s’agit pas d’une condition mais de plusieurs. Les
scientifiques utilisent la génétique pour identifier les sous-types biologiques
de l’autisme. Ce nouveau travail suggère une approche différente: classer les
enfants autistes selon le nombre et le type de problèmes de santé qu’ils ont.

Juergen Hahn, chercheur principal, professeur de génie biomédical au Rensselaer Polytechnic Institute de Troy, dans l’État de New York, déclare que les enfants autistes d’un groupe ont généralement peu de problèmes qui se chevauchent avec ceux d’un autre groupe.

Ces distinctions peuvent indiquer que différents facteurs
biologiques sous-tendent l’autisme dans les trois groupes.

 [Ces regroupements] suggèrent assez clairement qu’il existe des groupes biologiquement bien distincts

Isaac Kohane

Explique Isaac Kohane, professeur d’informatique biomédicale et de pédiatrie à l’Université Harvard, qui n’a pas participé aux travaux.

En regroupant tous les [enfants] dans un groupe d’autisme, nous brouillons les pistes scientifiques, diagnostiques et thérapeutiques.

Isaac Kohane

Ces différences dans les comorbidités pourraient avoir des
implications importantes pour la recherche, dit Hahn. Par exemple, analyser les
données des participants à la recherche par sous-type pourrait fournir des
informations détaillées sur la condition

Trois regroupements:

De nombreux problèmes de santé sont plus fréquents chez les personnes autistes que dans la population générale. Hahn et ses collègues ont analysé les demandes de remboursement des médecins et des pharmaciens de 3 278 enfants autistes de la naissance à 5 ou 6 ans. Ils ont comparé ces demandes à celles de la même période pour 279 693 sujets témoins.

Les chercheurs ont enregistré l’incidence de sept types de maladies: épilepsie, retards de développement, auditives, gastro-intestinales, immunitaires, psychiatriques et sommeil. Comme on pouvait s’y attendre, les enfants autistes sont plus susceptibles que les témoins d’avoir l’une ou l’autre de ces conditions médicales. Par exemple, près de 3 enfants autistes sur 4 ont des retards de développement, contre moins de 1 contrôle sur 10.

Les chercheurs ont utilisé un algorithme pour classer les enfants
autistes en groupes basés sur la prévalence des sept types de pathologies. Les enfants appartenaient à trois
catégories.

Dans un groupe, comprenant environ le quart des enfants, on
a diagnostiqué chez l’enfant plus de deux fois plus de maladies concomitantes
que dans la population générale. Ce groupe «à prévalence élevée» a plus de
problèmes de sommeil, de troubles psychiatriques, de problèmes immunitaires, de
difficultés d’audition et de problèmes gastro-intestinaux que les autres
enfants autistes.

Dans un autre quart des enfants, le groupe de «prévalence
moyenne», sont plus susceptibles d’être atteints de crises et de retards de
développement. La moitié restante a le moins de problèmes médicaux et à des
taux légèrement supérieurs à ceux des enfants classiques.

De manière surprenante, les enfants du groupe moyen sont
diagnostiqués autistes environ cinq mois plus tôt, en moyenne, que ceux
souffrant de plus de maladies, peut-être parce que les crises d’épilepsie et
les retards de développement sont faciles à repérer, dit Kohane.

 Pour le meilleur ou pour le pire, certains types de comorbidités pourraient suggérer le diagnostic d’autisme mieux que d’autres aux cliniciens

Dit Isaac Kohane

Les resultats sont parus en mai dans Autism Research.

Tic tac

Les
chercheurs ont également examiné la prévalence de ces affections à différents
âges. L’âge typique d’apparition tend à être différent pour les enfants
autistes par rapport aux enfants témoins, et varie selon les groupes d’autisme.

Par
exemple, environ 20% des enfants autistes sont diagnostiqués avec des problèmes
gastro-intestinaux et des problèmes d’immunité en bas âge, contre environ 15% des
témoins. Parmi les enfants autistes, la prévalence des retards de développement
atteint son maximum vers 3 ans et demi dans le groupe de prévalence moyenne et
entre 2 et 3 ans dans les deux autres groupes.

Les données
pourraient aider les pédiatres qui traitent des enfants autistes à surveiller
certaines affections à un âge donné.

Cela plaide en faveur du développement d’une chronologie des soins – les choses [que les pédiatres font devraient être] adaptées à différents âges

Paul Lipkin

Explique Paul Lipkin, professeur agrégé de pédiatrie à la Johns Hopkins University et au Kennedy Krieger Institute de Baltimore, Maryland.

Selon M. Lipkin, l’étude présente certains inconvénients, tels que l’association des problèmes médicaux quotidiens aux mêmes catégories que les affections graves. Par exemple, la rhinite, ou nez bouché, apparaît dans la catégorie «maladies immunitaires» avec l’asthme. L’inclusion de ces conditions médicales courantes peut exagérer les différences entre les enfants autistes et les témoins, dit-il

Hahn et ses collègues prévoient d’enquêter sur le risque d’avoir des enfants autistes chez les femmes chez lesquelles on a diagnostiqué certaines conditions médicales pendant la grossesse.

References:

  1. Vargason T. et al. Autism Res. Epub ahead of print (2019) PubMed
Medical conditions may mark distinct autism subtypes, Hannah Furfaro, July 2019, Spectrum News



Les troubles du sommeil chez les enfants autistes

Cet article est une traduction libre d’un article de Spectrum News qui traite des problèmes de sommeil chez les enfants autistes : Autistic children’s sleep problems may stem from sensory issues by Nicholette Zeliadt  /  20 March 2019

Selon une nouvelle étude, une perception sensorielle accrue chez les jeunes enfants autistes prédit des problèmes de sommeil vers 7 ans environ 1.

Les résultats suggèrent que les sensibilités sensorielles interfèrent avec le sommeil chez les enfants autistes. Ils suggèrent aussi que  l’ajustement de ces sensibilités – comme la diminution du fond lumineux ou du bruit au moment du coucher, par exemple – pourraient améliorer les difficultés de sommeil des enfants.

 « Si vous entendez des bruits ou êtes vraiment dérangé par la lumière ou le toucher, il pourrait être plus difficile pour vous de vous endormir », déclare l’investigateur en chef Micah Mazurek, professeure associée en services à la personne à l’Université de Virginie à Charlottesville.

Avoir des troubles du sommeil peut aussi avoir des
conséquences à long-terme : l’étude suggère que les problèmes de sommeil
chez les tout petits enfants pourraient prédire des caractéristiques du Trouble
Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité.

Les problèmes du sommeil sont courants chez les personnes autistes. Une des plus vastes études qui s’intéresse à ce problème, a été publiée le 11 février dans la revue Pediatrics, et suggère que presque 80 % des enfants autistes âgés de 2 à 5 ans ont un sommeil perturbé 2. Les enfants autistes ont deux fois plus de chance d’avoir des problèmes de sommeil que les enfants typiques ou ceux avec d’autres conditions développementales.

Nous savons clairement que les enfants autistes présentent un risque élevé de problèmes de sommeil (…) Il est temps de passer à l’action, à la prévention et au traitement.

explique Brett Kuhn professeur de pédiatrie et de psychologie à l’Université du Nebraska à Omaha

Il n’a participé à aucune de ces études.

Les traqueurs du sommeil

Mazurek et ses collègues ont analysé les enregistrements issus du Autism Speaks Autism Treatment Network, un groupement de 12 centres académiques au États-Unis et au Canada qui assurent des soins médicaux aux enfants autistes. Ils se sont concentrés sur 437 enfants autistes qui ont d’abord visité un de ces centres quand ils avaient entre 2 et 10 ans et y sont retournés en moyenne 4 ans plus tard.

«Le plus gros avantage par rapport aux études précédentes
est l’énorme échantillon et le fait qu’ils ont suivi [les enfants] au fil du
temps», déclare Kuhn

Les cliniciens ont évalué les enfants autistes et mesuré leur quotient intellectuel (QI) durant la première visite et les a évalués pour d’autres conditions de santé lors des deux visites. Les parents ont complété des questionnaires au sujet des hypersensibilités sensorielles de leur enfant et d’autres comportements, comme la fréquence des problèmes de sommeil de leur enfant.

Les parents d’environ 70 % des enfants rapportent des problèmes
de sommeil lors de la première visite. Ces problèmes s’améliorent avec l’âge
pour presque 32 % des enfants, mais ils empirent au fil du temps pour environ
23 %.

Les difficultés de sommeil ne sont pas liées à l’âge de l’enfant, au genre ou au QI. Mais les chercheurs ont trouvé que les enfants qui ont fréquemment des troubles du sommeil ont tendance à avoir des parents avec un faible niveau d’éducation. Les résultats sont parus en janvier dans le Journal of Autism and Developmental Disorders.

Les chercheurs ont également constaté que les enfants typiques dont les parents sont riches et instruits dorment mieux que ceux issus de familles de statut socio-économique plus faible 3. Les parents à faible revenu peuvent avoir des horaires qui rendent difficile la routine du coucher, par exemple, ou qui manquent de ressources pour des chambres séparées et calmes.

Le prédicteur de problème

Mazurek et ses collègues ont utilisés un modèle statistique
pour identifier les prédicteurs et les conséquences des problèmes de sommeil.
Ils ont analysé séparément 166 enfants qui étaient âgés de 2 à 3 ans lors de
leur première visite et 271 enfants qui étaient âgés entre 4 et 10 ans, parce
que les questionnaires complétés par les parents variaient légèrement entre ces
deux groupes.

L’étude est à visée observatoire, donc elle ne peut pas
révéler la cause et l’effet. Mais comme les chercheurs ont suivi les enfants au
fil du temps, ils peuvent identifier l’ordre dans lequel les traits
apparaissent.

