
Cet article est le résumé de l’étude The misnomer of ‘high functioning autism’: Intelligence is an imprecise predictor of functional abilities at diagnosis (Le terme trompeur « d’autisme de haut niveau » : l’intelligence est un prédicteur imprécis des capacités fonctionnelles au moment du diagnostic), dont vous trouverez les références complètes en bas de pages. Elle montre que l’emploi du terme « autisme de haut niveau » est un mauvais descripteur clinique lorsqu’il est uniquement basé sur le QI et ne doit pas être utilisé dans les pratiques cliniques ou de recherche actuelles pour déduire les capacités fonctionnelles des personnes autistes.
Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est le terme général qui désigne les troubles neurodéveloppementaux caractérisés par des difficultés d’interaction sociale, de communication verbale ou non verbale, des comportements répétitifs et/ou des intérêts spécifiques et/ou des particularités sensorielles (American Psychiatric Association, 2013; Organisation mondiale de la Santé, 1992 ).
Bien que toutes les personnes autistes répondent aux critères de base pour recevoir un diagnostic, les estimations fonctionnelles restent très variables. «Autisme à haut niveau de fonctionnement» ou « autisme de haut niveau » est un terme souvent utilisé pour les personnes diagnostiquées qui ont un quotient intellectuel (QI) estimé à 70 ou plus. Le terme est apparu pour la première fois dans les années 1980, se référant spécifiquement aux personnes sans déficience intellectuelle (DI) modérée à sévère ou ayant un QI ⩾ 70 (Ameli, Courchesne, Lincoln, Kaufman et Grillon, 1988; DeLong& Dwyer, 1988; Lincoln, Courchesne, Kilman, Elmasian et Allen, 1988; Szatmari, Bartolucci, Bremner, Bond et Rich, 1989).
Ce terme n’est pas formellement une catégorie dans les manuels diagnostics, pourtant il est largement utilisé et parfois de manière interchangeable avec le terme syndrome d’Asperger.
Au fil du temps, le terme « haut niveau de fonctionnement » est devenu un synonyme d’attentes plus élevées dans certains domaines comme le langage, de QI plus élevé, de profils de symptômes plus légers et de meilleurs résultats à long terme, malgré une quantité importante de recherches démontrant le contraire (Fein et al., 2013; Howlin, 2003; Howlin, Savage, Moss, Tempier et Rutter, 2014).
Les résultats longitudinaux varient également considérablement au sein des individus de «haut niveau de fonctionnement», allant de l’isolement social, du chômage et d’une autonomie limitée, à la réalisation de relations sociales significatives, d’accès à l’emploi et à une plus grande autonomie (Magiati, Tay et Howlin, 2014).
L’augmentation importante de l’utilisation du terme «autisme de haut niveau» au cours de la dernière décennie dans le cadre de la recherche est plus nette si on la compare à l’utilisation relativement limitée des termes «sans déficience intellectuelle» ou «autisme de faible niveau de fonctionnement» (voir figure 1). On note que l’emploi du terme adiminué ces dernières années, mais de nombreux chercheurs l’utilisent encore dans le cadre de publications scientifiques.

Pour évaluer le niveau de fonctionnement d’une personne (qui fait souvent allusion aux comportements adaptatifs), les chercheurs se basent sur les compétences sociales et l’autonomie dans la vie quotidienne.
Ces compétences sont catégorisées dans plusieurs domaines : la communication verbale et non verbale, la socialisation (développer et maintenir des relations), les actes de vie quotidienne (participer à la communauté, prendre soin de soi).
Les personnes autistes ont souvent de moins bons résultats dans le domaine des comportements adaptatifs par rapport à la population générale ou aux personnes ayant d’autres conditions développementales (Carter et al., 1998; Kenworthy, Case, Harms, Martin, & Wallace, 2010; Kraijer, 2000; Liss et al., 2001; Mouga, Almeida, Café, Duque, & Oliveira, 2015; Perry, Flanagan, Geier, & Freeman, 2009).
Si dans la population générale les scores entre le niveau cognitif et le niveau de fonctionnement adaptatif sont corrélés, ca n’est pas le cas pour les personnes autistes dont le score de fonctionnement adaptatif a tendance à être moins élevé (Duncan & Bishop, 2013; Kenworthy et al., 2010).
