L’impact de l’anxiété sur la qualité de vie chez les enfants autistes

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Cet article est le résumé d’une étude scientifique dont vous trouverez les références complètes en bas de page qui aborde l’impact de l’anxiété sur la qualité de vie des enfants autistes.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (1997) la qualité de vie (QdV) est une construction qui représente la perception qu’a un individu de son expérience et de sa satisfaction de la vie par rapport à sa culture, son système de valeurs, ses objectifs et ses attentes.

La qualité de vie est un concept multidimensionnel qui est composé des mesures du bien être émotionnel, physique et social. Il peut être mesuré directement auprès de la personne elle-même ou par l’intermédiaire d’un parent ou d’un professionnel (de Vries&Geurts, 2015).

La Qualité de Vie liée à la Santé (QVLS) est une construction subjective multidimensionnelle qui se concentre davantage sur le bien être physique ou mental qui comprend : les activités physiques, les comportements positifs vis-à-vis de la santé, le fonctionnement scolaire et le bien être psychosocial.

Les études concluent que, lorsque des mesures conçues pour les personnes au développement typique sont utilisées, la qualité de vie et la QVLS des enfants, des adolescents et des adultes autistes seraient considérablement inférieures à celles de leurs pairs au développement typique (Ayres et al., 2018; van Heijst&Geurts, 2015).

Il y a peu d’études qui s’intéressent à la QdV des enfants autistes basée sur des mesures issues d’une auto-évaluation. La plupart du temps se sont les parents ou les professionnels qui complètent les questionnaires, ce qui constitue en soi une limitation significative.

Dans leur revue des études sur la qualité de vie chez les enfants et les adolescents autistes, Ikeda et al. (2014) ont analysé la différence entre les mesures de qualité de vie estimées par les proches et auto déclarées par l’enfant. Ils ont conclu que les divergences sont à la fois présentes et importantes selon que ce soit les proches ou les enfants eux-mêmes qui répondent.

Au vu de ces conclusions et des écarts qui apparaissent entre les réponses des parents et celles des enfants eux-mêmes, les chercheurs qui étudient la qualité de vie mettent en avant l’importance d’étudier la perspective unique qu’ont les enfants de leur propre situation (Clark, Magill-Evans, & Koning, 2014; Kamp-Becker, Schroder, Remschmidt, & Bachmann, 2010; Rapley, 2003; Adams, Clark & Simpson, 2019).

Une des comorbidités les plus fréquentes avec l’autisme est l’anxiété. Le sujet avait déjà été abordé dans cet article qui montre que les adultes autistes sont davantage sujet à l’anxiété. C’est un trouble qui touche environ 40 à 60 % des personnes autistes (van Steensel, Bogels, & Perrin, 2011; White, Oswald, Ollendick, &Scahill, 2009). Mais certains traits de l’autisme et de l’anxiété étant similaires, un diagnostic peut en masquer un autre (Kerns et al., 2014).

L’anxiété a un impact important sur l’ensemble de la qualité de vie d’un enfant, pourtant peu de recherches se sont intéressées à cet aspect.

Il y a un nombre important de recherches qui explorent la relation entre anxiété et qualité de vie chez les personnes non autistes. Les études concernent davantage les adultes que les enfants.

Les études ont montré qu’il y a une diminution importante de la qualité de vie chez les personnes avec un trouble anxieux par rapport à celles qui n’ont aucun diagnostic (Mendlowicz& Stein, 2000).

Deux études récentes ont analysé les liens entre la santé mentale et la qualité de vie chez les adultes autistes. Mason et al. (2019) ont montré que les adultes autistes âgés de 55 ans et plus avec anxiété et/ou dépression ont une moins bonne qualité de vie. Smith, Ollendick, and White (2019) ont analysé les retours de 241 parents d’adultes sur le spectre, âgés entre 18 et 27 ans, et ont identifié l’anxiété comme étant un plus fort prédicteur de la qualité de vie que les caractéristiques de l’autisme.

Rappel : les caractéristiques de l’autisme sont les difficultés de communication et d’interactions sociales et les comportements répétitifs et restreints.

À la connaissance des auteurs, la seule étude ayant analysé de manière statistique les niveaux d’anxiété liés à la qualité de vie des enfants autistes tout en contrôlant les caractéristiques connues est celle de Adams, Clark et al. (2019). Les analyses de régression ont révélé que les symptômes d’anxiété de l’enfant étaient un facteur de prédiction plus fort de la QVLS que leurs caractéristiques autistiques (telles que mesurées par le questionnaire sur la communication sociale; Rutter, Bailey, &Lord, 2003).

Cependant cette étude est basée sur les dires des parents et nous avons vu précédemment qu’il peut y avoir une différence entre la perception des enfants et ce que rapportent les parents.

L’étude présentée dans cet article est la première à explorer les liens entre anxiété et qualité de vie chez les enfants autistes en analysant leur propre point de vu.

