Les effets de la médiation animale chez les personnes autistes

Cet article est le résumé d’une étude publiée en juin 2020 dans le Journal of Autism and Developmental Disorders dont vous trouverez les références complètes en bas de page et qui aborde les effets de la médiation animale chez les personnes autistes sur le stress, la réponse sociale et l’estime de soi.

Les problèmes liés au stress, comme l’anxiété ou la dépression sont fréquents chez les personnes autistes et affectent 77 % de cette population (Joshi et al. 2013).

Le stress est souvent associé à la dépression et à l’anxiété (Vreeburg et al. 2010), à une mortalité prématurée et un moins bon état de santé générale (Slavich 2016) et aux difficultés de communication et d’interaction (Hirvikoski and Blomqvist 2015).

Plusieurs études, non spécifiques aux adultes autistes, ont montré que les interactions avec les animaux réduisent le niveau de stress (Beetz et al. 2012). Une étude de O’Haire en 2013 montre que pour les enfants autistes, il y a également une réduction du stress grâce aux Thérapies Assistées par les Animaux (TAA).

Des améliorations au niveau des interactions sociales et de la communication ont aussi été notées (Berry et al. 2013; Gabriels et al. 2015). Elles peuvent être particulièrement adaptées car les animaux ne communiquent pas de manière verbale, ce qui peut représenter une forme d’interaction moins stressante qu’un dialogue avec un thérapeute qui implique des aspects métacognitifs et de l’introspection (Verheggen et al. 2017).

L’hypothèse a été émise que dans les milieux thérapeutiques, les animaux agissent comme des catalyseurs sociaux, amenant les patients à devenir plus disposés à communiquer avec leur environnement social, ce qui facilite à son tour l’amélioration des interactions sociales et de la communication (Gabriels et al.2015).

Même si les études montrent des effets plutôt positifs de la TAA ou médiation animale chez les personnes autistes, il y a quand même des limites : les résultats ne peuvent pas toujours être généralisés, la taille des échantillons est parfois trop petite, les diagnostics d’autisme ne sont pas toujours vérifiés et les descriptions des interventions ne sont pas toujours précises.  Il peut aussi y avoir un manque de groupes témoins, de randomisation et de mesures de résultats validés (O’Haire 2013).

Les chercheurs ont fait une recherche sur les études parues entre 1995 et 2018 et aucune étude correspondant à leur critère n’incluait d’adulte autiste.

L’étude menée a pour objectif de contribuer à augmenter le corpus de la littérature scientifique sur le sujet des Thérapies Assistées par les Animaux ou médiation animale chez les personnes autistes, en incluant un public d’adultes autistes, jusque là peu étudié.

Les chercheurs ont utilisé une taille d’échantillon appropriée à une étude exploratoire, inclus un groupe contrôle, la randomisation et des mesures de résultats validés.

Les chercheurs ont posé l’hypothèse que les TAA ou médiation animale chez les personnes autistes peuvent réduire le stress dans cette population, améliorer la réponse sociale (conscience sociale, communication et motivation) et réduire la dépression et l’anxiété qui sont fortement liées au stress (Vreeburg et al. 2010).

Les chiens sont les animaux les plus couramment employés dans les TAA et ce sont les animaux pour lesquels il y a le plus d’études.

Les chercheurs ont donc ciblé les interventions de TAA faite avec des chiens et à destination d’un public de personnes autistes avec une intelligence normale à élevée.

Les chercheurs ont analysé trois dimensions de la médiation animale chez les personnes autistes :

  • l’impact sur le stress,
  • l’impact sur la communication et les interactions sociales,
  • l’impact sur l’estime de soi. Plusieurs études ont constaté que les personnes autistes avaient un niveau d’estime d’eux même plus faible que la population générale et une faible estime de soi est corrélée avec la dépression et l’anxiété (Cooper et al. 2017).

Méthode de la recherche

L’échantillon inclus les critères de sélection suivant : un diagnostic d’autisme, avoir entre 18 et 60 ans, avoir un QI de 80 ou au-dessus.

Puisque l’objectif était de tester les effets des animaux sur le stress, seules les personnes ayant un score élevé à l’échelle Perceived Stress Scale ainsi qu’à la Symptom Checklist-90-Revised, ont été inclus.

Les personnes ayant peur des chiens, ayant une psychose ou un risque suicidaire ont été écartées de l’étude.

Au total 68 personnes correspondaient aux critères d’inclusion de l’étude.

La Thérapie Assistée par les Animaux
La Thérapie Assistée par les Animaux (TAA) est une intervention semi-structurée orientée vers des objectifs, fournie par un professionnel certifié et un animal formé et certifié (IAHAIO 2014).
Les objectifs thérapeutiques des enfants autistes qui ont participé à des recherches antérieures sur la TAA étaient d’améliorer les interactions sociales, les compétences de communication verbale et non verbale et de réduire le stress physiologique (O’Haire 2013).

Le programme de TAA pour cet essai a été développé par des thérapeutes et des spécialistes du comportement canin de la fondation néerlandaise des chiens d’assistance Stichting Hulphond Nederland et des psychologues de l’organisation de soins de santé mentale GGZ Oost Brabant, spécialisés dans l’autisme. Le programme avait un protocole structuré et consistait en 10 séances individuelles hebdomadaires de 60 minutes par séance. Un chien de thérapie a été impliqué pendant toutes les séances de thérapie. Les thérapeutes qui dispensaient des TAA avaient un diplôme universitaire en soins de santé mentale et étaient spécialisés dans le travail avec des adultes autistes. De plus, les thérapeutes TAA avaient suivi des cours avancés sur le comportement et le bien-être des chiens.

Le stress perçu a été mesuré à l’aide de la Perceived Stress Scale (PSS; Cohen et Williamson 1988), qui contient dix items notés sur une échelle de Likert à cinq points allant de 0 «jamais» à 4 «très souvent».
Les symptômes psychologiques et physiques du stress ont été mesurés à l’aide de la liste de contrôle des symptômes révisée à 90 (SCL-90-R; Derogatis 1994).

Les déficits de la réponse sociale ont été mesurés à l’aide de l’échelle de réactivité sociale pour les adultes (SRS-A; Noens et al. 2012). La version néerlandaise du SRS-A contient 64 items et quatre sous-échelles: conscience sociale, communication sociale, motivation sociale, intérêts restreints et comportement répétitif. Chaque élément est noté sur une échelle de Likert à quatre points allant de 1 «faux» à 4 «presque toujours vrai».

L’estime de soi a été mesurée à l’aide de l’échelle d’estime de soi de Rosenberg (RSES; Rosenberg 1965), qui contient dix éléments, chacun noté sur une échelle de Likert à quatre points allant de 1 «très faux» à 4 «très vrai».

Discussion sur les résultats de la recherche sur la médiation animale chez les personnes autistes

Les résultats de cette étude exploratoire montrent que comparée au groupe témoin, la TAA avec les chiens réduit le stress et l’agoraphobie chez les adultes autistes. De plus, l’étude montre que la TAA ou médiation animale chez les personnes autistes réduit les difficultés au niveau de la réponse sociale (évaluée par les partenaires de vie des personnes, la famille proche et les amis).

Il y a aussi des indicateurs qui montrent une réduction des symptômes dépressifs. Ces effets positifs de plus ou moins grande importance durent jusqu’à 10 semaines.

Le taux de participation était élevé : 98 % ont suivi au moins 9 cessions de travail avec les chiens sur 10 cessions au total. Le taux est plus élevé que dans les autres études de même nature (Hesselmark et al. 2014; Turner-Brown et al. 2008; 62–92%). Les chercheurs déduisent que ce type d’intervention est possible pour les personnes qui sont motivées à y participer.

La diminution du stress peut être dû à une amélioration de la détection du niveau de stress interne par les personnes autistes et le fait qu’ils trouvent des solutions pour réduire ce niveau.

Cela peut être lié aussi au fait que lors de la TAA, un contexte relaxant est mis en place, comme par exemple du temps d’interaction libre avec le chien.

Plusieurs études montrent qu’il y a aussi des effets positifs au contact physique directe avec le chien qui peut aider à réduire le stress (Beetz et al. 2012).

Deux études (Tabares et al. 2012; Viau et al. 2010) ont montré une diminution du stresse physique par une baisse du niveau de cortisol.

Bien que l’intervention ait montré une réduction des problèmes psychologiques et physiques, cet effet n’a pas atteint le niveau de signification statistique pour un score d’échelle combinée, et la taille d’effet n’a dépassé que légèrement le seuil de signification clinique.

De manière étonnante, l’exploration des sous échelles montre des effets sur l’agoraphobie. Cette variable n’a jamais été investiguée avec les enfants autistes dans la recherche scientifique. Une explication possible de l’effet sur l’agoraphobie peut être qu’au cours des trois dernières séances de l’intervention, les participants, accompagnés du thérapeute et du chien, ont travaillé sur les peurs sociales et le contrôle des stimuli environnementaux en quittant l’établissement de santé mentale et en pratiquant dans le monde extérieur.

Une autre explication possible est que la diminution du niveau de stress ait une influence sur l’agoraphobie car les deux sont liés (Vreeburg et al. 2010).

En plus des résultats pour l’agoraphobie l’analyse montre une réduction significative des scores liés à la dépression dans les conditions d’intervention. Cependant lorsque les résultats sont corrigés avec les covariables cet effet n’atteint pas un niveau statistique significatif. Des recherches plus approfondies seraient nécessaires pour investiguer cette piste de travail.

Il est possible que la réduction du stress perçu réduise aussi la dépression car il existe un lien entre les deux (Vreeburg et al. 2010).

Il est aussi possible que l’activité physique et les contacts sociaux durant les cessions aient une influence sur le sentiment dépressif.

Dans cette étude les résultats en matière d’amélioration de la réponse sociale correspondent à ceux observés dans les études avec les enfants autistes.

Cependant, ces dernières études montrent principalement des améliorations à un niveau plus basique de la communication sociale (par exemple, regarder les yeux, faire des sons ou parler avec des mots), qui ont été évaluées à l’aide d’observations et d’enregistrements vidéo (O’Haire 2013).

Gabriels et coll. (2015) ont utilisé le même instrument que celui utilisé dans notre étude, mais pour mesurer la réactivité sociale dans un programme d’équitation thérapeutique pour les enfants autistes. Ils ont trouvé des résultats similaires dans les rapports indirects et ont émis l’hypothèse que l’amélioration des compétences de communication sociale pourrait être attribuée à la capacité unique des animaux à servir de soutien social ou à agir comme catalyseur social dans un cadre thérapeutique.

Les résultats n’ont montré aucun effet d’intervention significatif sur l’estime de soi. La littérature montre que les interventions axées directement sur l’amélioration de l’estime de soi sont plus efficaces que les interventions axées sur d’autres cibles (Haney et Durlak 1998), comme c’était le cas dans cette étude. Contrairement au stress élevé et aux symptômes psychologiques, une faible estime de soi n’était pas un critère d’inclusion pour les participants. Dans les recherches futures, il est important de considérer comment l’estime de soi devrait être ciblée dans les TSA, en particulier lorsque les participants montrent des niveaux moyens, comme ils l’ont fait dans notre étude.

Médiation animale chez les personnes autistes : un dessin humoristique

Limites de l’étude et perspectives

Une des limites de la recherche est la taille relativement petite de l’échantillon. Il est possible que certains des effets soient significatifs dans un échantillon plus large. Cette étude ayant un caractère exploratoire, un échantillon de 30 à 40 participants a été considéré comme suffisant (Hertzog 2008).

