Cet article ne traite pas directement de l’autisme mais d’une problématique qui y est liée : celle des proches aidants. Les proches (parents, conjoint.e, frères et sœurs…) de personnes autistes sont des proches aidants et sont potentiellement concernés par la mise en place de la stratégie de mobilisation et de soutien des proches aidants.
Dévoilée en octobre 2019, celle-ci est la première à être déployée en France et les mesures prendront effet entre 2020 et 2022. Le premier ministre Edouart Philippe a demandé aux ministres Agnès Buzyn (ministre des solidarités et de la santé) et Sophie Cluzel (Secrétaire d’Étatauprès du Premier ministre,chargée des Personnes handicapées)
d’élaborer une véritable politique publique à destination des proches aidants.
Edouart Philippe
Aidant(e) : « Personne qui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne d’une personne en perte d’autonomie, du fait de l’âge, de la maladie ou d’un handicap. » Article 51 de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement
Voici une infographie qui résume quelques informations chiffrées sur les proches aidants :
Six priorités ont émergé de cette stratégie à destination des proches aidants et sont déclinées en 17 mesures et 400 millions d’Euros sont fléchés.
1. Rompre l’isolement des proches aidants et les soutenir au quotidien dans leur rôle
54% des aidants n’ont pas conscience de leur rôle. Ils aident volontiers un proche, surtout si c’est une personne de la famille. C’est souvent lorsque la relation d’aide devient plus importante en temps que les personnes émettent le besoin de partager leurs difficultés avec autrui.
4 mesures vont être mises en place :
Mesure N°1 → La mise en place d’un numéro téléphonique national (2020).
Mesure N°2 → La création d’un réseau de lieux d’accueil labellisés « Je réponds aux aidants ».
Mesure N°3 → La création d’une plateforme numérique « Je réponds aux aidants » (d’ici 2022).
Mesure N°4 → La diversification et le déploiement des offres d’accompagnement par des professionnels et des pairs dans tous les territoires (d’ici 2022).
2. Ouvrir de nouveaux droits sociaux aux proches aidants et faciliter leurs démarches administratives
61 % des aidants travaillent. Des mesures vont être prises pour compenser la perte où la réduction du temps de travail qui sont souvent subies par les proches aidants.
Mesure N°5 à 8 → Le congé de proche aidant indemnisé pour les salariés (octobre 2020). 43 euros par jour pour les personnes vivant en couple et 52 euros par jour pour une personne seule. D’autres améliorations de ce congé feront suite comme la suppression de l’ancienneté minimale d’un an dans l’entreprise actuellement requise pour en bénéficier.
3. Permettre aux aidants de concilier vie personnelle et vie professionnelle
Très vite, j’ai dû demander à mon employeur de passer à temps partiel puis à mi-temps pour m’occuper de mon fils Enzo, qui est handicapé à 85 %. Au bout de deux ans, je n’arrivais plus à concilier mon travail avec tous les rendez-vous que je devais prendre pour Enzo. Bien entendu, il y a les aides financières, mais je me fais du souci pour l’avenir : que se passerait-il si je voulais reprendre un travail ? Est-ce que je suis condamnée à ne plus jamais travailler ?
Sylvie*, proche aidante de son fils Enzo de 9 ans.
Mesure N°9 → L’assouplissement du congé de présence parentale et de l’allocation journalière de présence parentale, qui pourront être pris de façon fractionnée, par demi-journées, dès janvier 2020.
Mesure N°10 → Une meilleure reconnaissance de l’expérience acquise en tant que proche aidant, en 2021.
Mesure N°11 → Le soutien aux proches aidants inscrit dans les thèmes de négociations obligatoires dans les entreprises, en 2020.
4. Accroître et diversifier les solutions de répit
Cet axe de travail vise à proposer des solutions de répit aux aidants afin d’éviter un phénomène de fatigue, voir d’épuisement qui résulte de l’accompagnement d’un proche.
Cela fait dix ans que je n’ai pas pris de vacances. Je sais que je devrais faire les choses autrement, que je devrais faire confiance à des professionnels pour prendre le relais par moment, mais je n’y arrive pas.
Lionel, aidant de son frère Michel, 52 ans, en situation de handicap*.