Dans le groupe des plus jeunes, les sensibilités
sensorielles lors de la première visite sont suivies de problèmes de sommeil
lors de la deuxième visite et les problèmes de sommeil sont suivis par une
inattention et une hyperactivité plus tard.

 «Si les enfants ne dorment pas assez, cela peut avoir des conséquences à long terme sur leur santé et leur bien-être physique»

explique Mazurek

Certains experts sont surpris que la nouvelle étude ne
montre pas que l’anxiété est un prédicateur des troubles du sommeil ou qu’il
résulte de problèmes de sommeil chez les enfants autistes. Une autre étude
publiée en janvier a révélé que l’anxiété prédit les problèmes de sommeil et
inversement chez les enfants typiques âgés de 2 à 8 ans 4.

Les problèmes de sommeil et l’anxiété sont fréquents chez les enfants autistes et peuvent être liés, explique Ann Reynolds, professeure agrégée de pédiatrie à l’Université du Colorado à Aurora; Reynolds n’a pas participé aux travaux, mais a dirigé l’étude sur la pédiatrie.

« Si vous ne dormez pas suffisamment, vous serez probablement plus anxieux et si vous êtes plus anxieux, vous aurez probablement plus de difficulté à vous endormir »

explique Reynolds

Prises ensemble, les nouvelles études soulignent l’importance d’aider les parents à gérer les problèmes de sommeil de leurs enfants, dit Mazurek. Elle et ses collègues testent une thérapie comportementale pour les enfants autistes souffrant d’insomnie; la thérapie enseigne aux familles des stratégies pour minimiser l’anxiété et les sensibilités sensorielles des enfants.

  1. Mazurek M.O. et al. J. Autism Dev. Disord. Epub ahead of print (2019)
  2. Reynolds A.M. et al. Pediatrics Epub ahead of print (2019)
  3. El-Sheikh M. et al. Child Dev. 81, 870-883 (2010)
  4. Uren J. et al. Eur. Child. Adolesc. Psychiatry Epub ahead of print (2019)

Référence :

Cet article est une traduction libre d'un article de Spectrum News : Autistic children’s sleep problems may stem from sensory issues by Nicholette Zeliadt  /  20 March 2019



Le suicide chez les personnes autistes

Cet article est un résumé de l’étude A 20-Year Study of Suicide Death in a State wide Autism Population, Autism Res. 2019 Jan 21.

Dans la population générale, le suicide se produit plus souvent chez les hommes que chez les femmes, avec un ratio de 3.5 pour 1 (NIMH, 2018) et les femmes ont également tendance à utiliser des méthodes de suicide moins violentes que les hommes (Ajdacic-Gross et al., 2008).

Les familles, les cliniciens et les personnes autistes mettent en avant leurs inquiétudes en même temps qu’émergent des études montrant un taux de pensées suicidaires et comportements suicidaires élevés parmi les personnes autistes (Veenstra-Vander- Weele, 2018).

Cependant il y a actuellement peu d’études sur le risque de
décès par suicide sur la population des personnes autistes.

Cette étude s’intéresse spécifiquement aux décès par suicide
chez les personnes autistes en Utah afin d’identifier les incidences et les caractéristiques
des personnes décédées.

Les pensées et comportements suicidaires chez les personnes
autistes

Les études montrent qu’il y a un taux élevé de pensées et comportements suicidaires chez les personnes autistes (e.g., Segers &Rawana, 2014; Zahid &Upthegrove, 2017). Zahid et Upthegrove ont trouvé un taux de tentatives de suicide entre 7 et 14 % et 72 % d’idées suicidaires dans plusieurs échantillons de petite taille. Dans un échantillon de 374 personnes autistes diagnostiquées (principalement Asperger), Cassidy (2014) trouve un taux de 66 % d’idées suicidaires. Cela dépasse de plus de neuf fois le taux de la population générale.

Culpin et al. (2018) a récemment identifié une relation
entre les déficits de communication sociale et les tentatives de suicide sur un
échantillon de 5000 jeunes au Royaume-Unis.

Une seule étude a examiné la mort par suicide chez les personnes autistes. Cette étude a été menée en Suède par Hirvikoski et al. (2016).

En tout, 83 personnes autistes sont mortes par suicide dans
leur échantillon. Cela correspond à un taux de 0.31%, ce taux est de 0.04% dans
la population générale.

Ils ont identifié le suicide parmi les trois principales causes de mortalité prématurée chez les personnes autistes sans déficience intellectuelle ce groupe était neuf fois plus susceptible de se suicider que ceux sans TSA.

Les chercheurs ont été particulièrement alertés par le taux de suicide chez les femmes autistes.

Étant donné que le suicide et les TSA sont moins fréquents chez les femmes, les chercheurs s’attendaient à ce que le suicide chez les femmes autistes soit assez rare. Cependant, dans l’étude de Hirvikoski et al. (2016), les femmes autistes étaient plus de 13 fois plus susceptibles que les femmes de la population générale de se suicider.

L’objectif de cette étude sur le suicide chez les personnes autistes

Dans cette étude, menée aux États-Unis dans l’état de l’Utah, les chercheurs ont utilisé les données médicales à disposition pour étudier le suicide des personnes autistes sur 20 ans (de 1998 à 2017) et en le comparant avec celui des personnes non autistes. Les personnes autistes de l’échantillon ont toutes un diagnostic d’autisme confirmé et conforme aux standards internationaux (CIM ou DSM).

Les chercheurs ont analysé les certificats de décès des personnes autistes mortes par suicide, et notamment le sexe, l’âge, la situation professionnelle, l’origine ethnique, l’état matrimonial  et la méthode de suicide.

Ils ont posé les hypothèses suivantes sur la base des
recherches précédemment existantes :

1. le taux de suicide est plus important chez les personnes
autistes que non autistes

2. le taux de suicide des femmes autistes est beaucoup plus
élevé comparativement aux femmes de la population générale

3. les méthodes de suicide violentes sont davantage utilisées par les hommes autistes que par les femmes autistes

4. les méthodes de suicide violentes sont plus utilisées
dans l’ensemble de la population autiste que dans l’ensemble de la population
générale

Quatre sources de données ont été utilisées dans cette étude : Utah Registry of Autism and Developmental Disabilities (URADD) à l’échelle de l’état, les données de surveillance du suicide à l’échelle de l’état recueillies par le bureau du médecin légiste de l’Utah, la UPDB, et le système d’information pour la santé publique basé sur des indicateurs de l’Utah (IBIS-PH).

Résultats de l’étude portant sur le suicide des personnes autistes

Résultats pour l’hypothèse 1 : Durant les 15 premières années étudiées il y a peu de différences sur les morts par suicide entre la population des personnes autistes et la population générale. Par contre entre 2013 et 2017, l’incidence cumulative des décès par suicide dans la population des personnes autistes était de 0,17%, ce qui est significativement plus élevé que la population non-autiste qui a une incidence cumulative de 0,11%. L’hypothèse selon laquelle il y a davantage de mort par suicide chez les personnes autistes que chez les personnes non autistes est donc validée.

Résultats pour l’hypothèse 2 : Entre 2013 et 2017, l’incidence cumulative des décès par suicide des femmes autistes était de 0.17 % alors qu’elle n’est que de 0.05 % dans la population générale. Le taux de suicide des femmes autistes est donc bien beaucoup plus élevé comparativement aux femmes de la population générale

Les chercheurs ont également comparé directement les groupes
de femmes et d’hommes dans l’intervalle de temps 2013-2017, en constatant que
les hommes non autistes étaient significativement plus susceptibles que les
femmes non autistes de se suicider mais le taux de suicide ne différait pas
entre les hommes et les femmes autistes.

Les résultats ont montré que pour la population des jeunes à risque, l’incidence cumulative des suicides était significativement plus importante chez les femmes autistes que chez les femmes non autistes. Par contre il n’y a pas de différence significative dans l’incidence cumulative des suicides entre les hommes autistes ou non autistes.

Si l’on regarde l’ensemble de la population des jeunes à
risque de suicide entre 2013 et 2017, l’incidence cumulative est
significativement plus élevée chez les jeunes autistes (0.16%) que chez les
jeunes à risque de la population générale (0.07%).

Caractéristiques des personnes

Les chercheurs ont étudié 49 individus autistes qui sont mort par suicide durant les 20 dernières années. Il y a 7 femmes (14%) et 42 hommes (86%).

Les personnes autistes sont en moyenne plus jeunes au moment
de leur suicide (32.4 ans) que les personnes de la population générale (41.8
ans).

Résultats de l’hypothèse 3 : La méthode de suicide ne diffère pas entre les hommes et femmes autistes dans cette étude, l’hypothèse 3 selon laquelle les hommes autistes utiliseraient des méthodes de suicide plus violente n’est donc pas validée dans cette recherche.

Résultats de l’hypothèse 4 : 73 % des personnes autistes utilisent des méthodes de suicide considérées comme violente, une proportion similaire est trouvée pour les personnes non autistes. L’hypothèse 4 selon laquelle les personnes autistes utilisent des méthodes de suicide plus violente que les personne non autistes n’est pas validée non plus dans le cadre de cette recherche.

Explications des résultats de l’étude sur les décès par suicide chez les personnes autistes

Cette étude complète les travaux épidémiologiques existants en Suède (Hirvikoski et al., 2016). Les résultats révèlent une incidence plus faible de décès par suicide chez les individus autistes que celle de l’étude de Hirvikoski et al. Cela peut être dû aux différentes méthodes permettant de déterminer le statut de TSA et / ou les différences réelles de taux de suicide. Les taux peuvent varier d’un pays à l’autre pour de nombreuses raisons liées aux taux de suicide dans la population en général, notamment des facteurs environnementaux (Holopainen, Helama, Björkenstam et Partonen, 2013), des facteurs socioculturels (Amitai&Apter, 2012) et l’accès aux services. (Hester, 2017).