Une autre limite est qu’une généralisation des résultats pourrait être limitée en raison du manque de diversité ethnique de l’échantillon et de l’exclusion des personnes institutionnalisées, des personnes ayant une déficience intellectuelle et des personnes ayant peur des chiens.

D’après les chercheurs, il s’agit du premier essai contrôlé randomisé qui a démontré les avantages d’une intervention impliquant des chiens chez des adultes autistes. En raison de ses effets cliniquement pertinents et du respect strict des protocoles de recherche mis en place, la TAA ou médiation animale chez les personnes autistes peut être considérée comme une thérapie à étudier dans le cadre d’une réduction du stress pour les personnes autistes. Des recherches supplémentaires sont nécessaires sur les effets de l’AAT chez les personnes autistes et avec des échantillons de plus grande taille.


Référence : Wijker C, Leontjevas R, Spek A, Enders-Slegers MJ. Effects of Dog Assisted Therapy for Adults with Autism Spectrum Disorder: An Exploratory Randomized Controlled Trial. J Autism Dev Disord. 2020;50(6):2153-2163.




Une amygdale plus large est liée à de graves problèmes de comportement chez les filles autistes

Cet article est la traduction d’un texte issu de la revue de vulgarisation Spectrum News et qui aborde le sujet du rôle de l’amygdale dans les troubles du comportement chez les filles autistes et dont vous trouverez les références complètes en bas de page.

Les enfants autistes qui ont des troubles du comportement ont tendance à avoir une amygdale droite plus large, une région du cerveau qui aide à traiter les émotions et à détecter les menaces. Et chez les jeunes filles autistes, la taille de la région est associée à la gravité de ces problèmes.

Les résultats proviennent d’une étude de 300 enfants
autistes âgés de 2 à 3 ans1. Ils pourraient aider les médecins à être à l’affût
de problèmes psychiatriques chez les enfants autistes dès le début, disent les
chercheurs.

Je pense que cela a du sens car ils ne sont que 3 (…)Des choses comme l’anxiété et la dépression ne sont généralement diagnostiquées que bien plus tard, peut-être au début de l’adolescence

Christine Wu Nordahl

Explique la chercheuse principale Christine Wu Nordahl, professeure agrégée de psychiatrie et de sciences du comportement à l’Université de Californie, Davis MIND Institute.

L’équipe de Nordahl a présenté les résultats préliminaires
de l’étude lors de la réunion annuelle de 2018 de l’International Society for
Autism Research.

Des études antérieures ont lié les différences d’amygdale à
un large éventail de troubles psychiatriques, mais les résultats chez les
personnes autistes sont mitigés, certains rapports suggérant qu’ils ont des
amygdales plus petites et certains disant qu’ils en ont de plus grandes.

Le nouveau travail soutient l’idée que l’amygdale est liée à
d’autres conditions psychiatriques chez les personnes autistes, explique John
Herrington, professeur adjoint de pédopsychiatrie et de science du comportement
à l’Hôpital pour enfants de Philadelphie en Pennsylvanie, qui n’était pas
impliqué dans la recherche. Herrington a précédemment découvert que les enfants
âgés de 7 à 17 ans qui souffrent à la fois d’autisme et d’anxiété ont des
amygdales plus petites que leurs pairs typiques.

Ce que des études comme celle-ci fournissent est une explication beaucoup plus nuancée de ce que l’amygdale est réellement responsable en matière d’autisme

Herrington

Cerveaux et comportements

L’équipe de Nordahl a évalué les enfants à l’aide de divers
outils de diagnostic. Les parents ont répondu aux questions sur les problèmes comportementaux
et psychiatriques des enfants – appelés psychopathologie – et leurs capacités
d’adaptation dans les activités de vie quotidienne fonctionnement quotidien.

L’équipe a utilisé un modèle statistique pour regrouper les
enfants en fonction de ces traits en trois catégories: ceux qui ont de graves
problèmes psychiatriques et comportementaux et une déficience modérée; ceux qui
ont peu de problèmes de comportement et peu de déficiences; et ceux qui ont peu
de problèmes de comportement mais de graves déficiences.

Dans l’ensemble, 27% des enfants autistes ont d’autres problèmes psychiatriques, a constaté l’équipe. Et ces conditions sont beaucoup plus fréquentes chez les filles: 40% des filles contre 22% des garçons.

C’est, je pense, la découverte clinique la plus utile (…) Leur enfant peut bénéficier de ces autres traitements et améliorer la qualité de leur vie.

Nordahl

Les parents d’enfants autistes, en particulier les filles, doivent être conscients que les comportements problématiques ne font pas nécessairement «juste partie de l’autisme», dit-elle, et doivent être traités séparément.

Les chercheurs ont également utilisé l’imagerie par
résonance magnétique pour comparer les amygdales de 226 enfants autistes avec
celles de 120 enfants typiques du même âge. Les enfants autistes ont en moyenne
des amygdales droites beaucoup plus grandes.

Mais lorsque les chercheurs ont examiné chaque sous-groupe,
ils n’ont trouvé des amygdales plus importantes que chez les enfants autistes
présentant une psychopathologie élevée et une déficience modérée. Les résultats
ont été publiés en janvier dans le Journal
de l’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry.

L’élargissement de l’amygdale est davantage associé à la psychopathologie qu’à l’autisme lui-même.

explique Nordahl

La présence d’autres conditions comportementales et psychologiques peut expliquer une partie de la variabilité dans les études précédentes de la taille de l’amygdale dans l’autisme, dit-elle.

Les filles avec une grosse amygdale ont tendance à avoir de
graves comportements d’intériorisation, tels que des pleurs excessifs ou des
cauchemars, qui peuvent signaler de l’anxiété ou de la dépression. Mais la même
chose n’est pas vraie pour les garçons avec une amygdale élargie.

C’est un résultat vraiment intéressant qui, pour moi, est le plus difficile à interpréter.

Nordahl

Une possibilité, dit-elle, est que chez les garçons, l’amygdale est impliquée dans des comportements «d’extériorisation», tels que le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention et le trouble oppositionnel avec provocation.

Détection de la menace

L’étude consolide les études montrant que les filles
autistes sont plus susceptibles que les garçons autistes de souffrir de
dépression et d’anxiété, explique Meng-Chuan Lai, professeur adjoint de
psychiatrie à l’Université de Toronto en Ontario, au Canada, qui n’était pas
impliqué dans le nouveau travail.

Cet ensemble de données et cette cohorte est vraiment unique
en quelque sorte parce qu’il s’agit vraiment de ces premières années.

Lai approuve également l’approche purement axée sur les
données de l’étude pour regrouper les personnes autistes en fonction de leur
comportement.

Cependant, Herrington se demande si les catégories dérivées
d’un modèle statistique sont cliniquement significatives. L’évaluation d’un
clinicien pourrait également être un moyen plus précis de mesurer les problèmes
de comportement des enfants que le rapport d’un parent, dit-il, «mais comme
première étape, [l’étude] est merveilleuse».

On ne sait pas comment une plus grande amygdale pourrait
être à l’origine de problèmes comportementaux et psychiatriques. Pourquoi seule
l’amygdale droite est agrandie est également un mystère.

Nordahl et son équipe prévoient de tester et de scanner à
nouveau les enfants à 6 ans pour voir si les regroupements sont stables dans le
temps. Ils mènent également un essai clinique de thérapie
cognitivo-comportementale pour traiter l’anxiété chez les enfants autistes âgés
de 8 à 14 ans.

Références :

Nordahl C.W. et al. J. Am. Acad. Child Adolesc. Psychiatry Epub ahead of print (2020) PubMed


<a rel="noreferrer noopener" aria-label="Enlarged amygdala linked to severe behavioral problems in
autistic girls (opens in a new tab)" href="https://www.spectrumnews.org/news/enlarged-amygdala-linked-to-severe-behavioral-problems-in-autistic-girls/" target="_blank">Enlarged amygdala linked to severe behavioral problems in autistic girls, Spectrum News, Lauren Schenkman, mars 2020



L’impact de l’anxiété sur la qualité de vie chez les enfants autistes

Cet article est le résumé d’une étude scientifique dont vous trouverez les références complètes en bas de page qui aborde l’impact de l’anxiété sur la qualité de vie des enfants autistes.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (1997) la qualité de vie (QdV) est une construction qui représente la perception qu’a un individu de son expérience et de sa satisfaction de la vie par rapport à sa culture, son système de valeurs, ses objectifs et ses attentes.

La qualité de vie est un concept multidimensionnel qui est
composé des mesures du bien être émotionnel, physique et social. Il peut être
mesuré directement auprès de la personne elle-même ou par l’intermédiaire d’un
parent ou d’un professionnel (de Vries&Geurts, 2015).

La Qualité de Vie liée à la Santé (QVLS) est une construction subjective multidimensionnelle qui se concentre davantage sur le bien être physique ou mental qui comprend : les activités physiques, les comportements positifs vis-à-vis de la santé, le fonctionnement scolaire et le bien être psychosocial.

Les études concluent que, lorsque des mesures conçues pour
les personnes au développement typique sont utilisées, la qualité de vie et la
QVLS des enfants, des adolescents et des adultes autistes seraient
considérablement inférieures à celles de leurs pairs au développement typique
(Ayres et al., 2018; van Heijst&Geurts, 2015).

Il y a peu d’études qui s’intéressent à la QdV des enfants autistes basée sur des mesures issues d’une auto-évaluation. La plupart du temps se sont les parents ou les professionnels qui complètent les questionnaires, ce qui constitue en soi une limitation significative.

Dans leur revue des études sur la qualité de vie chez les enfants et les adolescents autistes, Ikeda et al. (2014) ont analysé la différence entre les mesures de qualité de vie estimées par les proches et auto déclarées par l’enfant. Ils ont conclu que les divergences sont à la fois présentes et importantes selon que ce soit les proches ou les enfants eux-mêmes qui répondent.

Au vu de ces conclusions et des écarts qui apparaissent
entre les réponses des parents et celles des enfants eux-mêmes, les chercheurs
qui étudient la qualité de vie mettent en avant l’importance d’étudier la
perspective unique qu’ont les enfants de leur propre situation (Clark,
Magill-Evans, & Koning, 2014; Kamp-Becker, Schroder, Remschmidt, &
Bachmann, 2010; Rapley, 2003; Adams, Clark & Simpson, 2019).

Une des comorbidités les plus fréquentes avec l’autisme est l’anxiété. Le sujet avait déjà été abordé dans cet article qui montre que les adultes autistes sont davantage sujet à l’anxiété. C’est un trouble qui touche environ 40 à 60 % des personnes autistes (van Steensel, Bogels, & Perrin, 2011; White, Oswald, Ollendick, &Scahill, 2009). Mais certains traits de l’autisme et de l’anxiété étant similaires, un diagnostic peut en masquer un autre (Kerns et al., 2014).

L’anxiété a un impact important sur l’ensemble de la qualité
de vie d’un enfant, pourtant peu de recherches se sont intéressées à cet
aspect.

Il y a un nombre important de recherches qui explorent la
relation entre anxiété et qualité de vie chez les personnes non autistes. Les
études concernent davantage les adultes que les enfants.

Les études ont montré qu’il y a une diminution importante de
la qualité de vie chez les personnes avec un trouble anxieux par rapport à
celles qui n’ont aucun diagnostic (Mendlowicz& Stein, 2000).