Deux hypothèses sont posées par les chercheurs :

  1. La symptomatologie de l’anxiété chez les enfants permettrait de prédire la qualité de vie autodéclarée par les enfants autistes d’âge scolaire.
  2. Les enfants qui ont signalé des symptômes d’anxiété plus élevés auraient une qualité de vie inférieure à celle des enfants qui ont présenté des symptômes d’anxiété moins graves.

Méthode pour mesurer l’impact de la’anxiété sur la qualité de vie

Cette étude a utilisé des données recueillies dans le cadre de l’étude longitudinale pour les étudiants australiens autistes (LASA).

En résumé, les parents d’enfants autistes âgés de 4 à 5 ans ou de 9 à 10 ans vivant en Australie ont été invités par le biais de cliniques et de publicités sur les médias sociaux à participer à une étude de 6 ans avec collecte de données annuelle au moyen d’une enquête en ligne.

Au cours de la troisième année de l’étude longitudinale, les 272 parents qui ont participé ont reçu des invitations pour que leur enfant remplisse un sondage facultatif en ligne sur leurs propres sentiments et expériences. Si le parent et l’enfant ont tous deux donné leur consentement, les parents ont reçu par courriel un lien vers le questionnaire d’auto-évaluation en ligne, qui pouvait être rempli en plusieurs séances si nécessaire. Les parents et les enfants ont été informés que les parents pouvaient être présents lorsque leur enfant répondait à l’enquête, mais il leur a été demandé de ne pas aider dans le choix des réponses ni d’inclure leurs propres points de vue.

Au total 83 enfants ont débuté le questionnaire mais au final seuls 73 correspondaient aux critères de sélection. L’âge moyen de l’échantillon est de 10 ans et 8 mois et il y a 81.7 % de garçons.

Voici les différents outils qui ont été utilisés dans cette étude :

  • Pour mesurer les caractéristiques de l’autisme : Le SCQ [Rutter, Bailey, & Lord, 2003] a été utilisé. C’est une liste de contrôle du comportement qui oblige les parents à indiquer la présence de certains facteurs sociaux, de communication ou concernant les comportements stéréotypés en répondant « oui » ou « non » à 40 items.
  • Pour mesurer l’anxiété des enfants : c’est l’échelle d’anxiété pour les enfants autistes – formulaire enfant (ASC-ASD-C; Rodgers et al.,2016) qui a été utilisée. Elle cible à la fois les symptômes typiques de l’anxiété et ceux spécifiques à l’autisme au travers de 24 items regroupés ensuite en 4 sous échelles.
  • Pour mesurer la qualité de vie : c’est le PedsQL 4.0 (Varni et al., 2001) permet de mesurer la qualité de vie liée à la santé par un questionnaire de 23 items. Deux versions ont été utilisées dans cette étude, une adaptée aux enfants de 5 à 7 ans et une autre adaptée aux enfants de 8 à 12 ans.

Malgré le fait que des études aient montré que les personnes autistes sont davantage concernées par les problèmes d’anxiété (van Steensel et al., 2011; White et al.,2009) et qu’elles ressentent l’anxiété différemment des personnes non autistes (Lecavalier et al., 2014; White et al., 2015), il y a peu d’études sur l’impact de l’anxiété sur la qualité de vie.

Réponses à l’hypothèse 1 : La symptomatologie de l’anxiété chez les enfants permettrait de prédire la qualité de vie auto déclarée par les enfants autistes d’âge scolaire.

Il s’avère que les enfants qui ont rapporté un niveau élevé d’anxiété ont aussi obtenu des scores moins élevés au test de qualité de vie.

Les enfants autistes ayant des scores élevé d’anxiété ont montré de moins bons scores au niveau physique, émotionnel, social et scolaire.

Parmi les caractéristiques de l’autisme, l’intolérance aux changements est le seul facteur qui aurait un impact sur la qualité de vie. Néanmoins ces résultats doivent être regardés avec prudence car certains items de l’échelle permettant de mesurer l’intolérance aux changements sont dérivés d’une échelle permettant de mesurer l’anxiété. Il peut donc y avoir un biais du fait de la construction même de ces outils.

Ces résultats ne sont pas totalement infondés non plus car la littérature rapporte souvent les stratégies que mettent en place les parents pour réduire l’exposition aux changements dans la vie des enfants (Hodgson, Freeston, Honey, & Rodgers, 2017). Des techniques d’adaptation aux changements peuvent être mises en place pour que l’enfant soit moins en difficulté car la vie est faite d’imprévus.

Comme l’ont remarqué Adams, Young, et al. (2019) ainsi que Adams, Young and Keen (2019), chaque source d’information (parents et enfants) est intéressante et est l’occasion de relever de possibles différences entre les expériences internes (par l’intermédiaire de l’auto questionnaire) et les perceptions externes (celles des parents comme observateurs extérieurs) au sujet de l’anxiété.