Les estimations d’incidence au cours de l’intervalle de temps le plus récent (2013-2017) suggèrent que le risque de suicide est plus élevé chez les personnes autistes par rapport à la population non autiste. Cependant, cette différence a été expliquée principalement par le taux élevé de femmes autistes décédées par suicide.

Durant la période de 2013 à 2017, les chercheurs ont constaté que les femmes autistes ont 5 fois plus de chance de mourir de suicide que leur leurs pairs typiques. Cela concorde avec les résultats trouvé par Hirvikoski et al. (2016). Les femmes autistes ont souvent été négligées dans les recherches (Lai et al., 2015). Les résultats de notre étude fournissent une justification supplémentaire pour renforcer l’attention portée aux femmes.

Certaines études ont montré que les femmes autistes pouvaient être confrontées à divers problèmes, dont l’abus sexuel, les difficultés sociales et des conflits d’identité de genre (Bargiela, Steward et Mandy, 2016). Les expériences traumatisantes et les conflits d’identité sont des facteurs de risque de suicide connus dans la population générale. De plus, des études ont montré que les femmes peuvent ressentir le besoin de camoufler ou de dissimuler leurs traits autistiques (Bargiela et al., 2016), et une étude récente suggère que ces comportements de camouflages sont significativement associés au suicide chez les personnes autistes (Cassidy, Bradley Shaw et Baron-Cohen, 2018).

Le faible taux d’emploi chez les personnes autistes serait aussi un facteur à prendre en compte car les études montrent que c’est un facteur aggravant (e.g., Pelton &Cassidy, 2017). Mais ce facteur n’explique que partiellement le taux de suicide car 49 % des personnes autistes décédées par suicide durant l’étude étaient en emploi ou étudiants.

La comparaison des taux
de suicide entre les personnes autistes et non autistes montre que les
personnes autistes se suicident plus jeunes. Les jeunes autistes font faces à
des difficultés telles que la construction de l’identité, les relations
sociales, ou la transition vers l’âge adulte qui peut être complexe.

Limites de l’étude et
prolongements

La force principale de cette étude est qu’elle s’appuie sur plusieurs bases de données fiables concernant l’identification des décès et sur les dossiers médicaux des personnes concernant le diagnostic d’autisme.

En revanche, une de ses
limites est que les médecins ne déclarent le suicide d’une personne que s’il y
a des preuves objectives d’intentionnalité. Le nombre de mort par suicide dans
la population générale, comme dans celle des personnes autistes pourrait donc
être sous-estimé. La volonté de se donner la mort est encore plus difficile à
évaluer chez les personnes ayant une déficience intellectuelle ou d’importantes
limitations dans la communication.

Une autre limite de l’étude est le fait que les personnes autistes, surtout les plus âgées et les femmes, peuvent être sous diagnostiquées car l’autisme était mal connu il y a encore quelques années (Lai & Baron-Cohen, 2015,Loomes, Hull, & Mandy, 2017).

 
A 20-Year Study of Suicide Death in a State wide Autism Population, Autism Res. 2019 Jan 21 : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30663277



L’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique

Cet article traite de l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique en détaillant ses manifestations chez les personnes autistes. C’est un résumé de la recherche suivante : Behavioral Symptoms of Reported Abuse in Children and Adolescents with Autism Spectrum Disorder in Inpatient Settings, dont vous trouverez les références complètes en bas de page.

Quelques notions sur l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique

Le taux élevé de maltraitance chez les enfants handicapés, spécialement chez les personnes autistes, montre la nécessité d’identifier et de traiter les symptômes liés aux traumatismes spécifiquement pour cette population très vulnérable.

Une étude de Sullivan and Knutson (2000) réalisée dans le Nebraska montre que les enfants handicapés ont deux fois plus de chance que les enfants de la population générale d’être maltraités. Une étude similaire, menée au niveau national dans les hôpitaux, montre que les enfants handicapés ont 1.8 fois plus de chance de subir de la négligence, 1.6 fois plus de chance de subir de la violence physique, et 2.2 fois plus de chance de subir des abus sexuels (Sullivan and Cork 1996).

Parmi les enfants handicapés, les enfants autistes représentent une population avec un risque accru selon une étude de Hall-Lande et al. (2015) qui montre que les enfants autistes ont trois à quatre fois plus de risque que les enfants avec d’autres handicaps d’être victimes de maltraitances.

En dépit de ces chiffres accablants, il n’existe aujourd’hui aucun outil spécifique pour la détection et le traitement des symptômes des enfants autistes victimes de maltraitance.

Il y a beaucoup de barrières à l’identification des symptômes traumatiques chez les personnes autistes. Tout d’abord, il y a un chevauchement des symptômes de l’autisme et ceux du Syndrome de Stress Post-Traumatique (SSPT) tels que définis dans le DSM-5. Par exemple les enfants souffrant d’un SSPT peuvent s’engager dans des comportements répétitifs, avoir des hypersensibilités sensorielles et avoir des difficultés d’interactions sociales, sans être autistes. Ils peuvent aussi souffrir de troubles du sommeil, et d’un repli sur soi. Tous ces éléments peuvent également être des caractéristiques de l’autisme, rendant complexe la distinction entre les deux pour les professionnels.

A cause des points communs entre l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique, les cliniciens rencontrent des difficultés à identifier le SSPT chez les enfants autistes. Ainsi, ils peuvent observer chez certains enfants autismes les caractéristiques du SSPT mais les attribuer aux caractéristiques classiques de l’autisme.

Plusieurs théories existent dans la littérature scientifique pour caractériser les réactions des personnes autistes face à un évènement traumatique :

  1. les personnes autistes seraient plus sensibles aux expériences traumatiques. Cela est du à leur manière de traiter l’information, à leur compréhension verbale, à leur système de régulation des émotions et à l’isolement sociale. Tout cela contribue à une plus grande expression des symptômes traumatiques chez les personnes autistes (Kerns et al. 2015; Mansell et al. 1998).
  2. une autre théorie développe l’inverse : les personnes autistes seraient moins sujettes à développer des symptômes traumatiques face à un évènement potentiellement traumatique. Cela est du à la difficulté pour les personnes autistes de reconnaitre leurs propres états mentaux intérieurs et à les connecter avec la réalité sociale. De ce fait ils seraient moins capables d’identifier un évènement comme étant traumatique (Kerns et al. 2015; Mansell et al. 1998; Mehtar and Mukaddes 2011).
  3. la dernière théorie soutien que les personnes autistes réagissent de la même manière que les personnes non autistes à un évènement traumatique (Cook et al. 1993; King and Desaulnier 2011; Mansell et al. 1998). Malheureusement il y a encore trop peu d’études réalisées pour explorer cette piste de recherche.

Présentation de l’étude l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique

L’objectif principal de cette recherche est de montrer comment les manifestations comportementales des enfants autistes victimes d’abus s’expriment.

L’étude a été menée au Royaume-Unis et les données ont été collectées grâce à un dispositif nommé Autism Inpatient Collection (AIC). Il existe de nombreuses formes de maltraitance, l’étude se concentre sur les abus physiques, sexuels et/ou émotionnels.

Plusieurs sous-objectifs ont été déterminés :

  1. identifier la prévalence de la maltraitance déclarée par les soignants et les symptômes du participant compatibles avec un diagnostic de SSPT dans l’ensemble de l’échantillon AIC
  2. identifier le type de maltraitance (physique, sexuelle, psychologique…)
  3. identifier le type et le degré de symptômes correspondant à un SSPT en comparant l’échantillon de personnes autistes ayant eu des abus et ceux n’ayant pas eu d’abus
  4. identifier les différences entre les personnes autistes victimes d’abus et celles qui n’ont pas eu d’abus dans les domaines de fonctionnement adaptatif, la sévérité des symptômes noyaux (= comportements répétitifs et restreints et troubles des interactions sociales), et la sévérité des troubles du comportement.

Etant donné qu’il existe peu de recherches sur l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique, ces objectifs ont une visée exploratoire.

Voici quelques caractéristiques de l’échantillon étudié pour l’étude sur l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique.

L’échantillon se compose de 350 enfants et adolescents autistes âgés de 4 à 21 ans recrutés dans six hôpitaux psychiatriques spécialisés qui font partis du dispositif AIC (Siegel et al. 2015).

Il y a 79 % d’hommes et 21 % de femmes, l’âge moyen des participants est de 12.9 ans. 79 % des enfants sont caucasiens. 42 % de l’échantillon à un QI inférieur à 70, qui est le seuil de la déficience intellectuelle.

Résultats et discussion de l’étude sur l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique

Sur les 350 enfants de l’échantillon, 99 soignants rapportent que les enfants ont été victimes d’abus.

Le groupe des enfants ayant été victime d’abus présente les caractéristiques suivantes : les enfants ont entre 4 et 21 ans avec une moyenne d’âge de 12.8. Il y a 21 % de filles et 79 % de garçons. Les caractéristiques de l’échantillon sont les mêmes que celles de la totalité de l’échantillon. 22 % des enfants ayant été abusés ont un faible niveau verbal.

Voici la typologie des abus dont ont été victimes les enfants, rapportés par les soignants : 13 % ont été victimes d’abus physiques, 12 % d’abus émotionnels, 8 % ont été victimes d’abus sexuels, 1 % a été victime d’abus sexuels et émotionnels, 1 % a été victime d’abus physiques et sexuels et 16 % ont été victimes d’abus physiques et émotionnels.

Sur les 99 enfants victimes d’abus, seuls 7 ont été diagnostiqués avec un SSPT.

La comparaison des deux groupes : ceux des enfants victimes d’abus et ceux qui n’ont pas été victimes d’abus, montre que les enfants victimes d’abus ont plus de pensées intrusives et de souvenirs pénibles, plus de perte d’intérêt, ils sont plus irritables et plus léthargiques.