Deux études récentes ont analysé les liens entre la santé
mentale et la qualité de vie chez les adultes autistes. Mason et al. (2019) ont
montré que les adultes autistes âgés de 55 ans et plus avec anxiété et/ou
dépression ont une moins bonne qualité de vie. Smith, Ollendick, and White
(2019) ont analysé les retours de 241 parents d’adultes sur le spectre, âgés
entre 18 et 27 ans, et ont identifié l’anxiété comme étant un plus fort
prédicteur de la qualité de vie que les caractéristiques de l’autisme.

Rappel : les caractéristiques de l’autisme sont les difficultés de communication et d’interactions sociales et les comportements répétitifs et restreints.

À la connaissance des auteurs, la seule étude ayant analysé
de manière statistique les niveaux d’anxiété liés à la qualité de vie des
enfants autistes tout en contrôlant les caractéristiques connues est celle de
Adams, Clark et al. (2019). Les analyses de régression ont révélé que les
symptômes d’anxiété de l’enfant étaient un facteur de prédiction plus fort de
la QVLS que leurs caractéristiques autistiques (telles que mesurées par le
questionnaire sur la communication sociale; Rutter, Bailey, &Lord, 2003).

Cependant cette étude est basée sur les dires des parents et
nous avons vu précédemment qu’il peut y avoir une différence entre la
perception des enfants et ce que rapportent les parents.

L’étude présentée dans cet article est la première à
explorer les liens entre anxiété et qualité de vie chez les enfants autistes en
analysant leur propre point de vu.

Deux hypothèses sont posées par les chercheurs :

  1. La symptomatologie de l’anxiété chez les enfants permettrait de prédire la qualité de vie autodéclarée par les enfants autistes d’âge scolaire.
  2. Les enfants qui ont signalé des symptômes d’anxiété plus élevés auraient une qualité de vie inférieure à celle des enfants qui ont présenté des symptômes d’anxiété moins graves.

Méthode pour mesurer l’impact de la’anxiété sur la qualité de vie

Cette étude a utilisé des données recueillies dans le cadre
de l’étude longitudinale pour les étudiants australiens autistes (LASA).

En résumé, les parents d’enfants autistes âgés de 4 à 5 ans
ou de 9 à 10 ans vivant en Australie ont été invités par le biais de cliniques
et de publicités sur les médias sociaux à participer à une étude de 6 ans avec
collecte de données annuelle au moyen d’une enquête en ligne.

Au cours de la troisième année de l’étude longitudinale, les
272 parents qui ont participé ont reçu des invitations pour que leur enfant
remplisse un sondage facultatif en ligne sur leurs propres sentiments et
expériences. Si le parent et l’enfant ont tous deux donné leur consentement,
les parents ont reçu par courriel un lien vers le questionnaire d’auto-évaluation
en ligne, qui pouvait être rempli en plusieurs séances si nécessaire. Les
parents et les enfants ont été informés que les parents pouvaient être présents
lorsque leur enfant répondait à l’enquête, mais il leur a été demandé de ne pas
aider dans le choix des réponses ni d’inclure leurs propres points de vue.

Au total 83 enfants ont débuté le questionnaire mais au
final seuls 73 correspondaient aux critères de sélection. L’âge moyen de
l’échantillon est de 10 ans et 8 mois et il y a 81.7 % de garçons.

Voici les différents outils qui ont été utilisés dans cette
étude :

  • Pour mesurer les caractéristiques de
    l’autisme : Le SCQ [Rutter, Bailey, & Lord, 2003] a été utilisé. C’est
    une liste de contrôle du comportement qui oblige les parents à indiquer la
    présence de certains facteurs sociaux, de communication ou concernant les
    comportements stéréotypés en répondant « oui » ou « non » à
    40 items.
  • Pour mesurer l’anxiété des enfants : c’est
    l’échelle d’anxiété pour les enfants autistes – formulaire enfant (ASC-ASD-C;
    Rodgers et al.,2016) qui a été utilisée. Elle cible à la fois les symptômes
    typiques de l’anxiété et ceux spécifiques à l’autisme au travers de 24 items
    regroupés ensuite en 4 sous échelles.
  • Pour mesurer la qualité de vie : c’est le
    PedsQL 4.0 (Varni et al., 2001) permet de mesurer la qualité de vie liée à la
    santé par un questionnaire de 23 items. Deux versions ont été utilisées dans
    cette étude, une adaptée aux enfants de 5 à 7 ans et une autre adaptée aux
    enfants de 8 à 12 ans.

Malgré le fait que des études aient montré que les personnes
autistes sont davantage concernées par les problèmes d’anxiété (van Steensel et
al., 2011; White et al.,2009) et qu’elles ressentent l’anxiété différemment des
personnes non autistes (Lecavalier et al., 2014; White et al., 2015), il y a
peu d’études sur l’impact de l’anxiété sur la qualité de vie.

Réponses à l’hypothèse 1 : La symptomatologie de l’anxiété chez les enfants permettrait de prédire la qualité de vie auto déclarée par les enfants autistes d’âge scolaire.

Il s’avère que les enfants qui ont rapporté un niveau élevé d’anxiété ont aussi obtenu des scores moins élevés au test de qualité de vie.

Les enfants autistes ayant des scores élevé d’anxiété ont
montré de moins bons scores au niveau physique, émotionnel, social et scolaire.

Parmi les caractéristiques de l’autisme, l’intolérance aux
changements est le seul facteur qui aurait un impact sur la qualité de vie. Néanmoins
ces résultats doivent être regardés avec prudence car certains items de l’échelle
permettant de mesurer l’intolérance aux changements sont dérivés d’une échelle
permettant de mesurer l’anxiété. Il peut donc y avoir un biais du fait de la
construction même de ces outils.

Ces résultats ne sont pas totalement infondés non plus car
la littérature rapporte souvent les stratégies que mettent en place les parents
pour réduire l’exposition aux changements dans la vie des enfants (Hodgson,
Freeston, Honey, & Rodgers, 2017). Des techniques d’adaptation aux
changements peuvent être mises en place pour que l’enfant soit moins en
difficulté car la vie est faite d’imprévus.

Comme l’ont remarqué Adams, Young, et al. (2019) ainsi que
Adams, Young and Keen (2019), chaque source d’information (parents et enfants)
est intéressante et est l’occasion de relever de possibles différences entre
les expériences internes (par l’intermédiaire de l’auto questionnaire) et les
perceptions externes (celles des parents comme observateurs extérieurs) au
sujet de l’anxiété.

Les deux échelles du test ASC ASD ont montré un
fonctionnement physique diminué, notamment en ce qui concerne le niveau
d’énergie, la concentration, les douleurs physiques. Une meilleure information
faite aux parents et aux enseignants permettrait de mieux repérer les signaux
physiques de l’anxiété et donc de mieux détecter les prémisses à la maison ou à
l’école, permettant de mettre en place des soutiens appropriés.

Une récente étude (Adams, Young et al., 2019) a montré qu’il
existait peu d’éléments sur l’anxiété des enfants autistes à l’école, alors
même qu’ils passent beaucoup de temps dans ce type d’environnement.

Dans l’étude actuelle, les scores de la sous échelle
concernant l’incertitude à l’école étaient élevés, pourtant les scores à la
sous échelle de l’anxiété ne l’étaient pas.

Il y a une absence de corrélation entre le test sur les
caractéristiques de l’autisme (SCQ) et le test qui mesure l’anxiété (ASC ASD),
ce qui est conforme aux études précédentes ayant abordé ce sujet.

Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer la relation entre les mesures de l’anxiété et d’autres mesures des caractéristiques de l’autisme telles que l’Autism Diagnostic Observation Schedule, 2e édition (Lord et al., 2012) et / ou l’Autism Diagnostic Interview, Revised (Rutter, Le Couteur, & Lord, 2003).

Réponse à l’hypothèse 2 : Les enfants qui ont signalé des symptômes d’anxiété plus élevés auraient une qualité de vie inférieure à celle des enfants qui ont présenté des symptômes d’anxiété moins graves.

Les études précédentes ont trouvé que les caractéristiques
de l’autisme permettent de prédire le niveau de qualité de vie dans le domaine
de la santé.

Cependant dans cette étude, les résultats montrent que
l’anxiété est un facteur qui influence plus que les caractéristiques de
l’autisme, le niveau de qualité de vie dans le domaine de la santé des
personnes. Cela appui les résultats trouvés par Matson (Matson&Nebel-Schwalm,
2007) qui montraient que l’anxiété provoque plus de perturbation que les
caractéristiques de l’autisme.

Dans l’étude présentée, le fait d’utiliser une échelle de
mesure de l’anxiété adaptée aux enfants autistes étaient une vraie force car
l’expression des émotions et des sentiments peut être différente chez les
personnes autistes (Flynn et al., 2017; Oliver, Woodcock et Adams, 2010).

Néanmoins, l’outil de mesure de la qualité de vie a été
conçu pour des enfants au développement typique. Les parents d’enfants autistes
ont eu des difficultés à répondre à certaines questions, en évoquant les
caractéristiques de l’autisme, plutôt que des exemples concrets portant sur la
qualité de vie.

Limites de cette étude

L’étude présentée ici utilise un questionnaire en ligne pour
confirmer le diagnostic d’autisme, et ne met pas en œuvre des tests directes.
Cela permet d’avoir un échantillon plutôt important au regard de la
problématique d’auto-évaluation. Mais c’est aussi une limite qui ne permet pas
d’avoir une validation indépendante du diagnostic ni une du mesure du QI.

L’étude n’a pas de groupe témoin permettant de comparer les
réponses auto-évaluées des enfants autistes avec un groupe de pairs non
autistes.

En raison de la nature du recrutement del’étude longitudinale
existante avec deux cohortes d’âge, il existe une distribution bimodale des
âges et en raison des restrictions de taille de l’échantillon, aucune analyse
n’a pu être entreprise pour chaque cohorte d’âge séparément.

Du fait de l’utilisation d’un sondage en ligne nécessitant
la saisie de réponses ouvertes, il a été jugé approprié de permettre aux
parents d’avoir la possibilité d’être avec leurs enfants lorsque l’enfant a
répondu au sondage. Cela peut créer un biais car il n’y a aucun moyen de savoir
si les enfants n’ont pas été influencés par le parents présent au moment de
répondre.

À la connaissance des auteurs, il s’agit de la première étude à explorer l’impact de l’anxiété sur la qualité de vie des enfants autistes avec un questionnaire autodéclaré. Sur la base de l’auto-évaluation des enfants autistes, cette étude a mis en évidence que ce sont principalement les difficultés élevées liées à la prédictibilité qui sont associées à une qualité de vie plus faible chez ces enfants. Étant donné l’émergence de nouvelles interventions montrant des résultats prometteurs pour réduire le besoin d’immuabilité, cela peut être une piste d’amélioration pour les enfants autistes.


Using Self-Report to Explore the Relationship Between Anxiety and Quality of Life in Children on the Autism Spectrum, Autism Research, octobre 2019




La résistance aux changements

Beaucoup de personnes autistes ont une résistance aux changements, éprouvent des difficultés lors de certains types de changements ou ont des rigidités de fonctionnement.

Le projet Chatounets : la résistance aux changements

Cette résistance aux changements fait partie des caractéristiques de l’autisme, elle est classée dans les comportements répétitifs et restreints, qui sont un critère de diagnostic de l’autisme.

Ce schéma illustre les différentes catégories de comportements répétitifs et restreints.

Selon Peter Vermeulen, cette résistance aux changements est liée au fait que les personnes autistes perçoivent le monde comme chaotique et désorganisé à cause du mode de traitement de l’information de leur cerveau. Ainsi, ils sont à la recherche de règles et de scriptes pour établir des repères.