Les deux échelles du test ASC ASD ont montré un fonctionnement physique diminué, notamment en ce qui concerne le niveau d’énergie, la concentration, les douleurs physiques. Une meilleure information faite aux parents et aux enseignants permettrait de mieux repérer les signaux physiques de l’anxiété et donc de mieux détecter les prémisses à la maison ou à l’école, permettant de mettre en place des soutiens appropriés.

Une récente étude (Adams, Young et al., 2019) a montré qu’il existait peu d’éléments sur l’anxiété des enfants autistes à l’école, alors même qu’ils passent beaucoup de temps dans ce type d’environnement.

Dans l’étude actuelle, les scores de la sous échelle concernant l’incertitude à l’école étaient élevés, pourtant les scores à la sous échelle de l’anxiété ne l’étaient pas.

Il y a une absence de corrélation entre le test sur les caractéristiques de l’autisme (SCQ) et le test qui mesure l’anxiété (ASC ASD), ce qui est conforme aux études précédentes ayant abordé ce sujet.

Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer la relation entre les mesures de l’anxiété et d’autres mesures des caractéristiques de l’autisme telles que l’Autism Diagnostic Observation Schedule, 2e édition (Lord et al., 2012) et / ou l’Autism Diagnostic Interview, Revised (Rutter, Le Couteur, & Lord, 2003).

Réponse à l’hypothèse 2 : Les enfants qui ont signalé des symptômes d’anxiété plus élevés auraient une qualité de vie inférieure à celle des enfants qui ont présenté des symptômes d’anxiété moins graves.

Les études précédentes ont trouvé que les caractéristiques de l’autisme permettent de prédire le niveau de qualité de vie dans le domaine de la santé.

Cependant dans cette étude, les résultats montrent que l’anxiété est un facteur qui influence plus que les caractéristiques de l’autisme, le niveau de qualité de vie dans le domaine de la santé des personnes. Cela appui les résultats trouvés par Matson (Matson&Nebel-Schwalm, 2007) qui montraient que l’anxiété provoque plus de perturbation que les caractéristiques de l’autisme.

Dans l’étude présentée, le fait d’utiliser une échelle de mesure de l’anxiété adaptée aux enfants autistes étaient une vraie force car l’expression des émotions et des sentiments peut être différente chez les personnes autistes (Flynn et al., 2017; Oliver, Woodcock et Adams, 2010).

Néanmoins, l’outil de mesure de la qualité de vie a été conçu pour des enfants au développement typique. Les parents d’enfants autistes ont eu des difficultés à répondre à certaines questions, en évoquant les caractéristiques de l’autisme, plutôt que des exemples concrets portant sur la qualité de vie.

Limites de cette étude

L’étude présentée ici utilise un questionnaire en ligne pour confirmer le diagnostic d’autisme, et ne met pas en œuvre des tests directes. Cela permet d’avoir un échantillon plutôt important au regard de la problématique d’auto-évaluation. Mais c’est aussi une limite qui ne permet pas d’avoir une validation indépendante du diagnostic ni une du mesure du QI.

L’étude n’a pas de groupe témoin permettant de comparer les réponses auto-évaluées des enfants autistes avec un groupe de pairs non autistes.

En raison de la nature du recrutement del’étude longitudinale existante avec deux cohortes d’âge, il existe une distribution bimodale des âges et en raison des restrictions de taille de l’échantillon, aucune analyse n’a pu être entreprise pour chaque cohorte d’âge séparément.

Du fait de l’utilisation d’un sondage en ligne nécessitant la saisie de réponses ouvertes, il a été jugé approprié de permettre aux parents d’avoir la possibilité d’être avec leurs enfants lorsque l’enfant a répondu au sondage. Cela peut créer un biais car il n’y a aucun moyen de savoir si les enfants n’ont pas été influencés par le parents présent au moment de répondre.

À la connaissance des auteurs, il s’agit de la première étude à explorer l’impact de l’anxiété sur la qualité de vie des enfants autistes avec un questionnaire autodéclaré. Sur la base de l’auto-évaluation des enfants autistes, cette étude a mis en évidence que ce sont principalement les difficultés élevées liées à la prédictibilité qui sont associées à une qualité de vie plus faible chez ces enfants. Étant donné l’émergence de nouvelles interventions montrant des résultats prometteurs pour réduire le besoin d’immuabilité, cela peut être une piste d’amélioration pour les enfants autistes.


Using Self-Report to Explore the Relationship Between Anxiety and Quality of Life in Children on the Autism Spectrum, Autism Research, octobre 2019

Cet article a 2 commentaires

  1. Hadil

    Bonjour! Je suis la maman d’un adolescent autiste de 17 ans scolarisé avec une grande otonomie. Mais il lui reste 2 ou 3 steréotypés.

    1. Phantom

      Bonjour, ne vous inquiétez pas pour lui. Les stéréotypies font parties intégrantes du fonctionnement autistique. S’il est autonome et que ca ne le gène pas, il lui les lui laisser car ca peut être un moyen de s’autoréguler.

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