Quand on compare les résultats du groupe des enfants victimes d’abus et ceux du sous groupe ayant un diagnostic effectif de SSPT ; on s’aperçoit que les enfants ayant un diagnostic de SSPT ont plus de pensées intrusives, plus de souvenirs perturbants, plus de peurs persistantes et plus de comportements colériques.

La comparaison des symptômes relevant du SSPT entre le groupe des enfants ayant été victimes d’abus et ceux n’ayant pas été victimes d’abus laisse à penser que l’autisme et le Syndrome de Stress Post Traumatique sont liés et que les enfants autistes sont susceptibles de développer des symptômes traumatiques suite à des abus (Cook et al. 1993; King and Desaulnier 2011; Mansell et al. 1998). Cependant il faudrait comparer ces résultats à ceux d’enfants au développement typique pour savoir si les enfants autistes sont davantage amenés à développer des symptômes traumatiques par rapport à la population générale.

Aussi, certains symptômes incluant la peur, la colère, l’irritabilité, les problèmes d’attention, les troubles du sommeil ne diffèrent pas de manière significative entre le groupe des enfants autistes victimes d’abus et ceux n’ayant pas été victimes d’abus car ils sont des symptômes communs de l’autisme (American Psychiatric Association 2013).

Les enfants autistes ayant un SSPT diagnostiqué sont plus irritables et léthargiques que les enfants autistes victimes d’abus mais n’ayant pas un diagnostic de SSPT. Cela montre qu’il y a bien une altération négative de l’humeur et de la cognition du fait du lien entre l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique. On pourrait alors penser que le SSPT exacerbe les symptômes autistiques, pourtant il n’y a pas de différence dans le noyau des symptômes autistiques entre l’échantillon des enfants autistes victimes d’abus et ceux n’ayant subi aucun abus.

Cette similarité des deux groupes quant à la gravité des symptômes TSA et à certains symptômes du SSPT pourrait avoir joué un rôle dans le faible taux de diagnostics de SSPT chez les personnes ayant des antécédents de violence rapportés.Sur les 99 enfants victimes de maltraitance déclarée par les soignants, seuls sept ont été diagnostiqués comme souffrant de stress post-traumatique par des équipes cliniques expertes. Les facteurs concurrents de la résilience et de la vulnérabilité ne sont pas bien compris chez les personnes atteintes de TSA en ce qui concerne la formation potentielle de symptômes de SSPT. Il se peut qu’une grande partie des enfants autistes victimes d’abus soient résilients face à leurs expériences traumatiques.

Il est aussi possible qu’un certain nombre d’enfants autistes victimes d’abus n’ait pas été diagnostiqué comme ayant un SSPT à cause des symptômes communs entre l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique.

Cela a pu pousser les cliniciens à s’appuyer sur des seuils de sévérité plus importants des symptômes de SSPT pour le groupe d’enfants victimes d’abus.

Une autre explication pourrait être que tous ces enfants autistes victimes d’abus ne rencontrent pas l’ensemble des critères de diagnostic pour un SSPT.

Il est aussi intéressant de regarder les résultats entre le groupe d’enfants abusés ayant un SSPT et ceux ayant été abusés et n’ayant pas de SSPT. Ceux avec un SSPT ont plus de comportements craintifs et de crises de colère. Cela pourrait signifier que ces signes en particulier sont des signaux d’alarme forts que les cliniciens devraient rechercher en priorité lors des diagnostics de SSPT chez les personnes autistes.

Les limites à cette étude sur l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique

Cette étude concernant les liens entre l’autisme et le Syndrome de Stress Post-Traumatique a plusieurs limites :

  • Les mesures n’ont pas été conçues pour collecter des informations spécifiques aux traumatismes, et les rapports d’abus et de symptomatologie signalés par le fournisseur de soins ne pouvaient être approfondis et clarifiés.
  • A cause des difficultés de communication des personnes autistes, il est probable que certaines personnes identifiées comme n’ayant pas subit d’abus appartiennent en fait à la catégorie des enfants autistes ayant subit un abus mais que ca n’ait pas été détecté par les soignants
  • Le fait de se baser sur les dires rapportés par les soignants peut générer un biais
  • Il aurait été intéressant de voir si certains symptômes de SSPT sont plus liés à certains types de traumatismes, mais l’échantillon était trop réduit pour procéder à ce type de comparaison (Par exemple est-ce que les abus physiques sont plus caractérisés par l’apparition de crises de violence que les autres types de traumatismes).

Pour aller plus loin dans cette étude, il serait intéressant de comparer un échantillon de personnes autistes avec un passif de maltraitance et un échantillon de personnes au développement typique ayant un passé de maltraitance afin d’analyser les ressemblances et les différences entre les deux populations.


Source : Brenner, J., Pan, Z., Mazefsky, C. et al. J Autism Dev Disord (2018) 48: 3727. https://doi.org/10.1007/s10803-017-3183-4




Les facteurs qui augmentent l’utilisation de soins psychiatriques

Aujourd’hui, plusieurs études montrent que les personnes autistes ont davantage recourt aux soins psychiatriques que la population générale. Cependant, on observe aussi des facteurs de risque à l’intérieur de la population des personnes autistes et l’utilisation élevée des soins psychiatriques n’est pas distribuée de la même manière dans le spectre de l’autisme.

L’objectif de l’étude (Righi, G., Benevides, J., Mazefsky, C. et al. J Autism Dev Disord, 2018) dont je vous propose le résumé dans cet article est d’identifier les facteurs individuels et familiaux qui augmentent le risque d’utilisation des soins psychiatriques et d’hospitalisation chez les personnes autistes.

Introduction et méthodologie de l’étude

Les Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA) se caractérisent par un déficit de la communication et des interactions sociales et par des comportements répétitifs et restreints selon le DSM-5. La sévérité des troubles varie d’un individu à l’autre et peut être accompagnée de déficience intellectuelle, d’un déficit de langage ou d’autres conditions génétiques, psychiatriques ou neurodeveloppementales (American Psychiatry Association 2013).

Les personnes autistes ont plus de difficultés de santé tout au long de leur vie que la population générale (Barrett et al. 2015; Hamdani and Lunsky 2016; Liptak et al. 2006; Mandell et al. 2006; Shimabukuro et al. 2008; Wang and Leslie 2010). Cela est particulièrement valable pour les soins psychiatriques (Croen et al.2006). Entre 1999 et 2009, le taux d’hospitalisation des enfants autistes a augmenté de manière significative à l’exception des enfants âgés de moins de 5 ans (Nayfack et al. 2014). La cause principale de ces hospitalisations était une condition psychiatrique. Le taux d’hospitalisation des enfants autistes est significativement plus élevé en comparaison des taux d’hospitalisation des enfants sans trouble particulier, de ceux ayant une déficience intellectuelle ou de ceux ayant d’autres pathologies psychiatriques (Mandell et al. 2006; Wu et al. 2014). De plus, les adolescents autistes sont plus susceptibles que les autres d’avoir recours à des hospitalisations d’urgences pour des agressions ou de l’automutilation (Iannuzzi et al. 2015; Lunsky et al.2015).

Il y a des raisons de penser que le risque d’avoir recours à des soins psychiatriques n’est pas distribué de la même manière pour tous les individus sur le spectre et qu’il existe certains facteurs de risque qui exposent les personnes autistes à des besoins de soins psychiatriques plus importants (Croen et al. 2006; Kalb et al. 2012; Lunsky et al. 2015; Modi et al. 2015; Mandell 2008).

La présente recherche étudie les hospitalisations en service psychiatrique des enfants et adolescents autistes. Contrairement à la plupart des études et aux vastes bases de données dans le domaine de la santé, cette étude examine les facteurs prédictifs d’hospitalisation en prenant en compte aussi bien les dires des parents, que des cliniciens. Cette recherche est une étude comparative entre deux groupes de taille importante :

– le Autism Inpatient Collection (AIC) qui est le groupe des patients autistes hospitalisés au moins une fois en service psychiatrique

– le Rhode Island Consortium for Autism Research and Treatment (RI-CART) qui est un groupe de personnes autistes qui n’ont jamais été hospitalisées. Les âges et les genres des deux groupes correspondent.

Les chercheurs ont utilisé un modèle d’analyse intitulé Andersen’s Model of Behavioral Service Utilization (Andersen 1995) qui étudie l’utilisation d’un service selon trois caractéristiques :

– les facteurs de prédisposition : les caractéristiques démographiques, la présence d’une déficience intellectuelle, la sévérité des symptômes de l’autisme, le niveau de fonctionnement du langage et les fonctions d’adaptation

– les facteurs habilitant : la situation de vie des individus, la situation familiale, le statut familial

– les facteurs de besoins : les problèmes médicaux et les problèmes psychiatriques

Résultats de l’étude

Les deux groupes comparés ne présentaient pas de différence significative en matière d’âge et de genre. La population des deux groupes était majoritairement blanche et incluait une minorité de participants hispaniques et latinos.

Les personnes non verbales  avec une déficience intellectuelle étaient beaucoup plus représentées dans le groupe des patients hospitalisés en soins psychiatriques (AIC) que dans l’autre groupe.

Les compétences de vie quotidienne et les domaines de socialisation, évalués grâce l’échelle de Vineland, sont moins élevés dans le groupe de patients hospitalisés (AIC).

Le Score de Sévérité Total ainsi que celui concernant l’Affecte Social, évalués par l’ADOS-2, sont plus importants dans le groupe de patients hospitalisés (AIC). Il n’y a par contre pas de différence notable entre les groupes concernant les Comportements Répétitifs et Restreints.

Dans les deux échantillons, la majorité des enfants et adolescents résident chez leurs parents, bien qu’il y ait des différences significatives de statut marital chez les aidants familiaux. Ceux du groupe des patients autistes hospitalisés (AIC) sont plus souvent non mariés et n’ont pas de compagnon de vie.