Les personnes autistes s’attachent surtout aux routines qu’elles ont crées elles-mêmes ou qui les concernent directement et peuvent être moins sensibles lorsque ce sont les autres qui changent leurs habitudes.

Afin de mettre de l’ordre dans le monde qui les entoure, les personnes autistes peuvent créer des routines par association. Par exemple, s’asseoir toujours à la même place pour manger ou aller boire un café tous les lundis après le travail. Ces règles deviennent des routines rassurantes et c’est lorsque celles-ci ne peuvent être mises en place que la résistance aux changements et les rigidités prennent de l’ampleur.

Au final, toutes les personnes, autistes ou non autistes créent des rituels pour rythmer leur vie. Mais chez les personnes autistes, ceux-ci occupent une place plus importante et les conséquences en cas d’impossibilité à les maintenir sont plus visibles que chez les personnes non autistes.

Selon les personnes, la résistance aux changements peut se manifester de plusieurs manières :

  • questions incessantes sur les raisons du changement
  • protestations
  • anxiété pouvant aller jusqu’à la crise d’angoisse
  • agressivité/colère

Les changements sont une vraie menace pour les personnes atteintes d’autisme, si rien ne se passe comme prévu ou comme leurs règles et leurs scriptes l’exigent, elles se sentent profondément déstabilisées et sont mal à l’aise

Peter Vermeulen

Il est a noté toutefois qu’en matière d’autisme aucun comportement ne saurait s’appliquer à toutes les personnes autistes de la même manière. Ainsi, certaines personnes autistes apprécient le changement (faire une nouvelle activité, réorganiser l’agencement des meubles…), mais c’est plus souvent le cas lorsque celui-ci est initié par elles.


 Comprendre les personnes autistes de haut niveau, Peter Vermeulen, 2013, Dunod 



Une étude révèle que l’anxiété est plus élevée chez les adultes autistes

Ce texte est une traduction d’un article de Spectrum News, One in five autistic adults may have an anxiety disorder dont vous trouverez les références complètes en bas de page et qui aborde l’anxiété chez les adultes autistes.

Une nouvelle étude suggère que les adultes autistes sont plus de deux fois plus susceptibles que les personnes neurotypiques d’être diagnostiqués avec un trouble anxieux. Leurs frères et soeurs non autistes sont également plus susceptibles que la population en général de recevoir un diagnostic d’anxiété.

L’étude est parmi les plus importantes pour sonder la prévalence de l’anxiété chez les adultes autistes. Et contrairement à de nombreuses études antérieures, elle se penche sur des troubles anxieux spécifiques, comme le trouble de stress post-traumatique et le trouble panique 2,3.

On en sait peu sur la prévalence de ces affections chez les adultes autistes, déclare Dheeraj Rai, maître de conférences consultant en psychiatrie à l’Université de Bristol au Royaume-Uni.

Nous sommes toujours très en retard en termes de mesure de [l’anxiété] chez les adultes autistes.

Dheeraj Rai

La nouvelle étude souligne également la nécessité pour les cliniciens et les soignants de surveiller l’anxiété chez les adultes autistes.

Toute personne travaillant avec des personnes autistes devrait s’intéresser de près à l’anxiété

Mikle South

Déclare Mikle South, professeur de psychologie et de neuroscience à l’université Brigham Young de Provo, dans l’Utah, qui n’était pas impliqué dans ce travail.

Merci à Jean Vinçot pour la traduction du schéma ci dessous :

Troubles anxieux diagnostiqués chez les adultes autistes et les adultes typiques

Un niveau élevé d’anxiété

Rai et ses collègues ont étudié les dossiers médicaux des adultes âgés de 18 à 27 ans dans la Stockholm Youth Cohort. Sur les 221 694 personnes échantillonnées, 4 049 ont reçu un diagnostic d’autisme. L’équipe a croisé les dossiers de santé avec les registres des personnes ayant un diagnostic psychiatrique afin d’identifier les adultes souffrant de troubles anxieux.

Ils ont constaté que 20% des adultes autistes avaient un trouble anxieux, contre moins de 9% des adultes typiques. Près de 3,5% des adultes autistes ont un trouble obsessionnel-compulsif et environ 3% ont une phobie sociale, contre environ 0,5% des témoins pour chaque condition. Les résultats ont été publiés en octobre dans le Journal of Autism and Developmental Disorders.

Les différences peuvent en fait être encore plus grandes car l’anxiété est souvent méconnue des personnes autistes, selon les experts.

La plupart des outils permettant de mesurer et de diagnostiquer l’anxiété ont été développés sur des populations neurotypiques, ce qui laisse le reste d’entre nous interrogés sur leur fiabilité et leur validité chez les personnes autistes

John Herrington

Déclare John Herrington, professeur adjoint de pédopsychiatrie à l’Université de Pennsylvanie , qui n’a pas participé à la recherche.

Les facteurs familiaux

Le fait que les frères et sœurs non autistes d’adultes autistes présentent également un risque d’anxiété supérieur à celui de la population en général suggère que des gènes ou des facteurs environnementaux communs peuvent contribuer au chevauchement des deux conditions, ont indiqué les chercheurs.

Les diagnostics d’anxiété sont plus fréquents chez les adultes autistes d’intelligence moyenne ou supérieure. Cela peut être dû au fait que l’anxiété peut être particulièrement difficile à diagnostiquer chez les adultes ayant une déficience intellectuelle, qui peuvent avoir une expression verbale minime.

Pour pouvoir diagnostiquer l’anxiété, il faut que quelqu’un vous en parle. Si le niveau de langue est faible, il y aura beaucoup moins de capacité à signaler l’anxiété.

Mikle South

Les nouveaux résultats sont similaires à ceux d’une étude précédente de la cohorte suédoise, dans laquelle la même équipe avait découvert des probabilités de dépression plus élevées chez les adultes autistes d’intelligence moyenne ou plus élevés que chez ceux ayant une intelligence plus faible que la moyenne.

Selon les chercheurs, l’étape suivante consiste à comprendre pourquoi l’anxiété est si répandue chez les autistes et à trouver de meilleurs moyens de l’évaluer et de la traiter.

  1. Nimmo-Smith V. et al. J. Autism Dev. Disord. Epub ahead of print (2019) PubMed
  2. Mazefsky C.A. et al. Autism Res. 1, 193-197 (2008) PubMed
  3. Russell A.J. et al. Autism 20, 623-627 (2016) PubMed

One in five autistic adults may have an anxiety disorder , Jaklyn Jeffrey-Wilensky, Novembre 2019, Spectrum news



Le camouflage social chez les personnes autistes

Le camouflage social chez les personnes autistes est un terme utilisé pour décrire les comportements qui consistent à cacher ou masquer des aspects de soi même (notamment ses caractéristiques autistiques) vis-à-vis d’autrui pour « traverser » les interactions sociales quotidiennes (Hull et al. 2017). Le camouflage est une expérience communément rencontrée par les personnes autistes lorsqu’elles naviguent dans le monde des personnes non autistes (Bargiela et al. 2016; Hull et al. 2017).

Propos introductifs sur le camouflage social chez les personnes autistes

L’autisme est une condition neurodéveloppementale, avec des difficultés dans les relations sociales et la communication sociale, ainsi qu’une attention accrue aux expériences sensorielles et aux détails (APA 2013). Il y a une prévalence élevée de problèmes de santé mentale chez les personnes autistes, tels que la dépression (Stewart et al. 2006), l’anxiété (Gillott et Standen 2007), l’anxiété sociale (Maddox et White 2015) et les comportements et idées suicidaires (Cassidy et al. 2014; Hirvikoski et al. 2016).

Les premières recherches sur le camouflage social chez les personnes autistes semblent montrer que celui-ci a un impact négatif sur la santé mentale (Bargiela et al. 2016; Cage et al. 2018a). Mais il existe encore peu de recherches dédiées à ce sujet pour mieux comprendre l’expérience du camouflage chez les adultes autistes, notamment dans quels contextes celui-ci intervient ainsi que le coût et les raisons pour lesquelles il est utilisé par les personnes autistes.

Une étude qualitative de Hull et al. (2017) montre que le camouflage social chez les personnes autistes peut être physiquement et mentalement fatiguant. Les participants rapportent qu’ils sont anxieux et stressés après avoir pratiqué le camouflage et ils se sentent dépossédés de leur identité.

Dans une autre étude qualitative, Bargiela et al. (2016) ont
interrogé des femmes autistes diagnostiquées tardivement et ont également noté
ce sentiment d’épuisement après le camouflage et l’impact négatif sur
l’identité. Dans une étude quantitative, Cage et al. (2018a) ont constaté que
les participants qui déclaraient spontanément se camoufler présentaient des
symptômes de dépression plus importants et se sentaient moins bien acceptés par
les autres. Le camouflage s’est également révélé être un marqueur de risque de
suicide chez les adultes autistes (Cassidy et al. 2018).

Ces études suggèrent l’effort fait pour se camoufler est
coûteux pour le bien-être et peut avoir des conséquences négatives sur des
constructions psychologiques telles que l’identité.

La camouflage social chez les personnes autistes

Selon le contexte dans lequel elles se trouvent les
personnes autistes vont plus ou moins utiliser le camouflage. On appelle cela
la théorie de la déconnexion. Cette théorie repose essentiellement sur l’idée
que les individus utilisent des informations spécifiques à un contexte pour
informer de la manière dont ils vont agir dans ce contexte, plutôt que de
s’engager dans tous les contextes de la même manière (Ragins 2008). En
conséquence, il y a une «déconnexion» de la présentation de soi et de
l’engagement entre différents contextes: par exemple, une personne peut décider
de discuter ouvertement de son identité autiste avec des amis mais pas avec des
collègues. Ragins (2008) suggère que plus les personnes font appelle à cette
déconnexion, plus cela nuit à la santé mentale. Cela peut aboutir à une fragmentation
de l’identité, de l’anxiété, du stresse et même aller jusqu’à la dépression
(Bowen and Blackmon 2003; Ragins 2008).

Il semblerait que la théorie de la déconnexion (Ragins 2008)
n’a pas été appliquée au camouflage. Il se peut que les personnes autistes
subissent une «déconnexion de camouflage» en se dissimulant dans certains
contextes, mais pas tous. Selon la théorie de la déconnexion (Ragins 2008), une
déconnexion plus importante du camouflage pourrait être liée à une réduction du
bien-être psychologique.

Si le camouflage social chez les personnes autistes est préjudiciable à la santé mentale, il est important de comprendre pourquoi de nombreuses personnes autistes y ont recours. Par conséquent, cette étude visait également à examiner les raisons possibles du camouflage. Il est toutefois concevable que les raisons du camouflage diffèrent selon le sexe de l’individu. Il existe des résultats mitigés concernant les différences de camouflage entre les sexes: une des hypothèses est que le camouflage contribue au diagnostic tardif ou erroné de l’autisme chez les femmes (Lai et al. 2015). Par exemple, Lai et al. (2017) ont constaté que les femmes autistes avaient des scores plus faibles que les hommes à l’ ADOS (Lord et al., 2000), ce qui reflétait leur «présentation externe», mais elles avaient des scores comparables pour les mesures de « présentation interne » des traits autistiques. Lai et al. (2017) fait valoir que le camouflage est plus fréquent chez les femmes en raison d’une plus grande différence entre les comportements «internes» et «externes» des manifestations de l’autisme, celles liées aux différences de diagnostic pour les femmes autistes.

Une autre hypothèse est que les hommes et les femmes
pratiquent tous deux le camouflage mais pas pour les mêmes raisons en partie
liées aux attentes sociales.