Cette différence entre le QI et le fonctionnement adaptatif a été constatée chez les personnes avec un QI plus élevé (Bölte&Poustka, 2002; Freeman et al., 1991; Klin et al., 2007; Kraper, Kenworthy, Popal, Martin, & Wallace, 2017; Tillmann et al., 2019) mais pas systématiquement chez les personnes avec un niveau cognitif moins élevé ou avec une déficience intellectuelle (Bölte&Poustka, 2002).
Dans beaucoup de pays, le niveau de soutien dont bénéficient les personnes autistes est au moins partiellement basé sur une évaluation du niveau cognitif (Bowen, 2014).
L’objectif de cette étude est d’examiner les liens entre le fonctionnement adaptatif et le QI, parmi un échantillon de personnes ayant un diagnostic d’autisme.
Les différents outils de mesure utilisés :
- Pour mesurer le fonctionnement adaptatif : c’est la VABS ou échelle de Vineland qui a été utilisée. Elle permet d’évaluer les domaines de la communication, la vie quotidienne, la socialisation, les compétences motrices.
- Pour mesurer le fonctionnement cognitif plusieurs outils standardisés ont été utilisés : l’échelle de Bayley, l’échelle de Stanford-Binet, les échelles de Mullen, la WISC, la WPPSI, et l’échelle du développement mental de Griffith
Les données de la VABS et du QI ont été collectées lors de la réalisation du diagnostic d’autisme entre 1999 et 2017.
L’échantillon n = 5941 personnes autistes diagnostiquées selon le DSM-4 ou 5 en fonction de la date du diagnostic. Après exclusion de certains dossiers ne contenant pas assez d’information ou ayant des critères d’exclusion, l’échantillon final contient 2225 personnes. Il est divisé en deux groupes : les personnes sans DI = 1184 et les personnes avec DI = 1041.
17.3% des personnes sont des femmes sans déficience intellectuelle, 19.1 % sont des femmes avec DI.
Les jeunes avec déficience intellectuelle associée étaient diagnostiqués significativement plus tôt que les jeunes sans DI. 83.9 % des personnes dans le groupe avec DI ont été diagnostiquées avant 5 ans contre 58.9 % pour les jeunes sans DI.
Résultats
Il s’agit de la plus grande enquête sur la relation entre le fonctionnement adaptatif et le QIqui ait été réalisée chez les personnes autistes. Lesrésultats confirment que bien qu’il y ait une association entre le fonctionnement adaptatif et le QI, l’âge au moment du diagnostic explique une plus grande proportion de variance des scores adaptatifs que le QI seul. Pour tous les domaines sauf la communication, le QI n’était qu’un faible prédicteur du fonctionnement adaptatif, et l’ajout de l’âge du diagnostic a amélioré la capacité de prédiction des modèles.
Des études antérieures comparant les différences adaptatives moyennes entre les échantillons de personnes autistes et non autistes ont systématiquement trouvé un fonctionnement adaptatif global moins élevé chez les personnes autistes et des corrélations positives des scores de l’échelle de Vineland avec le QI (Kanne et al., 2011; Kenworthy et al., 2010; Klin et al., 2007; Mouga et al., 2015; Perry et al., 2009). Plus récemment, des études de grande envergure, regroupant des données provenant de sources multiples ont confirmé que l’âge a un impact sur le fonctionnement adaptatif chez les personnes autistes (Chatham et al., 2018).
L’étude confirme les résultats précédents et montre qu’il y a des besoins importants liés au fonctionnement adaptatif pour les personnes autistes.Ces besoins doivent être mis en avant au moment de l’évaluation diagnostique, lors de laquelle les besoins de services cliniques sont les plus susceptibles d’être identifiés.
Les résultats de cette étude soulignent également l’âge comme un modérateur important du comportement adaptatif.
L’écart entre le QI et le fonctionnement adaptatif ne diminue pas avec l’âge.
Les attentes des enfants autistes plus âgés peuvent être différentes de celles des enfants plus jeunes.Les professionnels qui effectuent des évaluations adaptatives peuvent estimer que les comportements ne sont pas atteints en raison d’attentes différentes par rapport à l’âge et aux capacités cognitives d’un individu.
De plus, les attentes des individus à mesure qu’ils grandissent sont d’atteindre une plus grande indépendance dans les compétences évaluées dans ces types d’instruments qui mesurent les compétences fonctionnelles, ce qui peut être particulièrement difficile pour les personnes autistes.