Mesure N°12 → Le lancement d’un plan national de renforcement et de diversification des solutions de répit, adossé à un financement supplémentaire de 105 M€ sur la période 2020 – 2022.
Celui-ci consiste à :
- Renforcer les capacités d’accueil des plateformes de répit
- Le développement de l’accueil temporaire
- Le déploiement de solutions de répit innovantes par des partenariats secteur public-privé
- Dispositif de relayage à domicile
- Information des proches aidants sur les dispositifs proches de chez eux grâce à un site internet et dans des lieux labélisés « Je réponds aux aidants »
L’accès au dispositif d’accueil d’urgence sera simplifié pour les personnes en situation de handicap. Aujourd’hui elle ne peut être obtenu que par une orientation spécifique de la MDPH qui peut mettre plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour prendre en compte la demande.
Pour les familles ayant des enfants en situation de handicap une expérimentation sera mise en place en 2020 visant à favoriser les vacances dans les centres de vacances de « droit commun ».
5. Agir pour la santé des proches aidants
Les proches aidants peuvent avoir plus de difficultés liées au stress et à la fatigue du fait de leur rôle d’aidant. Ils peuvent aussi avoir moins de temps à consacrer à leur propre santé car ils sont préoccupés par celle de leur proche âgé, malade et / ou handicapé.
Mesure N°13→La compréhension des risques qui pèsent sur la santé des proches aidants, à travers une enquête de Santé publique France en 2020.
Mesure N°14→L’instauration d’un « réflexe proches aidants » chez les professionnels de santé ou d’accompagnement à compter de 2020.
Mesure N°15 →L’identification du rôle de proche aidant dans le dossier médical partagé en 2020.
6. Epauler les jeunes aidants
40 % des jeunes aidants ont moins de 20 ans et 13 % ont entre 13 et 16 ans.
Mesure N°16→La sensibilisation des personnels de l’Éducation nationale, pour repérer et orienter les jeunes aidants.
Mesure N°17→L’aménagement des rythmes d’étude (condition d’assiduité et examen) pour les étudiants aidants, dès fin 2019.
7. Les limites de cette stratégie
Si ces mesures permettent de véritables avancées sociales pour les proches aidants, l’APF souligne quelques points de vigilance :
1. Indemnisation du congé de proche aidant et non rémunération. C’est-à-dire que la somme est fixe, quelque soit le salaire d’origine.
2. Ce congé n’est indemnisé que 66 jours alors que la durée maximale de celui-ci est de 90 jours.
3. Il faudra également voir si celui-ci est pris en compte dans le calcul de la retraite (débat renvoyé à la loi sur les retraites).
4. Concernant les jeunes aidants, les mesures d’aménagement sont proposées pour les étudiants, mais les lycéens ne sont pas pris en compte.
En plus de cette analyse de l’APF, j’ajouterais à mon sens que certaines mesures de cette stratégie semblent davantage répondre aux problématiques des aidants ponctuels, comme les personnes accompagnant une personne âgée et/ou malade. Les solutions proposées sont peu pérennes et correspondent moins aux personnes accompagnant une personne en situation de handicap qui nécessitera une aide sur du plus long terme, voir toute sa vie.
De plus cette stratégie n’aborde pas le cas particulier des personnes elles mêmes handicapées et/ou âgées qui sont proches aidants. Comme par exemple les parents handicapés qui ont des enfants en situation de handicap, qui sont doublement fragilisés : par leur handicap et par l’épuisement lié au rôle d’aidant.
Références :
Dossier de presse de la Stratégie nationale Stratégie de mobilisation et de soutien des proches aidants
Article de l’Association des Paralysés de France : Stratégie nationale des proches aidants des avancées…encore timides pour certaines.
Merci pour cet excellent site. Autre problème : aucune prise en compte de l’aidant qui créé son emploi pour rester près de son proche en situation de handicap. Aucune prise en compte y compris si travailler est un challenge quotidien impliquant des nuits de sommeil écourtées et un repos inexistant.
Oui, malheureusement les difficultés des aidants sont encore peu prises en compte et ils doivent souvent renoncer à leur emploi, sans compensation des pertes financières que cela occasionne.