Certaines études (Cage et al. 2018a; Hull et al. 2017) ont montré qu’il y a peu de différence de genre dans le camouflage. Le camouflage social chez les personnes autistes apparait souvent en réponse à la stigmatisation. Les femmes autistes auraient une double contrainte : celle d’être autiste et celle d’être femme. C’est ce qu’on appelle l’intersectionnalité.

Définition de l’intersectionalité: L’intersectionnalité (de l’anglais intersectionality) est une notion employée en sociologie et en réflexion politique, qui désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société. Le terme a été proposé par l’universitaire afro-féministe américaine Kimberlé Crenshaw en 19891 pour parler spécifiquement de l’intersection entre le sexisme et le racisme subi par les femmes afro-américaines, les conséquences en matière de pouvoir, et expliquer pourquoi ces femmes n’étaient pas prises en compte dans les discours féministes de l’époque2. Le sens du terme a depuis été élargi dans les années 2010 avec la montée du cybermilitantisme et englobe désormais toutes les formes de discriminations qui peuvent s’entrecroiser (source Wikipédia).

Saxe (2017) soutient que les expériences des femmes autistes
peuvent être considérées dans un cadre intersectionnel – dans lequel les femmes
autistes sont marginalisées en raison de la focalisation masculine qui a dominé
le discours sur l’autisme.

Pour les hommes autistes les raisons du camouflage seraient
liées à la stigmatisation par rapport à l’autisme, sans que s’ajoutent les
préjugés liés à la féminité.

Plusieurs hypothèses vont être testées dans cette
étude :

1. Le camouflage déconnecté (le fait de se camoufler dans
certains contextes et pas dans tous) a un impact négatif sur le bien être
psychologique

2. Il existe des différences de genre dans les raisons qui
amènent les personnes au camouflage

3. L’âge du diagnostic peut influencer le camouflage, étant
donné que le camouflage peut être lié à un diagnostic erroné ou tardif.

Méthodes de l’enquête

L’échantillon se compose de 262 personnes autistes adultes âgées de plus de 18 ans, avec un âge moyen de 33.62. Les diagnostics ont ensuite été validés avec le Ritvo Autism and Asperger Diagnostic Scale (Eriksson et al. 2013). Les participants ont également rapporté d’autres diagnostics qui correspondent aux comorbidités habituellement retrouvées dans l’autisme (anxiété 51.9%, dépression 50.8%, ADHD 14%).

135 personnes sont des femmes, 111 sont des hommes, 12
participants sont non binaires ou a-genres, 4 personnes n’ont pas souhaité
dévoiler leur genre.

Au commencement de la recherche, les personnes ont été consultées concernant la pertinence de ce sujet pour la communauté des personnes autistes et l’enquête a été revue avec deux personnes autistes. Le questionnaire a été mis en ligne sur la plateforme Qualtrics et le temps de réponse était d’environ 20 minutes.

Trois profils-types de « camoufleurs » sont
identifiés dans cette étude :

  • Les personnes à haut niveau de camouflage : ce sont des personnes autistes qui pratiquent le camouflage social tout le temps, indépendamment du contexte
  • Les switchers : ce sont des personnes autistes qui vont modifier leur utilisation du camouflage selon les contextes dans lesquels ils interagissent (voir la théorie de la déconnexion évoquée précédemment)
  • Les personnes à faible niveau de camouflage : ce sont des personnes qui utilisent peu le camouflage social quelque soit le contexte

Résultats de l’enquête sur le camouflage social chez les personnes autistes

Hypothèse 1 : Le camouflage déconnecté (le fait de se camoufler dans certains contextes et pas dans tous) a un impact négatif sur le bien être psychologique

En utilisant la théorie de la déconnexion, deux contextes de camouflage ont été identifiés, formel et interpersonnel :

  • Contexte formel : comme le milieu de travail ou le milieu médical lors des RDV avec les professionnels médicaux
  • Contexte interpersonnel : où les interactions sont plus personnelles, comme les amis ou la famille

Les participants qui se camouflent dans l’un ou l’autre de ces contextes (switchers) montrent autant de symptômes d’anxiété et de stresse que ceux qui utilisent un camouflage élevé dans les deux contextes. Ceux qui utilisent peu le camouflage montrent des signes de stresse moins élevés que les personnes qui se camouflent selon le contexte ou qui ont un haut niveau de camouflage et une anxiété plus faible que ceux qui ont un haut niveau de camouflage.

Le camouflage apparait bien comme étant couteux en stresse
et en anxiété et le camouflage partiel (selon les contextes) pourrait être
aussi couteux que le camouflage continuel.

Deux explications au camouflage ont été trouvées :

  • Les raisons conventionnelles : faire
    illusion dans des contextes formels comme le travail ou l’éducation
  • Les raisons relationnelles : faire illusion
    dans les relations avec autrui

Les femmes sont plus enclines à adopter le camouflage pour
des raisons conventionnelles que les hommes.

L’analyse qualitative des réponses libres montrent également que le camouflage est adopté pour « passer » dans le monde des personnes non autistes, pour éviter d’être harcelé ou encore pour essayer de mieux gérer les impressions d’autrui.

Quelques citations extraites de l’analyse qualitative sur les raisons de l’utilisation du camouflage (traduction libre) :

Because society expects you to behave like neurotypical people

Parce que la société attend que vous vous comportiez comme les gens neurotypiques

To get through situations as painlessly and as quickly as possible

Pour traverser les situations le moins douloureusement et le plus rapidement possible

To stop bullying and mocking as I’ve experienced this when not masking

Pour éviter le harcèlement et les moqueries que j’ai vécu quand je ne me cachais pas

Because it makes my wife less embarrassed to be seen with me

Parce que ma femme est moins gênée d’être vue avec moi

Dans le contexte du camouflage social chez les personnes autistes, la théorie de la déconnexion n’est que partiellement validée. Selon cette théorie, les personnes qui se camouflent d’un contexte à un autre (switchers) devraient avoir un niveau plus élevé de stresse. Or les switchers et les personnes qui ont un haut niveau de camouflage ont un niveau de stresse comparable.  Cette découverte suggère que la déconnexion pourrait engendrer autant de tensions psychologiques sous forme de stresse qu’un taux de camouflage toujours élevé.

Ces niveaux de stresse équivalents pourraient être le résultat de la dissimulation de l’identité dans différents contextes (Ragins et al. 2007).

Les résultats obtenus pour les personnes qui ont un haut
niveau de camouflage correspondent aux études précédentes établissant une
corrélation entre les symptômes de santé mentale et le camouflage (Cage et al.
2018a; Hull et al. 2017). Alors que ceux qui changent ont moins d’impact en
cachant constamment leur identité, ils doivent néanmoins dépenser de l’énergie
pour évaluer le risque perçu de révéler leur identité autistique dans chaque
contexte. Cette autorégulation constante peut donc les amener au même niveau de
stress que ceux qui se camouflent constamment.

Pour ce qui est de l’anxiété, les personnes ayant un haut
niveau de camouflage  ont cependant
montré des symptômes d’anxiété significativement plus élevés que les personnes
avec un faible niveau de camouflage.

Une des explications pourrait être que les personnes qui qui
se camouflent tout le temps ont moins d’occasion de « retirer le masque »,
il y a donc une tension constante sur l’identité. Cela correspond aux
recherches précédentes qui traitent de l’anxiété et du camouflage social chez
les personnes autistes (Hull et al. 2017).

Cette anxiété peut aussi être liée au manque d’un espace
libre dans lequel pourrait s’exprimer l’identité réelle de la personne, comme
le montre d’autres recherches sur le sujet (Bargiela et al. 2016; Hull et al.
2017).

Une autre explication pourrait être que les personnes
autistes adoptent le camouflage en réponse à un fort niveau d’anxiété sociale.

Les chercheurs n’ont pas trouvé de différences entre les
trois profils types concernant la dépression. Il convient de noter que les niveaux
de dépression étaient élevés, en particulier par rapport aux scores de la
population non autiste (score moyen de 19,68 contre 5,66 dans Henry et
Crawford, 2005)

Cette constatation est en contradiction avec la découverte
de Cage et al. (2018a) qui montre des symptômes dépressifs plus élevés, mais
pas d’anxiété ni de stress, chez ceux qui se sont camouflés par rapport à ceux
qui ne l’ont pas fait.

Hypothèse 2 : Il existe des différences de genre qui expliquent les raisons du camouflage

La présente étude a trouvé des différences de genre,
notamment dans les raisons qui expliquent le camouflage. Les femmes adoptent
davantage le camouflage social pour des raisons conventionnelles que les
hommes. Cela ce produit dans le milieu du travail ou à l’école.

Il n’y a pas de différence de genre dans l’utilisation du
camouflage pour des raisons relationnelles, comme se camoufler pour se faire
des amis ou s’intégrer.

Les hommes et les femmes utilisent tous deux davantage le
camouflage pour des raisons conventionnelles que pour des raisons personnelles
mais les femmes le font dans des proportions plus importantes.

 Il convient de noter
que les hommes et les femmes consentent davantage aux raisons conventionnelles
qu’aux raisons relationnelles, mais les femmes font davantage appel aux raisons
conventionnelles que les hommes.

Ces résultats pourraient être expliqués par une approche
intersectionnelle du camouflage. L’intersectionnalité permet d’expliquer que
les femmes autistes se heurtent à des barrières spécifiques imposées par un
discours dominé par les hommes autour du sujet l’autisme (Saxe 2017).

En effet, dans l’étude Bargiela et al. (2016), des femmes
diagnostiquées tardivement ont expliqué qu’elles avaient du mal à s’adapter aux
attentes de la société concernant les rôles genrés (comme être une mère ou une
petite amie). Comme les femmes constituent souvent une minorité marginalisée
avec statut social minimisé, les femmes autistes ont plusieurs statuts
minoritaires, ce qui peut avoir contribué aux résultats de cette étude.

Pour comprendre la notion de camouflage sociale chez les
personnes autistes il semble important de prendre en compte le poids de la
société et des représentations stéréotypées qu’elle peut imposer aussi bien
vis-à-vis des femmes que de l’autisme.

Hypothèse 3 : L’âge du diagnostic peut influencer le recours au camouflage étant donné que le camouflage peut être lié à un diagnostic erroné ou tardif.

Les adultes diagnostiqués tardivement ont davantage recours
au camouflage pour des raisons conventionnelles alors que les enfants autistes
ont un taux égal de camouflage pour des raisons conventionnelles ou
relationnelles.

Les personnes autistes diagnostiquées tardivement ont passé
plus de temps à « naviguer » dans différentes situations sociales
sans avoir de soutien. Un accompagnement mis en place plus tôt dans la vie aurait
pu leur être bénéfique, notamment à l’école (Jones et al. 2014). Même pour les
adultes autistes il y a un manque d’accompagnement après le diagnostic qui est
préoccupant (Crane et al. 2018).

Des données qualitatives complémentaires ont permis de mieux
comprendre les raisons du camouflage :

1. En premier cela est dû à l’importance pour les personnes
autistes d’essayer de s’intégrer et de correspondre aux attentes sociales de la
société (Hull et al. 2017)

2. En second le camouflage est mis en place pour essayer d’éviter le harcèlement et les représailles. Les personnes autistes sont fréquemment des cibles pour les agresseurs (Schroeder et al. 2014) et elles ont quatre fois plus de chance d’être victime de harcèlement que leurs paires non autistes (Sterzing et al. 2012).