Alternativement, le retard dans les capacités fonctionnelles chez les enfants sans DI peut être dû à un rythme plus lent d’acquisition des compétences, ce qui est plus évident à mesure que les enfants grandissent.
Combiné au fait que les enfants sans DI sont diagnostiqués beaucoup plus tard que ceux avec DI, ces résultats soulignent la nécessité d’évaluations adaptatives fonctionnelles au moment du diagnostic pour guider la mise en place d’interventions efficaces (Tomanik, Pearson, Loveland, Lane et Shaw, 2007).
L’utilisation arbitraire des seuils de QI comme indicateur indirect des niveaux de fonctionnement a des implications importantes surles modèles de financement et les prestations de services.
Bien qu’il existe à l’échelle internationale différents modèles financés par le gouvernement ou l’assurance maladie, ceux-ci sont largement basés sur le fait d’avoir un diagnostic d’autisme et/ou de déficience intellectuelle.
Plus récemment, certains pays sont passés à des modèles qui tiennent compte à la fois des seuils de diagnostic et des niveaux de fonctionnement pour être bénéficiaire des services. C’est le cas par exemple de l’Australie.
De nombreux États américains déterminent l’éligibilité aux services de manière explicite sur la base d’un QI inférieur à 70, plutôt que d’une évaluation fonctionnelle (Bowen, 2014). L’utilisation des seuils de QI comme indicateur indirect du fonctionnement adaptatif chez les personnes autistes qui n’ont pas de DI risque d’impliquer une répartition inéquitable des fonds et un financement inadéquat des services.
Forces et faiblesses de l’étude
Les forces de cette étude :
La taille de l’échantillon
- Les données collectées au moment du diagnostic bénéficient d’une méthode standardisée pour l’évaluation diagnostique
- Les données ont été collectées dans des centres d’évaluation publics et privés plutôt que dans un cadre uniquement dédié à la recherche, ce qui permet de généraliser davantage les résultats.
Les faiblesses de cette étude :
- Des versions différentes de l’échelle de Vineland à travers les années et une multitude d’outils d’évaluation du QI
- Pas de possibilité d’analyse les différences entre DSM 4 et 5 car il y avait un nombre insuffisant de diagnostics récents
- Les données ont été collectées sur plus de 20 ans et il y a sans doute eu des changements dans les pratiques d’évaluation
Conclusion
Sur la base de ces résultats, nous soutenons que l’emploi du terme « autisme de haut niveau » est un mauvais descripteur clinique lorsqu’il est uniquement basé sur le QI et ne doit pas être utilisé dans les pratiques cliniques ou de recherche actuelles pour déduire les capacités fonctionnelles des personnes autistes.
L’utilisation du terme « haut niveau de fonctionnement » ou « autisme de haut niveau » peut être doublement pénalisante : en refusant des soutiens à ceux qui sont présumés avoir une plus grande capacité fonctionnelle basée sur le QI et en même temps en restreignant davantage les possibilités d’autonomie à ceux classés comme «à faible fonctionnement» (den Houting, 2019).
Au lieu de cela, les chercheurs et les cliniciens devraient s’efforcer d’articuler des phénotypes spécifiques, que ce soit dans le contexte des évaluations diagnostiques, de la planification des interventions ou des recherches. La délimitation de sous-types spécifiques et leur effet sur le fonctionnement permettrait d’avoir une vision plus globale des compétences de la personne. Cela peut être le cas en spécifiant par exemple les caractéristiques cognitives (présence ou absence de DI) ainsi que le niveau de langage (par exemple, minimalement verbal ou courant), ou d’autres conditions diagnostiquées.
Les résultats soulignent également la nécessité d’évaluations diagnostiques complètes qui intègrent des évaluations fonctionnelles pour guider la mise en place de prestations de services et d’allocation de financement (Whitehouse et al., 2018).
Les résultats actuels suggèrent que les chercheurs et les cliniciens devraient abandonner les descripteurs catégoriels binaires «haut / bas fonctionnement» pour une meilleure compréhension de la variété des profils fonctionnels et cognitifs qui se manifestent à travers le spectre de l’autisme et des besoins de soutien spécifiques requis pour maximiser les opportunités individuelles et les potentiels.
Référence : The misnomer of ‘high functioning autism’: Intelligence is an imprecise predictor of functional abilities at diagnosis, Alvares GA, Bebbington K, Cleary D, et al. Autism. 2020;24(1):221‐232.
comment faire le diagnostic différentiel de l’autisme de haut niveau et le Haut potentiel?