Aucune différence significative n’a pu être observée concernant le revenu des ménages des deux groupes. Cependant si l’on regarde la répartition des revenus à l’intérieur des groupes, plus de familles issues du groupe AIC ont des revenus inférieurs à 20 000 $ et moins d’entre elles ont des revenus supérieurs à 100 000 $ comparativement au groupe de patients autistes non hospitalisés.

Un nombre globalement plus élevé de diagnostics psychiatriques par l’individu a été observé dans l’échantillon AIC. Parmi les différents diagnostics, il n’y a pas de différence significative dans la prévalence des diagnostics de TDAH, de trouble anxieux, de personnalité oppositionnelle, il y a par contre un nombre plus élevé de troubles de l’humeur (incluant la dépression et les troubles bipolaires notamment) dans le groupe AIC.

Parmi les problèmes médicaux, un nombre plus important de trouble du sommeil ont été observés dans le groupe AIC. Il n’y a par contre pas de différence significative entre les groupes pour les troubles suivants : crises d’épilepsie, problèmes hormonaux, problèmes dentaires, problèmes gastro-intestinaux.

Discussion

Il est à noter que la déficience intellectuelle, bien qu’elle soit davantage présente dans le groupe AIC n’est qu’indépendamment reliée à l’hospitalisation en psychiatrie lorsque ce facteur est contrôlé avec d’autres facteurs. Ces données peuvent sembler surprenantes, mais les recherches précédentes ont trouvé des résultats partagés sur la relation entre déficience intellectuelle, capacités de langage, et des comportements inadaptés sévères qui justifieraient une hospitalisation (Dominick et al. 2007; Kanne and Mazurek 2011; Matson et al. 2008; Ruddick et al. 2015).En outre, il est possible que la relation entre ces facteurs et l’hospitalisation ait été prise en compte par les scores de comportement adaptatif utilisés dans les analyses, car ils rendent compte des capacités des individus dans plusieurs domaines.

Les précédentes recherches n’ont pas analysé le lien entre les fonctions adaptatives et les hospitalisations en service psychiatrique chez les personnes autistes. Par contre, les études précédentes ont montré un lien fort entre de faibles compétences dans les fonctions adaptatives et la violence (hétéro et/ou auto agressivité) chez les personnes autistes (Farmer et al. 2014; Hartley et al. 2008; Mazurek et al. 2013). D’autres études (Kalb et al. 2012; Mandell 2008; Modi et al. 2015) ont montré un lien de causalité entre la présence de comportements violents et l’utilisation des services de soins psychiatriques chez les personnes autistes. La relation observée entre le fonctionnement adaptatif et l’hospitalisation pourrait être influencée par la présence de comportements non adaptés graves. Bien que la présente étude ne puisse pas parler directement de la nature de la relation entre le fonctionnement adaptatif et les comportements difficiles, les résultats démontrent l’importance d’évaluer et de traiter les déficits de comportement adaptatif tout au long de l’enfance et de l’adolescence chez les personnes TSA.

Peu d’études se sont intéressées au lien entre les caractéristiques principales de l’autisme (troubles de la communication et des interactions sociales, et comportements répétitifs et restreints) et l’utilisation des services de soins de santé (Lunsky et al. 2015). En revanche de nombreuses études ont étudié la relation entre les caractéristiques principales de l’autisme et les comportements agressifs. Les résultats sont mitigés, certaines ont trouvé qu’il existait un lien de dépendance entre ces variables (Matson et al. 2008), d’autres n’ont trouvé aucune dépendance (Hill et al. 2014). Ces différences s’expliquent par l’utilisation d’instruments différents pour mesurer la sévérité des symptômes.

Dans la présente étude, c’est le Score Calibré de Sévérité au test ADOS qui est retenu comme critère d’identification de la sévérité des symptômes de l’autisme. Ce score est un assemblage des résultats obtenus dans le domaine de la communication sociale et dans celui des comportements répétitifs et restreints. Le score d’Affect Social a été analysé comme étant un indicateur des compétences de communication sociale (prise en compte des comportements verbaux et non verbaux).

Les résultats n’ont montré aucune différence entre les deux groupes (patients hospitalisés et patients non hospitalisés), ce qui est surprenant, car les comportements répétitifs et restreints sont souvent associés à de plus importantes comorbidités psychiatriques (Gabriels et al. 2005; Stratis and Lecavalier 2013). Cette différence peut s’expliquer par le fait que dans les études précédentes les comportements répétitifs et restreints sont évalués sur les dires des accompagnants alors que dans la présente étude, ils sont mesurés par l’ADOS qui est une évaluation directe des comportements.

Par contre, un score plus élevé dans la catégorie Affect Social augmente le risque d’hospitalisation. Cette relation entre les deux variables peut être une manifestation du lien entre le déficit de communication et de compétences sociales et les comportements défis (Chiang 2008; Matson et al. 2013). Il y a donc nécessité à accompagner le plus tôt possible l’acquisition de meilleures compétences sociales pour les enfants autistes.

La relation entre le statut familial et le risque d’hospitalisation observé dans la présente étude peut souligner la nécessité de s’assurer qu’une famille dispose des ressources suffisantes pour faire face à des comportements négatifs significatifs. Même si une famille peut en fin de compte bénéficier de diverses ressources, les ressources spécifiques aux accompagnants familiaux peuvent jouer un rôle essentiel dans la réduction du risque d’hospitalisation, comme le montre une relation inverse précédemment démontrée entre le nombre de dispositifs de répit disponibles et le risque d’hospitalisation (Mandell et al. 2012).

En matière de comorbidités psychiatriques, la présente étude rejoint les résultats des précédentes qui montrent un lien entre les troubles de l’humeur et le risque d’hospitalisation (Mandell 2008). Une attention toute particulière dès les premières manifestations de ce trouble doit donc être observée par les cliniciens qui accompagnent les personnes autistes.

Les troubles du sommeil n’ont jamais été étudiés comme facteur de risque d’une hospitalisation en service psychiatrique ou d’utilisation des soins psychiatriques. Pourtant on sait que les troubles du sommeil sont plus présents chez les enfants ayant un trouble psychiatrique (Ivanenko and Johnson 2008) et les enfants autistes avec des troubles du sommeil ont plus de comportements défis (Goldman et al. 2011; Hill et al. 2014; Mazurek et al. 2013). Les résultats de la présente étude rejoignent ceux des études précédentes concernant les troubles du sommeil.

Enfin, divers facteurs non mesurés dans la présente étude contribuent à augmenter le risque d’hospitalisation, notamment les soins psychiatriques ambulatoires, les services comportementaux à domicile, le cadre scolaire ou les programmes de jour, ainsi que la disponibilité d’autres services individuels et familiaux.

Malgré leurs limites, les présents résultats révèlent des indicateurs pouvant être utiles pour identifier les enfants et les adolescents présentant un risque plus élevé d’hospitalisation en psychiatrie, ainsi que des cibles potentielles pour une intervention individuelle et familiale visant à réduire le risque de recourir à des services psychiatriques.


Source :

Predictors of Inpatient Psychiatric Hospitalization for Children and Adolescents with Autism Spectrum Disorder, Righi, G., Benevides, J., Mazefsky, C. et al. J Autism Dev Disord, 2018




Les difficultés de santé chez les personnes autistes

Une étude parue dans la revue Pediatrics (Davignon M.N. et al. Pediatrics 141, S335-S345, 2018) montre que les jeunes autistes ont plus de difficultés de santé que ce soit au niveau des pathologies psychiatriques et physiologiques, que dans la population générale ou que les personnes ayant un Trouble Déficitaire de l’Attention.

Les enfants et les jeunes adultes autistes ont une variété de difficultés de santé physiologique ou psychiatrique qui les amènent à utiliser les services de soin. Or il existe très peu d’information sur la prévalence des conditions médicales et psychiatriques chez les enfants et jeunes adultes autistes. L’objectif de l’étude est donc d’en décrire la fréquence parmi un large panel d’individus autistes.

Une étude réalisée en 2010 (Bauman ML. Medical comorbidities in autism: challenges to diagnosis and treatment. Neurotherapeutics. 2010) montre que les enfants autistes ont beaucoup de comorbidités  incluant des crises d’épilepsie, des troubles du sommeil, des problèmes gastro-intestinaux, des troubles du comportement, de l’anxiété et de la dépression.

Une étude récente de Lisa Croen (Croen LA, Zerbo O, Qian Y, et al The health status of adults on the autism spectrum. Autism. 2015) a aussi montré que les adultes autistes ont un taux élevé de problèmes médicaux et psychiatriques.

Une explication possible est qu’il y ait quelque chose de physiologique ou génétiquequi est sous-jacent non seulement à ce qui relève de la définition de l’autisme, mais aussi la santé physique et, plus généralement, la santé mentale

dit Lisa Croen, directrice du Autism Research Program à Kaiser Permanente, un centre de soin basé en Californie.

Il faut différencier les difficultés de santé physiologique, comme les problèmes liés au poids qui peuvent provenir d’une activité physique limitée, ou d’une diététique inadaptée aux besoins, et les difficultés de santé mentale.

Une étude a montré que les personnes autistes plus âgées ont également plus de problèmes de santé et de problèmes psychiatriques que la population générale

Si l’on compare l’étude de L. Croen avec celle de M. Davignon, on s’aperçoit que pour beaucoup de ces pathologies associées le taux plus élevé rencontré chez les personnes autistes est stable dans le temps entre les jeunes autistes et les adultes autistes plus âgés. Il existe malgré tout quelques exceptions, comme les troubles bipolaires : ils semblent diminuer avec l’avancée en âge dans la population des personnes autistes alors qu’ils augmentent dans la population générale.

Dans l’étude de M. Davignon, publiée en 2018, les chercheurs ont observé les dossiers de 4123 personnes autistes, 20615 personnes avec un Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH), 2156 personnes diabétiques, et 20615 personnes sans conditions particulières. Les personnes étaient âgées entre 14 et 25 ans.