En effet, des études antérieures ont montré que les
individus autistes font souvent état d’expériences de stigmatisation
(Shtayermman 2009), de malentendus et de sous-estimation de leurs capacités
(Heasman et Gillespie 2017) Les personnes non autistes ont aussi tendance à
avoir une mauvaise première impression des personnes autistes (Sasson et al.
2017) et à les déshumaniser (Cage et al. 2018b).

Ces résultats suggèrent que les personnes autistes
rencontrent un «problème de double empathie» (Milton 2012) : les personnes
autistes ont des difficultés à comprendre le monde social des personnes non
autistes et les personnes non autistes ont du mal à comprendre le
fonctionnement social des personnes autistes.

Avec les taux élevés de camouflage rapportés chez les personnes autistes, comme montré dans cette étude et dans d’autres (par exemple, Hull et al. 2017), il apparaît que les autistes investissent beaucoup de temps et d’énergie dans la compréhension et la tentative d’intégration au monde des personnes non autistes (souvent au détriment de leur santé mentale) et à l’inverse les personnes non autistes semblent peu essayer de comprendre le fonctionnement des personnes autistes. Étant donné l’impact potentiel de la non-acceptation sur la santé mentale des personnes autistes (Cage et al. 2018a), il est essentiel de mener davantage de recherches sur l’amélioration de l’attitude des personnes non autistes à l’égard de l’autisme.

Je vous propose un schéma qui récapitule les points principaux mis en lumière par cette étude :

Le camouflage social dans l’autisme

Limites de l’étude et perspectives

L’échantillon est relativement homogène en matière
d’ethnicité et d’éducation, avec une majorité de personnes caucasiennes avec un
niveau d’étude plutôt élevé. De plus l’échantillon ne concernait que des personnes
autistes verbales avec un haut niveau de fonctionnement.

Cette étude peut avoir plusieurs implications
cliniques : en matière de diagnostic d’autisme, les cliniciens devraient
être informés de ce qu’est le camouflage et comment il fonctionne pour les
personnes autistes. Ils devraient avoir à l’esprit que les attentes social
vis-à-vis du genre et de l’autisme entrainent des comportements de camouflage
qui peuvent rendre plus difficile la pose du diagnostic.

De plus, les cliniciens doivent comprendre en quoi le camouflage social chez les personnes autistes peut être une stratégie mal adaptée, étant donné les coûts importants identifiés pour le bien-être psychologique.

On pourrait faire valoir que le camouflage présente un avantage adaptatif, par exemple pour aider à naviguer dans de nouveaux environnements ou, comme mentionné dans les réponses qualitatives de la recherche actuelle, pour simplement «traverser des situations aussi facilement et aussi rapidement que possible».

Autistes et non-autistes peuvent utiliser des stratégies de
présentation de soi pour donner une impression positive à autrui et pour
naviguer dans des situations sociales (Cage et al.2013; Scheeren et al. 2016).
Cependant, pour les personnes autistes, les aspects potentiellement adaptatifs
du camouflage reflètent en fin de compte le manque de compréhension produit par
la société et les efforts immenses que doivent faire ceux qui ne rentrent pas
dans ce monde pour «passer», éviter de se faire intimider, ou faire reconnaître
leur travail.


Understanding the Reasons, Contexts and Costs of Camouflaging for Autistic Adults, Eilidh Cage, Zoe Troxell‑Whitman, Journal of Autism and Developmental Disorders (2019)



Les difficultés rencontrées par les frères et sœurs d’enfants autistes

Selon une nouvelle analyse, les frères et soeurs typiques d’enfants autistes ont tendance à avoir des problèmes d’anxiété, de dépression et des difficultés sociales.

Les recherches apportent des preuves tangibles qui démontrent que les frères et soeurs typiques d’enfants autistes rencontrent aussi des difficultés, selon Carolyn Shivers, professeure assistant en développement humain au Virginia Polytechnic Institute and State University.

Ces résultats appuient la théorie d’un phénotype autistique élargit, qui explique que certains membres de la famille partagent des traits communs de l’autisme.

Cependant, cette étude ne permet pas de définir à quel point les difficultés observées chez les frères et soeurs non autistes sont liées à des facteurs génétiques ou à l’environnement familial, explique Mandy, maitre de conférence expérimenté en psychologie clinique, de l’éducation et de la santé au University College London, qui n’était pas impliqué dans l’étude.

Cette étude (Shivers C.M. et al. Clin. Child Fam. Psychol. Rev.) est une méta-analyse de 69 recherches qui comprennent 6679 enfants autistes ayant un frère ou une soeur et 21 263 sujets contrôles.

La totalité de ces études incluent des frères et sœurs qui ont au moins 5 ans, âge à partir duquel ces comportements deviennent apparents. Les enfants qui ont un frère ou une soeur autiste ont plus tendance à se replier et à avoir des compétences sociales moins développées. Ils rencontrent des difficultés aussi bien socialement qu’émotionnellement qui sont plus importantes que les enfants ayant un frère ou une soeur avec un autre handicap que l’autisme ou sans handicap.

Cependant, ils ne sont pas plus susceptibles que les contrôles d’avoir des problèmes de comportements extérieurs, tels que les agressions. Et leurs stratégies pour faire face à l’adversité ne sont pas inhabituelles non plus.

Les résultats suggèrent que les frères et soeurs typiques d’enfants autistes ont plus de risques de développer  des maladies secondaires ou des traits associés à l’autisme, mais pas aux caractéristiques fondamentales de l’autisme. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas été examinées, déclare Molly Losh, professeure agrégée en sciences de la communication et troubles de la communication à la Northwestern University d’Evanston , Illinois.

Les résultats ne variant pas selon que ce soit les parents ou les frères et soeurs eux-mêmes qui remplissent les questionnaires. Shivers trouve que cela est plutôt surprenant parce que les parents d’enfants autistes sont susceptibles d’être particulièrement sensibles aux traits de l’autisme chez leurs autres enfants.

Pour moi, cela signifie que c’est une chose réelle: il n’y a pas que les frères et sœurs qui sont trop dramatiques ou les parents qui sont trop inquiets

dit Shivers.

Les résultats suggèrent que les frères et soeurs non autistes gagneraient à bénéficier d’une intervention comportementale précoce.

Les frères et sœurs devraient faire l’objet d’un dépistage des symptômes intériorisés et d’autres symptômes psychologiques, qui peuvent être ciblés efficacement grâce à des interventions fondées sur des preuves

déclare Paige Siper, professeure assistante de psychiatrie à la Icahn School of Medicine du Mount Sinai à New York.

Une autre enquête publiée le 3 octobre (Ben-Itzchak E. et al. J. Abnorm. Child Psychol.) met en lumière une autre perspective des relations de la fratrie : les chercheurs ont montré que les enfants autistes avec un frère ou une sœur plus âgé(e)s développent de meilleures compétences sociales que ceux qui n’ont aucun frères et sœurs.  Les frères et sœurs typiques peuvent servir de modèles sociaux à leur cadet autiste.


Sources:

Siblings of children with autism have social, emotional problems by Jessica Wright  /  11 October 2018, Spectrum News




Le harcèlement chez les personnes autistes : le cas des étudiants universitaires

Un grand merci à Céline Pagan qui a accepté de mettre « Squeletto » au service de l’illustration de cet article qui aborde le sujet du harcèlement chez les personnes autistes. Céline Pagan est une personne autiste, artiste, à l’univers bien marqué qui lui a valu la mention « pour le caractère et la personnalité de ses dessins » à l’école Emile-Cohl où elle a étudié. Dessinatrice, peintre et professeur de dessin, elle explore au travers de ses œuvres des thématiques comme le syndrome d’Asperger au féminin ou les animaux. Vous pouvez retrouver quelques-unes de ses créations sur son site internet

Cet article est un résumé de l’étude suivante « Brief Report: Bullying and Anxiety in High-Functioning Adolescents with ASD » Gerrit van Schalkwyk, Isaac C. Smith, Wendy K. Silverman, Fred R. Volkmar publiée en mai 2018 dans le Journal of Autism and Developmental Disorders.

Des recherches récentes soulignent une forte prévalence du harcèlement chez les personnes autistes.

 

 

État des lieux sur le harcèlement chez les personnes autistes

Une étude menée par Sterzing et al. 2012 a analysé le taux de harcèlement chez les personnes autistes dans un échantillon de 900 parents de jeunes autistes âgés de 13 à 16 ans. Un taux de 46.3 % de jeunes victimes de harcèlement a été trouvé, il est significativement supérieur à celui trouvé dans la population générale des adolescents qui s’élève à 10.6 % (Nansel et al. 2001). Une étude de Cappadocia et al. 2012 qui porte sur un échantillon de 192 parents de jeunes autistes âgés de 5 à 21 ans montre que 54 % des situations de harcèlement durent plus d’un an. Les jeunes avec des traits autistiques moyens à élevés ont plus de chance de se faire harceler que les jeunes qui ont des traits autistiques plus faibles et/ou moins visibles (Zablotsky et al. 2014).

Dans une étude de Weiss et al. Publiée en 2015 qui porte sur 101 mères d’adolescents autistes âgés de 12 à 21 ans, 36 % déclarent que leur enfant se fait harceler deux fois par semaine ou plus. Cette étude montre aussi qu’il y a une corrélation entre le harcèlement et la sévérité des symptômes de l’anxiété. Les jeunes qui ont subi du harcèlement ont plus de chance de développer un trouble anxieux à l’âge adulte (Sourander et al. 2007).

Si les données montrent que les enfants autistes sont plus susceptibles d’être victime de harcèlement que les enfants de la population générale, il n’existe à ce jour aucune donnée concernant les jeunes adultes autistes qui entrent à l’université.

Pourtant c’est une période marquée par des changements importants, comme l’apparition de cours magistraux en amphithéâtre qui réunissent un nombre plus conséquent de personnes, une augmentation des demandes sociales ou un changement de domicile avec parfois une première expérience de vie quotidienne seul en dehors de la famille.

Au vu de ces changements, beaucoup d’étudiants autistes ont besoin d’un soutien psychologique et d’une attention clinique soutenue (Adreon and Durocher 2007; Brown et al. 2012; van Schalkwyk et al. 2016; Wolf et al.2009). Dans ce cadre et afin de proposer un accompagnement psychologique mieux adapté il est important de savoir si les étudiants subissent du harcèlement, car cela peut réduire leur chance de réussite à l’université.

Les premiers travaux ont surtout exploré la perspective des parents (Weiss et al. 2015; Zablotsky et al. 2014), mais il serait intéressant à l’avenir de recueillir aussi le point de vue des enfants et adolescents eux-mêmes et de voir si celui-ci diffère des éléments rapportés par les parents.

L’objectif de cette étude est d’évaluer le taux de harcèlement chez les personnes autistes et en particulier les étudiants, le niveau d’anxiété et les caractéristiques de l’autisme sur un échantillon d’étudiants universitaires autistes et d’examiner les liens entre ces trois éléments. Dans cette étude les parents et les individus autistes eux-mêmes seront interrogés afin de s’éloigner des protocoles de recherche qui jusque-là interrogeaient uniquement les parents.

 

Méthode de l’enquête portant sur le harcèlement chez les personnes autistes

Une conférence a été donnée au Yale Child Study Center en avril 2015 sur la thématique de la préparation du passage à l’université pour les étudiants autistes. Un courrier a été envoyé par la suite aux familles concernées et un échantillon de 35 familles a ainsi pu être déterminé. Tous les étudiants concernés ont eu un diagnostic d’autisme selon les DSM-4 ou le DSM-5.