Il existe des tests spécifiques qui mesurent l’autisme indépendamment du niveau intellectuel comme l’ADOS, les échelles de Vineland ou l’ADI. Quand vous faite un bilan diagnostic pour l’autisme, ils tests l’autisme et le QI (avec la Wais ou la Wisc) pour avoir une image globale du fonctionnement de la personne
Bonjour,
J’ai été diagnostiqué Autiste Haut-Niveau en mars 2012. Dois-je repasser le diagnostic? Je suis malentendant depuis enfant et j’ai 53 1/2 ans. Au début de ce terme ou je trouvais ma classification imposteur de l’asperger. J’ai mis des années pour me familiariser si j’étais Autiste ou autre. Maintenant, suite à votre article, je suis perturbé et je consulte souvent ma psychologue clinicienne lorsque je suis envahie de mes émotions. Je crois que je suis une erreur de la nature et j’ai toujours recherché ma véritable identité par rapport à mon fonctionnement qui fait peur aux gens.
Agastache vôtre
Un chocolat
Bonjour,
Je suis sincèrement désolée que cet article ait eu un effet aussi négatif sur vous. En fait l’article ne remet pas du tout en cause l’autisme de haut niveau, mais cherche à mettre en garde contre une vision trop idyllique de l’autisme sans déficience intellectuelle, qui peut être dans l’esprit des gens synonyme de succès et de réussite dans tous les domaines. Alors que bien souvent la réalité est toute autre : les personnes autistes sans déficiene intellectuelle se débattent avec des difficultés dans le quotidien et dans la vie sociale et n’ont parfois malheureusement pas les aides adaptées parce que l’on considère qu’ils ont un bon QI et devraient s’en sortir sur ce seul critère. J’espère que ces explications vous apaiseront, votre diagnostic n’est absolument pas remis en compte, ni votre légitimité ou votre identité 🙂
Bonjour,
Notre fils entre pleinement dans cette catégorie d’enfants, dont le pédopsychiatre parle, en terme « d’autisme de haut niveau », mais qui n’est pas toujours performant, notamment au regard des attentes de son enseignant … L’école a longtemps montré son inadaptation à notre garçon, qui a essayé de faire de son mieux, mais est demeuré catégorisé comme « étrange » ou « bizarre », objet du soupçon de « mauvaise volonté ».
Il n’a, d’après le Wisc IV, passé par la psychologue scolaire, pas de déficicence intellectuelle. Cependant, ses enseignants ont toujours remarqué la différence, mais jamais accepté l’idée qu’il puisse être véritablement « autiste ».
Nous avons toujours fait l’objet de soupçons, de parents trop « enveloppants », trop « protecteurs avec notre fils. L’appellation « asperger » comme celle d’ « autisme de haut niveau », sont probablement trop souvent associées à des performances exceptionnelles et l’on oublie que les personnes qui en sont touchées, demandent seulement à vivre une vie paisible, où leurs difficultés d’adaptation aux autres et au langage, sont prises en compte, pour leur permettre d’exister, sans avoir à porter une charge émotionnelle et intellectuelle, trop lourdes pour leurs capacités.
Pour conclure, je crois que les termes, ne sont en aucun cas des descripteurs cliniques, mais seulement des noms donnés à des catégories de personnes, qui sont loin d’être acceptées telles qu’elles sont … Et c’est fort dommage ! Mais ainsi va le raisonnement des personnes neurotypiques, le plus souvent rencontrées. Un éclairage beaucoup plus large qui ne l’est actuellement, serait nécessaire, pour favoriser leur acceptation. Les tests restent des moyens de repérage, absolument pas des moyens de reconnaissance par les autres. Chaque individu mérite d’être accepté pour ce qu’il est.
Bien à vous
PS: vos articles sont très intéressants et nous permettent de nous sentir moins isolés dans les difficultés que nous avons l’occasion de traverser. Merci
Bonjour 👋,
Vous venez de clarifier mes doutes. Cependant, je souligne que j’ai dû me débrouiller seul et parfois exubérant au risque d’être enfermé en psychiatrie par méconnaissances de certains professionnels de santé( trouble de la personnalité). J’ai continué à mettre en place des stratégies pour me nourrir du monde de la différence et de l’indifférence. Je cultive mon état d’être en explorant l’invisible et l’observation de manière à anticiper un garde fou.
Agastache vôtre
Un chocolat 🍫