Ces dossiers montrent qu’environ une personne autiste sur trois a une autre condition psychiatrique, comme un TDAH 15%, un trouble de l’anxiété 14 %, un trouble dépressif 10 % et un trouble bipolaire 6%, ce qui représente un score plus élevé que dans les autres groupes pour la plupart des troubles cités.

Quelques exceptions concernent la dépression qui est plus présente chez les personnes présentant un TDAH et l’usage intensif de stupéfiant qui est moins répandu chez les personnes autistes.

Les chercheurs notent aussi un point de préoccupation important concernant le taux d’automutilation et de suicide chez les personnes autistes qui est quatre fois plus élevé que dans la population générale, selon une étude parue en 2016 (Schendel DE, Overgaard M, Christensen J, et al. Association of psychiatric and neurologic comorbidity with mortality among persons with autism spectrum disorder in a Danish population. JAMA Pediatr. 2016).

Les difficultés de santé physiologique sont bien présentes chez les personnes autistes : 42 % ont une infection, et 25 % étaient concernées par l’obésité, 18 % ont une pathologie neurologie, 16 % ont une allergie ou un trouble immunologique, 15 % ont des troubles musculo-squelettiques et 11 % ont des pathologies gastro-intestinales.

Il y a beaucoup de facteurs qui contribuent à élever le taux de difficultés de santé chez les personnes autistes.

Le fait de se sentir différent de la norme ainsi que l’isolement social peut mener à des troubles anxieux et à la dépression. Les traitements utilisés pour répondre aux troubles du comportement, aux troubles psychiatriques ou neurologiques peuvent amener et/ou augmenter des troubles physiologiques comme l’obésité, le sommeil ou les problèmes gastro-intestinaux.

Cela vient s’ajouter aux particularités du fonctionnement autistique, comme la perception sensorielle, qui occasionnent parfois une sensibilité différente à la douleur et aux signaux d’alerte manifestés par le corps en cas de problème de santé.

Les difficultés à interagir avec autrui, les périodes de transition, les changements de routine, la difficulté à s’accommoder à de nouveaux lieux/personnes rendent plus difficile l’accès aux soins pour les adolescents et les adultes autistes.

Le manque de formation des professionnels de santé qui ne connaissent pas le fonctionnement des personnes autistes et n’adaptent pas leurs méthodes aux particularités des personnes autistes. Les personnes autistes sont donc peu enclines à réitérer une visite chez un professionnel de santé si elle ne s’est pas bien déroulée la fois précédente.

Tous ces facteurs permettent d’expliquer pourquoi les personnes autistes ont plus de difficultés de santé.


Références:

Davignon M.N. et al. Pediatrics 141, S335-S345 (2018)

Numerous health problems burden young adults with autism, Spectrum News, Jessica Wright June 2018




Le risque de suicide chez les personnes autistes

Le risque de suicide chez les personnes autistes est plus important que dans la population générale.

Les chiffres concernant le risque de suicide chez les personnes autistes varient dans une proportion très importante selon les études. Cependant, toutes semblent pointer le fait que le risque de suicide est plus élevé chez les personnes autistes. Une étude suédoise de 2015 intitulée National Patient Registry montre que le risque de suicide chez les personnes autistes est 10 fois plus élevé que dans la population générale. Les femmes autistes sont particulièrement touchées par ce risque.
Une étude intitulée Suicidal ideation and suicide plans or attempts in adults with Asperger’s syndrome attending a specialist diagnostic clinic: a clinical cohort study parue en 2014 montre que deux personnes autistes sur trois ont déclaré avoir eu l’envie de se suicider dans leur vie.

 

Déceler les signes de suicide chez les personnes autistes

Le problème est que même quand les signes sont apparents, les cliniciens peuvent les rejeter. Ils restent souvent fixés sur des préjugés concernant le rapport que les personnes autistes ont avec leurs émotions et pensent à tort qu’elles n’ont pas de sentiments complexes ou qu’elles ne sont pas connectées à leurs émotions. Elles ont simplement souvent une manière différente de les exprimer ou n’arrivent pas à les exprimer.
Les cliniciens se trompent aussi sur l’interprétation de l’automutilation qui est un signe d’alerte de risque de suicide reconnu dans la population générale. Pour les personnes autistes, cela est considéré comme un comportement lié à l’autisme.
D’autres signes avant-coureurs peuvent être manqués, car ce sont des éléments de fonctionnement qui diffèrent déjà chez les personnes autistes, comme les troubles du sommeil, la perte d’appétit, ou l’isolement social. Cela rend donc les signes de suicide plus difficiles à interpréter chez les personnes autistes.

 

Les facteurs aggravants les risques de suicide chez les personnes autistes

Les adolescents qui ont des troubles de la communication sociale ont deux fois plus de chance que leurs pairs de se faire du mal avec des intentions suicidaires.
Le travail récent de Culpin I. et al. (J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry 57, 313-320, 2018) est l’un des premiers à étudier les relations entre les traits autistiques et les comportements suicidaires chez les personnes autistes.
Les résultats suggèrent également que les problèmes de communication sociale accélèrent la dépression qui mène elle-même à des pensées ou des comportements suicidaires.

Il est bien connu que la dépression est associée au suicide. La surprise pour moi était que cela n’explique qu’une partie de l’association, alors il y a certainement d’autres médiateurs potentiels en dehors

 

dit Dheeraj Rai, chercheur principal et maitre de conférence confirmé en psychiatrie à l’université de Bristol, en Angleterre.
Par exemple le harcèlement et un faible contrôle des émotions peuvent aussi contribuer à un risque élevé de comportements suicidaires chez les adolescents avec des difficultés sociales.
Cette étude n’a pas trouvé de lien direct entre les comportements suicidaires et l’autisme. L’échantillon incluait seulement 42 adolescents autistes. C’est trop peu pour en extraire des conclusions significatives.
Néanmoins, cela montre que le suicide et l’automutilation sont communs chez les personnes autistes. Elles ont en effet moins de réseaux sociaux et luttent pour se connecter aux autres. Cela exacerbe le risque de comportements suicidaires chez les personnes autistes.
Le message fort qui est passé par cette étude est la nécessité de détecter les signes de dépression et de risque de comportements suicidaires chez les personnes autistes. Il semblerait que ces difficultés soient plus fréquentes chez les adolescents autistes.

 

Des résultats inquiétants

 

Rai et ses collègues ont analysé les questionnaires remplis par les parents pour 5031 enfants autistes dans le cadre de l’étude Avon Longitudinal Study of Parents and Children. L’étude a suivi des milliers de femmes et leurs enfants en Angleterre pour enquêter sur les influences génétiques et environnementales sur le développement.
Les parents ont aussi complété un questionnaire permettant d’évaluer les traits autistiques (communication sociale, compétences sociales et comportements répétitifs et restreints) à différents âges des enfants.
Les chercheurs ont considéré que les 10 % d’enfants qui avaient les scores les plus élevés aux trois caractéristiques étaient considérés comme à “haut risque” pour un diagnostic d’autisme et les autres 90 % des enfants comme étant à « faible risque » pour un diagnostic d’autisme.
Quand les enfants ont eu 12 ans, ils ont complété une enquête sur la dépression. À l’âge de 16 ans, ils ont répondu à des questions concernant le suicide, par exemple de savoir s’ils se sont déjà blessés dans le but de se tuer.
L’analyse de cette enquête montre qu’il y a une part égale des deux groupes (ceux classés à « haut risque » pour un diagnostic d’autisme et ceux classés à « faible risque »), environ 11 %, qui font de l’automutilation sans intention de se suicider. Par contre, 12.5 % du groupe classé à « haut risque » ont déclaré s’être blessés avec l’intention de se suicider, contre seulement 6 % du groupe à « faible risque ».

Ce sont des résultats tout à fait inquiétants, vraiment (…) il n’y a pas d’étape intermédiaire. C’est plus une tentative active de mourir

 

dit Emily Taylor, conférencière en psychologie Clinique à l’université d’Edinburgh en Écosse, qui n’était pas impliquée dans la recherche.
La recherché n’a trouvé aucun lien entre les autres traits autistiques et les pensées suicidaires.

 


Sources :
Social problems common in autism raise risk of suicidal behavior, Hannah Furfaro, Spectrum News, juillet 2018




L’autisme et les allergies chez les enfants

Les allergies alimentaires sont plus de deux fois plus élevées chez les enfants autistes que parmi leurs pairs typiques.

Ces résultats apparaissent au sein d’une plus vaste étude visant à analyser le lien entre l’autisme et une réponse immunitaire anormale. Par exemple, les femmes avec une condition immunitaire particulière ou une maladie auto-immune telle qu’un lupus, une arthrite rhumatoïde sont plus susceptibles que les femmes sans ces conditions d’avoir un enfant autiste.

Jusque-là peu d’études ont analysé directement le lien entre l’autisme et les allergies. Le nouveau travail basé sur les réponses apportées par les parents de presque 200 000 enfants est la première étude de cette ampleur à trouver ce lien.

C’est une des premières enquêtes à identifier une connexion suggérant qu’il peut y avoir quelque chose lié à l’autisme que nous n’avons pas encore regardé auparavant – et que cette nourriture peut jouer un rôle crucial

 

Dit Linda Snetselaar, professeure d’épidémiologie à l’université d’Iowa. Cependant, les chercheurs ne suggèrent pas que l’autisme cause les allergies alimentaires. La nature du lien entre l’autisme et  les allergies alimentaires n’est pas définie.

Certains chercheurs mettent en garde contre les conclusions de cette enquête, car elle est basée sur un questionnaire rempli par des parents et ne s’appuie pas sur les diagnostics de professionnels.

Les chercheurs ont examiné les réponses des parents qui ont complété le National Health Interview Survey de 1997 à 2016. Cette enquête est une étude fédérale sur la santé des enfants et des adultes aux États unis.