Le protocole de recherche a été établi comme suit :

  •  Un parent de chaque participant a fourni des informations démographiques sur l’étudiant concerné et a complété la version parentale du Multidimensional Anxiety Scale for Children 2 (MASC/P-2, échelle qui mesure l’anxiété) et du Social Responsiveness Scale  (SRS-2, échelle qui mesure les difficultés sociales liées à l’autisme). Ils ont également répondu à des questions pour savoir si leur enfant était concerné par le harcèlement.
  •  Les étudiants ont complété la version adolescente du MASC/C-2 et leur expérience en matière de harcèlement a été évaluée en utilisant un outil appelé My Life in School questionnaire (MLS; Sharp et al. 1994)

Les données ont été analysées en utilisant un outil statistique appelé SPSS Statistics Version 22 (IBM) qui calcule les déviations standards pour les échelles et les sous-échelles. Les corrélations sont calculées entre les données rapportées par les parents et les étudiants concernant le harcèlement et l’anxiété.

 

Dessin de Céline Pagan

Résultats de l’enquête sur le harcèlement chez les étudiants autistes

Concernant le harcèlement, 31 % des parents rapportent que leur enfant en a été victime dans le mois passé contre 51 % des étudiants eux-mêmes. Le score moyen des symptômes de l’anxiété évalué par le MASC-2 était de 54.5 pour les parents et de 56.4 pour les étudiants. Le score moyen obtenu à l’échelle de mesure des difficultés sociales est de 87.8 et aucune différence de genre n’a été identifiée concernant ce score. L’échantillon comprend 23 hommes et 11 femmes et une personne ayant une autre identification de genre.

Cette étude montre que le harcèlement reste un problème majeur pour les adolescents (51 %) lorsqu’on les interroge.

Une étude de Eslea and Rees 2001 montre que chez les adolescents non autistes, le harcèlement intervient surtout au début de l’adolescence, alors que pour les adolescents autistes le harcèlement est encore valable à la fin de l’adolescence, comme le montre une étude de Sterzing et al. 2012 et cela est d’autant plus vrai pour les adolescents autistes avec le moins de compétences sociales.

Cette étude est la première à analyser le harcèlement chez les jeunes adultes autistes à haut niveau de fonctionnement et les résultats rejoignent ceux de Sterling et al.

Les chercheurs ont aussi identifié un taux plus important de harcèlement chez les étudiants qui étaient les plus anxieux socialement. L’étude a permis de déterminer un lien de corrélation entre le harcèlement et l’anxiété sociale. Cela laisse supposer qu’une forte anxiété sociale peut augmenter le risque de harcèlement chez les personnes autistes, ou même que l’intimidation peut aggraver l’anxiété sociale. Le traitement de l’anxiété sociale pourrait donc avoir des avantages en terme de réduction du harcèlement chez les personnes autistes en plus de son objectif principal de réduire les symptômes anxieux.

Une part conséquente de la littérature qui s’intéresse au traitement de l’anxiété chez les jeunes autistes a mis en avant l’efficacité des thérapies cognitivo-comportementales (Lang et al. 2010; White et al. 2010; Wood et al. 2009).

Il est intéressant de constater aussi que dans cette étude, le taux de harcèlement rapporté par les parents et celui rapporté par les étudiants ne sont pas corrélés alors qu’il y a par exemple corrélation par rapport au niveau d’anxiété rapporté par les deux groupes. Plusieurs hypothèses sont envisagées par les chercheurs :

– les étudiants ont rapporté des types de harcèlement moins connus par les parents comme le cyber-harcèlement

– les étudiants étant en train de traverser une période de transition impliquant parfois un éloignement du domicile familial, sont moins enclins à parler à leurs parents des situations de harcèlement qu’ils peuvent vivre.

Cette dernière hypothèse montre bien l’importance qu’il existe à interroger directement les jeunes concernés et non pas que les parents, car cela pourrait entrainer une estimation faussée à la baisse des cas de harcèlement chez les enfants ou les jeunes adultes.

 

Les limites de l’étude

Cette étude sur le harcèlement chez les personnes autistes, en particulier chez les étudiants,comporte plusieurs limites :

  •  la faible taille de l’échantillon (35 personnes)
  • l’influence sur les résultats du fait que l’anxiété soit une comorbidité courante de l’autisme (avec un taux de 50% selon White et al. 2009).
  •  le test de mesure de l’anxiété (MASC) n’est pas spécifique aux personnes autistes et il pourrait fonctionner différemment chez les personnes autistes par rapport à la population générale selon une étude de White et al. 2015

Néanmoins cette étude est la première à mettre en avant la persistance du risque de harcèlement chez les adolescents plus âgés et elle devrait être répliquée afin de voir si les résultats sont les mêmes. L’objectif étant d’agir sur la prévention et l’accompagnement du harcèlement chez les personnes autistes avec une attention spécifique pour les jeunes adultes.

 


Source :

« Brief Report: Bullying and Anxiety in High-Functioning Adolescents with ASD » Gerrit van Schalkwyk, Isaac C. Smith, Wendy K. Silverman, Fred R. Volkmar publiée en mai 2018 dans le Journal of Autism and Developmental Disorders.




Les liens entre l’autisme et l’anorexie

Merci à Aspipistrelle pour sa relecture, ses corrections et ses conseils concernant cet article ainsi que pour son témoignage, dont vous trouverez le lien en bas de la page.

En apparence l’autisme et l’anorexie sont très différents. Les personnes autistes sont selon les présupposés peu liées à leurs émotions alors que les personnes anorexiques sont souvent des jeunes femmes hypersensibles influencées par les idéaux culturels de la minceur et de l’image de la femme. Cependant, plusieurs recherches ont approfondi ce sujet et trouvé plusieurs liens entre l’autisme et l’anorexie.

 

Des points communs entre l’autisme et l’anorexie

Si l’on met à part ces préjugés sur l’autisme, ces deux conditions ne sont pas si éloignées l’une de l’autre et partagent des points communs, selon Janet Treasure, une psychiatre au King’s College de Londres, et responsable d’un service de troubles alimentaires au Maudsley Hospital à Londres :

I must admit I was skeptical at first when I read about the links, but when we were looking at various aspects of vulnerability to anorexia, such as thinking styles and emotional styles, they were actually very similar.

 

Traduction libre : Je dois admettre que j’étais sceptique au début quand j’ai lu au sujet de ces liens, mais lorsque nous regardons les différents aspects de la vulnérabilité à l’anorexie, comme le style de pensées ou le style émotionnel, ils sont en réalité très similaires.

Des recherches émergentes montrent que les personnes qui partagent ces deux conditions ont des difficultés à comprendre et interpréter les indices sociaux et ont tendance à se fixer sur les petits détails ce qui rend difficile d’avoir une vue d’ensemble. De plus, les deux groupes ont besoin de règles strictes, de routines et de rituels. Les études génétiques montrent également des chevauchements entre l’autisme et l’anorexie.

Mais l’autisme n’est pas systématiquement lié à l’anorexie. Certaines recherches montrent que les personnes autistes peuvent aussi être maigres parce qu’elles mangent peu en quantité et que c’est devenu une routine. A l’inverse, d’autres femmes autistes peuvent trouver du réconfort en mangeant.

Une étude intitulée  « Childhood onset neuropsychiatric disorders in adult eating disorder patients. A pilot study” de Wentz E, parue dans le Journal of child and adolescent psychiatry en décembre 2005 montre que 20 % des personnes ayant un trouble alimentaire sont autistes. Les femmes autistes sont souvent sous diagnostiquées, c’est pourquoi c’est souvent par l’intermédiaire d’un trouble alimentaire que l’autisme est finalement mis en lumière.

Si le premier pas est de reconnaitre qu’une personne est à la fois concernée par l’autisme et les troubles alimentaires, il n’est pas pour autant simple de l’accompagner par la suite car il y a peu de professionnels, notamment de psychologues, formés à cela. Originellement les thérapies pour les personnes anorexiques sont des thérapies de groupe et cela peut ne pas être adapté aux personnes autistes qui ne sont pas forcément à leur aise dans les situations d’interaction. La plupart de ces thérapies demandent aussi aux personnes de changer leurs habitudes alimentaires dans un temps très court, ce qui représente une double difficulté pour les personnes autistes.  Pour ces raisons il est très difficile pour une personne concernée à la fois par l’autisme et l’anorexie de sortir de la spirale de l’anorexie car certaines caractéristiques de l’autisme l’alimente.

 

Histoire de la recherche sur l’autisme et l’anorexie

Pour expliquer l’anorexie, les psychologues se tournent souvent vers la culture occidentale et sa valorisation d’une image corporelle féminine  très mince. Mais si cela était la cause principale de l’anorexie, celle-ci devrait être beaucoup plus élevée que 1 % de la population, qui est la prévalence moyenne aux États-Unis. Depuis les années 1990, différentes études menées tendent à montrer qu’il existe un facteur génétique et que l’anorexie serait en partie héritée. D’autres relient l’anorexie à des traits de personnalité comme l’anxiété, le perfectionnisme ou le fait de rester bloqué sur certaines idées.

Au début des années 2000, la psychologue Nancy Zucker a mené plusieurs études afin de mieux comprendre les difficultés sociales et cognitives de ses patients et leur proposer un meilleur traitement. Lors de ses recherches, elle est frappée par la ressemblance entre le profil cognitif des personnes autistes et celui des personnes anorexiques.

La première étude qui met en lumière le lien entre l’anorexie et l’autisme est publiée dans le Jounal of Autism and Developmental Disorder en 1980 et s’intitule « Treatment of atypical anorexia nervosa in the public school : an autistic girl » (traitement d’une anorexie atypique à l’école publique : une fille autiste). Trois années plus tard, Christophe Gillberg, psychologue suédois spécialisé dans l’autisme, publie une étude dans le British Journal of Psychiatry qui fait le lien entre l’anorexie et l’autisme. Pendant plusieurs années, ce champ ne semble plus intéresser les spécialistes. Puis vers 2007, N. Zucker et d’autres chercheurs font le lien entre plusieurs caractéristiques communes à l’anorexie et à l’autisme :

  •  la difficulté à se faire des amis
  •  la difficulté à maintenir les relations sociales : cela entraine un retrait social qui persiste chez les personnes anorexiques, même après le retour à un poids normal
  •  une rigidité de pensée et de comportement : avec un besoin de similarité et une résistance aux changements forte
  •  la difficulté à changer de tâche et une focalisation sur les détails plutôt que sur une vue d’ensemble

Une année plus tard, le groupe de recherche de Janet Treasure montre que les femmes anorexiques ont des scores significativement plus élevés au test du Quotient Autistique, qui est un questionnaire auto-administré qui permet de mesurer les traits autistiques. En 2014, une étude dans la revue Molecular Autism a montré que bien que seulement 4 % des femmes sur 150 patientes recevant un traitement ambulatoire pour l’anorexie dans une clinique de Londres avaient un TSA probable, une sur quatre avait des scores au-dessus du seuil de diagnostic de l’autisme lors d’un questionnaire de dépistage. Cette recherche suggère que les femmes anorexiques ont de forts traits autistiques même si elles n’ont pas de diagnostic clinique. Elles continuent à se débattre dans les situations sociales même après leur rémission.

Wiliam Mandy, psychologue à l’université de Londres qui a beaucoup étudié les femmes autistes dit que:

 They were also incredibly rigid and inflexible, and there’s the idea that, perhaps, that part of the autism syndrome might be a particular risk factor for developing a restrictive eating disorder

 

Traduction libre : « elles étaient aussi incroyablement rigides et inflexibles et il y a l’idée que peut-être, cette partie du syndrome autistique peut être un facteur de risque particulier pour développer un désordre alimentaire restrictif ».

