La représentation du corps chez les personnes autistes

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L’autisme est une particularité qui se définie par deux critères principaux qui constituent la dyade autistique :

  • Troubles de la communication et des interactions sociales
  • Comportements répétitifs et restreints

Ce sont ces deux aspects de l’autisme qui ont été les plus étudiés par la communauté scientifique. Il y a peu d’études s’intéressant à la représentation du corps chez les personnes autistes. Celle-ci peut se définir comme la conscience qu’une personne a de son propre corps (Paillard 1999).

Plusieurs témoignages de personnes autistes sans déficience intellectuelle comme Donna Williams, Moko Komichi ou Temple Grandin montrent un rapport au corps particulier. Ils évoquent le fait de ne pas percevoir certaines parties de leur corps si elles ne sont pas visibles ou d’être en décalage entre leur corps réel et l’image qu’ils en ont (par exemple : avoir l’impression que les jambes sont plus longues ou plus courtes qu’elles ne le sont réellement).

En plus de ces différents témoignages, des études ont montré que les personnes autistes avaient un rapport au corps différent :

  • Cook et al. 2013 : les personnes autistes ont des capacités motrices atypiques.
  • Cascio et al. 2012; Paton et al. 2012 : les personnes autistes ont une faible intégration des informations visuo-tactiles et proprioceptives de leur corps
  • Noel et al. 2017 : les personnes autistes ont des difficultés avec l’espace personnel d’autrui. Ils se tiennent soit trop prés et violent l’espace des autres personnes soit au contraire se tiennent trop éloignés des personnes. Cela pourrait s’expliquer par la difficulté de reconnaitre la taille de son corps et de celui des autres.

Une étude comparative (Kosuke Asada, Yoshikuni Tojo, Koichiro Hakarino, Atsuko Saito, Toshikazu Hasegawa, ShinichiroKumagaya, 2017) a été menée sur 17 personnes autistes et 17 personnes non autistes (âge moyen 17 ans, tous des hommes) sans déficience intellectuelle. Celle-ci révèle que les représentation du corps chez les personnes autistes sont en décalage avec la réalité de ce corps.

Ils ont demandé aux deux groupes d’estimer la taille de leur corps, notamment en mesurant la largeur de leurs épaules. Les résultats montrent que le groupe de personnes non autistes estime de manière plus précise la largeur de leurs épaules que le groupe de personnes autistes. De plus, ils ont pu démontrer que plus les traits autistiques étaient marqués chez les individus (score plus élevé au test ADOS) moins précise était la mesure de la largeur des épaules. Dans la première expérience cette mesure était surévaluée, dans la seconde expérience elle était sous évaluée. Les individus avec des traits autistiques moins marqués ont mesuré un peu plus précisément la largeur de leurs épaules.

Cette étude tend à confirmer le fait que les personnes autistes n’ont pas une image de leur corps en adéquation avec la réalité de celui-ci.  Ce manque de conscience du corps peut empêcher les personnes autistes de bien mesurer la largeur de leurs épaules et mésestimer la taille de leur corps.

D’autres études complémentaires devraient être menées sur des échantillons plus larges et en incluant la mesure d’autres parties du corps (le torse, les bras, les jambes…) afin de confirmer ou non les résultats trouvés dans cette étude.

L’étude de la représentation du corps chez les personnes autistes devrait aussi être croisée avec les études sur les perceptions sensorielles. Ces recherches ont montré que les personnes autistes avaient une perception sensorielle différente des personnes non autistes et il serait intéressant de voir comment les hyper/hypo sensibilités ressenties par les enfants autistes dans la petite enfance au moment de la construction de la représentation du corps influence la représentation qu’ils ont de leur corps.

Certaines études (Råstam 2008; Schreck et al. 2004) montrent que des désordres alimentaires sont souvent retrouvés chez les personnes autistes et Simon Baron-Cohen a démontré qu’il existait des similarités entre les troubles anorexiques et la condition autistique. Il semble y avoir un lien partiel entre ces deux troubles mais les mécanismes étiologiques partagés par ces deux conditions demeurent flous.

Cette étude a montré que même les hommes autistes ont une image faussée de leur corps. L’étude de l’image corporelle chez les individus avec TSA peut fournir de nouvelles perspectives sur la relation entre les différences de genre et la perturbation de l’image corporelle étant donné que les TSA surviennent plus fréquemment chez les hommes alors que l’anorexie mentale se produit plus fréquemment chez les femmes (avec un ratio homme/femme de 1: 3-1: 12, Raevuori et al. 2014).

Cette étude ne comporte que des hommes, il faudrait inclure aussi des femmes et voir s’il existe des différences de genre dans la représentation du corps chez les personnes autistes.

Vous trouverez l’étude complète sous la référence suivante : Brief Report : Body Image in Autism : Evidence from Body Size Estimation, Kosuke Asada, Yoshikuni Tojo, Koichiro Hakarino, Atsuko Saito, Toshikazu Hasegawa, Shinichiro Kumagaya, Journal of Autism and Developmental Disorders, Volume 48, Issue 2, February 2018

Cet article a 5 commentaires

  1. ADRIANA NICOLETTI

    Super! Merci beaucoup.
    Adriana

  2. Algayon

    En attente d’un diagnostique qui n’ arrivera probablement pas avant quelques annee quand j’aurais dépassé la cinquantaine, toutes ces études sur lesquelles je suis tombé quand j’avais tapé sur le clavier de mon smartphone « la solitude chez les personnes autistes », me parlent et j’en note sur mon cahier actuel certains passages comme par exemple la différence entre la conscience que j’ai de ma taille par rapport a celle des autres et la réalité : je crois que ça m’avait donné envie des mon deuxième cours préparatoire, d’explorer le monde et de sortir de ma bulle à une époque (les années 70) ou l’autisme avait une connotation péjorative, surtout en france… Je vous remercie chaleureusement pour vos études scientifiques sur le mystère de l’autisme.
    Moise ALgayon

    1. Phantom

      Je suis contente que vous trouviez un intérêt dans les résumés d’articles scientifiques que je fais. Je suis toujours contente de partager ma passion avec des personnes intéressées. Bon courage pour le diagnostic, ca n’est pas une étape facile, surtout quand il est tardif !

      1. delfine

        En effet!j’ai 51 ans et posé un auto-diagnostic il y a 10 jours-validé aussitôt par mes proches-mais est-il besoin d’un « permis officiel » d’être autiste? qu’est ce que cela peut apporter? Merci!

        1. Phantom

          tout dépend de vos difficultés, parfois un diagnostic peut permettre de mieux travailler dessus en identifiant précisément les points où votre fonctionnement vous met en difficulté. Cela peut vous permettre aussi de mieux comprendre certains moments de votre passé. Mais après la décision d’un diagnostic par des professionnels est très personnelle et dépend de chaque personne et de ses besoins. Si pour l’instant un auto diagnostic vous suffit, c’est très bien. Vous verrez par la suite si vous avez besoin d’une confirmation par un professionnel. Bonne continuation 🙂

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