Les parents de 199 520 enfants âgés de 3 à 17 ans ont répondu à des questions concernant des allergies dermatologiques, respiratoires ou alimentaires durant l’année passée. Parmi ces enfants, 1868 sont autistes (1478 garçons et 390 filles).

Au sein de l’échantillon des enfants autistes, 11.25 % ont une allergie alimentaire contre 4.25 % des enfants typiques. Environ 17 % des enfants autistes ont de l’eczéma ou une allergie de peau, comparé à 10 % des enfants typiques.

Les chercheurs n’ont pas trouvé de lien entre l’autisme et les allergies chez les filles, mais cela s’explique sans doute par le fait qu’il y ait un échantillon trop faible de filles.

Les résultats montrent une relation entre l’autisme et les allergies, ils ne suggèrent pas que les allergies augmentent le risque d’autisme ou l’inverse. L. Snetselaar explique que :

C’est très important de ne pas se concentrer sur la causalité, mais plutôt de voir qu’il y a un chemin vers des recherches additionnelles futures

 

Une des possibilités est que l’autisme et les allergies partagent des racines communes.

Par exemple, une sorte de particularité génétique commune qui sous-tend à la fois des irrégularités immunitaires à la naissance et des troubles neurodévelopementaux ou du comportement

 

Dit Lisa Croen, directrice du  Autism Research Program dans un centre de soins basé en Californie. Elle n’était pas impliquée dans l’étude.

L’étude a d’autres limites comme de se baser sur la mémoire que les parents ont des allergies de leur enfant, ce qui peut manquer d’exactitude. Et certaines différences dans les diagnostics d’allergies peuvent s’expliquer par le fait que les enfants autistes voient plus souvent les médecins que les enfants typiques, ils ont donc plus de chance de se faire dépister leurs allergies.

 


Source :

Autistic children prone to food, skin and respiratory allergies,Hannah Furfaro, Spectrum News, Juillet 2018

 




Les liens entre l’autisme et l’épilepsie

Abigail a été récemment diagnostiquée autiste avec une déficience intellectuelle. Elle fait aussi souvent des crises d’épilepsie. Cela a mis plus de 20 ans pour obtenir ces diagnostics.

En 2013, Meena Balasubramanianle, médecin d’Abigail lui propose de participer à une étude intitulée Deciphering Developmental Disorders (DDD), une étude durant laquelle les chercheurs séquencent les gènes d’un individu pour trouver la cause de maladies génétiques non diagnostiquées.

Pour Abigail, ils trouvent une mutation de nuovo dans un gène connu pour être à la source de l’épilepsie : le gène HNRNPU. Gillian, la mère d’Abigail a eu les résultats seulement l’année dernière.

Durant les dernières années, ce gène a aussi été étudié comme pouvant être impliqué dans les causes de l’autisme associé à un trouble neurodéveloppemental.

Trouver la cause génétique de la condition d’Abigail a éveillé l’intérêt de M. Balasubramanian pour ce gène.

Elle a depuis collecté les informations de 6 autres personnes porteuses de cette mutation. Ces participants partagent les difficultés d’apprentissage et les crises d’Abigail.

A l’aide d’une autre équipe de recherche, M. Balasubramanian a analysé les données génétiques de 11 personnes. Les résultats suggèrent que la mutation de ce gène HNRNPU entraine une déficience intellectuelle, des crises d’épilepsie, des traits faciaux distinctifs et l’autisme dans certains cas.

Une cinquième étude a été menée et a trouvé cette mutation dans certaines cellules de personnes autistes.

  1. Balasubramanian a identifié 23 personnes supplémentaires porteuses de la mutation HNRNPU depuis que son étude a été publiée. Elle collabore actuellement avec des chercheurs en France et aux États-Unis qui ont identifié d’autres personnes avec cette mutation.

 

Ces études ont porté ce gène à l’attention des généticiens, notamment Evan Eichler et ses collègues de l’université de Washington à Seattle. Lui, et son équipe ont assemblé des données de séquençage  de plus de 11000 personnes avec une condition neurodévelopementale. Au début de cette année, ils ont remarqué que 11 d’entre eux avaient une mutation dans le gène HNRNPU et 8 étaient également identifiés par l’étude du DDD.

La prochaine étape pour ce domaine de recherche est de définir les caractéristiques physiques associées aux mutations de l’autisme, dit Raphael Bernier un professeur de psychiatrie et de sciences comportementales à l’université de Washington.

L’équipe de Eichler a aussi recherché comment la mutation du gène HNRNPU contribue à l’autisme. Le gène HNRNPU est impliqué dans le traitement des messages d’ARN qui codent les protéines; d’autres gènes de la même famille peuvent également être impliqués dans l’autisme.

Parmi les 25 autres personnes qui ont cette mutation, 5 ont un diagnostic d’autisme. La plupart d’entre elles ont des caractéristiques autistiques, mais n’ont pas été évaluées de manière formelle.

 

“Mon intuition est que, après avoir parlé à toutes les familles et avoir vu les enfants, je pense que la majorité vont finir par correspondre aux critères de l’autisme”

 

dit Chao. Elle et ses collègues ont prévu d’étudier les souris avec une mutation du gène HNRNPU pour mieux comprendre comment ces mutations mènent à l’autisme et aux autres traits.

 


Sources :

Studies unveil hidden ties between epilepsy gene and autism, Jessica Wright, Spectrum News, juillet 2018




Les liens entre l’autisme et l’anorexie

Merci à Aspipistrelle pour sa relecture, ses corrections et ses conseils concernant cet article ainsi que pour son témoignage, dont vous trouverez le lien en bas de la page.

En apparence l’autisme et l’anorexie sont très différents. Les personnes autistes sont selon les présupposés peu liées à leurs émotions alors que les personnes anorexiques sont souvent des jeunes femmes hypersensibles influencées par les idéaux culturels de la minceur et de l’image de la femme. Cependant, plusieurs recherches ont approfondi ce sujet et trouvé plusieurs liens entre l’autisme et l’anorexie.

 

Des points communs entre l’autisme et l’anorexie

Si l’on met à part ces préjugés sur l’autisme, ces deux conditions ne sont pas si éloignées l’une de l’autre et partagent des points communs, selon Janet Treasure, une psychiatre au King’s College de Londres, et responsable d’un service de troubles alimentaires au Maudsley Hospital à Londres :

I must admit I was skeptical at first when I read about the links, but when we were looking at various aspects of vulnerability to anorexia, such as thinking styles and emotional styles, they were actually very similar.

 

Traduction libre : Je dois admettre que j’étais sceptique au début quand j’ai lu au sujet de ces liens, mais lorsque nous regardons les différents aspects de la vulnérabilité à l’anorexie, comme le style de pensées ou le style émotionnel, ils sont en réalité très similaires.

Des recherches émergentes montrent que les personnes qui partagent ces deux conditions ont des difficultés à comprendre et interpréter les indices sociaux et ont tendance à se fixer sur les petits détails ce qui rend difficile d’avoir une vue d’ensemble. De plus, les deux groupes ont besoin de règles strictes, de routines et de rituels. Les études génétiques montrent également des chevauchements entre l’autisme et l’anorexie.

Mais l’autisme n’est pas systématiquement lié à l’anorexie. Certaines recherches montrent que les personnes autistes peuvent aussi être maigres parce qu’elles mangent peu en quantité et que c’est devenu une routine. A l’inverse, d’autres femmes autistes peuvent trouver du réconfort en mangeant.

Une étude intitulée  « Childhood onset neuropsychiatric disorders in adult eating disorder patients. A pilot study” de Wentz E, parue dans le Journal of child and adolescent psychiatry en décembre 2005 montre que 20 % des personnes ayant un trouble alimentaire sont autistes. Les femmes autistes sont souvent sous diagnostiquées, c’est pourquoi c’est souvent par l’intermédiaire d’un trouble alimentaire que l’autisme est finalement mis en lumière.

Si le premier pas est de reconnaitre qu’une personne est à la fois concernée par l’autisme et les troubles alimentaires, il n’est pas pour autant simple de l’accompagner par la suite car il y a peu de professionnels, notamment de psychologues, formés à cela. Originellement les thérapies pour les personnes anorexiques sont des thérapies de groupe et cela peut ne pas être adapté aux personnes autistes qui ne sont pas forcément à leur aise dans les situations d’interaction. La plupart de ces thérapies demandent aussi aux personnes de changer leurs habitudes alimentaires dans un temps très court, ce qui représente une double difficulté pour les personnes autistes.  Pour ces raisons il est très difficile pour une personne concernée à la fois par l’autisme et l’anorexie de sortir de la spirale de l’anorexie car certaines caractéristiques de l’autisme l’alimente.

 

Histoire de la recherche sur l’autisme et l’anorexie

Pour expliquer l’anorexie, les psychologues se tournent souvent vers la culture occidentale et sa valorisation d’une image corporelle féminine  très mince. Mais si cela était la cause principale de l’anorexie, celle-ci devrait être beaucoup plus élevée que 1 % de la population, qui est la prévalence moyenne aux États-Unis. Depuis les années 1990, différentes études menées tendent à montrer qu’il existe un facteur génétique et que l’anorexie serait en partie héritée. D’autres relient l’anorexie à des traits de personnalité comme l’anxiété, le perfectionnisme ou le fait de rester bloqué sur certaines idées.

Au début des années 2000, la psychologue Nancy Zucker a mené plusieurs études afin de mieux comprendre les difficultés sociales et cognitives de ses patients et leur proposer un meilleur traitement. Lors de ses recherches, elle est frappée par la ressemblance entre le profil cognitif des personnes autistes et celui des personnes anorexiques.