En 2015, Wiliam Mandy a souhaité approfondir les données sur ce lien entre l’autisme et l’anorexie et a procédé à 10 longues interviews de femmes connues pour avoir des difficultés d’interaction sociale ou être autistes et un trouble alimentaire. Il a découvert que toutes ces femmes ont eu des difficultés d’interaction sociale et des problèmes liés à la nourriture bien avant que leur trouble alimentaire ne se déclare.

Toujours en 2015, une étude danoise (Autisms pectrum disorder in individuals with anorexia nervosa and in their first- and second-degree relatives : Danish nation wide register-based cohort-study, British Journal of Psychiatry, mai 2015) a montré que les proches familiaux d’une personne anorexique ont un niveau significativement plus élevé de diagnostic d’autisme que dans la population générale. Cela montre que ces deux conditions, l’autisme et l’anorexie partagent un patrimoine génétique commun.

 

Les troubles alimentaires chez les personnes autistes

Les régimes hautement restrictifs sont connus dans l’autisme. Ils peuvent s’expliquer par une perception sensorielle particulière, comme le fait de ne pas supporter certaines textures ou couleurs d’aliments.

Beaucoup de filles autistes arrivent à répondre aux demandes sociales lors de la scolarisation à l’école primaire, cependant au fur et à mesure qu’elles grandissent, elles ont plus de difficultés à camoufler leurs traits autistiques ce qui génère de l’anxiété.

Le fait de contrôler leur poids leur permet de mieux correspondre aux attentes de leurs pairs et d’alléger leur anxiété sociale. Le fait de s’affamer leur permet à la fois de rendre l’anxiété moins importante et à la faire disparaitre plus vite, ce qui correspond selon les psychologues aux mécanismes de régulation émotionnelle. Quand le cerveau est affamé, il est tellement en recherche de nourriture que les autres émotions passent au second plan. Physiologiquement, la privation de nourriture diminue le niveau de sérotonine dans le cerveau. Walter Kay, un spécialiste de l’anorexie à l’université de Californie pose l’hypothèse que les personnes anorexiques auraient un niveau trop élevé de sérotonine dans le cerveau qui les rendrait anxieuses.La privation de nourriture permettrait d’équilibrer le niveau de sérotonine dans le cerveau.

C’est seulement durant les 5-10 années passées que les chercheurs ont commencé à reconnaitre qu’il existait des chevauchements entre l’autisme et l’anorexie. Ces recherches étant récentes, on ne sait pas avec précision combien de personnes sont concernées.

Jennifer Wildes, qui dirige le Centre Universitaire de Pittsburgh pour  Overcoming Problem Eating pense que le nombre de personnes étant à la fois touchées par l’autisme et l’anorexie est probablement faible. De plus, elle remarque que les symptômes liés aux traits autistiques notamment les interactions sociales, s’améliorent une fois que la personne a guéri de l’anorexie. Cela montre que ces difficultés sont plus liées à l’anorexie qu’à l’autisme. Elle a vu des centaines de patients dans la clinique où elle travaille et ne pense pas que le lien entre l’autisme et l’anorexie soit si commun.

N. Zucker et W. Mandy estiment le nombre de personnes anorexiques qui ont également un diagnostic d’autisme entre 5 à 10 % des personnes anorexiques. Mais ils observent aussi que même en l’absence d’un diagnostic commun entre l’autisme et l’anorexie, les personnes anorexiques partagent un certains nombres de traits autistiques comme la difficulté à se faire des amis ou à interpréter les indices sociaux. Cela affecte suffisamment le fonctionnement de la personne pour compromettre ces chances de guérison.

 

Quelles solutions pour les personnes concernées par l’autisme et l’anorexie ?

Comme il existe peu de connaissances sur les personnes autistes et anorexiques, il est difficile de trouver des professionnels qui prennent en compte ces deux fonctionnements et amènent la personne à sortir du cercle de la privation de nourriture. Les personnes concernées par l’autisme et l’anorexie rencontrent beaucoup de psychologues et de psychiatres, sans que ceux-ci soient en capacité de mettre en place un accompagnement adapté. Selon Craig Johnson, directeur de la clinique Eating Recovery Center à Denver, la clé est de prendre en compte les traits autistiques dans l’accompagnement de ces personnes en privilégiant notamment les interventions individuelles plutôt qu’en groupe.

Il dit que :

We always had this subset of patients who didn’t do very well in group therapy, and our response was, ‘Well, let’s put them in more groups,’ It just alienated them even more; now we know better.

 

Traduction libre : “Nous avons toujours ce sous-groupe de patients qui ne se débrouille pas très bien en thérapie de groupe, et notre réponse est ‘Bien, mettons les dans plus de thérapies de groupe’, cela les aliène encore plus, maintenant nous comprenons mieux pourquoi».

Plusieurs solutions ont été trouvées pour accompagner les personnes concernées par l’autisme et l’anorexie, comme proposer un plus petit choix de nourriture ou clarifier les attentes et les règles.

Le fait de ne pas prendre en compte les traits autistiques de ces patients peut mener à des mauvais traitements. Un jeune patient concerné par l’autisme et l’anorexie explique que lorsqu’il a été hospitalisé, le personnel lui a confisqué tous les objets qui lui permettaient une stimulation sensorielle et a fermé à clé la porte de la salle de bain alors que c’était l’endroit où il pouvait se réfugier pour se rassurer. Privé de ces deux moyens de régulation qui ne lui nuisaient pas, il n’a trouvé d’autre solution que de pratiquer l’automutilation pour calmer ses pics d’anxiété.

Les chances de se remettre varient avec l’âge. Une étude intitulée « Effects of autisms pectrum disorders on outcome in teenage-onset anorexia nervosa evaluated by the Morgan-Russell outcome assessment schedule : a control led community-based study », menée par C. Gillbert et publiée dans la revue Molecular Autism en 2015 montre que les adolescents concernés par l’autisme et l’anorexie ont autant de chance de guérir de l’anorexie que les personnes uniquement anorexique. Par contre, ils ont plus de chance de développer d’autres pathologies psychiatriques.

Holly a eu un diagnostic tardif d’autisme à 41 ans et a passé une partie de sa vie à lutter avec la privation de nourriture qu’elle s’infligeait à elle même. Depuis son diagnostic d’autisme, elle a pu adapter son accompagnement avec la psychologue qui la suivait et a regagné du poids sans le reperdre plus tard. Elle a aussi été plus attentive aux attitudes et aux comportements de son fils, qui a lui aussi pu être diagnostiqué comme autiste. Cependant, il a développé les mêmes habitudes alimentaires que sa mère. Il est rassasié seulement après quelques bouchées et a perdu beaucoup de poids.

I had to use what I had learned to help him learn to eat regularly even if he didn’t feel hungry or got full. I taught him how to read labels to make sure what he was picking had enough calories. It took a year, but now he’s back to growing as he should be. No one ever did this for me.

 

Traduction libre : Je devais utiliser ce que j’avais appris pour l’aider à apprendre à manger régulièrement, même s’il n’avait pas faim ou était rassasié. Je lui ai appris à lire les étiquettes pour s’assurer que ce qu’il choisissait avait assez de calories. Il a fallu un an, mais maintenant il est de retour à la croissance qu’il devrait avoir. Personne n’a jamais fait ca pour moi .

 

Pour illustrer cet article de manière plus vivante, je vous propose de lire le témoignage d’Aspipistrelle que vous trouverez en consultant le lien suivant :

https://aspipistrelle.wordpress.com/2017/06/25/elle-est-entree-sans-frapper-lanorexie/

 

Source :

The invisible link between autism and anorexia, Spectrum News, Carrie Arnold, février 2016

Le blog d’Aspipistrelle




Le coût des stratégies de compensation pour les enfants autistes

Les enfants autistes ont souvent des difficultés pour comprendre les pensées d’autrui, cela s’appelle la théorie de l’esprit. Pour compenser cela ils mettent en place des stratégies de compensation, comme écrire mentalement des dialogues, afin de correspondre aux attentes des situations sociales auxquelles ils doivent faire face. Mais ces stratégies ont un prix. Une étude récente ( Livingston L.A. et al. J. Child Psychol. Psychiatry Epub ahead of print 2018) montre que cela entraine plus d’anxiété chez ces enfants.

Les enfants qui mettent en place ces stratégies de compensation ont plus des résultats plus élevés aux tests d’intelligence verbale et dans les fonctions exécutives.

Les stratégies de compensation sont utiles pour les personnes qui ont de faibles compétences en théorie de l’esprit. La théorie de l’esprit peut se résumer par la capacité à percevoir les désires et les intentions d’autrui.

Lucie Livingston une étudiante diplômée du laboratoire en charge de cette étude dit que :

 We think these people are quite good at compensating for their difficulties with theory of mind, (…) [But] evidence suggests there could potentially be some kind of negative consequence to compensating

Traduction libre : Nous pensons que ces personnes sont assez bon pour  compenser leurs difficultés en théorie de l’esprit (…) mais les preuves suggèrent qu’il pourrait potentiellement y avoir une sorte de conséquence négative à la  compensation »

Les recherches suggèrent que les cliniciens devraient identifier les enfants qui mettent en place ces stratégies afin de leur proposer des thérapies leur permettant d’alléger le niveau l’anxiété.

L’étude dont il est question a inclus 136 enfants autistes ou avec des traits autistiques âgés entre 10 et 15 ans qui font partie d’une plus grande étude intitulée Social Relationships Study au Royaume Unis. Les chercheurs ont évalué les traits autistiques des enfants en ce servant de l’ADOS, une échelle d’évaluation de l’autisme reconnu comme efficiente par les cliniciens.

Les enfants et les parents ont également rempli un questionnaire permettant d’évaluer leur niveau d’anxiété. Ils ont également passé des tests pour évaluer leur intelligence verbale et non verbale, le niveau de théorie de l’esprit et les compétences dans les fonctions exécutives. Environ la moitié des enfants qui ont des difficultés en théorie de l’esprit montrent pourtant de bonnes compétences sociales à l’ADOS. Si ce résultat semble contradictoire à première vue, il signifie en réalité que ces enfants ont réussis à compenser leur difficulté en théorie de l’esprit à un niveau leur permettant de mieux performer dans les compétences sociales évaluées par l’ADOS.

Il est à noter que ces enfants ont en moyenne un score de 93 au QI verbal, soit 9 points de plus que l’ensemble des enfants. Ces enfants ont également un taux d’anxiété plus élevé que les autres enfants. Les chercheurs n’ont trouvé aucune corrélation entre le genre et la mise en place de stratégie de compensation, contrairement à de nombreuses études antérieurs. Cela peut s’expliquer par le très faible nombre de filles dans l’échantillon (112 garçons pour 24 filles).

Les chercheurs ne savent pas à quel point les stratégies de compensation sont une technique répandu chez les personnes autistes, ni qui est plus à même de la mettre en oeuvre.

Ces résultats sont préliminaires et sont uniquement basés sur des observations en laboratoire. Or les stratégies de compensation développées dans la vie réelle peuvent être différentes. Les chercheurs ont donc prévus de poursuivre leur travail en situation réelle comme dans la cour de l’école ou en classe.

Un des objectifs consisterait à mesurer si les personnes autistes considèrent que les avantages sociaux obtenus par la compensation valent le coût par rapport à l’énergie dépensée et l’anxiété mesurée.


Source :

Use of certain social strategies linked to anxiety in autism, Spectrum News, Brianna Abbott, Mai 2018