La première étude qui met en lumière le lien entre l’anorexie et l’autisme est publiée dans le Jounal of Autism and Developmental Disorder en 1980 et s’intitule « Treatment of atypical anorexia nervosa in the public school : an autistic girl » (traitement d’une anorexie atypique à l’école publique : une fille autiste). Trois années plus tard, Christophe Gillberg, psychologue suédois spécialisé dans l’autisme, publie une étude dans le British Journal of Psychiatry qui fait le lien entre l’anorexie et l’autisme. Pendant plusieurs années, ce champ ne semble plus intéresser les spécialistes. Puis vers 2007, N. Zucker et d’autres chercheurs font le lien entre plusieurs caractéristiques communes à l’anorexie et à l’autisme :

  •  la difficulté à se faire des amis
  •  la difficulté à maintenir les relations sociales : cela entraine un retrait social qui persiste chez les personnes anorexiques, même après le retour à un poids normal
  •  une rigidité de pensée et de comportement : avec un besoin de similarité et une résistance aux changements forte
  •  la difficulté à changer de tâche et une focalisation sur les détails plutôt que sur une vue d’ensemble

Une année plus tard, le groupe de recherche de Janet Treasure montre que les femmes anorexiques ont des scores significativement plus élevés au test du Quotient Autistique, qui est un questionnaire auto-administré qui permet de mesurer les traits autistiques. En 2014, une étude dans la revue Molecular Autism a montré que bien que seulement 4 % des femmes sur 150 patientes recevant un traitement ambulatoire pour l’anorexie dans une clinique de Londres avaient un TSA probable, une sur quatre avait des scores au-dessus du seuil de diagnostic de l’autisme lors d’un questionnaire de dépistage. Cette recherche suggère que les femmes anorexiques ont de forts traits autistiques même si elles n’ont pas de diagnostic clinique. Elles continuent à se débattre dans les situations sociales même après leur rémission.

Wiliam Mandy, psychologue à l’université de Londres qui a beaucoup étudié les femmes autistes dit que:

 They were also incredibly rigid and inflexible, and there’s the idea that, perhaps, that part of the autism syndrome might be a particular risk factor for developing a restrictive eating disorder

 

Traduction libre : « elles étaient aussi incroyablement rigides et inflexibles et il y a l’idée que peut-être, cette partie du syndrome autistique peut être un facteur de risque particulier pour développer un désordre alimentaire restrictif ».

En 2015, Wiliam Mandy a souhaité approfondir les données sur ce lien entre l’autisme et l’anorexie et a procédé à 10 longues interviews de femmes connues pour avoir des difficultés d’interaction sociale ou être autistes et un trouble alimentaire. Il a découvert que toutes ces femmes ont eu des difficultés d’interaction sociale et des problèmes liés à la nourriture bien avant que leur trouble alimentaire ne se déclare.

Toujours en 2015, une étude danoise (Autisms pectrum disorder in individuals with anorexia nervosa and in their first- and second-degree relatives : Danish nation wide register-based cohort-study, British Journal of Psychiatry, mai 2015) a montré que les proches familiaux d’une personne anorexique ont un niveau significativement plus élevé de diagnostic d’autisme que dans la population générale. Cela montre que ces deux conditions, l’autisme et l’anorexie partagent un patrimoine génétique commun.

 

Les troubles alimentaires chez les personnes autistes

Les régimes hautement restrictifs sont connus dans l’autisme. Ils peuvent s’expliquer par une perception sensorielle particulière, comme le fait de ne pas supporter certaines textures ou couleurs d’aliments.

Beaucoup de filles autistes arrivent à répondre aux demandes sociales lors de la scolarisation à l’école primaire, cependant au fur et à mesure qu’elles grandissent, elles ont plus de difficultés à camoufler leurs traits autistiques ce qui génère de l’anxiété.

Le fait de contrôler leur poids leur permet de mieux correspondre aux attentes de leurs pairs et d’alléger leur anxiété sociale. Le fait de s’affamer leur permet à la fois de rendre l’anxiété moins importante et à la faire disparaitre plus vite, ce qui correspond selon les psychologues aux mécanismes de régulation émotionnelle. Quand le cerveau est affamé, il est tellement en recherche de nourriture que les autres émotions passent au second plan. Physiologiquement, la privation de nourriture diminue le niveau de sérotonine dans le cerveau. Walter Kay, un spécialiste de l’anorexie à l’université de Californie pose l’hypothèse que les personnes anorexiques auraient un niveau trop élevé de sérotonine dans le cerveau qui les rendrait anxieuses.La privation de nourriture permettrait d’équilibrer le niveau de sérotonine dans le cerveau.

C’est seulement durant les 5-10 années passées que les chercheurs ont commencé à reconnaitre qu’il existait des chevauchements entre l’autisme et l’anorexie. Ces recherches étant récentes, on ne sait pas avec précision combien de personnes sont concernées.

Jennifer Wildes, qui dirige le Centre Universitaire de Pittsburgh pour  Overcoming Problem Eating pense que le nombre de personnes étant à la fois touchées par l’autisme et l’anorexie est probablement faible. De plus, elle remarque que les symptômes liés aux traits autistiques notamment les interactions sociales, s’améliorent une fois que la personne a guéri de l’anorexie. Cela montre que ces difficultés sont plus liées à l’anorexie qu’à l’autisme. Elle a vu des centaines de patients dans la clinique où elle travaille et ne pense pas que le lien entre l’autisme et l’anorexie soit si commun.

N. Zucker et W. Mandy estiment le nombre de personnes anorexiques qui ont également un diagnostic d’autisme entre 5 à 10 % des personnes anorexiques. Mais ils observent aussi que même en l’absence d’un diagnostic commun entre l’autisme et l’anorexie, les personnes anorexiques partagent un certains nombres de traits autistiques comme la difficulté à se faire des amis ou à interpréter les indices sociaux. Cela affecte suffisamment le fonctionnement de la personne pour compromettre ces chances de guérison.

 

Quelles solutions pour les personnes concernées par l’autisme et l’anorexie ?

Comme il existe peu de connaissances sur les personnes autistes et anorexiques, il est difficile de trouver des professionnels qui prennent en compte ces deux fonctionnements et amènent la personne à sortir du cercle de la privation de nourriture. Les personnes concernées par l’autisme et l’anorexie rencontrent beaucoup de psychologues et de psychiatres, sans que ceux-ci soient en capacité de mettre en place un accompagnement adapté. Selon Craig Johnson, directeur de la clinique Eating Recovery Center à Denver, la clé est de prendre en compte les traits autistiques dans l’accompagnement de ces personnes en privilégiant notamment les interventions individuelles plutôt qu’en groupe.

Il dit que :

We always had this subset of patients who didn’t do very well in group therapy, and our response was, ‘Well, let’s put them in more groups,’ It just alienated them even more; now we know better.

 

Traduction libre : “Nous avons toujours ce sous-groupe de patients qui ne se débrouille pas très bien en thérapie de groupe, et notre réponse est ‘Bien, mettons les dans plus de thérapies de groupe’, cela les aliène encore plus, maintenant nous comprenons mieux pourquoi».

Plusieurs solutions ont été trouvées pour accompagner les personnes concernées par l’autisme et l’anorexie, comme proposer un plus petit choix de nourriture ou clarifier les attentes et les règles.

Le fait de ne pas prendre en compte les traits autistiques de ces patients peut mener à des mauvais traitements. Un jeune patient concerné par l’autisme et l’anorexie explique que lorsqu’il a été hospitalisé, le personnel lui a confisqué tous les objets qui lui permettaient une stimulation sensorielle et a fermé à clé la porte de la salle de bain alors que c’était l’endroit où il pouvait se réfugier pour se rassurer. Privé de ces deux moyens de régulation qui ne lui nuisaient pas, il n’a trouvé d’autre solution que de pratiquer l’automutilation pour calmer ses pics d’anxiété.

Les chances de se remettre varient avec l’âge. Une étude intitulée « Effects of autisms pectrum disorders on outcome in teenage-onset anorexia nervosa evaluated by the Morgan-Russell outcome assessment schedule : a control led community-based study », menée par C. Gillbert et publiée dans la revue Molecular Autism en 2015 montre que les adolescents concernés par l’autisme et l’anorexie ont autant de chance de guérir de l’anorexie que les personnes uniquement anorexique. Par contre, ils ont plus de chance de développer d’autres pathologies psychiatriques.

Holly a eu un diagnostic tardif d’autisme à 41 ans et a passé une partie de sa vie à lutter avec la privation de nourriture qu’elle s’infligeait à elle même. Depuis son diagnostic d’autisme, elle a pu adapter son accompagnement avec la psychologue qui la suivait et a regagné du poids sans le reperdre plus tard. Elle a aussi été plus attentive aux attitudes et aux comportements de son fils, qui a lui aussi pu être diagnostiqué comme autiste. Cependant, il a développé les mêmes habitudes alimentaires que sa mère. Il est rassasié seulement après quelques bouchées et a perdu beaucoup de poids.

I had to use what I had learned to help him learn to eat regularly even if he didn’t feel hungry or got full. I taught him how to read labels to make sure what he was picking had enough calories. It took a year, but now he’s back to growing as he should be. No one ever did this for me.

 

Traduction libre : Je devais utiliser ce que j’avais appris pour l’aider à apprendre à manger régulièrement, même s’il n’avait pas faim ou était rassasié. Je lui ai appris à lire les étiquettes pour s’assurer que ce qu’il choisissait avait assez de calories. Il a fallu un an, mais maintenant il est de retour à la croissance qu’il devrait avoir. Personne n’a jamais fait ca pour moi .

 

Pour illustrer cet article de manière plus vivante, je vous propose de lire le témoignage d’Aspipistrelle que vous trouverez en consultant le lien suivant :

https://aspipistrelle.wordpress.com/2017/06/25/elle-est-entree-sans-frapper-lanorexie/

 

Source :

The invisible link between autism and anorexia, Spectrum News, Carrie Arnold, février 2016

Le blog d’Aspipistrelle